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Informations générales

Événement : 84e Congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Section 400 - Sciences sociales

Description :

Les politiques de développement tout comme celles d’aménagement territorial contribuent à marginaliser certains groupes sociaux en assignant notamment des places et des occupations différenciées au sein de la société. Les populations visées par cet assujettissement ne se conforment pas nécessairement aux politiques et discours dominants. Leur résistance s’exprime à travers des contre-discours et des pratiques transgressives issus d’imaginaires sociaux. Les imaginaires sociaux font référence à la capacité de donner sens au monde qui nous entoure, particulièrement en posant l’existence des liens rassembleurs d’un « nous » imaginé. Constituées en acteurs politiques, les populations visées par ces discours dominants accordent une importance vitale à leur espace géographique, espace qu’elles investissent et sur lequel elles ont tissé des rapports sociaux et culturels qui assurent leur survie. L’analyse du rôle de ces imaginaires dans la construction des représentations sociales permet à la fois de rendre compte de l’irréductibilité de certaines conceptions du développement et de l’espace, et de saisir certains types de représentations qui résistent aux catégories prévues dans les politiques et les discours dominants.

Les pratiques d’appropriation de l’espace se multiplient et mettent en lumière l’enjeu politique inhérent à la dispute des lieux à travers des expressions diverses comme le théâtre, le conte, les festivités, les protestations contre le modèle économique, l’arrivée des déplacés, les occupations de terres et d’édifices publics, les demandes d’autonomie territoriale ou les dispositifs comme les cartes imaginaires. Ce colloque vise à définir des pratiques contre-discursives du développement et de l’aménagement territorial. Quels imaginaires de l’espace et du développement sont aujourd'hui véhiculés? Comment certains imaginaires participent-ils à reconfigurer de nouveaux espaces sociaux et politiques?

Dates :
Responsables :

Programme

Communications orales

Enjeux théoriques 

  • Mot de bienvenue
    Leila Celis (UQAM - Université du Québec à Montréal)
  • Batey et Palenque : imaginaires territoriaux des déplacés
    André Corten (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Fuyant les discriminations, le racisme, les menaces, voire les lynchages, les Haïtiens nés ou vivant en République Dominicaine prennent les bateys comme des lieux-refuges. Comparer les bateys aux palenques oblige cependant à voir ces lieux d'une autre manière. Des jeunes dominicano-haïtiens en République Dominicaine, des jeunes afro-descendants essayent de s'appuyer sur le droit international pour adopter une position moins défensive. Entre le refuge et l'affirmation des droits, il y a des écarts possibles. C'est dans ces écarts que se construisent les imaginaires. L'objet de cette communication est de voir comment malgré la misère, la précarité et parfois l'antagonisme, peut se construire un imaginaire de l'hospitalité. L'hospitalité n'est en effet pas seulement une disposition d'accueil, il est une refiguration où les gens imaginent un univers d'émancipation. Cela commence par ne plus être relégués dans les limbes, de ne pas craindre d'être visibles et par construire des liens affectifs sûrs qui ne sont pas hypothéqués par des menaces constantes d'expulsion. Cela débouche sur la capacité de peser sur la définition d'un espace public commun. Cet imaginaire est une refiguration, y compris une dispute des lieux. Le fait de nommer la République Dominicaine de « Dominicanie » en est un indice. Par ailleurs, la référence à l'imaginaire du palenque en Colombie invite à considérer les Afro-descendants autrement que par la place attribuée dans les discours constitutionnels.

  • El Alto, ou la construction et l'appropriation de l'espace urbain à travers la transmutation de l'ayllu
    José Antonio Giménez Micó (Université Concordia)

    Mon hypothèse de base questionne l'événement du « cri » plébéien (voir L'interpellation plébéienne en Amérique latine, notamment la « Conclusion » de C. Huart et la postface de M. Breaugh) afin d'essayer de dépasser ce moment éphémère aussi bien en amont qu'en aval. En amont : les interpellations plébéiennes ne surgissent pas tout à fait par génération spontanée ; en aval : celles-là sont dépassées, voire anéanties par un ordre hégémonique réinstitué, oui, mais elles laissent parfois des « traces ». La notion benjaminienne de « la tradition des opprimés » (« Sur le concept d'histoire ») joue un rôle fondamental dans les deux cas. Dans cette « mémoire longue » des groupes subalternes, particulièrement indigènes, l'ayllu pourrait jouer un rôle significatif, non pas exactement par une sorte de revitalisation ou « résurrection » fantasmatique, mais comme un mode d'organisation sociale altératif et alternatif qui aurait réussi à persister, en se transformant constamment, depuis des millénaires. D'après R. Prada Alcoreza, les mouvements plébéiens-indigènes boliviens actuels sont des métamorphoses des ayllus. Ce sont des ayllus nomades, migrants, non plus fondés sur un territoire communal mais aidant à établir et consolider des réseaux communaux. Je voudrais donc explorer jusqu'à quel point l'ayllu pourrait être conçue comme la concrétisation de la mémoire des opprimés, notamment dans la construction de cet espace à la fois urbain et nomade qui pourrait être El Alto.

  • Utopie et nécessité : regard sur le cas de Marinaleda (Andalousie, 1980-2016)
    Marie-Ange Cossette-Trudel (Collège Jean-de-Brébeuf)

    L'appropriation des terres agricoles entourant le village de Marinaleda est un exemple parfait de la possibilité d'établir un « autre monde » issu d'une nécessité - et par nécessité, nous distinguerons ici les dimensions matérielles, politiques et sociales. Le rejet des valeurs propres au capitalisme ainsi que la création de modèles socioéconomiques alternatifs peuvent qualifier Marinaleda de véritable expérimentation sociale de l'utopie; d'autant plus que cette commune andalouse fait mentir à la fois les statistiques et les pourfendeurs de ce type d'expérience. Toutefois, nous désirons aborder ce cas selon une analyse utopilogique qui vise à enrichir la nécessité intrinsèque à l'utopie de son outil stabilisateur, soit son aspect atemporel : la dimension créative de l'utopie. Cet exemple nous invite davantage à une réflexion conceptuelle de l'utopie qu'à l'analyse limitée de conditions matérielles d'existence. En ce sens, ce cas d'appropriation de territoire constitue selon nous un laboratoire idéal d'études utopilogiques, voire même utopiphiles.

  • La scène comme outil de méthode pour cerner le combat des lieux
    Vanessa Molina (Université d’Ottawa)

    L'objectif principal de cette communication est de contribuer à la réflexion sur les « pratiques contre-discursives du développement et de l'aménagement territorial qui participent à la création de nouveaux espaces sociaux et politiques », en proposant un concept méthodologique permettant de cerner à la fois les aménagements « dominants » et les aménagements « contre-discursifs ». Ce concept méthodologique est celui de « scène ». Il renvoie non pas (uniquement) à une composante de théâtre, mais bien à un schème mental de représentation du monde et d'insertion en celui-ci. La scène, articulant toujours une action, un espace, un temps et des sensations ressenties, est le schème qui synthétise et matérialise tout discours – qu'il soit institué ou instituant, dominant ou revendicateur. Elle permet ainsi de cerner les points de rupture et de rencontre de représentations en combat. La malléabilité du concept de scène permet d'aborder et de mettre en perspective une foule de phénomènes, notamment les reconfigurations spatiales contemporaines liées à une transformation politique des imaginaires sociaux. Au bout des analyses se dégagent non pas des combats entre scènes diamétralement opposées, mais des liens irréductibles, des inflexions subtiles de l'espace et du temps, ainsi que des co-représentations.

  • Discussion

Assemblée générale

Dîner


Communications orales

Art et performance dans la construction d'espace

Présidence : Vanessa Molina (Université d’Ottawa)
  • Le théâtre social et l'occupation esthétique de l'espace public
    Ney Wendell (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Cette communication portera sur ma recherche-création en théâtre social liée à l'occupation esthétique de l'espace public. Je présenterai les résultats de deux expériences développées dans cinq quartiers de Montréal entre 2013 et 2015. 1) la création des spectacles de théâtre de rue avec les étudiants en enseignement du théâtre à l'UQAM. D'abord, ces étudiants ont créé des performances à partir de la géographie physique et de l'imaginaire politique inspiré par quatre espaces publics. 2) Une expérimentation qui s'est déroulée dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve avec la troupe théâtrale «Les idéaux parleurs». Constituée de citoyens, cette troupe a créé un spectacle sur la problématique de l'opprimé et de l'oppresseur, les enjeux sociaux du quartier. Ce processus de recherche-création confirme l'aspect sociopolitique du théâtre contemporain actuel qui provoque des impacts transformateurs dans la vie de l'acteur-créateur et du spectateur-créateur. Il s'agit d'une action d'occupation démocratique et esthétique de l'espace par le théâtre visant la médiation culturelle. Pour conclure, je présenterai le lien entre les résultats de cette recherche au Québec et mon expérience d'artiste-éducateur social au Brésil. Cela dans le but de préciser l'aspect d'un travail artistique et pédagogique qui cherche à mobiliser et transformer les communautés par le théâtre social.

  • Art performance et engagement : appropriation d'un espace public par la dénonciation poétique d'enjeux sociaux afin de sensibiliser l'audience et potentiellement les décideurs
    Christine Brault (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    La pratique de l'art performance engagé qui investit l'espace public revêt en soi un excellent outil de sensibilisation pour dénoncer certaines problématiques sociales actuelles en empruntant une attitude critique envers celles-ci et en préférant travailler avec une audience ample et diversifiée. Une telle action performative peut provoquer une transformation éphémère d'un espace social/commun par l'enjeu qu'elle rend visible et/ou audible ainsi que par son caractère inclusif – l'audience comme témoin participatif. On peut également associer cette forme d'art à un activisme artistique ou artivisme, une forme hybride qui conjugue art et activisme. En d'autres termes, un art d'action poétique à portée sociale où la puissance de l'expression créative vise à provoquer un changement notoire dans un contexte sociopolitique et non institutionnel. Citons par exemple, les violences faites aux femmes au Mexique, ou encore, au Canada, avec les femmes des Premières Nations disparues et assassinées, des situations de violations des droits humains trop longtemps camouflées par les gouvernements. Ce genre d'action doit intrinsèquement avoir lieu dans les espaces publics clés ; elle revêt un sens de dénonciation, un geste politique beaucoup plus fort que si on la présentait dans une institution artistique. De cette manière, une telle performance pourra avoir un effet levier sur la population et les instances décisionnelles.

  • L'art subversif des contes : création d'un autre espace de parole et d'un nouvel imaginaire social
    Julien HOCINE (UQAM - Université du Québec à Montréal), Myriame Martineau (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Cette proposition de communication vise à démontrer en quoi et comment les contes qui circulent dans notre espace public contemporain peuvent transmettre une parole subversive et créer un nouvel imaginaire social, en tension avec les images de plus en plus standardisées de nos sociétés actuelles. À partir d'une première enquête sociologique auprès des conteuses québécoises, nous expliciterons comment elles définissent à la fois le conte et sa pratique contemporaine et comment elles s'insèrent dans ce monde du conte, en proposant des alternatives aux stéréotypes sexués du conte, tout en (re)créant un espace de convivialité où l'être humain est au coeur de leurs paroles. Comment perçoivent-elles cet espace de rencontre avec l'auditoire dans leur performance et quel rôle joue la parole conteuse dams cet ici et maintenant recréé? S'agit-il pour autant d'un contre-discours, d'une subversion du « storytelling » tant utilisé dans les espaces de communication ou la sphère politique ? Certaines conteuses contemporaines semblent vouloir reconfigurer leur parole dans l'espace public, en instaurant des ruptures, des possibles et des entre-deux qui vont au-delà d'une identité figée et travailler ainsi l'imaginaire social.

  • Discussion
  • Pause

Communications orales

Construction et défense du territoire depuis les communautés

  • Projet d'aire protégée huronne-wendat : rencontre entre les aspirations territoriales d'une communauté autochtone et les processus de gestion du territoire de l'État québécois
    François-Xavier Cyr (Université Laval)

    Les politiques d'aménagement du territoire québécois rendent très complexes les processus d'affirmation territoriale autochtone. Un large éventail d'actions, passant de contestations directes à des démarches institutionnalisées, sont initiées par les Autochtones dans l'optique de s'approprier l'espace territorial qu'ils revendiquent. La Nation huronne-wendat, par le biais d'un bureau territorial qu'elle a mis sur pieds, affirme l'appropriation de son espace par son implication au sein de différentes instances gouvernementales et paragouvernementales responsables de la gestion territoriale. Cependant, lorsque les avenues proposées par ces instances leur semblent insatisfaisantes, les Hurons-Wendat mettent en place des projets, porteurs d'imaginaires identitaires et d'aspirations, qui sont plus à même de leur permettre de s'approprier

    leur territoire comme ils l'entendent. La recherche présentée ici porte sur l'un de ces projets, soit la création d'une aire protégée huronne-wendat. Il sera donc question de la structuration de ces imaginaires et de ces aspirations à travers un projet concret et de la dispute des lieux qu'un tel projet a engendrée à l'intérieur des processus institutionnels et bureaucratiques régissant la création des aires protégées sur le territoire québécois.

  • Le discours de l'Organisation fraternelle noire hondurienne : entre subjectivation politique et imaginaire social de la dépossession (2010-2015)
    David Longtin (Université d’Ottawa)

    La littérature scientifique s'intéressant au mouvement afrodescendant en Amérique centrale, et plus spécifiquement au Honduras, ont mis en lumière l'importance des revendications de l'espace (terres, communautés, territoires, etc.) et des constructions identitaires dans les luttes des garífunas. Or, peu d'études ont porté sur les manières dont les significations attribuées à l'espace dans le cadre de ces luttes s'articulent aux multiples formes de subjectivation politique. Au Honduras, l'Organisation fraternelle noire hondurienne (OFRANEH) a joué un rôle central dans ces luttes. À travers une analyse du discours d'un corpus de 191 communiqués émis par l'organisation entre septembre 2010 et septembre 2015, cette communication s'intéresse aux effets politiques produits par les renvois de significations imaginaires attribués à l'espace et à la subjectivité dans le cadre des mobilisations récentes menées par l'OFRANEH contre différents projets de développement affectant des communautés garífunas de la Côte-Nord du Honduras. À travers ces renvois de significations imaginaires, le discours de l'OFRANEH participe à l'énonciation de nouvelles subjectivités qui renvoient à un rapport spécifique à l'espace, la dépossession. Ce rapport de dépossession marque l'espace d'un langage conflictuel, faisant apparaître de nouvelles formes de subjectivation politique qui se nouent dans l'écart entre diverses formes d'identification indigènes, afrodescendantes et paysannes.

  • Les imaginaires de justice dans la construction de l'économie paysanne : de la lutte pour la terre à la revendication territoriale en Colombie
    Leila Celis (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Nous proposons ici l'hypothèse que l'histoire de la lutte de la paysannerie colombienne (autochtones, paysans et afrodescendants) repose sur un imaginaire de justice sociale qui voit dans la construction de l'économie paysanne, la manière de mettre fin à son exploitation par les grands propriétaires terriens. Guidée par cet imaginaire de justice sociale, la lutte paysanne a suivi un cycle de trois étapes qui semble appelé à se répéter indéfiniment. Lors de la première étape, que nous appelons d'autogestion, agissant de leur propre initiative, les paysans accèdent à la terre à travers la colonisation ou l'occupation de terres. L'économie paysanne requiert non seulement l'accès à terre, mais des infrastructures, des services publics, une assistance technique et des crédits. La lutte évolue vers une deuxième étape, une étape de réclamation au cours de laquelle ces intrants sont exigés à l'État. En réponse, les paysans n'obtiennent qu'une intensification de la violence, ils sont amenés à la dernière étape, celle de résistance dont le but principal est de protéger leur vie. Ils doivent alors quitter les terres chèrement acquises qui sont ensuite accaparées par les grands propriétaires. Retour au point de départ. Pour rompre avec ce cycle, les paysans ne luttent plus seulement pour la terre, mais pour la reconnaissance de droits territoriaux. Ils sont toujours interpelés par l'imaginaire de justice sociale, dont la condition de réalisation est la construction de l'économie paysanne.

  • La planification « insurgente » comme pratique de contestation à l'urbanisme néolibéral : les expériences de Pointe-Saint-Charles (Montréal) et Vila Autódromo (Rio de Janeiro)
    Anne Latendresse (UQAM - Université du Québec à Montréal), Joao MONTEIRO (GÉOTOP - UQÀM)

    Cette communication concerne des expériences de planification urbaine et d'aménagement menées dans des quartiers de Montréal et de Rio de Janeiro pouvant être considérées comme l'expression d'une volonté populaire de s'insurger face au régime urbain néolibéral qui dépossède les habitants de leur espaces de vie et les menace d'expulsion. Les dispositifs de participation institutionnalisés suscitent souvent la méfiance et le scepticisme des citadins, la planification insurgente (Miraftab, 2009) renvoie à des pratiques qui remettent en question le modèle actuel de gouvernance locale et dénoncent, par le fait même, ses promesses fallacieuses « d'inclusion citoyenne ». Nous présenterons deux études de cas pour illustrer des expériences de planification insurgent soit l'Opération populaire d'aménagement (OPA) du quartier Pointe-Saint-Charles (Montréal) et le Plan populaire de Vila Autódromo, une communauté spontanée (favelas) située dans la zone ouest de la ville de Rio de Janeiro. Tout en considérant les différentes réalités politiques, économiques et culturelles des sociétés québécoises et brésiliennes, nous verrons que ces deux expériences de planification insurgente ont impliqué la création d'espaces sociaux et politiques (invented spaces) de lutte pour le Droit à la ville, défiant ainsi les voies formelles de représentativité (invited spaces). Elles ont en commun la construction d'un imaginaire de la ville qui met de l'avant la valeur d'usage de l'espace et le droit à la ville.

  • Le territoire, l'histoire, le politique : dispute des lieux et dispute des temporalités dans des communautés autochtones du Mexique et du Guatemala
    Martin Hébert (Université Laval)

    Dans cette communication, nous abordons le rapport au temps comme une facette de l'imaginaire politique. Partant de travaux ethnographiques menés dans des communautés autochtones aux prises avec des interventions de l'État sur leurs territoires, nous mettrons en évidence les manières dont la compréhension du passé, du présent et du futur, ainsi que des processus qui mènent de l'un à l'autre, peuvent devenir des enjeux constitutifs de rapports politiques. Plus particulièrement, nous examinerons en quoi les lectures de l'histoire et les futurs proposés par les projets de développement, et par lesquels ces projets se légitiment souvent, peuvent être contestés sur le terrain. Il s'agira ici de comprendre, en mobilisant les données empiriques et certains outils théoriques tels la notion de temps social et celle de projets politiques autochtones, les manières dont s'articulent politiquement la dispute des temporalités et la dispute des espaces.

  • Discussion

Communications orales

Communication et discours dans la configuration des imaginaires

Présidence : André Corten (UQAM - Université du Québec à Montréal)
  • Dans la gueule du loup : l'archive du langage, savoir-faire-peur et savoir-faire-savoir
    Charles Deslandes (Université d’Ottawa)

    Dans le Séminaire la bête et le souverain, Jacques Derrida formule le projet d'une génylycologie portant sur les manifestations multiples du loup dans le discours politique. La figure du loup, soutient-il, « préoccupe » l'archive du langage et, par conséquent, pose plusieurs problèmes épistémologiques. À l'appui de trois cas paradigmatiques, je vais illustrer la relation entre l'archive du langage et la production de savoirs tout en mettant l'emphase sur les effets performatifs qui en découlent. (1) L'énoncé « loup solitaire » nous renseigne sur la relation singulière entre l'archive et les performatifs. La menace exposée par le loup (solitaire!) actualise, ici, la figure du protecteur, incarné par l'État. (2) L'usage de la figure du loup par le « Comité Printemps étudiant 2015 » nous renseigne pour sa part sur le travail archivistique de (dés)appropriation qui a ici pour effet de renverser l'axiologie : c'est l'État qui incarne la menace. (3) La fable du loup dans La bête lumineuse de Pierre Perrault montre quant à elle comment, parfois, c'est l'usage du langage qui agit comme précurseur et qui fait archive. La vérité politique du savoir deviendrait alors l'absence d'un fondement archivistique autre que la situation d'énonciation.

  • Le taudis, un imaginaire de contestation : du plan Dozois à la Petite-Bourgogne
    Frédéric Mercure-Jolette (UdeM - Université de Montréal)

    L'objectif de cette communication est d'analyser les utilisations du mot taudis durant les années 1950 et 1960 à Montréal. Tout énoncé contenant ce mot provoque des effets : ceux-ci vont du dégoût, à la dénonciation ou la stigmatisation. Lié à un imaginaire d'inconfort, de menace ou de contestation, son sens dépend du contexte d'énonciation. Si, initialement, le taudis désigne un abri de fortune, dans le contexte urbain moderne, il exprime une situation intolérable: il est « un cancer qui ronge la ville » écrit The Gazette en 1957. Les revendications prennent différentes formes selon la personne qui parle. La voix de l'expert –qui préfère utiliser des expressions comme « logement insalubre » ou « habitat défectueux » – diffère de celle d'un politique, d'un chroniqueur, d'un organisme de charité ou d'un habitant. Afin de marquer ces différences et d'interroger les potentialités du concept, je vais comparer les débats entourant le plan Dozois, ayant donné naissance aux Habitations Jeanne-Mance à la fin des années 1950, avec ceux soulevés par le projet de rénovation urbaine dans la p'tite Bourgogne qui, moins de dix ans plus tard, se déroule dans un contexte de résistance plus visible. Dans ce deuxième cas, cette qualification – et surtout ses effets stigmatisants – est contestée. Je montrerai que cette contestation ouvre sur une remise en question des indicateurs utilisés pour définir l'habitabilité et que, menée à terme, elle atteint les conditions de possibilité de l'action publique.

  • La violence au Mexique et l'émergence d'espaces virtuels de survie et d'action politique
    Rosa Margarita Zires Roldán (UAM - Universidad Autónoma Metropolitana)

    La violence liée à la criminalité organisée a augmenté au Mexique, en particulier dans certaines régions telles que Veracruz, transformant les pratiques de tous les jours (quotidiennes). À cause du manque d'information sur la violence et de la censure officielle et médiatique, dans de nombreuses villes est apparue la nécessité de s'approprier des réseaux sociaux et de créer des espaces virtuels stables nourris par les tweeters et les utilisateurs de Facebook qui tentent de remédier à cette situation en fournissant des informations pour éviter la violence. Le hashtag #verfollow est un exemple de ce phénomène. Cette communication présente ainsi une étude sur l'émergence et la constitution de #verfollow dans une communauté virtuelle avec des pratiques, des normes, des croyances et des valeurs particulières qui donnent un sens à leurs tactiques de résistance et d' émancipation (empowerment) dans des contextes où une grande partie de la population est isolée et se replie dans l'espace privé. L'objectif de cette communication est de mettre en valeur la dimension politique du phénomène. De nouvelles formes de participation citoyenne ont émergé qui vont souvent au-delà des fonctions d'information sur la violence et contribuent à générer des contre-discours officiels ou des nouveaux discours. Dans certains moments, une prise de conscience émerge, un nous collectif qui nourrit l'activisme politique et parfois, des processus de subjectivations politiques qui vont au-delà du réseau virtuel.

  • Violences criminelles et discours sécuritaire au Brésil : le rôle politique des imaginaires de la punition
    Benoit Décary-Secours (Université d’Ottawa)

    Depuis les années 1980, le processus de retour à la norme démocratique au Brésil s'accompagne d'une augmentation inédite des crimes de sang. Dans ce contexte, la violence répressive de l'État dictatorial laisse place à une intensification des violences policières et au sein des favelas et quartiers populaires. Nous soutenons que la permanence d'un imaginaire pénal inégalitaire au Brésil se matérialise aujourd'hui par l'institution d'un discours sécuritaire de « lutte contre l'impunité des criminels et délinquants ». À partir d'une analyse du récit médiatique des « Crimes de mai 2006 » à São Paulo, nous démontrons que ce discours dominant organise l'espace social en fonction de catégories qui permettent de cautionner l'adoption de mesures plus punitives à l'encontre des populations paupérisées. Or, ce récit permet dans un second temps de mettre en relief l'émergence d'un contre-discours au sein des quartiers populaires. Ce dernier subvertit les principales catégories du discours sécuritaire et contredit le présupposé d'un appui populaire à la violence policière.

  • Discussion

Assemblée générale

Dîner


Communications orales

Rapports coloniaux : enjeux culturels

  • Paulhan à Madagascar : l'ethnographe qui suivait une idée
    Louis Jacob (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Dans le cadre d'un projet portant sur les imaginaires sociaux et sur les continuités discursives entre science, philosophie, littérature et langage ordinaire, on s'interroge ici sur le travail novateur qu'accomplit l'écrivain français Jean Paulhan (1884-1968) dans sa découverte des proverbes et de la poésie populaire malgaches. Ses premières impressions de voyage, à l'occasion d'un séjour de trois ans à Madagascar (1907-1910), son apprentissage de la langue puis son projet de thèse sur l'usage des proverbes dans la vie courante vont progressivement se transformer en une œuvre originale, en rupture avec l'exotisme et le pittoresque. On propose ici les principaux éléments d'une analyse sociocritique de son essai Le Repas et l'amour chez les Merinas, qui permet de mieux comprendre non seulement sa position face au regard ethnographique à l'époque coloniale, mais surtout comment émerge une interrogation sur la performativité du langage et la construction imaginaire des lieux habités -- la natte sur laquelle on prend le repas, la maison, les sentiers, la Grande Île elle-même. Ainsi, on entend soulever des enjeux théoriques et méthodologiques importants de l'expression culturelle et de l'appropriation de l'espace aujourd'hui.

  • « Yo soy pobladora » (Je suis peuplante) : réappropriation de la « production de l'espace » par les populations marginalisées au Chili
    Ricardo Peñafiel (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Pobladores [peuplants] est le nom que l'on donne, au Chili, aux habitant-e-s des quartiers marginaux, surgis d'auto-constructions et d'occupations des terrains en périphérie des villes. Ailleurs on peut parler de favela, de barrio, de rancherío… mais au Chili le nom de ces quartiers populaires est connoté de l'action spécifique de « peupler », d'habiter un endroit qui auparavant était voué à d'autres fins. La plupart des poblaciones sont issues de prises de terrain relativement massives et organisées. Pourtant, l'essentiel de cette organisation surgit, au jour le jour, alors que ces milliers de personnes doivent se défendre contre les expulsions, tracer les rues et les lots, installer l'eau courante, l'électricité et les égouts, organiser des soupes populaires, des centres communautaires, des garderies, des cliniques et même une justice autogérés, etc. Ces expériences plébéiennes – d'auto-institution en acteurs politiques et souverains –laissent des traces dans la mémoire collective et individuelle. À travers une analyse ethnosociologique de récits de vie, cette conférence cherchera à montrer comment, malgré des décennies de répression et de mépris, il persiste chez les pobladores une conscience aigüe de leur « valeur », basée sur une série de pratiques quotidiennes et symboliques leur rappelant qu'ils et elles ont été capables d'apparaître dans un espace public excluant pour exiger d'être pris en compte et que cette souveraineté est toujours actuelle ou actualisable.

  • Imaginaires, territoires et processus pédagogiques autonomes des mouvements agraires en Amérique latine
    Mario Gil (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    La revendication territoriale chez les peuples autochtones, afro et paysans en Amérique Latine opère le passage d'une vision productiviste typique de la modernité capitaliste occidentale à une vision bio-centrique, orientée vers la protection des écosystèmes. Le territoire ne représente pas nécessairement un espace physique (délimité par des frontières physiques), mais un système de relations construites à partir de l'histoire et de ses contradictions, des « ontologies politiques relationnelles » et de manières d'être avec le territoire. Ces communautés ont non seulement vécu des processus de récupération culturelle à partir du concept de « la educacion propia », mais aussi de l'Éducation populaire depuis les années 1970. Ces processus ont permis de consolider les orientations qui donnent du sens aux pratiques pédagogiques en lien avec tout un système d'existence culturelle et politique, qui veut récupérer et défendre l'autonomie des peuples et promouvoir des relations plus équitables avec la terre mère. Ce monde imaginé est le fondement des processus pédagogiques et politiques qui caractérisent les mouvements qui revendiquent le territoire dans un contexte de néolibéralisme et de surexploitation des ressources naturelles.

  • Les dilemmes de l'ethnicisation : conflits et expériences territoriales noires en Colombie
    Yuri Moreno (Université d’Ottawa)

    Il est indéniable que le processus d'ethnicisation des communautés noires de la Colombie, catalysé par la reforme constitutionnelle de 1991, a constitué une arène dans laquelle se sont mobilisées des luttes pour la reconnaissance politique et juridique des populations historiquement exclues et qu'il a modifié la morphologie de l'État et la façon de représenter le « national ». Cependant, il ne s'agit pas d'un processus tout à fait monolithique, vertical et homogène, mais, au contraire, d'un processus traversé par des conflits, contradictions, négociations, appropriations et pratiques hétérogènes qui investissent sujets et subjectivités dans différents « effets de réalité ». Cette communication visera donc à donner une vue d'ensemble des dynamiques conflictuelles qui suscite l'adoption, l'intégration et l'intervention du discours ethnique au niveau des expériences territoriales des communautés noires.

  • Espaces et imaginaires politiques dans les communautés autochtones en conflit au Chili et au Mexique

    Le Mexique et le Chili font partie des 5 pays d'Amérique latine où la criminalisation de l'action collective cible les défenseurs autochtones des droits dans des zones où la gestion des ressources naturelles est présentée comme donnant lieu à des conflits violents auxquels la Convention 169 sur le droit à la consultation pour les populations autochtones cherche à remédier. Des recherches de terrain récentes dans les communautés autochtones de ces deux pays révèlent que la Convention 169 soulève des enjeux cruciaux quant à la représentation et à la représentativité politique des communautés autochtones et leur « sélection » par les gouvernements pour avoir le droit à la consultation. Au-delà des rapports de pouvoir liés à la légitimation du processus de consultation, le matériel analysé révèle que ces enjeux reposent aussi sur des conceptions autochtones du politique et du droit, profondément ancrées dans un rapport à l'espace et au territoire. Par exemple, le concept d'Asmapu fait référence, dans les communautés mapuche du Chili, à un rapport entre droit et organisation politique qui doit changer selon l'influence du territoire sur lequel la communauté est établie, et selon l'alliance toujours contingente avec les éléments de la nature environnante. Cette conception, ainsi que d'autres éléments, donnent une clé d'analyse d'imaginaires politiques autochtones porteurs de représentations bouleversant les rapports entre environnement, territoire et politique.

  • Discussion
  • Mot de clôture
    Jade Bourdages (Université d’Ottawa)