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Informations générales

Événement : 85e Congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Enjeux de la recherche

Description :

Dans le régime contemporain de production des savoirs, le modèle dominant (positiviste réaliste) de la science la présente comme l’étude objective de la réalité. Selon ce modèle, l’utilisation de la méthode scientifique garantit que ni les personnes ni les contextes n’influencent les résultats, ce qui rend ces derniers généralisables et universels. La neutralité du processus de recherche et des chercheurs est nécessaire pour garantir la scientificité — et donc la vérité — d’une connaissance. Bien que dominante dans la plupart des sciences, cette vision est vivement contestée par les études sociales des sciences ou l’histoire des sciences, mais aussi par les études féministes et postcoloniales. Ces critiques de l’idéal positiviste de la science neutre estiment plutôt que les faits et les théories scientifiques sont construits et influencés par le contexte social, culturel ou politique dans lequel travaillent les scientifiques ainsi que par les conditions matérielles de leur travail. La reconnaissance de l’ancrage social de la science rend impensable l’idée même de neutralité ou de point de vue hors de tout point de vue.

Bien qu’il soit ancien, ce débat nous semble toujours d’actualité et très éclairant pour comprendre plusieurs controverses et débats publics. Nous proposons quatre axes de réflexion : épistémologique, politique, éthique et sociétal. Le premier posera la question de la neutralité dans le travail cognitif de fabrication des connaissances. Le second discutera de l’injonction de neutralité faite aux chercheurs dont les travaux touchent à des enjeux politiques majeurs qui les invitent à prendre parti. L’axe éthique traitera de l’idée que « la doctrine de la neutralité sert avant tout à la science à s’exonérer de toute responsabilité face à ses effets » (Toulouse, 2001). L’axe sociétal abordera l’influence des rapports sociaux et des idéologies économiques sur le développement des sciences, des objets de recherche et des politiques scientifiques.

Dates :
Responsables :

Programme

Communications orales

Conférence d’ouverture

Salle : (R) 112 — Bâtiment : (R) RUTHERFORD
  • Communication orale
    Conférence d’ouverture : critique de l’amoralisme préconisé par l’injonction de neutralité en recherche scientifique
    Florence Piron (Université Laval)

    La neutralité axiologique en recherche scientifique est, pour la famille des positivistes, une condition éthique et méthodologique nécessaire à la qualité du travail scientifique et à l'atteinte de la vérité (un jour). Cette posture considère donc que les valeurs et les sentiments moraux des individus peuvent les détourner du chemin vers la vérité qui est la fin ultime. Le discours positiviste fait ainsi l'apologie d'une science amorale, protocolisée, robotisée, tout en se présentant comme une "éthique"... Pour la famille des constructivistes et des interprétativistes, l'injonction de neutralité est un artifice de langage qui dresse les scientifiques à réprimer l’expression de leur voix singulière, donc de leur moralité, et qui masque le caractère situé, contextuel, de toute production de connaissance - notamment l'ancrage structurel de la pratique scientifique dans des rapports sociaux et des contextes politiques. Le conflit entre ces deux points de vue est-il un conflit de valeurs entre l'amour de la vérité, d'un côté, et l'exigence de transparence éthique, de l'autre? Je propose de recadrer ce débat. Refusant de considérer les sentiments moraux comme nuisibles et les voyant comme indispensables à une pensée authentiquement humaine, l'injonction de neutralité axiologique m'apparait peu heuristique, hypocrite et surtout biaisée en faveur des savoirs dominants qui ont appris à baser leur validité sur TINA (« there is no alternative »).



Dîner

Dîner


Communications orales

Réflexions et propositions épistémologiques

Salle : (R) 112 — Bâtiment : (R) RUTHERFORD
  • Communication orale
    La neutralité de la recherche scientifique, oui, mais dans quelles phases du processus de recherche scientifique?
    Iraj Nikseresht (Université de Téhéran - Iran)

    Le problème fondamental de la philosophie et de l’histoire des sciences est d’expliquer la totalité du processus de la recherche scientifique. John Herschel (1792–1871), pour la première fois, et Hans Reichenbach (1891–1953) distinguent deux phases dans le processus de la recherche scientifique : 1. Contexte de découverte (Context of discovery) et 2. Contexte de justification (Context of justification). Mais depuis plus d'un demi-siècle les sciences sont traitées comme une institution sociale et plus seulement comme un savoir. Elles sont produites par des humains aux capacités de savoir. Les sciences modernes sont plus que des activités de savoir. Dans cette situation la neutralité de la recherche scientifique devient de plus en plus importante, mais la question posée est dans quelle mesure la science est influencée ou non par des facteurs extra-scientifiques (sociaux, économiques, politiques) et par des convictions métaphysiques, voire religieuses?
    Pour répondre à la question, l'analyse proposée ici se fera en deux étapes. Nous allons d’abord distinguer cinq phases dans le processus de recherche scientifique : 1- choix du domaine de la recherche, 2- choix du sujet de la recherche, 3- niveau de découverte scientifique, 4- niveau de justification scientifique et 5 – développement de la science. Ensuite, à l’aide de l’histoire de la science nous montrerons que la neutralité de la recherche scientifique dans les phases 2, 3 et 5 est moins importante que dans les phases 3 et 4.

  • Communication orale
    Les sciences impliquées entre objectivité épistémique et impartialité engagée
    Donato Bergandi (Muséum national d'Histoire naturelle)

    Quel est le rôle des sciences et des scientifiques dans des sociétés où, tout en étant formellement démocratiques, une multitude d’indices convergents configurent la gestion de la res publica par une caste oligarchique politico-économique ? Cette caste, plutôt encline à gérer les ressources environnementales sur la base d’intérêts particuliers ne tient compte ni du bien commun ni des équilibres biosphériques. Dans un tel contexte, le rôle des sciences et des scientifiques est crucial dans des questions et par rapport à des objets de recherche à l’interface entre science et société et qui génèrent des controverses socio-scientifiques. Ces questions et objets de recherche nécessitent des cadres épistémiques et épistémologiques spécifiques en rupture avec la vulgata épistémologique traditionnelle. Ainsi, il n’est plus possible d’aborder des questions et des objets de recherche propres aux « sciences impliquées » sur la base du paradigme dominant, et qui fait de l’objectivisme réaliste d’origine positiviste et néopositiviste l’idéal scientifique auquel tous les chercheurs se doivent d’adhérer. Ce qui signifie que des sciences dont les thématiques abordées ne sont pas exclusivement scientifiques, mais également économiques, politiques, éthiques et plus largement socioculturelles, inévitablement génèrent des controverses socio-scientifiques. Ces controverses ne peuvent, en aucun cas, être solutionnées en se limitant à l’expérience scientifique ou aux « faits ». Emblématique dans ce sens est le développement d’un certain nombre de disciplines contemporaines telles que la biologie moléculaire, le génie génétique, la biologie de synthèse, l’écologie, l’ingénierie écologique, les sciences du climat et leurs enjeux multiples. A la recherche des multiples enjeux sous-jacents aux relations risquées et critiques existantes entre l’objectivité, l’impartialité et l’engagement dans le cas des sciences impliquées et des questions scientifiques socialement vives, il est proposé le concept et la posture déontologique de l’« impartialité engagée ». Une telle posture serait capable de garantir un juste équilibre entre l’idéal de l’objectivité scientifique – le scientifique qui l’adopterait essayera de ne pas se faire guider par ses préférences et préjudices dans la sélection des données théoriques et factuelles – et l’engagement ethico-politique du chercheur qui, d’une part considère que la dichotomie faits/valeurs n’est pas réalisable dans son spécifique domaine de compétence et que, d’autre part, en étant conscient de son engagement (scientifique, moral, politique), il exprime publiquement ses jugements de valeurs dans un cadre d’expertise ou en participant au débat public.

  • Communication orale
    L’ancrage sociologique du concept : réflexion sur le rapport d’objectivation
    Marie-Laurence Bordeleau-Payer (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Le concept se présente comme un outil langagier et méthodologique au moyen duquel il est possible de saisir la réalité, de sorte qu’il agit comme médiation par laquelle une signification est véhiculée et objectivement appréhendée. Or, le fondement langagier du concept en fait une unité de sens intimement attachée à l’activité cognitive qui s’en empare. C’est pourquoi le concept et la pensée doivent être approchés en fonction d’une relation indissociable par laquelle la (re)connaissance des objets du monde est possible suivant son enracinement socio-historique. Cela dit, cet ancrage met en évidence le fait que les concepts ne sont jamais neutres, c’est-à-dire qu’ils sont empreints d’une teneur normative et idéologique propre à la culture « épistémologique » et à l’esprit du temps qui participent de leur construction dialectique. Et puisque ce contexte est intrinsèque à l’entreprise de connaissance du monde, tout chercheur désirant accéder à la saisie de la réalité doit tenir compte de la nature « culturelle » du procès par lequel la « réalité » est envisageable et ce, par le biais d’une prise en considération de l’univers de sens sur lequel prend appui la pensée humaine. C’est en fonction de ces considérations que je m’appliquerai, dans le cadre de cette communication, à mettre en lumière la nature sociale de tout projet de connaissance selon le rapport d’objectivation socio-historiquement ancré qui sous-tend toute désignation conceptuelle et la pensée qui la réfléchit.

  • Communication orale
    De l’impossible neutralité axiologique à la pluralité pratique (praxéologique)
    Pierre-Antoine Pontoizeau (Institut de Recherches de Philosophie Contemporaine)

    La neutralité axiologique distingue jugement de valeur et jugement de fait. Ce dernier serait objectif parce que dénué d’intention. Or, dès le début du 20e siècle, le mathématicien et logicien Whitehead entreprend une vive critique à propos de la question de l’intentionnalité du savant. Husserl montre que la neutralité entraine une extranéation : cette attitude déshumanisante où l’homme se rend étranger à lui-même.

    Une critique épistémologique émane de Marcuse ou Feyerabend. Ils établissent que la vérité scientifique fait le choix de ses finalités, à commencer par l’obtention d’un résultat éprouvé en vertu du principe même de la méthode scientifique : la répétition sans laquelle il n’y a pas de savoir scientifique. Wiener considère cette soumission au principe de répétition comme un abus et Feyerabend met en perspective des finalités qui se valent en ceci qu’elles relèvent de choix de société.

    La praxis scientifique fixe une règle à la pratique en niant qu’il puisse y en avoir d’autres. Or, la raison pratique montre qu’il existe un champ des possibles dont les voies ont une économie propre sans qu’aucune ne puisse se prévaloir de sa supériorité. Elles ont une logique où se composent les termes d’une mesure de l’action. La raison arbitre entre des fins : biens communs, intérêts, performances. Les théoriciens de la praxéaologie (Kotarbinski, Mises et Skirbekk) expliquent cette rationalité orientée en vertu de considérations externes à l’exercice scientifique.

  • Communication orale
    Non-neutralité sans relativisme? Le rôle crucial de la réflexivité et de la rationalité évaluative
    Mathieu Guillermin (Université Catholique de Lyon)

    À partir des notions d’incommensurabilité et de paradigme, Kuhn met en question la neutralité de la science. Selon certains critiques, un telle approche n’est pas admissible car elle condamne la méthode scientifique à l’irrationalité et au relativisme. Je m’appuierai sur les travaux de Putnam (Putnam 1981, 2002) pour montrer que sensibilité au contexte (ou non-neutralité) et rationalité (ou objectivité) ne sont pas antithétiques si l’on parvient à faire droit à une rationalité évaluative. Je mobiliserai les réponses que propose Putnam à ce défi pour construire une approche globale des enquêtes rationnelles (ou scientifique), au sein de laquelle rationalité et objectivité ne sont plus synonymes de neutralité, mais, au contraire, se forgent au moyen de retours réflexifs sur les pratiques d’enquêtes (Popa, Guillermin, and Dedeurwaerdere 2015). Je mettrai alors en évidence l’intérêt d’une telle approche pour articuler science et éthique. J’illustrerai mon propos par la discussion d’un exemple tiré du domaine des big data biomédicales.

  • Communication orale
    Le système de pensée afro-ibéro-américain : une alternative idéologiquement empêchée au racialisme
    Montserrat Fitó (EHESS, Paris - CIRCACIA, Cayenne)

    Le système de pensée afro-ibéro-américain est né aux Amériques, produit de la résistance à l'esclavage, un marronnage idéologique. Les religions qui le sous-tendent furent re-signifiées à partir d'éléments originaires de plusieurs contextes africains. Cette pensée, pratique sociale aussi codifiée qu'individualisée, est vécue comme un corpus de savoirs endogènes sur l'être humain. Les notions d'aché et d'oricha sont centrales à la conception de la personne humaine inhérente à ce système de pensée. Pour le comprendre, on ne peut faire l'économie d'un certain athéisme méthodologique. Car s'il existe un relatif consensus pour traduire la notion d'aché comme l'énergie vitale des êtres, le concept d'oricha est toujours réduit au sens imposé par la religion de la colonisation : un dieu, une divinité. Cette réduction nous empêche de comprendre, non seulement pourquoi ces pratiques persistent jusqu'à nos jours, mais également la raison de leur pertinence. Le questionnement épistémologique ici proposé implique une analyse des langages corporels dans le système de pensée afro-ibéro-américain, invitant à libérer notre regard de préjugés hérités de l'anthropologie coloniale. Les enjeux de la persistance de ces pratiques sont éminemment politiques. Je montrerai que l'approche décoloniale de ce système de pensée ayant pour centre le concept d'oricha est un modèle de décolonialité du savoir et de l'être, empêché par la domination de la pensée (mono)théiste.

Communications orales

Neutralité et questions socialement vives

Salle : (R) 112 — Bâtiment : (R) RUTHERFORD
  • Communication orale
    Une scientifique dans le monde de la justice ou la difficulté de témoigner des sciences sociales
    Marie-Ève Maillé (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    En 2015, à la demande d’un groupe citoyen, j’ai accepté de témoigner dans le recours collectif intenté contre Éoliennes de l’Érable. Ma thèse de doctorat — complétée en 2012 — portait sur la cohésion sociale dans cette communauté divisée par l’implantation d’un parc éolien ; elle a été déposée en preuve devant le tribunal, comme un rapport d’expertise. À titre d’experte, j’allais pouvoir présenter ma thèse comme une « opinion », alors qu’un témoin « ordinaire » doit se contenter de rapporter les faits, au meilleur de son souvenir. Le privilège de donner mon « opinion » venait avec la responsabilité de démontrer mon objectivité, plus que la rigueur de ma démarche, car les critères qui, dans le milieu scientifique, ont permis de valider la qualité de ma recherche ne sont pas ceux qui intéressent les tribunaux. En prétextant vouloir mener une contre-expertise de ma thèse, des avocats allaient plutôt chercher tous les endroits, réels ou imaginés, où mon jupon idéologique aurait pu dépasser. Convaincue depuis le début de mes études que la neutralité en science n’existe pas, je me heurtais à un système qui allait tout tenter pour prouver mes biais. L’expérience m’aura appris que le simple fait de m’intéresser à l’objet de recherche que j’avais choisi me disqualifiait comme témoin crédible ; après tout, j’avais voulu étudier un conflit là où des gens ne voyaient qu’un beau projet éolien.

  • Communication orale
    Expertises collectives de chercheurs et controverses publiques : neutralisation et engagement
    Robin Birgé (Université de Montpellier), Grégoire Molinatti (Université de Montpellier)

    Nous proposons dans cet exposé une réflexion sur l'heuristique ouverte par le dépassement du modèle de neutralité des sciences en société. Deux études anthropo-épistémologiques de terrains que nous avons menées sous un angle communicationnel nous permettent d'interroger la responsabilité sociale de chercheurs en situation de controverse construisant collectivement une expertise publicisée. Nous parlons d'ailleurs nous-même d'un point de vue situé, à savoir constructiviste et engagé, pensant nos faits intriqués à des valeurs signifiantes. Le premier terrain* concerne une auto-saisie en 2010 d'un laboratoire de géosciences du sud de la France expertisant les conséquences de l'exploitation des gaz de schistes. Conscients au niveau individuel de potentiels conflits d’intérêts et du mirage de neutralité, ils ont collectivement procédé à l'effacement des points de vue individuels, sans publiciser le parti pris méthodologique de neutralisation de leurs opinions hétérogènes. Nous pensons que ce procédé participe à délégitimer l'expertise et sert finalement peu le débat public. Le deuxième terrain** concerne une proposition de réforme du droit de la famille promut par des chercheurs en sciences humaines et sociales, commanditée en 2013 par le gouvernement français. L'horizon politique est assumé par les experts qui publicisent explicitement une expertise engagée. L'expertise s'est affranchie d'une instrumentalisation politique et, en assumant un point de vue engagé et argumenté, contribue selon nous à enrichir le débat public.

  • Communication orale
    La production scientifique relative à des questions socio-écologiques vives peut-elle être neutre?
    Laurence Brière (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Les controverses environnementales impliquent au moins deux formes attendues de contributions sociales pour les chercheur-e-s qui se spécialisent dans l'une ou l'autre des dimensions de ces questions vives; l'avis d'expertise et la production de connaissances savantes. Est-il possible d'envisager l'une ou l'autre de ces contributions dans une posture de neutralité scientifique? Peut-on traiter de questions socio-écologiques vives en mettant de côté son idéal de vie bonne? Et que penser des productions scientifiques qui prétendent à la neutralité tout en mobilisant la perspective du développement durable?


Panel / Atelier

La science du climat à l’ère Trump

Salle : (R) 112 — Bâtiment : (R) RUTHERFORD
Participant·e·s : Pascal Lapointe (Agence Science-Presse), Ibrahim Ouattara (Université de Moncton), Sebastian Weissenberger (UQAM - Université du Québec à Montréal)

Dîner

Dîner


Panel / Atelier

Au-delà de la neutralité : les défis de la pratique

Salle : (R) 112 — Bâtiment : (R) RUTHERFORD

Panel / Atelier

Neutralité scientifique : perspectives féministes

Salle : (R) 112 — Bâtiment : (R) RUTHERFORD

Communications orales

Neutralité, silence et droit de parole

Salle : (R) 112 — Bâtiment : (R) RUTHERFORD
  • Communication orale
    Les traductions coloniales et (post)coloniales à l’épreuve de la neutralité
    Milouda Medjahed (UdeM - Université de Montréal)

    Depuis la nuit des temps, l’histoire est incomplète. J’oserai même dire que l’historiographie est toujours un travail inachevé. L’historiographie est également souvent subjective, car elle est écrite selon un contexte précis. Niranjana T. (1992) ne fait qu’accentuer cette subjectivité lorsqu’elle insiste sur la relecture et la retraduction depuis une perspective postcoloniale. Elle explique comment le choix de mots change d’un contexte à autre et ainsi comment les stratégies de traduction se déploient et par le colonisateur et par les revendicateurs de décolonisation pour atteindre leurs objectifs.
    En effet, dans un contexte colonial ou postcolonial, la traduction peut être manipulée pour servir un projet colonial ou un projet de décolonisation. Cette pratique devient donc, dans certains cas, un moyen de collecte d’informations portant sur un lieu et un peuple donnés, ou encore un projet identitaire (Tymoczko : 1999). Ceci correspond au cas de la première traduction française du Livre des Exemples d’Ibn Khaldoun réalisée entre 1847 et 1851 par le baron De Slane, élève de l’orientaliste célèbre Sylvestre de Sacy. Il s’agit d’une traduction purement subjective qui avait comme but d’assurer la présence française en Méditerranée et de mieux contrôler la population de cette région.
    Nous explorons dans ce travail le degré de neutralité de cette réalisation à la lumière des travaux de recherches récents portant sur les traductions coloniales et postcoloniales. Nous tâchons ainsi de montrer comment la subjectivité du traducteur, ses décisions et ses motivations sont reliées à tous les éléments contextuels mis en valeur par les théoriciens.

  • Communication orale
    Neutralité donc silence? L’université française et la non-violence
    Cécile Dubernet (Institut catholique de Paris)

    Alors que la France possède une vieille tradition de contestation non-violente, il lui manque un débat universitaire sur la non-violence. Rares sont les chercheurs qui ont exploré le sujet au-delà de quelques références historiques ou renvoyant à des recherches anglophones. Les travaux sont éparpillés, souvent produits en marge de l’université. Néanmoins, ce paradoxe s’explique si l’on tient compte de l’origine du concept et de l’héritage positiviste de la Science politique hexagonale. Forgé par des auteurs-acteurs tels que Gandhi, King, le Dalai Lama, le terme non-violence manque de cette distance entre analyse et militance si nécessaire à l’universitaire. De plus, ses fondateurs étant religieusement inspirés, le mot reste connoté de spiritualité, champ que les universitaires français abordent avec grande caution. Enfin, le concept gêne car il questionne des fondamentaux en Science politique française, entre autres l’efficacité de la violence. Ce terme dérangeant est donc souvent ignoré au profit d’autres registres considérés comme plus neutres tels « luttes sociales » « contestations » ou « résistances ». Découlant en grande partie de l’injonction de neutralité, cette absence a cependant un coût. Les universitaires français peinent à penser scientifiquement tant les questions de défense que celles de désobéissance civile et de révolutions populaires. De fait, neutralité et silence couvrent prismes et tabous.

  • Communication orale
    L’illusion de la neutralité en sciences humaines
    Yannick Brun-Picard (Collège Jacques Prévert Les Arcs)

    Immergé en observation intégrée au sein d’une classe, la situation éducative est disséquée par l’analyste. Il s’efforce de rendre accessibles et explicites les réalités qu’il constate en relation avec son objet de recherche. Il prône une neutralité totale sur le phénomène étudié. Est-ce que la neutralité d’analyse et de restitution de l’objet étudié est réelle? Après avoir différencié l’observation intégrée des autres démarches d’investigation et justifié ce qui à notre sens est source de neutralité, nous exposons brièvement la praxéologie mise en œuvre pour déterminer s’il y a une part d’illusion de neutralité dans les sciences humaines. Le prisme de cette approche permet de mettre en exergue une forme de neutralité sachant qu’elle ne répond et ne satisfait que les mouvances qui y trouvent leur compte. Les outils, les orientations, les attitudes et les précautions d’étude façonnent cette neutralité. Les références, les appartenances, les croyances et les certitudes impriment dans les productions ce qui est donné pour être une neutralité dite scientifique. Des problèmes de restitution, de subjectivité objectivée et de distanciation empathique mettent au jour des zones d’ombre inhérentes à toute étude. Enfin, des enseignements sur l’observation intégrée et sur les sciences humaines dans leurs productions nous informent au sujet de cette part d’illusion source de légitimation pour une scientificité arcboutée sur des méthodologies qui formatent les faits en toute neutralité.

Panel / Atelier

Neutralité, (post)colonialisme et études décoloniales

Salle : (R) 112 — Bâtiment : (R) RUTHERFORD

Panel / Atelier

La neutralité dans les humanités numériques

Salle : (R) 112 — Bâtiment : (R) RUTHERFORD
Présidence : Cléo Collomb (Université de Technologie de Compiègne)
Participant·e·s : Jean-Edouard Bigot (Université de Technologie de Compiègne), Eglantine Schmitt (Université de Technologie de Compiègne)

Dîner

Dîner


Panel / Atelier

La question de la conciliation entre recherche et militantisme : perspectives pratiques et critiques

Salle : (R) 112 — Bâtiment : (R) RUTHERFORD

Panel / Atelier

La question de la conciliation entre recherche et militantisme : enjeux épistémologiques, méthodologiques et éthiques

Salle : (R) 112 — Bâtiment : (R) RUTHERFORD

Panel / Atelier

La question de la conciliation entre recherche et militantisme : l’accès aux savoirs et la diffusion

Salle : (R) 112 — Bâtiment : (R) RUTHERFORD

Communications orales

Mot de clôture et projet d’écriture

Salle : (R) 112 — Bâtiment : (R) RUTHERFORD