Informations générales
Événement : 84e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Il y a un demi-siècle, le rapport Parent pavait la voie à une réforme radicale de l’enseignement supérieur au Québec, y compris ses modes de gouverne et de gestion. Rompant avec la centralisation qui prévalait jusqu’alors, l’administration des universités devait faire la part belle à la collégialité. Les professeurs avaient ainsi voix au chapitre, que ce soit au conseil d’administration ou dans les divers comités et commissions mis sur pied à l’échelle de l’université ou de ses unités. Les étudiants étaient eux aussi invités à participer à ces instances et à y faire valoir le point de vue de leurs commettants. Cette conception a largement inspiré les règles et les pratiques au sein de l’Université du Québec nouvellement créée, puis des autres institutions universitaires lors du renouvellement de leur charte.
Depuis, l’université québécoise s’est profondément transformée, sur le plan auntant quantitatif que qualitatif. Les lieux et les modes d’enseignement se sont multipliés, comme se sont diversifiés les profils des étudiants. La recherche a pris une ampleur considérable et le financement des universités est de plus en plus soumis à leur productivité en cette matière. Il n’est plus désormais question de l’administration des universités, mais de leur « gouvernance ». Une logique, que plusieurs associent à la nouvelle gestion publique, impose progressivement sa marque à l’« idée d’université ». L’université doit désormais démontrer son utilité pour l’économie et la société, rendre une myriade de comptes et se doter d’un conseil d’administration dont le rôle et la composition s’inspirent du secteur privé.
Cette transformation tient-elle simplement à un effet de mode ou signale-t-elle plutôt un changement profond dans la gouverne et la gestion des universités, voire dans leur mission? Ce colloque propose d’examiner les manifestations de cette transformation et de dégager ce qu’elle laisse entrevoir pour l’avenir des universités au Québec.
Le colloque a pour but de rendre compte de la transformation de l’université québécoise, de la situer dans un panorama plus général et de réfléchir sur son avenir, en particulier sous l’angle de sa gouverne et de sa gestion. Le colloque vise à soulever les enjeux qui découlent de cette transformation, tant pour les universités elles-mêmes que pour tous ceux qui y œuvrent : dirigeants, étudiants, professeurs et autres groupes d’employés.
Au Québec, peu de chercheurs s’intéressent à la gouverne et à la gestion des universités. Le colloque leur fournira une rare occasion de débattre de ces questions d’importance. Les conférenciers se verront offrir la possibilité de rédiger un chapitre dans un ouvrage collectif qui poursuivra la réflexion amorcée durant le colloque.
Dates :- Louis Demers (ENAP - École nationale d'administration publique)
- Jean Bernatchez (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
- Martin Maltais (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
- Michel Umbriaco (TÉLUQ - Université du Québec)
Programme
Gouvernance et financement des universités : perspective comparative
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De l'administration à la gouvernance des universités : bienvenue à Université inc.Louis Demers (ÉNAP - École nationale d'administration publique)
Depuis quelques années, le terme « gouvernance » est employé pour penser des phénomènes aussi variés que la direction des organisations, les rapports entre actionnaires et dirigeants d'entreprises, le fonctionnement de l'État, ses rapports avec la société et les relations internationales. Cet appel généralisé à la – bonne – gouvernance a notamment à voir avec la complexification du monde contemporain et avec l'échec des modes de gouverne hiérarchiques pour en régler les problèmes. Il convient dorénavant de faire participer les citoyens et les parties prenantes aux décisions, de décentraliser, de nouer des partenariats et de constituer des réseaux, autant de moyens pour favoriser l'innovation en se libérant des contraintes bureaucratiques. Qu'en est-il de la gouvernance des universités? Paradoxalement, sous le couvert d'une bonne gouvernance, on assujettit les universités à une logique hiérarchique et centralisatrice, tout en les mettant en concurrence et en leur imposant des modes de fonctionnement propres aux entreprises privées. Ce faisant, c'est la nature même de l'université qui est mise en cause.
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Gouvernance universitaire et mondes économiques : une analyse du changement et des enjeux depuis la haute administration de la recherche en France et au QuébecAïcha BOURAD (Institut d’Études Politiques, Toulouse), Claude Julie Bourque (CHU Sainte-Justine)
Au Québec, la gouvernance de l'université est au coeur de plusieurs débats liés au changement (mission économique, modes de financement, de production et de gestion de la recherche, etc.). Les mêmes tensions sont présentes en France dans le milieu de la recherche en général et celui des universités en particulier. Nous proposons donc de présenter des résultats préliminaires d'une enquête en cours dans les deux pays. La genèse des politiques (science et technologie, enseignement supérieur), l'évolution des structures institutionnelles et les impacts du changement sur les pratiques font l'objet de travaux de plus en plus nombreux depuis les années 1990. L'originalité de notre contribution est sa perspective analytique axée sur la haute administration scientifique. À partir de données institutionnelles sur les conseils d'administration universitaires, d'observations ainsi que d'entretiens (scientifiques et administrateurs), la comparaison entre les deux pays nous permet d'établir qu'il y a peu de différence dans les dynamiques fondamentales (outre les particularités structurelles nationales). En effet, les changements ne semblent pas constituer un tournant radical, mais sont plutôt limités, lents, inégalement présents et semblent fortement influencés par les postures des acteurs en présence au niveau institutionnel local.
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La question du financement et les transformations historiques des logiques, espaces et contours des systèmes d'enseignement supérieurVincent Carpentier (University College London)
Cette communication explore les origines et les implications de l'évolution de la structure publique/privée du financement universitaire à partir de 3 transformations historiques ayant jalonné l'expansion des systèmes d'enseignement supérieur. Le premier type de transformation, associé aux logiques de l'expansion, dépeint les relations constantes et tensions récurrentes entre les facteurs économiques, politiques, sociaux et culturels. Un deuxième type de transformation, associé aux espaces de l'expansion, identifie les interactions et frictions historiques entre les niveaux national, international et local. Le troisième type de transformation, associé aux contours de l'expansion, souligne une tendance à la stratification des systèmes qui, selon les pays et les périodes, a pu s'apparenter au renforcement de processus inégalitaires entre institutions ou à une réelle diversité. Les défis posés par les logiques, les espaces et les contours de l'expansion actuelle sont particulièrement aigus et questionnent les trajectoires de financement et leurs conséquences sur les institutions et leurs missions.
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L'université déformée : une mission détournée et une perte d'autonomie intellectuelleMax Roy (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Sous l'influence de groupes de pression et d'intérêts privés, des propositions pour une nouvelle gestion publique (NGP) se sont imposées dans les établissements universitaires au cours des dernières décennies. Des directives politiques en ont fait des règles qui ont modifié, le cas échéant, non seulement la gestion mais également les structures, les orientations et le mode de fonctionnement des universités. Si la mission gobale de l'institution universitaire —sa fonction sociale, éducative et scientifique— s'en trouve affectée, il en va de même du rôle et des conditions de travail des professeurs et des chercheurs. C'est ce qui ressort de plusieurs essais et témoignages, dont la provenance confirme l'importance des changements qui s'opèrent à travers le monde. Face à un autoritarisme accru, on déplore une érosion de la collégialité et une perte d'autonomie intellectuelle (liberté académique). L'examen de quelques études et cas de figure pouvant illustrer la situation au Québec, en France et ailleurs entraîne à se questionner sur l'avenir de l'université et du statut de professeur.
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Pause
De l'administration à la gouvernance : l'expérience de deux universités québécoises
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Gouvernance par rapport à administration : une distinction valable? Oui, mais...Marc Richard (Université McGill)
Marc Richard/McGillBibliothécaire agrégé, Université McGillTitre :Gouvernance vs. administration : une distinction valide? Oui, mais....Résumé : À l'Université McGill, le mot "gouvernance" désigne les instances à travers lesquelles les membres du personnel académique et les étudiants participent à la direction de l'institution selon le modèle collégial, alors que le mot "administration" désigne le domaine de responsabilité des cadres et des membres de la haute direction. Ces derniers invoquent parfois la différence entre la gouvernance et l'administration afin de distinguer entre les dossiers qui relèvent des instances collégiales comme le Sénat universitaire et les dossiers qui devraient être laissés à l'attention des gestionnaires. Cette distinction estvalide, même si elle n'est pas absolue ou imperméable, mais elle sous-entend une question fondamentale: qui décide si un dossier est de nature administrative ou pas? Si ces décisions sont prises par les gestionnaires eux-mêmes, le potentiel existe pour que la collégialité de l'institution soit minée. Une vigilance constante contre de tels dérapages s'impose donc aux autres acteurs du milieu universitaire.
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La collégialité et la bicaméralité sont-elles en danger? Le cas de l'Université du Québec en Outaouais (UQO)Guy BELLEMARE (UQO - Université du Québec en Outaouais), Louise Briand (UQO - Université du Québec en Outaouais), Étienne COLLETTE (UQO - Université du Québec en Outaouais)
Mme Louise Briand/UQOLa collégialité et la bicaméralité sont-elles en danger? Le cas de l'Université du Québec en Outaouais (UQO)
Cette communication s'intéresse à la question du pouvoir dont disposent les acteurs internes de l'université sur ses orientations et son fonctionnement? À partir d'une étude de cas, les auteurs se proposent d'examiner les possibilités de sauvegarder la collégialité et la bicaméralité, conçues ici comme deux des principes fondateurs de l'Université. L'étude débute par la présentation de l'évolution du modèle de la production des connaissances, inspiré du modèle de la triple hélice de Leysdesdorff et Etzkowitz (2000). Le portrait permet d'expliquer le rapprochement des universités avec le milieu et d'en identifier les enjeux. L'étude se poursuit avec l'analyse de l'évolution de la composition du conseil d'administration de l'UQO (de 2005 à 2015) et l'examen du cheminement d'un projet de règlement sur le mode de désignation des cadres académiques sur une période de 2 ans. Ces analyses montrent les limites de la collégialité au sein de l'instance « Commission des études », mais aussi celles de la bi-caméralité lorsque des administrateurs externes se sentent légitimés d'inscrire une empreinte managériale dans un règlement qui est de nature fondamentalement académique. En conclusion, les auteurs identifient des conditions qui favorisent le maintien des principes fondateurs de l'université et le rapprochement de l'université avec son milieu.
Dévoilement du Rapport sur la classification des universités par Michel Umbriaco, du Comité sur le financement des universités de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université
La gouvernance des universités québécoises : influences, effets et voies de sortie
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Mot de bienvenue
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Le nouveau management public et l'université québécoise : quelle influence?Jean Bernatchez (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
Deux modes d'administration publique se déploient au XXe siècle. Le mode bureaucratique a pour fondement la domination légale. Il s'inspire des règles de droit et repose sur le principe de la hiérarchie des normes. Le pouvoir d'un administrateur public est régi par ce principe et par celui de l'impersonnalité des règles et des procédures qui élimine l'arbitraire dans l'accomplissement de la fonction. L'autre cas de figure, le mode managérial, établit une distinction entre le politique et l'administratif. La première expression du Nouveau management public (NMP) en réaction au mode bureaucratique s'observe dans la Grande-Bretagne de Thatcher et dans les États-Unis de Ronald Reagan avant de s'imposer ailleurs dans le monde, entre autres au Québec. La Loi sur l'administration publique de 2000 consacre le NMP comme vecteur de l'administration publique québécoise. Parmi les principes qui le caractérisent figure entre autres l'attention portée aux processus avec l'adoption de méthodes inspirées du secteur privé. Les fonctions du NMP s'organisent autour de la planification stratégique, de la gestion axée sur les résultats, de la contractualisation, de la reddition de comptes, de l'externalisation de services et de la réduction des déficits. Cette culture de gestion n'est pas imposée aux universités québécoises, mais elle en influence son administration et sa gouvernance. Dans quelle mesure et jusqu'à quel point? L'occasion de la communication permettra de discuter de cette question.
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La « dérive de l'université » dans le discours critique de ses acteurs : une perspective historique, de 1945 à nos joursJules Racine-St-Jacques (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Dans cette communication, je ferai la généalogie du discours critique des acteurs universitaires sur l'université québécoise depuis les années d'après-guerre. Je montrerai ainsi que les inquiétudes des professeurs et dirigeants quant à l'avenir de l'institution universitaire ressurgissent périodiquement et s'articulent généralement autour des mêmes topoï. Ceux-ci présupposent un idéal dont on peut raisonnablement se demander s'il a déjà trouvé un reflet exact dans la réalité concrète de la mission universitaire ou s'il n'existe que dans la sphère discursive. Le cas échéant, il faudrait se questionner sur l'identité des tenants de ce discours. Afin de mieux éclairer les critiques actuelles de la dérive managériale de l'université, cette communication invitera finalement à comprendre l'histoire de l'université québécoise à la manière bourdieusienne, soit comme celle de l'équilibre dynamique d'un champ traversé par des forces exogènes et animé par des acteurs au capital symbolique varié luttant pour légitimer leur définition de la nature et de la fonction de l'université et, par le fait même, pour régler le niveau d'autonomie du champ universitaire.
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Pause
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Premières données d'une recherche sur les administrateurs universitaires du QuébecÉmanuelle MALTAIS (TÉLUQ - Université du Québec), Michel Umbriaco (TÉLUQ - Université du Québec)
Auteur(e)s : Michel Umbriaco et Émanuelle Maltais
Devant la paucité de données vérifiées et vérifiables sur l'administration universitaire au Québec, nous avons entrepris une première description de l'état des lieux où l'on constate, qu'en 20 ans, leur nombre s'est accru de 26%. Nous exposerons les autres constatations préliminaires ainsi que certaines hypothèses. En tout premier lieu, on semble assister à une transformation et quantitative et qualitative de la haute administration universitaire. En plus de l'accroissement important du nombre d'administrateurs, (ce qui en théorie devrait entraîner plus de bureaucratie ce qui reste à vérifier) les transformations semblent actualiser les prescriptions du Rapport Toulouse (IGOPP, 2007) et déplacer ainsi les locus de pouvoirs traditionnels. En ce qui concerne la répartition des postes par genre celle-ci est encore loin de la parité. Par ailleurs, l'accroissement important du nombre d'administrateurs académiques devrait changer la nature, les rôles ainsi que l'équilibre des forces au sein des des équipes de direction. Cela pourrait confirmer les hypothèses de DeCelles (1993) sur les trois espaces culturels (complexes et même démultipliables) des universités. Cette communication, évidemment limitée et imparfaite, est une invitation à aller plus loin et elle vise également à ouvrir un dialogue, sinon un débat, afin de mettre la table pour la suite de notre programme de recherche.
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Analyser la coopération universitaire en s'appuyant sur deux approches issues des politiques publiquesJean-François CONROY (UQAR - Université du Québec à Rimouski), Martin Maltais (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
Nos travaux de recherches antérieurs ont abordé le développement de la bimodalité au sein d'un établissement universitaire de tradition campus. La bimodalité (dual-mode) concerne la cohabitation dans un même établissement des modes de formation en présence et à distance. Ces travaux ont montré la pertinence de considérer les transformations institutionnelles comme des politiques et de reconstituer le jeu des acteurs dans l'aménagement de ces politiques. Pour ce faire, nous avons fait appel à deux approches issues des politiques publiques : l'approche cognitive et celle des courants qui traversent les processus de réalisation des politiques. Ces travaux posent l'existence de luttes entre différents types d'acteurs qui tentent d'intervenir à chaque étape du processus de réalisation d'une politique : luttes sur le plan des idées et sur le plan des actions. Dans cette communication, nous présenterons un projet de recherche en démarrage qui recourt au même cadre théorique. Ce projet porte sur des situations de coopération en enseignement entre des établissements du réseau de l'Université du Québec. Cette communication sera une occasion d'aborder la pertinence du thème de recherche, du cadre de référence retenu et des éléments méthodologiques qui en découlent.
Dîner
Gouvernance et conception de l'université
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Pause
Conférence de clôture
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Dérive gestionnaire depuis le bogue de l'an 2000 : échec du modèle entrepreneurial imposé aux universités québécoisesJean-Marie Lafortune (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Par Jean-Marie Lafortune, Président de la FQPPU
Le 21e siècle s'est ouvert pour le réseau universitaire québécois par une inflexion du modèle de gestion qui a progressivement érodé les bases d'une conception humaniste-démocratique au profit d'une vision technico-commerciale. La réforme du financement introduite avec l'adoption de la Politique québécoise à l'égard des universités ainsi que le virage vers la recherche par projet induit par la création des Chaires de recherche du Canada inaugurent en l'an 2000 une ère où le mode de gestion entrepreneurial s'impose au milieu universitaire. Après 15 ans d'expérimentation, on observe que ce modèle conduit à une dérive qui remet en cause la réalisation de la mission universitaire en tant que service public ainsi que le statut et le rôle des professeurs au sein de l'institution. Ce constat de dénaturation du modèle antérieur de cogestion ayant historiquement démontré sa pertinence appelle une forte mobilisation professorale, organisée autour de la vie syndicale, et la mise sur pied d'instances, telle un Conseil des universités, pouvant permettre de rompre avec la coûteuse concurrence entre les établissements et le processus de subordination du corps professoral aux visées de gestionnaires isolés de la communauté universitaire.