Informations générales
Événement : 84e Congrès de l'Acfas
Type : Domaine
Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines
Description :Les sessions qui composent le domaine « Cultures, religions et civilisations » soulèvent de grandes questions transversales pour l’étude de l’humain et de la culture. Comment les dynamiques identitaires se construisent-elles? Comment la diversité et la rencontre des cultures contribuent-elles à la (re)formulation des identités collectives? De quels moyens conceptuels et méthodologiques disposons-nous pour appréhender l’expérience vécue et les visions du monde dans leur cohérence interne? Les communications, regroupées en quatre sessions, abordent des facettes particulières de ces grandes questions. Reflétant une tendance forte dans la recherche actuelle, plusieurs d’entre elles s’attardent à la dimension subjective de l’humain, particulièrement aux systèmes symboliques et aux imaginaires religieux et nationaux. De façon complémentaire, un autre groupe de communications s’intéresse aux enjeux de pouvoir tels qu’ils se sont inscrits dans les histoires politiques et coloniales.
Dates :- Eve Paquette (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- E. Allyn Smith (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Programme
Conceptions de l'humain et du non-humain
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Réalités religieuses : réflexion sur l’usage du concept d’ontologie dans l’étude de l’objet religieuxPhilippe Le Page (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Dans cette communication, il est proposé de s’intéresser au concept d’ontologie – concept cherchant à dépasser la notion de culture – telle que récupérée dans le domaine de l’anthropologie et de son « tournant ontologique » afin de réfléchir son potentiel heuristique dans l’étude de l’objet religieux. En premier lieu, lors de cette communication, je présenterai brièvement les différentes utilisations de l’ontologie en anthropologie (Descola, Vivieros de Castro, Holbraad, Latour, Mol, Blaser, etc.) J’articulerai ensuite la notion d’ontologie me semblant le plus heuristique dans l’examen de la religion – l’ontologie politique selon Anne-Marie Mol et en particulier Mario Blaser – avec la religion vécue telle que présentée en particulier par Meredith McGuire. L’exercice permettra de réfléchir le religieux quotidien, tel qu’il se donne à vivre chez le laïc, comme un être au monde et une manière de mettre en acte la réalité (worlding.) Ce regard sur le religieux permet de prendre en compte les différents interactants invisibles (ange, esprit, démon, etc.) dans l’analyse ethnologique de la religion vécue.
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Les origines de la liberté intérieure en Grèce antiqueIsabelle Chouinard (UdeM - Université de Montréal)
Selon un lieu commun partagé par de nombreux historiens de l’Antiquité (Robin, Festugière, Aubenque), le concept de liberté intérieure serait apparu suite à la perte d’indépendance des cités grecques (338 av. J.-C.), comme si la liberté autrefois conçue à l’échelle de la communauté politique avait dû, en raison de la mainmise des Macédoniens sur la Grèce, trouver refuge chez l’individu. Or, en examinant toutes les occurrences des mots de la famille eleutheros (« libre ») dans la littérature grecque avant l’époque hellénistique, nous avons décelé une utilisation du terme qui ne renvoie pas simplement à une distinction d’ordre social – l’individu libre par opposition à l’esclave – mais qui possède aussi une signification morale, et cela remonte aussi loin qu’au VIe s. av. J.-C. (Théognis II 1377-80). Les deux sens, d’une part collectif et politique, d’autre part individuel et moral, sont complètement dissociés et même mis en opposition à l’époque classique chez Sophocle et Euripide avec l’apparition de « l’esclave libre ». L’acception morale de la liberté, associée à un comportement noble, relève d’une disposition de l’âme – d’où son « intériorité » – et pourrait remonter à la racine même du mot eleutheros, s’il faut en croire l’hypothèse étymologique avancée par Benveniste. La liberté ne s’est donc pas transmuée, passant d’un sens politique à un sens moral, les deux acceptions du terme ont plutôt évolué parallèlement, tantôt se recoupant, tantôt se dissociant.
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Au-delà du discours : phénoménologie sensitive des expériences musulmanes : Baye Fall et Mourides à MontréalAlicia Legault Verdier (UdeM - Université de Montréal)
Qu’est-ce qu’être musulman? Plus spécifiquement, qu’est-ce qu’être Baye Fall (Pèzeril, 2008) ? En cherchant à rendre compte de l’islam tel que vécu (McGuire, 2008) chez des soufis, il nous est apparu que les expériences religieuses ne sont pas individuelles et linéaires mais intersubjectives et plastiques. Notre objectif est de comprendre comment se vivent les expériences religieuses incorporées. Nous adoptons la phénoménologie de Merleau-Ponty (1945) pour qui la seule connaissance du monde est celle sensible. Dans le cadre de notre Maitrise en Anthropologie, les résultats présentés seront préliminaires. Nous avons réalisé des entrevues et des observations de rituels en 2015 à Montréal. Nous proposons, comme Turner, de penser l’implication de notre présence et de parler au « nous » plutôt qu’au « eux » (2000: 55). En effet, notre propre expérience est un lieu de réflexivité pour accéder aux sensibilités de nos co-disciples. Ainsi, ces expériences sont intersubjectives. L’intersubjectivité à laquelle nous nous référons inclut autant les individus que les saints présents dans le lieu de culte. Nous pensons donc, comme Orsi, l’expérience religieuse comme une relation entre « heaven and earth » (2005: 5). Une des contributions est de se donner des outils conceptuels qui rendent compte des perceptions emic. Ces outils doivent nous permettent de suspendre les questions sur la véracité des croyances et « do justice to the ways in which people actually live» (Jackson, 1996 :10).
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Représenter le divin : pouvoir et sens de l’imageMireille Estivalèzes (UdeM - Université de Montréal)
Le développement, chez les jeunes, de la culture religieuse, est un enjeu éducatif particulièrement important dans des sociétés où se côtoient plusieurs conceptions de la vie bonne. Or, les images artistiques constituent une voie d’accès privilégiée pour accéder à une compréhension fine des religions. En effet, la question de la représentation artistique du divin permet de mieux saisir la diversité des conceptions du sacré, y compris au sein d’une même tradition, de même que le rôle essentiel que jouent les images elles-mêmes, qu’elles soient utilisées de façon restrictive (aniconisme, voire iconophobie) ou proliférante (iconophilie), dans la communication de messages à la fois religieux et esthétiques. Dans notre communication, après avoir rappelé les grands principes iconographiques associés aux trois principaux monothéismes, nous reviendrons sur les vifs débats qui ont entouré les dessins représentant le prophète Mohammed publiés par plusieurs journaux, dont l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, depuis 2006, et sur la tension entre les dimensions symbolique et plastique de l’image. L’analyse des contextes de production, mais aussi de réception des images, s’avère indispensable à une bonne compréhension de leur message et permet de lever plusieurs des ambiguïtés auxquelles elles donnent lieu. La signification et le sens des images religieuses est en effet multiple, parfois complexe, et ne saurait s’accommoder de simplifications réductrices.
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C’est la faute aux Anciens! Aperçu des croyances et traditions sur la lune dans le monde grecNathalie Léger (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Depuis les temps anciens, on prête à la lune une action considérable sur tout ce qui vit, croît et se meut. Encore aujourd’hui, certains prétendent que la lune, selon ses phases, favorise les accidents, les accouchements, les désordres psychiques, les crimes et la violence… Bien que plusieurs études tendent à démontrer que l’activité lunaire n’exerce aucune emprise sur les êtres, dans tous les milieux sociaux, on continue à croire en une certaine influence de la lune. Devant ce constat, les considérations autour de la lune dans le monde grec sont-elles à l’origine de nos propres croyances?
Cette proposition de communication porte sur l’examen des quelques influences prêtées à la lune que l’on retrouve dans les textes anciens et qui ont toujours un écho dans la vie moderne. Il s’agit d’exposer ces croyances pour ensuite voir, dans une perspective historique, comment elles sont demeurées intactes ou transformées, selon le cas, dans nos sociétés modernes. L’objectif est de donner un aperçu de quelques résultats préliminaires de mon projet de thèse de doctorat contribuant ainsi à mettre en lumière certains mécanismes de transmission de ces traditions. L’examen des croyances liées à la lune dans le monde gréco-romain n’a jamais fait l’objet d’une étude unique dans une perspective anthropologique. Les historiennes ayant travaillé sur la lune ont abordé la question des croyances d’un point de vue de la science antique (Préaux, 1970) ou de la littérature latine (Lunais, 1979).
Nouvelles technologies, nouveaux paradigmes
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L’Expérience de Mort Imminente : enjeu de validation paradigmatique entre les matérialistes et les dualistes des neurocsciencesJacques Morin (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Mon travail de mémoire porte sur l’Expérience de Mort Imminente (EMI) et sur les neuroscientifiques qui l’étudient. L’EMI se réfère aux individus qui rapportent avoir vécu une décorporation et une expérience transcendantale significative alors qu’ils ont été déclarés cliniquement morts. Au cours des dernières décennies, la discipline de la neuroscience a entrepris de résoudre cette anomalie à partir de son savoir scientifique.L’EMI, que nous définirons, est devenue l’enjeu axiomatique d’une confrontation paradigmatique entre matérialiste et dualistes des neurosciencespour l’explication ontologique de l’être humain.
C’est à partir de paradigmes antinomiques que les neuroscientifiques tentent de répondre à cette question fondamentale : « Est-ce que la conscience humaine est de nature immortelle ou est-elle réductible aux processus neurologiques du cerveau ? » Voilà l’enjeu que semblent se disputer deux groupes de neuroscientifiques que l’on peut classer en deux clans distincts, soit les matérialistes dominants et les dualistes émergents. Chaque groupe réalise des recherches scientifiques hétéroclites sur l’EMI et l’Expérience Hors Corps (EHC) qui visent à valider leur position paradigmatique respective. Les matérialistes luttent pour conserver leur position de domination dans ce champ scientifique, tandis que les dualistes cherchent à les supplanter et à imposer un nouveau paradigme qui métamorphoserait l’épistémé scientifique contemporaine. Nous présterons les résultats.
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Philosophie de l’?information : au-delà de la théorie de la communication et de la théorie de la décisionDavid Montminy (UdeM - Université de Montréal)
La philosophie de l’information vise à fournir les bases d’une réflexion critique sur cette notion polysémique qu’est l’information. Depuis les travaux de Shannon (1948), Bar-Hillel & Carnap (1953), et Wiener (1961), nous avons divers moyens de quantifier l’information (entropie de Shannon) en terme de fonction de probabilité. Or ces moyens émanent d’une théorie mathématique de la communication et aucune définition universelle de l’information n’y est incluse. Dans son article de 2004, Luciano Floridi propose un programme, sous la forme de dix-huit questions ouvertes, qui a pour objectif d’aiguiller les recherches en philosophie de l’information autour de quatre grands axes. L’un d’entre eux concerne la possibilité d’une théorie générale de l’information (TGI). L’ouvrage de Mark Burgin (2010) Theory of Information, constitue précisément une tentative d’élaboration d’une telle théorie générale de l’information. Tout d’abord, j’exposerai comment cette théorie s’inscrit dans la tradition philosophique des approches dynamiques de l’information (Drestke 1981 ; Barwise & Seligman 1997). Ensuite, je montrerai en quoi la théorie de Burgin permet, à travers sa distinction entre principes ontologiques et principes axiologiques, de fournir une définition philosophiquement adéquate de l’information, de résoudre le paradoxe de Bar-Hillel-Carnap et de rendre compte de l’aspect subjectif de l’acquisition d’information en théorie de la décision.
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Les éditathons (ou journées contributives) : quels coefficients de capacitation des publics des équipements culturels?Séverine Giordan (Université d'Avignon)
Les éditathons sont une rencontre de wikipédiens et de non wikipédiens au sein d’un équipement culturel. Ceux-ci écrivent, enrichissent des articles de l’encyclopédie Wikipédia, en relation avec la collection ou l’exposition de l’équipement culturel dans un temps donné. Les ateliers d’écriture des associations locales de wikipédia, expériences transmédiatiques sont questionnés du point de vue de la co-construction des contributeurs comme une réinvention de la transmission. Il est interrogé le coefficient de capacitation des publics de ce dispositif de médiation qui s’étend du web, aux espaces de documentation, aux salles d’exposition des équipements culturels. Quelles sont les relations entre les contributeurs entre eux ? Quelles sont les conditions de possibilité a minima de la participation (engagement, adhésion) ? La méthodologie de cette enquête repose à la fois sur une description graphique du réseau que cet événement peut tisser entre les contributeurs, la portée spatio-temporelle de celle-ci, le type de contributions des contributeurs présents à l'événement, puis d'une redocumentarisation ethnographique de ces premières descriptions. L’apport des visualisations de données pour la recherche en sciences humaines et sociales sera discuté. L’objectif de cette recherche est de relever des indicateurs pour évaluer le coefficient de capacitation des publics au sein de ce type de médiations.
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Ergonomie de la mobilité au crible de l’?approche communicationnelleSéverine Giordan (Université d'Avignon)
Certains dispositifs artistiques peuvent être porteurs de recherche scientifique. Nous souhaitons proposer à travers cette communication une expérience de ce type : une évaluation des dispositifs mobiles et leurs implications dans des projets de sciences citoyennes sous la forme d’une recherche expérimentale s’attribuant la forme d’un dispositif artistique. Cette problématique est corrélée à la question suivante : Comment capturer puis analyser les comportements émotionnels des publics à travers le codage facial et la reconnaissance gestuelle ? Spécifiquement nous souhaitons rendre compte des comportements de coopération des publics interragissant avec un dispositif mobile de sciences citoyennes puis proposer une grille d’évaluation de ces dispositifs par la redocumentation de l’expérience des publics. Dans un premier temps, nous réaliserons un état de l’art des approches en anthropologie de la communication et en marketing de la culture liées à ce type de méthodologie. Dans un second temps le dispositif de médiation et le dispositif de recherche seront décrits. Dans un troisième temps nous exprimerons les différents types de modélisations possibles des comportements dans ce type de design et nous proposerons une grille d’évaluation du dispositif. Nous discuterons enfin de la relation entre les arts et les sciences humaines, le statut du public dans ce type de dispositif de recherche.
Constructions de la mémoire et de l'oubli : rencontres et altérités culturelles
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La délégitimation des droits universels au nom du relativisme culturel : le cas du MarocOsire Glacier (Bishop’s University)
En prenant le cas du rôle joué par l’État du Maroc dans le processus de rédaction de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1977, 1984), cette étude examine si les droits universels seraient la suite logique du colonialisme, et qu’en tant que tel, ils seraient de l’impérialisme culturel dans les pays anciennement colonisés. Aussi, dans un premier temps, cette recherche relève que bien que l’État du Maroc ait été présent au processus de rédaction de la Convention contre la torture, il n’y a joué aucun rôle significatif. Dans un second temps, elle juxtapose la pratique systématique de la torture de cet État aux discours du relativisme culturel qu’il véhicule. Ce double examen montre que la résistance populaire aux droits universels, qui s’exprime en termes de discours de relativisme culturel et d’authenticité culturelle, correspond en fait à des politiques délibérées de délégitimation des droits universels. Conséquemment, cette recherche remet en cause les critiques qui considèrent les droits universels comme néocoloniaux, ou encore comme hostiles aux cultures locales.
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Trudeau et la Chine : histoire d’une mission de reconnaissanceOlivier Dallaire-Turmel (Université Laval)
Le 13 octobre 1970, le gouvernement libéral de Pierre Elliott Trudeau procède à la reconnaissance diplomatique de la République populaire de Chine. Est-ce le fruit du hasard, un coup de tête provocateur de M. Trudeau en pleine guerre froide ou encore le fruit d'une longue histoire entre le Canada et la Chine? Nous sommes d'avis qu'il s'agit plutôt du résultat d'une longue histoire entre Trudeau et les Chinois. Bien entendu, ce processus diplomatique ne peut se résumer à une seule personne, mais nous avons la conviction que, sans Trudeau, l'histoire aurait été bien différente.
Le constat est le suivant : la majorité des spécialistes des relations Canada-Chine reconnaissent l'apport de Trudeau dans le processus de reconnaissance diplomatique et évoquent sa connaissance et son expérience de la Chine comme justification. Toutefois, aucun d'entre eux n'est en mesure d'expliciter la teneur de cette expérience.
Par chance, nous avons obtenu l'autorisation de consulter les archives personnelles de M. Trudeau. Certes, quelques biographes y ont eu accès avant nous, mais aucun d'eux n'est spécialiste de l'histoire chinoise. C'est ainsi que nous souhaitons éclaircir cet aspect de l'histoire sino-canadienne et de la vie de Trudeau en utilisant ses journaux de voyage pour démontrer à quel point il a su expérimenter la « vie à la chinoise » et saisir les grands traits culturels de cette civilisation, si mystérieuse aux yeux des occidentaux, pour ensuite mettre cette connaissance à profit.
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Action et réaction : le gouvernement impérial et les jésuites français en ChineFeng Ding (Université Laval)
Plus tard que les Portugais et les Italiens, la mission française n’a commencé à prendre de l’ampleur que vers la fin du XVIIe siècle. Grâce à leur réputation de mathématiciens et d’astronomes, certains jésuites français tels Joachim Bouvet et Jean-François Gerbillon, ont gagné rapidement la faveur de la cour impériale de la Chine. Pour ces pères français, le moment propice est venu de convertir cet Empire lointain. Du côté du gouvernement chinois, le dessein de mettre en valeur les connaissances scientifiques l’a amené à faire preuve de grande tolérance. Cependant, cette tolérance était de courte durée. Sous les règnes de Yongzheng(1723-1735) et Qianlong (1736-1795), la prohibition et l’expulsion persistaient malgré les pétitions. À partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, l’attitude de la cour impériale envers les jésuites était dominée par la méfiance et la désillusion, en raison des menaces politiques que pourrait causer l’expansion du christianisme en Chine. L’objectif de cette communication est de démontrer comment le gouvernement chinois et les jésuites français ont réagi l’un envers l’autre lors de leur rencontre. Et on tente de mettre en lumière les soucis du gouvernement chinois face aux jésuites ainsi qu’à leur doctrine religieuse, et les préoccupations des jésuites français qui avaient souvent tendance à idéaliser l’image de l’empereur et du régime politique de la Chine malgré la période de persécution.
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La dynamique de l’accès à la justice dans les conflits familiaux au Burkina Faso. Étude ethnographique en situation de pluralisme juridiqueMarie-Eve Paré (UdeM - Université de Montréal)
À l’instar des États d’Afrique subsaharienne, le Burkina Faso négocie avec un pluralisme juridique complexe, notamment dans la sphère privée. En réaction à cette situation, il privilégia, en 1991, l’adoption d’un droit étatique moniste où les coutumes cessèrent d’avoir force de loi. Or, il n’eut pas de remplacement graduel des droits coutumiers; dans les faits, le pluralisme juridique fait toujours office de norme quotidienne. Dans le cadre de cette présentation, nous proposons d’analyser la problématique de l’accès à la justice dans les cas de conflits familiaux dans ce contexte pluriel. En référence à nos données ethnographiques récoltées à Koudougou, troisième ville du Burkina, nous postulons que le pluralisme juridique engendre un phénomène de forum shopping tel que défini par Tamanaha (2008). Les justiciables en situation de conflit naviguent en effet au travers des stratégies de résolutions des divers systèmes juridiques, les modifiant et les métissant selon leurs trajectoires, les circonstances et leurs besoins (Le Roy, 2004). Nous démontrerons donc ainsi qu’en dehors des politiques de gouvernance, il est nécessaire d’analyser l’accessibilité d’un point de vue dynamique puisque celui-ci est directement lié la perception et la conscience juridique de la population (Silbey, 2005).
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La libération du camp Westerbork aux Pays-Bas par l’armée canadienne en avril 1945 : les faits, l’oubli et la réhabilitation historiqueMathieu Lapointe Deraiche (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Le 12 avril 1945, l’armée canadienne libérait le camp de transit de Westerbork, aux Pays-Bas, par lequel étaient passés près de 70% des Juifs néerlandais avant d’être ultimement déportés vers les camps d’extermination. Malgré son caractère symbolique, cet exploit fut mis de côté, voire oublié par l’histoire canadienne de la Deuxième Guerre mondiale. Dans cette communication, nous présentons la première reconstruction détaillée et exhaustive de cet évènement historique, mise sur pied à partir d’une recherche exhaustive au sein des archives et des témoignages canadiens et néerlandais.
De surcroît, nous expliquerons la façon dont la libération de Westerbork fut oubliée dans l’histoire de la libération de l’Holocauste, aux Pays-Bas et particulièrement au Canada. Nous démontrerons que cet oubli historique est essentiellement dû à l’incompatibilité de l’histoire de Westerbork et de sa libération avec les thèmes et les usages respectifs de l’histoire militaire canadienne (batailles difficiles, héroïsme et exploits militaires, sacrifice; usage à la fierté patrimoniale et au nationalisme canadien, etc.) et l’histoire de la libération des camps nazis (conditions de vie extrêmes, chambres à gaz, piles de corps, charniers, sadisme; usage au « plus jamais » et au souvenir des atrocités). Nous verrons enfin de quelle façon cette mémoire fut lentement réhabilitée au fil des décennies, jusqu’à nos jours, pour éventuellement atteindre son potentiel commémoratif.
Jeux d'identités : entre tradition et transformation
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La représentation de l’hindouisme et de l’altérité dans les films de Bollywood des années 2000Diana Dimitrova (UdeM - Université de Montréal)
En Inde, Bombay a une industrie cinématographique énorme (donc, « Bollywood ») produisant des centaines de films grand-publics qui se distinguent par une formule de la musique, de la danse, du mélodrame, de la comédie, de la tragédie, et des perspectives religieuses et politiques, qui sont largement distribués dans l'Inde et au-delà du golfe Persique, l'Afrique, et l'Asie du Sud-Est. Récemment, les films populaires indiens ont gagné la reconnaissance dans les marchés nord-américains.
Dans cette présentation, je traite de la représentation de l’hindouisme et de l’altérité dans les films de Bollywood des années 2000s. J’examine cette question dans le contexte des théories d’altérité et de post-colonialisme en analysant deux films très populaires, Lagan (Les impôts sur la terre) (2001) et Ham dil de cuke sanam (J’ai déjà donné mon cœur) (1999). Ces films très populaires affirment une notion de l’hindouisme très nationaliste en propageant une identité hindoue-indienne non-occidentale et en même temps, en marginalisant les autres traditions religieuses telles l’islam, le christianisme et le sikhisme.
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Le phénomène de la conversion à l’islam au Canada : le cas des convertis québécois à MontréalDjamel Mouhoub (UNIVERSITÉ INTERNATIONALE DES SCIENCES ISLAMIQUES)
Cette recherche porte sur la compréhension du phénomène de la conversion des québécois montréalais à l’islam à partir de leur perception et leur conviction vis-à-vis le monde des religions. D’une part, elle tente d’identifier les facteurs principaux qui dévoilent les motifs sociologiques qui ont poussé certains québécois à choisir cette religion orientale comme référence religieuse, après avoir été affiliés pendant des siècles au christianisme, notamment par sa bronche catholique depuis la présence des franco-européens de la nouvelle France jusqu’à ce jour.
D’une autre part, nous visons à vérifier, par leur culture héritée de la socialisation occidentale, et celle de la nouvelle religion adoptée, à mettre en lumière, leur éventuelle contribution intermédiaire positive, à corriger ou ajuster la fausse image attribuée à l’islam et aux musulmans à travers une nouvelle lecture d’un islam québécois configuré et adapté aux normes et aux valeurs de la majorité de la société d’accueil.
Au Québec, nous abordons le phénomène de la conversion à l’islam au cœur des débats sur le retour du fait religieux au sein de la sphère publique après avoir été engourdi avant qu'il émerge en tant qu'un vecteur à effet mondial en devenant un thème d’actualité, et qui s’observe particulièrement dans les couvertures médiatiques et les articles journalistiques quand il s’agit, surtout, des cas de conversions radicales.
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Métis ou non-Métis : le jeu d’une imagination nationaleSebastien Malette (Carleton University)
Notre communication examinera le sujet de la reconnaissance juridique des Métis au Canada. Nous explorerons plus particulièrement l’instrumentalisation du test juridique Powley s’agissant de la délimitation de l’identité métisse par certaines organisations autochtones. Notre communication se penchera sur un document issu d’une organisation expliquant le refus de la demande d’adhésion d’un « Métis » selon des critères identitaires. Nous verrons comment cette exclusion est justifiée à la fois selon le jugement Powley et la notion d’une territorialité nationale métisse, qui exclut les ancêtres de la personne en question. Comme nous le démontrerons, un examen plus minutieux du cas Powley mène pourtant—si nous devions appliquer cette même notion de territorialité nationale métisse—à l’exclusion identitaire des frères Powley eux-mêmes. Notre exemple suivi d’une discussion servira à illustrer les tensions et les problèmes issus de l’instrumentalisation de critères juridiques par certains acteurs politiques plongés au coeur de négociations souvent difficiles au sujet d’une identité autochtone en pleine effervescence.
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Les jeunes canadiens, Internet et la construction de l’identité musulmane en diasporaHicham Tiflati (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Cette étude traitera de l’influence de l’Internet sur la construction de l’identité chez les jeunes musulmans canadiens. Sur le plan de la méthodologie, nous avons adopté une approche qualitative basée sur des entrevues avec des musulmans vivant au Canada, sur l’analyse des sites Web fréquentés par nos participants et sur une revue de littérature.
Pour certains, l’Internet offre un espace de liberté et d’interaction où plusieurs interprétations de l'islam, et nombre de modes de vie islamiques peuvent être s'articulés et débattus. Il facilite les nouvelles façons d'imaginer les différentes significations du mot « Musulman » dans le monde d’aujourd'hui. Pour d’autres, il participe à l’occidentalisation de l’islamité des jeunes musulmans canadiens.
Notre analyse consistera à appréhender le processus de construction des différentes représentations d'une identité musulmane élaborées à travers des interactions réel et virtuel avec des individus et des groups en ligne. Cette contribution à pour but de (1) analyser le concept de l’identité musulmane dans son contexte actuel, de (2) clarifier le rôle d’Internet dans le quotidien des jeunes musulmans, et (3) de contribuer aux débats publics sur des questions de l’islamité, l’intégration, l’appartenance, et du vivre-ensemble au Québec et au Canada.
Mots clés : identité; internet; islam; islamité; Canada.