Informations générales
Événement : 85e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Un mouvement paradoxal touche nos sociétés actuelles : tandis que certaines des inégalités ont été réduites, d’autres émergent ou se renforcent dans les parcours de vie. Nos sociétés sont désormais confrontées à une accentuation rapide des inégalités sociales de revenus (Piketty, 2013). La crise, et les politiques d’austérité qu’elle a légitimées dans son sillage, sont venues accentuer certaines fragmentations et accélérer les trajectoires de différenciation sociale.
Or, particulièrement touchés par la crise et l’austérité, les jeunes sont au cœur de cette recomposition des inégalités. Si toutes les générations ont été touchées par la crise, on a assisté à une dynamique de concentration des difficultés potentielles parmi les jeunes adultes — particulièrement chez ceux entrant sur le marché du travail (taux de chômage accentué, augmentation accélérée du taux de pauvreté). Conjointement, un processus d’accentuation des inégalités intragénérationnelles se met en œuvre. Présent chez toutes les générations, ce processus est particulièrement sensible au moment de l’entrée dans la vie adulte.
Les contributions seront aussi bien théoriques qu’empiriques; elles pourront traiter de divers contextes nationaux et se structureront autour de trois dimensions :
1) identifier comment le contexte d’austérité affecte tant les conditions de vie des jeunes que les interventions publiques destinées à les soutenir;
2) analyser les politiques elles-mêmes et leurs effets (catégories instituées, angles morts et paradoxes) ainsi que les aspects des inégalités dans les parcours de vie des jeunes n’ayant pas encore fait l’objet d’interventions publiques;
3) confronter différents échelons politiques sur une dimension ciblée des inégalités; ou documenter un dispositif particulier en l’inscrivant dans ses liens à d’autres échelles territoriales de régulation.
Date :- Nicole Gallant (INRS - Institut national de la recherche scientifique)
- Stéphanie ATKIN (INRS - Institut national de la recherche scientifique)
- Maria Eugenia Longo (INRS - UCS - Institut national de la recherche scientifique - Urbanisation Culture Société)
- Cécile Van De Velde (UdeM - Université de Montréal)
Programme
Conférence d’ouverture
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Communication orale
Conférence d’ouverture – Des inégalités scolaires aux inégalités dans l’emploi : coupure générationnelle et défis institutionnelsStéphane Moulin (UdeM - Université de Montréal)
Trois processus ont contribué aux transformations récentes du champ éducatif et du champ de l’emploi au Canada: l'accroissement des inégalités scolaires selon l'origine et le genre; la remarchandisation de la main d’œuvre; et la polarisation des emplois et des revenus. Cette présentation analyse ces trois processus, leurs implications pour les plus jeunes, ainsi que les défis qu'ils posent aux décideurs des gouvernements fédéral et québécois.
Accessibilité à l’emploi
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Communication orale
Inégalités d’accès aux programmes d’emploi pour les jeunes : choix politiques, choix de sociétéMaria Eugenia Longo (INRS - UCS - Institut national de la recherche scientifique - Urbanisation Culture Société)
En raison de la diversification des parcours biographiques et de la multiplication des sources d'inégalités, les politiques publiques d'insertion et d'emploi pour les jeunes se confrontent aujourd'hui à l'adaptation des pratiques à des besoins très variables. De plus, même si les interventions de l'État visent à la réduction ou la compensation des risques, elles sont susceptibles de créer des nouvelles inégalités là où elles sont censées les limiter. Le choix des populations-cible, la sélection des acteurs admissibles aux programmes, les temporalités des interventions, le type de solutions envisagées, l'offre des actions sur le territoire, la définition des expériences et des compétences à acquérir… sont quelques-unes des dimensions suscitant un accès inégal aux mesures de l'État dans ce domaine. Par ailleurs, ces dimensions participent au positionnement de l'État face aux nouvelles réalités du travail : la non-linéarité et la responsabilisation individuelle des parcours, la précarité professionnelle et les emplois atypiques, notamment pour les nouvelles générations des travailleurs. Nous allons explorer ces questions à partir de l'analyse de documents des programmes d’insertion dans le cadre d'une recherche actuelle sur les représentations de la précarité professionnelle chez les jeunes et dans les textes des politiques d'emploi, au sein de trois contextes (Canada, Argentine, France).
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Communication orale
« J’ai demandé à mes amis sur Facebook » : persistance des inégalités sociales dans l’accès à l’information sur l’emploi en ligne comme hors ligneStéphanie Atkin (Institut national de la recherche scientifique), Nicole Gallant (Institut national de la recherche scientifique), Katherine Labrecque (INRS - UCS - Institut national de la recherche scientifique - Urbanisation Culture Société), Eddy Supeno (Université de Sherbrooke)
Avec la propagation de l’accès à Internet, des essayistes ont fait grand cas soit des risques d’une dystopie numérique d’individus déshumanisés, soit de grandes possibilités égalisatrices du web. Pour sa part, l’État envisage la provision de services en ligne comme un moyen de joindre certaines populations considérées mal desservies ou éloignées, et tend à considérer que c’est par ce canal que les jeunes souhaitent accéder aux services publics. Une étude qualitative récente sur la manière de s’informer sur l’insertion en emploi (N=48) servira à montrer en quoi, sans accompagnement, les pratiques informationnelles en ligne participent à la reproduction des inégalités socio-économiques existantes au lieu de les atténuer. D’une part, les jeunes sont marqués par des inégalités dans les compétences numériques; s’ils savent presque tous utiliser Internet pour le divertissement, les jeunes moins scolarisés ont généralement des pratiques informationnelles en ligne moins diversifiées et moins efficaces que les autres. D’autre part, l’horizon informationnel en ligne des jeunes tend à refléter des inégalités hors ligne. Par exemple, Internet ne comble pas à lui seul les déficits informationnels liés à un réseau professionnel inexistant, comme l’illustrent les utilisations différenciées des médias sociaux comme Facebook. En somme, sans autres mesures, la provision des services d’employabilité en ligne risque de favoriser essentiellement ceux qui sont déjà dans une situation avantagée.
Éducation
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Communication orale
Mesurer les inégalités en éducation pour pouvoir mieux les corrigerRubab Arim (Statistique Canada), Aimé Ntwari (Statistique Canada)
Tant au Canada qu’à l’échelle internationale, l’éducation est sans aucun doute le meilleur moteur pour lutter contre les inégalités sociales. Les jeunes non scolarisés ou ceux quittant l’école sans avoir obtenu de diplôme font face à de plus grands défis pour accéder au marché du travail. Même quand ils y accèdent, ils ont plus de difficulté à obtenir des emplois bien rémunérés et sont plus vulnérables aux ralentissements économiques (Raymond, 2008).Par ailleurs, les avantages à long terme d’un diplôme d’études secondaires, comme une plus grande rémunération et une plus grande stabilité d’emploi, sont bien connus (Frenette, 2014).
Statistique Canada a élaboré récemment une plateforme qui permet de combiner des données administratives sur l’éducation postsecondaire et des données fiscales, de manière à pouvoir produire des indicateurs clés sur l’éducation et la situation sur le marché du travail. Cette communication vise à mettre en exergue, d'une part, quelques renseignements agrégés sur les trajectoires des nouveaux étudiants postsecondaires et les facteurs socio-économiques qui leur sont associés. Et d'autre part, les renseignements sur les résultats des jeunes diplômés au chapitre de l'emploi, comme la rémunération et d’autres indicateurs de leur interaction avec le marché du travail. Pour terminer, elle mettra l'accent sur le potentiel et les limites liés à l'utilisation de données administratives pour répondre à des questions de recherche sociale.
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Communication orale
Disparités territoriales en matière d’éducation : quels rôles pour les administrations locales et régionales?Michaël Gaudreault (ÉCOBES - Cégep de Jonquière), Isabelle Morin (Projet CartoJeunes - Université du Québec à Chicoutimi), Jean-Guillaume Simard (Cégep de Jonquière)
De par leur incidence économique, sociale et sanitaire, la réussite et la persévérance scolaires des jeunes constituent des facteurs clés du développement des collectivités. Même si les travaux portant sur la réussite éducative restent fortement associés au triptyque « élève-famille-école », un nombre croissant d’études, influencées par l’approche écologique, s’intéressent au milieu de vie dans lequel les jeunes évoluent afin de mieux comprendre la multiplicité des parcours scolaires. Toutefois, le milieu de vie est souvent réduit aux caractéristiques socioéconomiques des familles : revenu, emploi, statut matrimonial et ethnicité. La diversité des sphères de vie des jeunes et la dynamique complexe qui les lie appellent pourtant une lecture davantage multidimensionnelle et globale. La présentation se divisera en trois parties. Une première permettra de faire état des disparités territoriales d’éducation au Québec. Une seconde présentera les facteurs territoriaux qui influencent les parcours scolaires des jeunes. Enfin, la troisième partie sera l’occasion de faire une réflexion sur le rôle des administrations locales et régionales dans la dynamique de la réussite et de la persévérance scolaires. Les récents changements observés au niveau de la gouvernance territoriale au Québec laissent en effet entrevoir un renforcement de leur rôle pivot au niveau de la concertation ainsi que la diversification de leurs responsabilités, en particulier la réussite éducative.
Exposition photographique « Les inégalités sociales vues par les étudiants »
Jeunes en difficulté
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Communication orale
Politiques sociales relative à la jeunesse à Montréal et passage à l’âge adulte : de la territorialisation des interventions auprès des jeunes en situation de vulnérabilitéMarie Dumollard (ÉNAP - École nationale d'administration publique), Martin Goyette (CRÉVAJ - ENAP), Valeria Kirichenko (CRÉVAJ - ENAP), Benjamin Weiss (CRÉVAJ - ENAP)
Alors que les jeunes (18-30 ans) doivent s’adapter aux nouvelles exigences de l’intégration sociale et professionnelle lors du passage à l’âge adulte, les politiques publiques portées dans leur direction s’inscrivent au croisement d’un double enjeu : la prise en compte des problématiques inégales qu’ils rencontrent d’une part ; la conception de réponses territoriales adaptées d’autre part.
À partir des premiers résultats d’une recherche sur les interventions publiques et communautaires déployées sur 2 terrains montréalais, cette communication analysera la manière dont ces échelons infra-municipaux définissent leurs priorités d’intervention et déploient programmes et accompagnements en direction des jeunes dits vulnérables. Le premier objectif sera de montrer que la collaboration et les enjeux de continuité et cohérence des prises en charge se trouvent au coeur de systèmes locaux d’action sectoriels relativement structurés, entre approche jeunesse globale et accompagnements spécifiques. Il s’agira également de démontrer la complexité des interactions entre ces échelons locaux et les évolutions imposées par les politiques nationales, dans les champs jeunesse, emploi, de santé et services sociaux. Ainsi, les actions et dispositifs locaux sont développés à l’égard de différentes catégories-cibles territorialement situées, issues de l’historique de collaboration entre acteurs locaux et de la disponibilité, le cas échéant, de financements relatifs aux priorités des sous-territoires. -
Communication orale
Les jeunes Montréalais à l’épreuve de l’entreprenariat : race, classe et genre en temps d’austéritéLeslie Kapo (INRS - Institut national de la recherche scientifique)
« De plus en plus, on le voit, que y’a des jeunes que à l’école ils se reconnaissent pas! Y’a des jeunes que : oui t’apprend, mais est-ce que t’avance? Pis, j’trouve que ça c’est un des plus gros problèmes qu’il va falloir régler pour que tout le monde avance à un rythme égal1 ».
Le constat établi par ce jeune homme, lors d’une rencontre communautaire sur les multiples « Montréalités » (Germain 2013), distingue trois éléments d’analyse pour approcher l’expérience quotidienne des jeunes Montréalais.e.s. : 1) la réalité urbaine et les spécificités de la marginalisation qui s’opèrent; 2) les stratégies et les tactiques d’émancipation individuelles et collectives; 3) la tension entre ces réalités quotidiennes et les réponses institutionnelles. Il apparait aujourd’hui indispensable de réinterroger notre approche sur les jeunes Montréalais.e.s afin de prendre en compte les aspects de leur urbanité (Boudreau 2015).
Cette présentation partira de la perspective intersectionnelle qui postule que les effets de l’invisibilisation sont multipliés sur certains parcours de vie en raison de la complexité des logiques socioculturelles à l’œuvre (Bourque et Maillé 2015). Je confronterai les expériences des jeunes Montréalais.e.s avec la figure ambivalente du jeune entrepreneur, qui semble être une des réponses prioritaires du gouvernement québécois face aux inégalités sociales à l’horizon 2021.
1 https://www.facebook.com/422649251255291/videos/vb.422649251255291/618587324994815/?type=2&theater
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Communication orale
Parcours d’un enfant du modèle québécois des centres jeunesse au doctorat : quelques leçonsNicolas Zorn (UdeM - Université de Montréal)
J’ai profité du système (Éditions Somme toute; avril 2017) est un essai sur le modèle québécois doublé d’une autobiographie, traçant le parcours d’un double décrocheur (secondaire, cégep) ayant passé son adolescence en centres jeunesse. Cette trajectoire, qui fut tout sauf linéaire, fut marquée par autant d’échecs personnels que de secondes chances fournies par les institutions. L’auteur a la particularité d’être chercheur s’intéressant aux inégalités tout en ayant bénéficié des institutions qu’il étudie. Le portrait qu’il brosse nuance l’idée que l’on peut se faire par rapport au rôle et à l’importance des institutions dans la construction de la résilience et l’influence des moments décisifs. La communication proposée soulignera les effets à court et long terme qu’ont eus les institutions égalisatrices sur ce parcours, en particulier celles de la protection de la jeunesse, les programmes pour décrocheurs, le marché de l’emploi, mais également les normes sociales et la philosophie qui sous-tend le modèle québécois. À cette fin, l’auteur proposera quelques leçons pour les chercheurs s’intéressant aux politiques sociales, en lien avec l’évolution des inégalités sociales et les transformations récentes de l’État-providence québécois.
Les effets de l’austérité sur le passage à la vie adulte
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Communication orale
Vers une recomposition des acteurs? Entre enjeux de transformation sociale et conservation des acquis : le cas des services à l’insertion des jeunesMarco Alberio (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
Nous considérons les conséquences de la "rationalisation" des dépenses envisagée par le gouvernement du Québec dans le secteur du développement local et plus généralement des transformations importantes des dernières années. En particulier, nous nous concentrerons sur l'effet que ces transformations peuvent avoir sur les pratiques et le travail quotidien des acteurs locaux. Au cours de la présentation nous allons mobiliser des entretiens en profondeur avec des jeunes (30) ainsi que des intervenants d’organismes (20) conduites dans le cadre d’une recherche au Bas-Saint-Laurent. Dans ces entretiens nous nous sommes concentrés sur l'impact des mesures d’austérité et des transformations de la gouvernance (de courte et longue période) ayant des effets sur la capacité de mobilisation des acteurs offrant des services aux jeunes. Notre objectif est en fait d’observer la recomposition des acteurs au niveau local et national, ainsi que la (ré)organisation de leur action collective. Dans ce cadre, les acteurs locaux pourraient aussi développer un certain degré de résilience donnant lieu également à des formes d'innovation sociale. Nous allons enfin nous questionner pour comprendre si ces réformes et coupures ne risquent pas d'augmenter les difficultés des régions les plus éloignées qui, surtout quand on traite des questions liées à l'emploi, peuvent mettre ces régions encore plus à risque de dévitalisation et creuser donc les disparités territoriales.
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Communication orale
Autonomie résidentielle des jeunes adultes en France et en Italie : politiques de logement et marchés du travail en temps de criseSonia Bertolini (Université de Tourin), Jenny Rinallo (LEST_ Aix-Marseille Université)
La crise financière et immobilière combinée avec l’austérité des politiques économiques et la segmentation du marché du travail ont rendu plus difficile l’accès à l’autonomie résidentielle des jeunes adultes français et italiens. Du point de vue des inégalités dans le processus de décohabitation la question du parc des logements et des conditions de «vie décente» est peu abordée.
D’un côté, l’augmentation des prix des loyers et l’irrégularité des revenues fragilisent l’accès au logement, de l’autre côté, le manque des logements abordables conjugué à une sous-estimation politique du «mal-logement» contribuent à renforcer la dépendance entre les générations et la multiplication des inégalités intragénérationnelles.
La comparaison entre la France et l’Italie se base sur la complémentarité des analyses cross-section (EUSILC 2011) et des entretiens. Des résultats montrent comment les facteurs conjecturaux et structuraux du contexte institutionnel et les caractéristiques sociodémographiques des jeunes adultes se rejoignent pour expliquer tant les inégalités internationales qu’intragénérationnelles dans l’autonomie résidentielle.
En Italie, les politiques du logement ciblent encore la famille et pas l’individu comme unité bénéficière ce qui induit une émancipation résidentielle précaires et tardive. En revanche, l’origine sociale joue un rôle discriminant dans la qualité de vie des jeunes locataires en France.
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Communication orale
Politiques d’activation des jeunes adultes à l’aide sociale : entre responsabilités, droit et moraleDunya Acklin (Haute école de travail social Fribourg), Caroline Reynaud (Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO))
Le contexte suisse, marqué par une volonté de réduire les dépenses publiques liées à l’aide sociale, a vu émerger, en septembre 2015, un accord intercantonal réduisant les prestations matérielles en faveur des Jeunes adultes émargeant à l’aide sociale (ci-après JAAS). Cette catégorie de bénéficiaires fait l’objet d’un traitement particulier, notamment parce qu’elle est emblématique de ceux que Castel (2009) appelle les « indigents valides ». Les questionnements liés au caractère légitime ou non de l’aide qui leur est accordée révèlent des enjeux essentiels liés aux transformations de l’Etat social.
La présentation exposera les résultats d’une recherche qui a comparé les discours politiques, institutionnels et professionnels liés à l’accompagnement de la catégorie des JAAS dans trois cantons francophones. Les données confirment que ce groupe apparaît, aux trois niveaux, comme devant être considéré et traité de manière spécifique. Il s’agira alors de soulever les enjeux essentiels que révèlent ces contacts en termes d’inégalités (individualisation, responsabilisation, moralisation et remise en question du droit à l’aide). Des inégalités qui se situent d’une part au niveau des différences de politiques sociales liées au fédéralisme et à la marge de manœuvre des cantons en matière de règlementations de l’aide sociale ; mais également d’autre part au niveau des logiques institutionnelles et professionnelles d’intervention à l’égard de ce public.