Informations générales
Événement : 84e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Le terme « numérique » est partout présent, qu’il s’agisse d’économie, de culture, de surveillance, etc. Une expression telle que « société numérique » est même devenue d’usage commun. Les gouvernements ont adopté des stratégies en la matière. Il est indéniable que les informations transitent dorénavant sous forme de codage binaire, et que les réseaux et les écrans de toutes sortes sont omniprésents dans toutes les activités de la vie quotidienne. Mais qu’en est-il vraiment de l’influence du numérique dans la transformation de nos sociétés, notamment dans les sphères de la culture et des médias?
Pour répondre à ce questionnement, voici des pistes de réflexion et autant de sous-thèmes sur lesquels nous solliciterons des interventions :
1) Le terme « numérique » s’avère avant tout de l’ordre du discours. Est-il possible de lui trouver une filiation avec d’autres syntagmes datés comme « société câblée » ou « société de l’information »? Quels rapports a-t-il avec des notions plus récentes telles que « Web collaboratif » et « industries créatives »? Dans quelle mesure peut-on considérer qu’il s’agit d’un discours idéologiquement orienté? Ou qu’il constitue un jalon dans la réflexion épistémologique?
2) Le terme « numérique » s’impose ainsi dans un ensemble de pratiques sociales. Il favorise de nouveaux modes de création, circulation et appropriation de la production culturelle et médiatique qui provoquent d’importants changements sans pour autant faire table rase du passé. Comment se redynamise le terrain de la culture et des médias où les formes dominantes côtoient des formes résiduelles? Peut-on parler de dynamiques numériques transversales? Que dire des transformations amorcées au sein des organisations et des métiers, à l’instar de celui du journalisme? Plus globalement, le numérique facilite-t-il la surveillance, la domination de la technique ou du capitalisme, ou est-il un facteur d’émancipation? Dans quelle mesure peut-on dépasser ce dualisme?
Dates :- Éric George (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Anouk Bélanger (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Michel Sénécal (TÉLUQ - Université du Québec)
Programme
Mot de bienvenue et introduction au colloque
Mettre en question le numérique
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La culture à l'ère numérique : une perspective innissienneLuiz Claudio Martino (Universidade de Brasil)
L'analyse d'Harold Innis sur la culture est marquée par deux éléments fondamentaux. Il s'agit tout d'abord d'accorder la priorité à la notion de monopole de la connaissance. À ce sujet, il y a convergence avec les analyses marxistes sur le pouvoir et le contrôle de l'information. Ses recherches sur les empires nous permettent en effet de comprendre la transformation des relations entre pouvoir et culture à la lumière des conditions de production et de circulation de l'information. Néanmoins, le point de vue d'Innis sur la culture met aussi l'accent sur une catégorie de technologie peu abordée par Marx lui-même : les médias. Le chercheur de Toronto travaille ici le concept de biais – à propos du temps et de l'espace – et envisage alors la notion de culture à travers un biais temporel et à travers un biais spatial.
Ces deux plans théoriques dégagent des propriétés des systèmes médiatiques qui peuvent être étendues à l'ère du numérique. Le but de cette présentation est justement de faire avancer cette transposition. D'une part, nous identifierons les contributions d'Innis en vue d'établir un cadre théorique pour l'analyse des systèmes de communication. D'autre part, plus librement, nous chercherons à développer la perspective innisienne et à montrer comment elle nous fournit une interprétation des données empiriques concernant les pratiques culturelles à l'ère numérique, y compris celles issues du monde universitaire, ainsi que de certains conceptions théoriques de la pensée critique.
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Ambivalences du numérique : promesses et limites du « contre-faire » à l'ère postnumérique, du Web expressif à la fabrication personnelle sur le terrain de la ville intelligenteLaurence Allard (Université Sorbonne-Nouvelle (Paris 3))
Cette conférence introduira le constat qu'après 20 ans d'ethnographie des pratiques numériques sous les problématiques notamment d'"individualisme expressif", de "remix culture" ou d''écrivance mobile", et dans le contexte du développement du tout connecté qui suppose aussi une rematérialisation du digital, il apparait que les promesses individuelles et collectives de capacitation étayées par le réseau internet et les contenus web restent en partie inachevées. Nous montrerons dans un premier temps théorique qu'au tournant post-digital que façonne l'extension de la connexion, du calcul et des interfaces à toute chose peut être développée une voie du "contre-faire" face à un monde du "tout connecté" qui se trouve placé exclusivement sous l'horizon du Big Data et du Posthumain. Dans un second temps plus empirique, nous documenterons les pratiques trop souvent mythifiées dans l'ordre du discours sur le numérique de ceux qu'on nomme les "makers" et qui expérimentent au sein d'espaces à reproblématiser (fablabs et autres dits "tiers lieux") la fabrique d'un "autre monde connecté possible". Nous nous baserons sur une participation-observante dans le cadre de projets de Smart City en France. En conclusion, nous pointerons les limites à surmonter pour des usages citoyens et maîtrisés de l'internet des objets et des mégadonnées qui en résultent notamment du point de vue du genre et de la technologie.
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Les « contenus » : point aveugle de l'analyse des mutations des industries culturellesChristophe Magis (Université de Vincennes Saint Denis (Paris 8))
Cette communication propose une réflexion épistémologique sur l'intérêt et l'importance d'une prise en compte plus poussée des mutations d'ordre esthétique ou artistique des productions culturelles dans les réflexions sur les mutations des industries culturelles, et notamment dans le contexte du numérique. En effet, alors que les traditions de l'économie politique de la communication se revendiquent généralement de la Théorie critique pour aborder les industries culturelles, leurs réflexions se sont faites au détriment d'une prise en compte des productions : les travaux se sont alors plutôt centrés sur le raffinement de l'analyse (socio-)économique de la production culturelle, jugée trop grossière dans les propositions des penseurs de l'École de Francfort, plutôt que sur les mouvements de co-construction entre les qualités culturelles internes des contenus symboliques et les modalités économiques de leur production et mise en circulation. Dans le déplacement, c'est tout un pan de la réflexion critique sur les rapports de la production culturelle avec les idéologies ou avec la formation de subjectivités émancipatrices qui a été mis à l'écart et que nous voudrions réinterroger aujourd'hui, à l'heure où le numérique semble réorganiser l'économie de bon nombre de filières des industries culturelles, dans le cadre d'une économie politique des industries culturelles, à partir d'une relecture des propositions originales de la Théorie critique.
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Révolution numérique et industries culturelles : grande transformation et assomption des plates-formesPhilippe Chantepie (Ecole Polytechnique / Ministère de la Culture et de la Communication)
Le numérique, plus vivement que toute révolution technologique, a transformé l'essentiel des filières culturelles et médiatiques, de la photographie aux médias en passant par la musique enregistrée et la vidéo, la presse et dans une moindre mesure le livre.
Il déstabilise par la dématérialisation et la distribution numérique toutes les chaînes de valeur, chacune cherchant à conserver autant que possible le surplus qui devrait aller au consommateur. Pour autant, une vaste déflation numérique est à l'oeuvre pour les biens culturels et médiatiques. Elle se traduit par une transformation des modèles économiques de la culture et des médias, issue de la mutation économique des biens culturels et médiatiques numérisés. Celle-ci s'établit autour d'un modèle principal : celui des "médias de masse communautaire interactifs" qui, de fait est un avatar des modèles de plates-formes (two-multi-sided market) dont les "GAFA" sont les expressions. Avec ses dynamiques propres (externalités de réseaux, internalisation de la valeur, incertitude sur les prix, etc.), ce modèle se montre particulièrement difficile à réguler : les phénomènes de domination et de prix échappent aux règles habituelles du droit de la concurrence, les régulations sectorielles (médias, télécommunications), insuffisantes à en faire le tour, comme les régulations spécifiques (protection des données personnelles) peu en mesure d'en aborder toutes les dimensions.
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Cultures participatives et numérique
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La participation paradoxale à l'« économie du partage » : contribution, surveillance et capitalisme informationnelSerge Proulx (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Nous sommes confrontés à un double mouvement asymétrique à l'ère du capitalisme numérique. D'une part, une logique verticale de concentration du pouvoir contrôlé par quelques groupes transnationaux et par les entreprises géantes de l'Internet (Google, Apple, Facebook, Amazon et autres GAFAs). D'autre part, une logique horizontale citoyenne où perdure cette promesse de la démocratie par la « participation en réseaux » liée à des pratiques d'économie collaborative appelant à la création de communs de la connaissance et à une (paradoxale) économie du partage. À l'heure d'un capitalisme informationnel – où les consommateurs sont appelés à soi-disant participer à la production et à la distribution des biens et services, où tous les gestes participatifs des internautes sont immédiatement captés et transformés en données (data) par les entreprises propriétaires des plateformes – comment la puissance d'agir citoyenne peut-elle encore aujourd'hui se manifester dans une telle société de contrôle et de surveillance ?
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Où en est le débat sur le potentiel démocratique des NTIC? Regards croisés sur la participation citoyenne en ligneLena Alexandra Hübner (UQAM - Université du Québec à Montréal)
L'étude de la participation citoyenne en ligne ne fait pas l'unanimité dans la littérature scientifique. Les contributions des « usagers ordinaires » sur Facebook et Twitter sont situées entre logique démocratique (Castells, 2012) et marchande (Fuchs, 2013). Si nous regardons de plus près, ces points de vue opposés peuvent s'expliquer par un usage différencié du terme démocratie. Cette communication porte donc un regard critique sur ces points de vue différenciés et sur leurs manières de conceptualiser la démocratie dans un contexte marqué par les technologies numériques de l'information et de la communication (TNIC). S'inscrivant dans le cadre d'une recherche sur l'appropriation citoyenne des discours produits par les partis politiques canadiens et médiatisés via les réseaux socionumériques, elle vise à présenter une réflexion sur le développement d'un nouveau cadre d'analyse qui dépasserait la simple discussion des effets positifs ou négatifs des usages politiques des TNIC.
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Radio communautaire et numérique : vers plus de participation?Aude Jimenez (UQAM - Université du Québec à Montréal)
CIBL-Radio Montréal fut la première radio communautaire en ligne au Québec (Sondervost et Blondin, 2010) et aujourd'hui, la station propose plus de 40 pages Facebook, un site internet avec écoute en direct, des centaines d'heures de podcasts. Or, la radio communautaire se veut, partout dans le monde, une radio « par et pour » la communauté, une radio participative et c'est à ce niveau, principalement, que l'on rencontre le plus de phantasmes liés au passage des médias, dont la radio, au numérique : ils permettraient de nouvelles formes de communautés, de nouveaux modes de participation (Bird, 2011; Carpentier, 2011).
Qu'en est-il exactement de ces nouvelles applications numériques radiophoniques ? Ont-elles fait évoluer la participation des acteurs de CIBL, autant du côté de ceux qui la font que de ceux qui l'écoutent ?
Une enquête ethnographique menée au sein de la station CIBL-Radio Montréal nous permet de présenter, en premier lieu, un état des lieux des modes de production et d'écoute de CIBL « version numérique ». Ensuite nous analyserons les changements survenus au niveau des formes de participation de la station communautaire depuis l'arrivée de nouvelles applications en ligne. Finalement, nous discuterons des évolutions remarquées par les artisans de CIBL eux-mêmes dans leurs pratiques pour voir si effectivement, le « numérique » joue le rôle de catalyseur de participation qu'on lui prête volontiers dans les imaginaires médiatiques.
Dîner
Enjeux sociopolitiques du numérique (Partie 1)
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Enjeux sociopolitiques d'un nouvel ordre de discours autour des dispositifs de participation en lien avec le projet de loi pour une République numérique : neutralisation et dépolitisationLucie Alexis (Université Panthéon-Assas (Paris 2)), Christine Chevret-Castellani (Université Paris 13, LABSIC), Sarah LABELLE (Université Paris 13, LABSIC, ISCC)
Nous proposons d'analyser des dispositifs de participation autour de la loi française pour une « République Numérique » (la plate-forme www.republique-numerique.fret les « Hackatons » #HackRepNum et Open Democracy Now !). Nous chercherons à comprendre l'ordre du discours porté par les acteurs publics et les praticiens qui s'associent à eux, et à interroger la transformation du champ politique par l'introduction de méthodes et techniques issues du « numérique ». Concernant l'ordre du discours, nous distinguons trois types de procédés discursifs mobilisés dans le cadre de ces dispositifs. Le premier renvoie à la mobilisation d'une culture hybride, mêlant la terminologie du politique au langage des hackeurs ; le second repose sur des opérations de mise en circulation qui renforcent les valeurs communautaires associées ; le troisième implique l'usage récurrent de certains termes qui font référence à la culture libriste et jouent de leur dimension polysémique et polychrésique. Il nous apparaît que certains discours renvoient à une conception du Web collaboratif, valorisant le rapprochement entre acteurs de l'État et nouveaux collaborateurs, notamment des startupeurs ou développeurs promoteurs de la ludicisation. Il s'agit alors de se demander comment ces dispositifs favorisent l'implication d'acteurs qui font des emprunts à la culture hackeur et dans quelle mesure le temps court du dispositif provoque la création d'un contexte de dépolitisation des enjeux.
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Analyse de l'effet de l'opération d'identification des usagers des technologies numériques en Côte d'Ivoire sur les activités des internautes ivoiriens dans le cyberespaceJean-Jacques Bogui (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Malgré la bonne santé de l'économie liée aux technologies numériques en Afrique, le développement de leur usage occasionne de nombreuses menaces sur le rayonnement économique de plusieurs pays et leur image en raison du développement important des cyberarnaques. Par ailleurs,on constate que la montée du terrorisme en Afrique a eu pour corolaire comme en Occident un regain d'intérêt pour la surveillance et le contrôle des activités des usagers du cyberespace.Ces situations vont être le prétexte de la mise en place d'importantes opérations d'identification des usagers des technologies numériques dans différents pays africains (Côte d'Ivoire, Niger, Cameroun, etc.). En Côte d'Ivoire où le commerce informel à pendant longtemps joué un rôle important dans ce secteur d'activité, la nécessité selon le gouvernement d'accroitre le contrôle et la surveillance des usagers du cyberespace par une politique rigoureuse d'identification de tous les abonnés au mobile et à Internet est diversement interprétée dans l'opinion publique. Certains ne voyant dans cette initiative qu'un prétexte pour combler le besoin pour les gouvernants de ce pays de « discipliner » et de contrôler le débat sociopolitique dans l'espace public numérique. À travers une étude qualitative réalisée à l'aide d'un guide d'entretien auprès de vingt blogueurs et usagers de réseaux sociaux en Côte d'Ivoire, nous analyserons l'influence de cette campagne d'identification sur leurs activités dans le cyberespace.
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Le numérique : le grand projet à nouveau reconduit?Dominique Carre (Université Paris-Nord (Paris 13))
Après la télématique (années 1970-80), les autoroutes de l'information (années 1990-2000), la démultiplication des plateformes (souvent en lien avec les objets connectés), favoriserait l'émergence d'une troisième vague majeure d'informatisation : la « numérisation » de la société. Si tel est le cas, comment est pensée et conduite l'informatisation de la société en ce début de XXIe siècle ?
Avec le « numérique », sommes-nous face la reconduction d'un grand projet ? C'est à dire un projet qui n'est pas strictement technique, mais aussi un projet de société, comme cela a été le cas à deux reprises pour la télématique, puis pour les autoroutes de l'information. Il est proposé de mobiliser des approches et des savoirs éprouvés qui ont été construits pour appréhender les deux premières grandes vagues d'informatisation afin d'apprécier ce possible troisième temps du processus d'informatisation sociale. En effet, contrairement à ce qu'affirment trop souvent les discours promotionnels -- « à chaque fois qu'une nouvelle technique surgit il est nécessaire de faire table rase du passé » --, nous partons, au contraire, d'une position épistémologique éprouvée : les savoirs acquis précédemment lors de l'introduction de techniques sont d'importance pour mieux appréhender les enjeux des techniques plus contemporaines.
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Information, journalisme et numérique
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Le droit à l'information, un colosse aux pieds d'argileRaymond Corriveau (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
Le droit à l'information est reconnu par de nombreux textes législatifs, mais son application est autre chose. Les entreprises de presse structurent la production de l'information selon des règles marchandes. Les avatars d'une telle logique sont bien documentés ; concentration, uniformisation, etc. (CPQ, 2008). Avec l'arrivée du numérique, la dématérialisation des contenus s'accentue et on assiste à l'éclatement des modèles d'audience (Payette, 2011). Ce ralentissement combiné au déplacement de l'offre publicitaire bouleversent de manière systémique les médias traditionnels (Cayouette, 2015).Cette crise a le mérite de souligner le dysfonctionnement de la démocratie libérale et met en relief nombre de contradictions. Comment garantir un droit universel qui s'en remet aux impératifs de rentabilité d'une seule industrie (ACRIMED, 2014) ? Comment un droit essentiel peut-il reposer sur un principe tel que la concurrence (Castex, 2013) ? Comment un droit destiné à l'émancipation de tous peut-il être alimenté par l'exploitation de certains ; journalistes indépendants, etc. (Kukulka, 2011). Comment un droit fondamental peut-il être redevable à la promotion des besoins stimulés au détriment de l'écologie (Bonneuil et Fressoz, 2013) ? Comment un droit qui exige la plus totale intégrité peut-il être soumis à l'influence des acteurs économiques (Hardy, 2014) ? Et, en fin de compte, comment une démocratie peut-elle prétendre à la légitimité quand un de ses piliers demeure si fragile ?
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Les crises numériques du journalisme : injonctions au changement, mobilisations du numérique et encadrement discursif des transformations de l'économie du journalismeArnaud Anciaux (Université Laval)
Depuis les années 1990, le journalisme est entré progressivement dans un environnement numérique tandis qu'apparaissaient au grand jour de nombreuses difficultés et fragilités de l'économie du journalisme. De nombreux changements ont lieu au sein et autour des organisations médiatiques, au cours desquels le numérique est fréquemment mobilisé. L'objet de cette communication est d'interroger la composante discursive des dispositifs de transformation du journalisme. Pour développer cette analyse, je vais m'appuyer sur un travail de recherche effectué au sein de deux groupes insérés dans les industries de la culture et de la communication. L'objectif poursuivi est de voir comment des énoncés sont construits et mobilisés, circulent pour construire des représentations et transformations à l'œuvre. Plusieurs dynamiques peuvent être étudiées. Il est ainsi possible de voir qu'aux nombreuses transformations correspond une certaine raréfaction du discours autour d'énonciations particulières, admises et acceptées par le centre des institutions. De manière simultanée, il est possible de comprendre l'environnement discursif dans lequel des énoncés, portant sur « le numérique » et les transformations qu'il emporterait, établissent un champ de présence, fournissant autant de ressources discursives, sous la forme d'énoncés difficilement contournables et contestables (notamment autour de la « crise »), que de nouvelles limites dans l'espace des possibilités.
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Réseaux sociaux et journalistes français : entre médiatisation d'une profession et institutionnalisation de formes, formats et formulesValérie Jeanne Perrier (CELSA Université Paris Sorbonne)
Cette proposition s'appuie sur un travail d'observation des usages de dispositifs informatisés. Dans ce premier cadre, sont présentées quatre étapes qui peuvent constituer les périodes d'une progressive appropriation des réseaux sociaux par l'ensemble des professionnels des médias français. La communication a pour objectif de reprendre ces étapes en les définissant et en développant la dernière étape évoquée alors, celle du réengagement, en l'observant davantage. Pour rappel, la première période est celle de la découverte et de la distinction de certains acteurs avec un « petit capital social numérique » permettant de s'afficher différemment dans son domaine, la seconde période est celle de la diffusion et de l'élaboration d'un discours managérial sur l'injonction à utiliser les outils du numérique, la troisième étape est celle de l'adaptation des équipes par des formations et des discussions dans et hors les organisations médiatiques de l'intérêt et des risques des usages des réseaux sociaux. La dernière période est celle d'un réengagement sur les réseaux sociaux, notamment autour d'une focalisation sur l'usage du direct et du streaming qui permet aux professionnels des médias de se mettre en scène dans le cours de leur activité et d'offrir ainsi des images supposées renouvelées des pratiques journalistiques. Enfin, nous proposerons une typologie des formules innovantes, s'appuyant sur des évocations ou des convocations des formats venus des réseaux sociaux.
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Mettre en question les promesses de la « révolution » numérique du journalisme : le cas des initiatives journalistiques indépendantes au QuébecRenaud Carbasse (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Cette communication vise à évaluer dans quelle mesure les promesses de transformation du numérique et d'innovations techno-éditoriales se sont matérialisées pour une catégorie très particulière d'acteurs du journalisme. Nous proposons de revisiter les différentes pistes de transformation radicale du journalisme annoncées par les promoteurs du numérique en regard de ce qui a été fait au Québec. Pour cela, nous nous basons sur l'analyse de 19 publications journalistiques indépendantes qui ont vu le jour entre 1996 et 2014. Nos données incluent une trentaine d'entrevues en profondeur, l'analyse de chacune des publications ainsi qu'une veille soutenue du journalisme québécois. Ici, sans reprendre entièrement à notre compte l'idée selon laquelle « la révolution [du cyberjournalisme] n'a pas eu lieu » (Pélissier, 2001), nous chercherons à tempérer les prétentions à un changement de régime. Alors qu'on observe un métissage de certaines pratiques, la popularisation de logiques entrepreneuriales, et la création de nouveaux lieux de production et de diffusion journalistique, on semble rester davantage dans une continuité marquée avec les logiques et manières de faire existantes. Lorsque les innovations sont présentes, elles sont d'ailleurs faites « sous contraintes » (Smyrnaios, 2012) dans un contexte québécois marqué par des ressources limitées.
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Le numérique et son effet sur la frontière poreuse entre journalisme et relations publiquesChantal Francoeur (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Le numérique est la toile de fond des échanges redynamisés entre les journalistes et les relationnistes : la frontière poreuse entre les deux professions change, provoquant des transformations au sein des organisations et des métiers de la communication (Macnamara, 2014 ; Sissons, 2012).
La communication « Le numérique et son impact sur la frontière poreuse entre journalisme et relations publiques » fera état de résultats de recherche sur les liens entre les journalistes et les relationnistes. Plus précisément, il sera fait état de l'analyse d'entretiens semi-dirigés avec trente relationnistes et vingt journalistes.
Trois façons de comprendre les liens entre les journalistes et les relationnistes seront proposées : Les répertoires interprétatifs des journalistes discutant de leurs liens avec les relationnistes; Les espaces d'autonomie des journalistes face aux relationnistes; Les façons d'agir des relations publiques sur le journalisme.
Table ronde : culture et médias à l'épreuve du numérique – Animée par Suzanne Lortie avec Denis Chouinard, cinéaste et professeur de l'École des médias de l'UQAM, Benoit Giguère de La Presse + et Sylv
Cocktail numérique (lieu à déterminer)
Service public médiatique à l'ère du numérique
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Le service public médiatique face aux défis des réseaux numériques : le cas du Royaume-UniGaëtan Tremblay (UQAM - Université du Québec à Montréal)
L'objectif principal de notre recherche, subventionnée par le CRSH, est d'évaluer dans quelle mesure l'expansion des réseaux numériques et le mouvement des “knowledge and creative commons” permet aux institutions de service public médiatique de repenser leur mandat et de renouveler leurs pratiques. L'innovation technologique, la prolifération des services, l'exacerbation de la concurrence pour les revenus publicitaires comme pour l'attention des publics, la refonte de la réglementation et la réduction des crédits gouvernementaux ont profondément transformé le paysage médiatique au cours des quatre dernières décennies. Les grandes institutions de service public médiatique ont, dans la mesure de leurs moyens, adopté différentes stratégies pour s'adapter au nouvel environnement et poursuivre l'atteinte des objectifs de leur mission en termes d'accessibilité et de promotion de la créativité. La présente communication analysera le cas du Royaume-Uni ou co-existent deux institutions de service public : la British Broadcasting Corportation (BBC) et Channel 4. À partir d'une analyse documentaire et d'entretiens avec des représentants des principaux groupes d'acteurs effectués en novembre 2015, la communication mettra en évidence les deux cadres juridiques qui les régissent, leurs stratégies numériques et les relations qu'elles entretiennent avec les producteurs indépendants. La conclusion soulèvera quelques éléments pertinents à une analyse comparée France/Canada/Royaume-Uni.
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Politique, loi, culture : le rôle spécifique de la Société Radio-Canada/CBC et l'importance des leçons de l'histoireSvet Doytchinov (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Quels sont les deux points communs entre les personnes de la liste suivante: Jim Carrey, Mike Myers, Seth Rogen, Ellen Page, Michael Cera, James Cameron, David Cronenberg, Dan Aykroyd, Martin Short, Neve Campbell, Hayden Christensen, Lorne Michaels, Tommy Chong, Catherine O'Hara, John Candy, Dave Thomas, Rick Moranis, Elisha Cuthberg, Michael J. Fox, Brendan Fraser, Philippe Falardeau, Jean-Marc Vallée, Denis Villeneuve, parmi d'autres?
Premièrement, ils sont tous des Canadiens et Canadiennes et deuxièmement ils travaillent majoritairement (si non exclusivement) dans l'industrie cinématographique des États-Unis.
La question qui se pose est – pourquoi à Hollywood et pas au Canada? Pourquoi un tel potentiel créatif canadien travaille au service d'une autre nation et d'une autre culture ? L'objectif de cette présentation sera de tirer une leçon de l'histoire pour ainsi essayer de mieux comprendre et expliquer certains évènements du présent, et réfléchir sur leur impact potentiel sur le futur de l'industrie audio-visuelle du Canada.
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L'emprise du milieu : l'Ordonnance d'exemption relative aux [...] nouveaux médias du CRTC comme une éthique de la mesure entre des impératifs de culture et d'économieOulai Goué (UdeM - Université de Montréal)
La décision prise par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) d'exempter de taxes Netflix, YouTube (Google) & Co., à l'issue des audiences sur la télévision de septembre 2014 a suscité une certaine réaction de la part d'un bon nombre d'acteurs des industries culturelles et créatives qui voient dans la montée en puissance de ces nouvelles plateformes de contenu en ligne, les signes avant-coureurs du péril de la culture canadienne. D'un côté l'ogre américain et sa puissance financière en appui à ses produits culturels, et de l'autre le petit poucet canadien devant composer avec un environnement hautement régulé et une rareté de capitaux à disposition.
Mais à rebours d'une compréhension de l'« exemption nouveaux médias » comme le prolongement d'un CRTC amorphe et incapable de prendre position pour les intérêts de la culture canadienne, on pourrait y voir plutôt une emprise de la position du (juste) milieu que lui imposent des impératifs de culture et d'économie.
[1]Des audiences publiques Parlons télé : une conversation avec les Canadiens dont le projet a été lancé en octobre 2013.
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La légitimation des médias de service public en Europe à l'ère numériqueFrancisco Cadima (Universidade Nova de Lisboa)
On n'a jamais eu en Europe une vraie mise en œuvre de la mission des médias de service public visant l'approfondissement et la consolidation du projet politique, culturel et social européen.
La redéfinition « numérique » de la mission des médias de service public devrait commencer par un rappel des exigences du modèle classique de radiodiffusion, notamment en matière de qualité et de diversité de contenus d'origine européenne, mais aussi intégrer clairement « une certaine idée de l'Europe » (Steiner, 2005), en ce qui concerne, en particulier, l'identité européenne. Elle doit aussi assurer que la présence dans le milieu web d'opérateurs publics ne consistera pas dans une imitation des projets commerciaux, ce qui équivaudrait à adopter un nouveau compromis fondé, soit sur l'héritage culturel européen, soit sur un modèle alternatif et/ou complémentaire.
La qualité et la diversité culturelles des contenus sont essentielles, comme le reconnaissent, d'ailleurs, Thompson (2010),Ridinger (2009) etBatz (2005). Le service public à l'ère numérique doit donc répondre aux défis démocratiques (Stiegler, 2008), sociaux et culturels de la société. Et être plus proche d'un service universel numérique que d'un service public commercial.
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Enjeux sociopolitiques du numérique (Partie 2)
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Le compromis social du droit d'auteur au temps du numériqueFrance Aubin (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
Le droit d'auteur tire son origine de la relation de codépendance entre deux grandes catégories d'acteurs : les auteurs et les éditeurs. Cette relation est souvent abordée en termes de rapport de force et on convient alors que celui-ci est généralement en faveur du producteur. Récemment, le droit d'auteur a aussi été abordé en termes de compromis social ou d'équilibre de deux droits, celui du soutien aux créateurs (et à ses diffuseurs) et celui de l'accès du public aux créations. Le droit d'auteur vise alors un équilibre entre le droit du créateur (et de son producteur) de tirer des revenus de son travail et le droit du public de jouir des productions culturelles. L'intégration récente du droit d'auteur à la propriété intellectuelle coïncide avec le développement technologique ayant débouché sur la dématérialisation et la numérisation des contenus. La dématérialisation des œuvres remet le droit d'auteur en question et à sa suite, les rapports de force et compromis sociaux qui ont pu y être associés, au profit de la conception commerciale et marchande de la propriété intellectuelle. Dans le cadre de cette conférence, nous examinerons les arguments mobilisés par certains acteurs de la société civile sur la modernisation canadienne du droit d'auteur et sur l'accord de partenariat transpacifique en négociation afin d'examiner les manières dont ils recoupent (ou non) les équilibres historiques du rapport de force et du compromis social.
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La modernisation du droit d'auteur tourné vers l'accès : illustration de la transformation des rapports de force au sein des ICC (industries de la culture et de la communication)?Simon Claus (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Depuis la fin des années 1990, l'organisation historique du droit d'auteur, déterminant les conditions d'institutionnalisation, de valorisation et de médiatisation de la culture apparait fortement questionnée dans un contexte de transformations structurelles. Face à la « problématique du numérique », la tendance générale a été une inflation juridique autour du droit d'auteur visant à protéger des modèles socio-économiques historiques.
A contre-courant de ces tendances, le 19 juin 2012, le Canada adopte le projet de loi C-11 (LMDA) qui vise à établir un « juste équilibre entre les droits des créateurs et les intérêts des consommateurs » (Lithwick et Thibodeau, 2011, 4) en offrant particulièrement « une approche équilibrée qui tient compte des activités quotidiennes des Canadiens » (Gouv. du Canada, 2012). L'adoption de ce texte a généré de « nombreuses réactions de la part des spécialistes de la communication, des juristes, des sociétés collectives de gestion de droits d'auteur, des maisons d'édition et des groupes d'artistes, qui ont vu d'un mauvais œil cette réforme, jugeant qu'elle profiterait davantage aux distributeurs, fragiliserait les droits des créateurs et réduirait la liberté des utilisateurs d'Internet » (Aubin, 2014, 19).
Cette communication a pour objet d'interroger la manière dont la LMDA reflète une évolution des modalités de marchandisation et d'usage de la culture en lien avec une transformation des rapports de force au sein des ICC.
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Cybernétique et contrôle social : prolégomènes au concept de mégadonnéesMaude BONENFANT (UQAM - Université du Québec à Montréal), André MONDOUX (UQAM - Université du Québec à Montréal), Marc MÉNARD (UQAM - Université du Québec à Montréal), Maxime Ouellet (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Si la cybernétique semble avoir disparu du discours scientifique, ses postulats ont trouvé des applications dans l'actuel processus de cueillette et d'analyse des données numériques à des fins prédictives, aussi appelé Big data[1]. Selon ses promoteurs, le Big data permettrait de mettre en place des mécanismes de régulation sociale non coercitif et efficients grâce à des algorithmes auto-apprenants qui seraient mesure de prendre des décisions de manière automatisée. Les écrits qui ont cherché à retracer les origines du Big data présentent ce phénomène sous un angle technique, considéré comme « neutre ». Dans cette communication, il s'agira donc de déconstruire les présuppositions du Big data de façon à mieux appréhender comment il est devenu omniprésent dans les sphères sociales, culturelles, économiques et politiques. Nous avançons que la technique, loin d'être neutre, est une forme de mémoire, si bien que le Big Data relève davantage d'une continuité que d'une coupure avec le programme initial de la cybernétique, ce que seul un examen généalogique de ses fondements idéologiques est à même de révéler. Ce travail de déconstruction permet de retracer les fondements politiques d'une nouvelle forme de contrôle social qui se présente comme «non-idéologique» parce que basée sur des données numériques «objectives».
[1]David Bollier,, The promise and perils of big data, Washington, The Aspen institute, 2010.
Dîner
Mobilité et dispositifs numériques
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Médias localisés et mobilités partagées : création et activation dans un ou deux dispositifs artistiques contemporainsBernard Guelton (Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1))
Un nombre croissant de dispositifs artistiques, ludiques et fictionnels utilise comme fondements la mobilité des personnes et leurs interactions par le biais d'interfaces numériques. Dans ce contexte, les notions de médias situés et de mobilités partagées constituent deux déterminations fondamentales qui sont complémentaires. On propose de définir les « mobilités partagées » dans son acception contemporaine comme différentes formes de déplacements combinés, physiques et/ou virtuels, entre plusieurs personnes dans un espace continu ou discontinu. Dans les « médias situés », l'information multimédia ou hypermédia est incorporée et intégrée dans l'environnement du sujet. Dans ce contexte, les participants sont successivement ou simultanément récepteurs et émetteurs d'une information qui acquiert sa signification en fonction du lieu où elle est produite. On examinera un ou deux exemples de pratiques artistiques qui profitent de ces bouleversements fondamentaux dans notre approche de la culture et des médias.
À noter que la distance physique, géographique entre les sujets n'implique pas nécessairement de discontinuités, alors que l'accès, la connectivité, le passage d'un support perceptif à un autre peuvent être discontinus.
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Le touriste à l'heure du numérique : un homme augmenté ou un nouvel exemple de « me, myself, and I»?Philippe Viallon (Université de Strasbourg)
Derrière sa dimension agréable et ludique, le tourisme met en jeu des questions économiques, politiques et sociales essentielles, aussi bien pour les populations qui accueillent les touristes que pour celles qui constituent les visiteurs. On peut donc s'attendre à ce que les évolutions techniques trouvent dans ce domaine un terrain favorable. Mais le basculement vers une économie de plus en plus numérique n'est pas le seul élément de changement : la place des réseaux sociaux numériques, la mobilité accrue permise par les NTIC ou les nouvelles possibilités offertes par la technique contribuent également à bouleverser les formes de communication du tourisme et donc des pratiques sociales.
Cette intervention s'articule autour de deux points : d'une part, elle va développer, dans une approche aussi bien qualitative que quantitative, les innovations en montrant que les changements sont nombreux. Des exemples montreront que des données aussi fondamentales pour les individus que le temps et l'espace peuvent être modifiées. La technique donne aux touristes des « pouvoirs » qui en font des « super-touristes ». D'autre part, elle jettera un regard plus critique sur les conséquences pour les individus, qu'ils soient hôtes ou touristes, sur ce qui pourrait être une nouvelle perte d'identité, une déshumanisation, voire une déréalisation. Le touriste, citoyen du monde, ouvert à l'Autre, peut disparaître au profit d'un consommateur du monde, passif et égocentrique.
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Les pratiques numériques comme moteur du sémiocapitalismeFabien Richert (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Dans le cadre de cette communication, nous présenterons le concept de sémiocapitalisme, proposé par Franco Berardi, pour comprendre les impacts de l'usage massif des plateformes numériques sur leurs utilisateurs. Le concept de sémiocapitalisme permet à Berardi de mener des réflexions sur le « travail immatériel » à comprendre comme la transformation des activités productives impliquant directement la subjectivité du « cognitariat », sorte de prolétariat 2.0, dans leurs différentes tâches quotidiennes. À l'ère du sémiocapitalisme, les compétences qui impliquent un minimum de connaissances en informatique, et les comportements des individus, encouragés à partager leurs informations avec plus ou moins d'enthousiasme, sont directement productifs et soumis à la logique de la valorisation marchande tandis que le temps de travail devient quant à lui de plus en plus difficilement mesurable. Dans cette communication, il s'agira de saisir le concept de sémiocapitalisme, le distinguer du capitalisme informationnel, et évaluer sa pertinence pour saisir les modes de subjectivation à l'œuvre dans l'usage des plateformes numériques qui s'inscrit dans un contexte de travail immatériel. Dans un deuxième temps, nous soulignerons également les limites actuelles d'un tel concept du fait d'une focalisation sur les seuls effets délétères du sémiocapitalisme et de l'absence d'une critique en profondeur des fondements d'un tel système.
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Pause
Industries culturelles et numérique
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Quand les dispositifs font des publics des « producteurs » d'émissions d'information : le cas des Observateurs de France 24Henri Assogba (Université Laval)
Selon Rebillard (2012), on assiste à une professionnalisation et à une rationalisation de l'intégration des contributions des amateurs dans la production de l'actualité. Cette tendance est illustrée par la plateforme Les Observateurs, une émission de la chaîne France 24. Ce dispositif est défini par la chaîne française comme « un site d'information et deux émissions participatives dont tous les contenus publiés viennent "d'amateurs", mais ils sont sélectionnés, vérifiés, traduits et expliqués par une équipe de journalistes à Paris ».
La présente étude s'intéresse particulièrement aux contributions issues de régions peu ou non couvertes dans le traitement de l'actualité internationale. Quelles sont les principales thématiques traitées dans ces contributions « d'amateurs » ? Comment ces derniers s'identifient-ils et comment se mettent-ils en scène dans un pareil dispositif ? Quel est leur statut dans le continuum de la production journalistique ? Ces pratiques participatives sont-elles une illustration du « capitalisme informationnel » (Proulx et al., 2014) ?
À partir des discours autopromotionnels de l'équipe de production de cette émission, des observations en ligne et de l'analyse des contenus publiés sur le site des Observateurs, nous montrerons les permanences et ruptures de ce dispositif qualifié de « pionnier » et basé sur la « sous-traitance par les publics de la présélection et de la collecte des informations » (Assogba, 2012) dans le traitement de l'actualité.
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Les plateformes de financement participatif (crowdfunding) : composante des transformations des industries culturelles?Simon CLAUS (UQAM - Université du Québec à Montréal), Éric George (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Il est de plus en plus question du crowdsourcing et surtout du crowdfunding, notamment au sujet du secteur culturel. Le financement participatif est en effet en croissance, et ce entre autres, dans les secteurs des arts, des films, de la musique et des médias numériques interactifs. Dans le cadre de cette présentation, nous reviendrons tout d'abord sur les définitions à donner à ces termes en les positionnant l'un par rapport à l'autre. Dans un deuxième temps, nous verrons comment, en effet, le crowdfunding correspond avant tout à des modalités complémentaires de financement des industries culturelles. Dans un troisième temps, nous fournirons quelques données qui concernent le financement participatf au Québec, notamment à propos des industries culturelles, voire au-delà. Enfin, nous conclurons en considérant que les développements en cours au Québec, et au-delà, reposent en effet sur la formation de nouvelles plateformes typiques de l'ère du « numérique », mais aussi sur des considérations tant économiques et financières que sociologiques, par exemple, quand il s'agit de tenir compte du rapport d'une population par rapport au don.
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Les « pratiques inédites » du sport spectacle : MLBAM (Major League Baseball Advanced Media) et le virage numérique de la LNH (Ligue nationale de hockey)Philippe-Antoine Lupien (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Depuis le 1er janvier 2016, la Ligue nationale de hockey (LNH) confie tous les aspects de ses activités numériques à une filiale de la Major League Baseball (MLB), MLB Advanced Media (MLBAM). Cette entente modifie les pratiques de distribution des images du sport et confond les rôles: la LNH devient à la fois coproductrice et intermédiaire directe des images du sport auprès des consommateurs, tout en préservant une certaine primauté pour les télédiffuseurs. Cette entente provoque néanmoins de nouvelles configurations qui étendent l'emprise et le contrôle de la LNH sur ses discours, ses produits et les déclinaisons de ses images de marque. Ces pratiques sont qualifiées d' « inédites » par le commissaire de la ligue ; elles le sont, car elles permettent à la LNH de s'inscrire de manière prépondérante dans de nouveaux modèles de valorisation économique. Les organisations sportives se définissent même désormais comme des entreprises intégrées de divertissement, voire comme des entreprises purement médiatiques. Cette présentation exposera les modalités des « pratiques inédites » de la LNH en identifiant les acteurs impliqués dans la chaîne de production des images du sport et en questionnant les discours qui accompagnent ces changements.
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La fin du cinéma? Recadrer le débat public apocalyptiqueMartin Tétu (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Afin de dépasser un débat public en partie apocalyptique, amalgamant structures (salles) et pratiques (cinéma), il importe de regarder de plus près comment évoluent ces pratiques contemporaines et le contexte dans lesquelles elles s'inscrivent. En effet, les pratiques pourraient non pas disparaître mais plutôt se métamorphoser. Pour éviter tout déterminisme, il apparaît alors utile de poser l'hypothèse d'une continuation des pratiques dans un nouveau contexte numérique.
La communication proposée ici vise à situer la mutation actuelle du cinéma au sein d'un environnement médiatique et culturel aussi en mutation. Elle est basée sur une recherche exploratoire incluant statistiques de consommation, analyse du discours et observation des pratiques et du réseau de diffusion. La communication souhaite éclairer les multiples dimensions du cinéma se déployant dans l'environnement numérique, à savoir structures de diffusion, pratiques, formes artistiques, origines de production, diversité des contenus. Parmi les questions posées, se trouve la possibilité d'un investissement de l'espace privé par des pratiques cinéphiliques vécues « en commun ». De même, l'objet culturel « film » pourrait conserver sa forme et son sens, tout en circulant en dehors du cadre traditionnel de diffusion. Enfin, le patrimoine cinématographique est paradoxalement plus valorisé et accessible que jamais, alors même que les salles de cinéma vivent leur déclin.