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Informations générales

Événement : 84e Congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines

Description :

Depuis quelques années, la forme du webdocumentaire vient modifier la réception du contenu filmique documentaire en proposant des modes de découverte interactifs. Au Canada, particulièrement, cette nouvelle forme a été investie avec succès par l’ONF interactif et ses nombreuses productions interactives. Présentant une information organisée, le webdocumentaire peut paraître moins comme un objet audiovisuel qu’un objet de communication pouvant s’apparenter au journal avec ses rubriques et sections. Il offre la représentation de communautés d’individus et d’espaces au sein de laquelle l’internaute peut naviguer librement. Dans ce contexte, la lecture et l’écriture du documentaire apparaissent plus que jamais partagées entre le créateur et le spectateur. Émergent alors de nouvelles relations au contenu, tant pour les créateurs que pour les spectateurs, le documentaire prenant forme dans les parcours singuliers de chaque internaute à travers les jalons construits par son auteur. Ces choix de parcours laissés au spectateur, qui peut quitter en tout temps, remettent en question le rôle de l’auteur (Gifreu Castells, 2011). À l’ère d’Internet, des mobiles et des réseaux sociaux, les habitudes de spectature ont changé; comment les chercheurs-créateurs du webdocumentaire s’adressent-ils à ce nouveau spectateur? Quelles sont les méthodologies de création adoptées? Quelles formes prennent les webdocumentaires et quel type d’engagement proposent-ils au spectateur? Comment est modifiée l’expérience de réception du contenu documentaire? Ce colloque réunissant chercheurs et chercheurs-créateurs tentera de cerner certains des enjeux de création et de réception soulevés par ce nouvel objet médiatique en mouvance qu’est le webdocumentaire.

Date :
Responsable :

Programme

Communications orales

Nouvelles relations

  • Mot de bienvenue
    Élène Tremblay (UdeM - Université de Montréal)
  • Penser le webdocumentaire : vers une écologie indépendante des pratiques à petite échelle du webdoc
    Tamara Vukov (UdeM - Université de Montréal)

    J'entends mettre en lumière les enjeux de pouvoir et d' (im)matérialité qui façonnent une certaine ambivalence vis-à-vis le webdocumentaire (Nash et al, 2014, Juhasz 2014). Les webdocs sont prometteurs en tant qu'espace multimodal mais une approche trop descendante (top-down) s'imposant comme une obligation, et une tendance vers "a technologically determined and enthusiastic advocacy of novelty" (Dovey 2016), ont alimenté des débats et des tensions dans ce champ de création (Kirby 2015).

    Est-ce que ces tensions sont encore actuelles ? Est-ce qu'une certaine fétichisation de l'innovation et de l'interactivité a restreint le développement ouvert et accessible de cette forme? Est-ce que l'interactivité est si libératrice, et quelle place occupent les rhétoriques de la participation dans une démocratisation de la production? Quelle est l'importance du faible taux de participation? Quelles négociations surviennent lorsqu'un cinéaste doit travailler avec une grande équipe de design et de programmation? Tous les cinéastes devraient-ils devenir des programmeurs? Quel est l'avenir des webdocumentaristes travaillant à petite échelle? Je m'appuierai sur des entrevues avec des cinéastes et producteurs/-trices de webdocumentaires, ainsi que sur mes réflexions en tant que chercheuse-créatrice travaillant sur un projet de webdoc. J'entends proposer une réflexion sur l'importance de développer une écologie des pratiques webdocumentaires à petite échelle et indépendantes. (Dovey 2014, Juhasz 2014).

  • De spectateur à navigateur : exploration multilinéaire de récits du lieu
    Myriam Tremblay-Sher (Université Concordia)

    Dans un monde médiatique convergent, où les réalités virtuelles et physiques se confondent, les pratiques documentaires émergentes font évoluer les moyens de communiquer les récits de lieu, c'est-à-dire les récits d'expériences marquées par un espace ou un endroit particulier. En négociant les mécanismes de participation aux différents niveaux de la production et de la diffusion, le webdocumentaire créé de nouveaux points d'accès et de dialogue entre créateurs et spectateurs, engendrant des engagements polyvocaux envers la représentation d'histoires de lieux. Or, ce potentiel participatif soulève inévitablement des nuances par rapport au partage d'agentivité parmi les voix engagées et problématise les présomptions d'accessibilité, d'interactivité et d'impact que l'on attache au webdocumentaire.

    Afin d'approfondir le questionnement sur les changements dans les expériences de spectature, les modes de communication des webdocumentaires et les formes d'engagement allouées aux spectateurs, je propose d'analyser trois webdocumentaires qui, par la navigation de cartes géographiques, topographiques et immersives, invitent des positionnements participatifs envers les récits de lieu : Ringbalin River Stories, The Block et Points of View. À travers des interfaces qui encouragent l'exploration, le spectateur, devenu navigateur est transposé vers une autre spatialité qui lui permet de traverser des frontières géographiques et politiques autrement inaccessibles.

  • Du linéaire au stellaire, du film au webdocumentaire : un dispositif de réflexion et de communication sur le réel
    Gilles Tassé (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Je présente les résultats de mon mémoire de recherche et création en études cinématographiques et son volet création, le webdocumentaire Texan Eels on Wheels. J'examine le rôle du cinéaste dans la production de documentaires interactifs diffusés sur le Web et j'évalue de quelles manières le documentariste et ses spectateurs partagent la mise en forme de cette réflexion interactive sur le réel.

    Je me réfère à quelques uns de mes propres documentaires conventionnels afin d'en identifier les principaux objectifs et vérifier s'il est possible de les inscrire dans une œuvre interactive. Puis, j'interroge les nouvelles positions de spectature favorisées par les dispositifs actuels de réception médiatique et de communication. Je me réfère par la suite aux documentaires interactifs auxquels j'ai participé dans les années 1990 à Interval Research Corporation—un think tank à Palo Alto en Californie—afin de décrire certains dispositifs interactifs de l'époque qui ont inspiré le design de l'interface de mon documentaire interactif actuel.

    Finalement, j'explique les étapes de production de mon webdocumentaire en relevant les éléments de recherche qui en ont orienté la production et je partage quelques réflexions concernant le rapport existant entre le créateur d'une œuvre documentaire interactive et le spect-acteur multitâche actuel. Je conclus ma présentation par une démonstration des capacités narratives, informationnelles et interactives de mon webdocumentaire Texan Eels on Wheels.

  • De quelle façon le webdocumentaire renouvelle‐t‐il les pratiques et les théories du scénario?
    Sophie Beauparlant (Cégep de Jonquière)

    Qu'advient-il du processus de scénarisation lorsque les composantes de l'image et du son deviennent une interface numérique qui permet une interaction entre l'œuvre et le spectateur, comme c'est le cas pour le web documentaire ? Depuis quelques années, le web est un lieu d'émergence de procédés scénaristiques et stylistiques qui nous invitent à repenser les pratiques et les théories conventionnelles de scénarisation. La réflexion est motivée par l'apparition de composantes nouvelles, qui ne se retrouvent pas dans la scénarisation documentaire classique : point d'entrée dans le récit, cocréation, structure non linéaire, contenu interfacé, engagement du spectateur, architecture narrative, etc. Cette communication s'intéressera aux nouvelles pratiques du scénario du web documentaire, qui peuvent être pensées en tenant compte non seulement de notions narratologiques, mais également sémio-pragmatiques, médiatiques et numériques.


Assemblée générale

Dîner


Communications orales

Une création partagée?

Présidence : Isabelle Raynauld (UdeM - Université de Montréal)
  • L'interactivité est-elle une invention du webcinéma?
    Diane Poitras (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Le web documentaire est-il « […] un nouveau genre éditorial […] qui s'éloigne du genre cinématographique dont il est issu. […] l'interactivité […] construi[sant] un dispositif participatif qui fait perdre à l'internaute son statut de témoin. » (Broudoux, 2011, p. 25) Ou alors, comme le suggère Kate Nash (2012) le documentaire interactif s'inscrit-il dans la continuité de la tradition documentaire ?

    Je propose d'examiner la relation entre auteur et récepteur dans le passage du linéaire à l'interactif à partir notamment du film immersif du Sensory Ethnography Lab, de l'Université de Harvard et À l'ouest des rails, de Wang Bing. Ces œuvres documentaires situent le spectateur dans une posture radicalement différente du « statut de témoin » qui lui est assigné par le documentaire linéaire « d'exposition » (Nichols) et le cinéma direct. Ce rôle actif du spectateur n'est pas étranger à celui proposé par l'œuvre interactive.

    Il faudra distinguer les formes de web documentaire qui s'apparentent au journalisme (Voyage au bout du charbon, Samuel Bollendorf, Abel Ségrétin ; Prison Valley, David Dufresne, Philippe Brault) des manifestations plus marginales de création (Synaps, Yaël André ; Gare du nord, Claire Simon). Une expérience menée au programme cinéma de l'UQAM où s'est manifesté la résistance des étudiants futurs cinéastes servira de point de départ à cette réflexion.

  • Le webdocumentaire, un mode performatif
    Élène Tremblay (UdeM - Université de Montréal)

    Plusieurs théoriciens du web documentaire (Gaudenzi 2013, Gifreu 2009, Gantier 2016) ont décrit les modes d'interactivité proposés par le web documentaire, en s'inspirant des modes du documentaire élaborés par Bill Nichols (1991). Ils n'ont toutefois pas relevé l'intérêt du mode performatif proposé par Nichols, pour décrire l'expérience vécue par le visiteur d'un web documentaire.

    Le mode performatif, tel que défini par Bill Nichols, dérive du concept de la performativité du signe linguistique d'Austin (1962); c'est-à-dire, un énoncé qui fait ce qu'il dit, un signe qui génère l'action qu'il décrit. En documentaire linéaire, cela se traduit, par un film qui fait ce qu'il montre et invite à ressentir de façon subjective et incarnée la réalité montrée. Je souhaite avancer que l'interactivité du web documentaire, peut permettre au visiteur, la découverte de réalités documentées en mode performatif. Les gestes de la découverte, de l'exploration, de la participation et du partage, ainsi que l'invitation du visiteur à vivre une expérience à la première personne, se retrouvent intégrés dans la programmation de l'œuvre web.

    J'examinerai ici la nature performative de quatre web documentaires avant de réfléchir aux implications de la création et de la conception de projets en mode performatif.

  • Approche expérientielle du documentaire interactif
    Karelle Arsenault (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Comment l'interactivité détermine-t-elle notre expérience? (Gitleman, 2006.) Mon approche est phénoménologique et désire faire état de la façon dont je fais sens du documentaire interactif et, par extension, du dispositif d'écriture numérique et interactive (Agamben, 2001). Il s'agira de rendre compte de mon expérience d'un documentaire interactif choisi pour l'occasion, soit une alternance entre les données issues du journal de bord d'écoute et du commentaire critique subséquent. Comment l'interactivité, l'hypermédialité et l'hétérogénéité me permettent-elles de faire sens? Qu'est un auteur (Foucault, 1969), et qu'est-ce qui définit les productions numériques et interactives en tant que formes expressives à part entière, et non en tant que déclinaisons de formes créatives préexistantes. Si ces « nouvelles » productions résultent d'une forme artistique qui leur est propre, ne faut-il pas consolider les approches et définir les pratiques? Ce que suggère d'ailleurs l'un des énoncés formulés par les dix signataires du Manifeste pour les nouvelles écritures (Cozzolino et al., 2013). Qu'est-ce qui caractérise le « lecteur » (Eco, 1985), « ispectateur » d'une production interactive. Je (re)lance donc la discussion sur la façon que nous avons de faire sens de l'interactivité, sur la façon qu'a cette interactivité de représenter le réel « documenté » et sur la capacité de cette hétérogénéité intrinsèque des productions interactives à devenir unité, unique.

  • Réanimation des archives avec Korsakow : Archiving R69 (2010) et Racing Home (2015)
    Monika Gagnon (Université Concordia)

    Cette présentation examinera deux films à base d'archives créés avec le logiciel de film de base de données interactive, open-source, Korsakow: mon propre film Archiving R69 (2010) et Racing Home (2015) de Phil Hoffman. Archiving R69 explore les archives multimédia reliées à la création d'un film 16mm inachevé de l'artiste Charles Gagnon. Grâce à Korsakow, les visiteurs sont en mesure de découvrir le processus de l'archive, un peu comme j'ai moi-même découvert les presque 100 fragments multimédia qui composent maintenant le film. Archiving R69 propose une forme créative pour la diffusion des archives multimédias, active la production de la mémoire grâce à l'interactivité, et génère de nouvelles rencontres avec le passé et ses traces.


    La plateforme de création et publication de films interactifs, Korsakow a démontré être la mieux adaptée à la forme du film inachevé et à son esthétique. Le cinéaste expérimental Phil Hoffman a utilisé Korsakow pour créer Racing Home (2015), également construit avec des archives multimédias trouvées, celles de feue la cinéaste et érudite Marian McMahon. Hoffman a fait valoir comment la liberté relative de Korsakow pour incorporer simplement des matériaux sans construction linéaire s'est avérée adéquate pour traiter le volumineux matériel provenant des archives de McMahon. Cela implique l'édition algorithmique, par mots-clés et d'animer l'archive originale.

  • Vers une écriture interactive de l'histoire : l'analyse du montage de Shoah
    Remy Besson (UdeM - Université de Montréal)

    Cette présentation a pour objet un projet en devenir : la création d'un documentaire interactif autour du montage de Shoah (Claude Lanzmann, 1985). Cette œuvre majeure, donnant la parole aux juifs persécutés, allemands persécuteurs et témoins polonais, a très précisément été montée par Ziva Postec (1979- 1985). Il est donc question d'un partage de la création entre réalisateur et monteuse. Cette étape peu connue a, en effet, conduit à passer d'entretiens tournés entre 1975 et 1979 (200h), au film que l'on connaît (9 h 30).

    Ce projet de site s'adosse à la réalisation d'un film documentaire de Catherine Hébert intitulé Ziva Postec. Il y a là un second type de création partagée, car si Ziva Postec est au plus proche de la mémoire vive de la monteuse, le site s'appuie lui principalement sur des archives. L'usager dans ce cas est placé au centre du dispositif et son rôle n'est pas assimilable à celui d'un spectateur. Il s'agit de penser un troisième partage de l'auctorialité. Les dispositifs interactifs en question seront réalisés à partir : d'entretiens tournés par Catherine Hébert, des entretiens filmés par Lanzmann mais non montés et de transcriptions annotées. Le principe est que par la manipulation de ces dispositifs, l'usager comprendra mieux le montage de Shoah. Ce passage à la conception est aussi pensé comme une mise en pratique d'une réflexion menée sur l'écriture de l'histoire à l'époque du numérique. Elle induit de repenser les rapports entre textes et archives.