Informations générales
Événement : 84e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 100 - Sciences de la santé
Description :La neuropsychotoxicologie peut se définir comme l’étude des substances toxiques qui ont des effets néfastes sur le fonctionnement du cerveau en s’intéressant au comportement, à la cognition, aux émotions ainsi qu’aux fonctions sensorielles. Appliquée à l’environnement, la neuropsychotoxicologie s’intéresse plus spécifiquement aux impacts des polluants, qu’ils soient d’origine naturelle ou anthropique, sur la santé neurologique et psychologique des individus. La neuropsychotoxicologie environnementale est ainsi un champ de recherche en plein essor issu de la rencontre et de l’intégration de plusieurs disciplines, et dont la contribution à l’avancement des connaissances dans le domaine du développement de l’enfant est déjà manifeste.
On estime qu’une proportion non négligeable d’enfants avec un problème d’apprentissage serait associée à l’exposition à des substances toxiques présentes dans notre environnement. L’exposition aux contaminants environnementaux (métaux lourds, pesticides, BPC, retardateurs de flammes, composés plastiques, etc.) est omniprésente et n’épargne personne. Outre les enfants, les personnes âgées constituent une autre population vulnérable à laquelle il importe de s’attarder, d’autant plus si l’on considère le vieillissement important de la population. Par ailleurs, des études récentes suggèrent que les effets néfastes associés aux contaminants environnementaux n’affectent pas les hommes et les femmes de la même manière et peuvent aussi dépendre d’autres facteurs tels que l’âge et le statut socioéconomique, lesquels sont des déterminants majeurs bien connus sur la santé.
Le colloque propose de discuter et d’illustrer la pertinence de la neuropsychotoxicologie environnementale afin de mieux comprendre l’impact de l’exposition aux contaminants environnementaux sur la santé, que ce soit à partir d’études de cohortes réalisées dans différents pays ou de réflexions épistémologiques.
Date :Programme
Ouverture
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Mot de bienvenue
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Interdisciplinarité et intersectorialité : au-delà de la mode…Johanne Saint-Charles (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Le domaine de la santé environnementale n'a pas échappé aux appels à l'interdisciplinarité et à l'intersectorialité en recherche qui se sont multipliés dans les dernières années. Il est aujourd'hui peu de chercheuses et chercheurs qui contestent (du moins à voix haute) la nécessité de poser plusieurs regards sur les problématiques complexes qui émergent à l'intersection santé, société et environnement. Toutefois, dans la pratique, les questions, défis et résistances sont nombreux qu'il s'agisse de la définition même des problématiques, des rapports de pouvoir entre disciplines et secteurs ou de la perception du rôle des chercheuses et chercheurs. Cette communication vise à stimuler une réflexion sur les pièges et les limites de l'interdisciplinarité et de l'intersectorialité; sur leurs bénéfices et retombées et sur les stratégies et les actions susceptibles de lever les obstacles à leur pratique.
La santé des Inuits de l'Arctique canadien
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Contaminants environnementaux et développement de l'enfant inuit : 20 années de collaboration interdisciplinaireGina Muckle (Université Laval)
De nombreuses études ont démontré la vulnérabilité du foetus et du jeune enfant aux expositionsenvironnementales, notamment à l'exposition aux substances chimiques de l'environnement.L'Académie nationale des sciences américaine a estimé que jusqu'à 25% de l'incidence destroubles d'apprentissage est attribuable à des substances toxiques connues ou aux interactions deces expositions environnementales avec des prédispositions génétiques. Cette situation estparticulièrement préoccupante quand on sait qu'environ 5% des enfants ont des problèmes dedéveloppement ou de comportement et 10% ont un trouble d'apprentissage. L'amélioration desconnaissances dans ce domaine nécessite la conception et la mise en oeuvre d'études de cohortesprospectives impliquant des femmes enceintes et le suivi à long terme de leurs enfants. Les coûtsextraordinairement élevés de ces études exigent la constitution d'équipes interdisciplinaires. Lesrésultats de la Nunavik Child Development Study, dont l'objectif principal est de documenter leseffets de l'exposition prénatale aux métaux lourds (plomb et mercure) et aux composésorganochlorés présents dans la chaîne alimentaire sur la croissance, le développement et lecomportement de la naissance à l'adolescence, seront présentés pour illustrer les conditionsgagnantes de la collaboration interdisciplinaire impliquant des spécialistes des sciences socialeset de la santé.
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Pause
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Est-ce que le sélénium de l'alimentation marine chez les Inuits atténue les effets néfastes de l'exposition au méthylmercure sur le développement de l'enfant?Pierre Ayotte (Université Laval), Olvier BOUCHER (UdeM - Université de Montréal), Mélanie Lemire (Université Laval), Gina MUCKLE (Centre de recherche du CHU de Québec), Dave SAINT-AMOUR (UQAM - Université du Québec à Montréal)
En raison de leur alimentation marine, les Inuit du Nunavik font partie des populations dans le monde les plus exposées aux contaminants environnementaux, dont le méthylmercure (MeHg). L'exposition au MeHg, en particulier durant la grossesse, a été associée une à différentes altérations neurocomportementales chez l'enfant. Étant donné que l'alimentation marine des Inuit est aussi exceptionnellement élevée en sélénium (Se), un élément essentiel connu pour ses propriétés anti-oxydantes et pour diminuer les effets du MeHg dans des études expérimentales, il y a lieu de se demander si un apport alimentaire élevé en Se peut modérer l'impact néfaste du MeHg sur le neurodéveloppement des enfants Inuit. Des résultats obtenus à partir de la cohorte Nunavik Child Development Study appuyant cette hypothèse seront présentés.
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Identification des sources environnementales d'exposition au plomb au Nunavut (Canada) par l'analyse des isotopes stablesJules BLAIS (Université d’Ottawa), Laurie Hing Man CHAN (Université d’Ottawa), Myriam Fillion (Université Laval), Maya NAKAJIMA (Ministère de la santé et des services sociaux, Gouvernement du Nunavut), Geraldine OSBORNE (Ministère de la santé et des services sociaux, Gouvernement du Nunavut), Peter WORKMAN (Ministère de la santé et des services sociaux, Gouvernement du Nunavut), Emmanuel YUMVIHOZE (Université d’Ottawa)
Lors de l'Enquête sur la santé des Inuits (2007-2008), environ 10% des participants du Nunavut présentaient une plombémie au-dessus du niveau d'intervention de Santé Canada de 100 ug/L.L'objectif de cette étude est de réévaluer les niveaux de plomb chez ces participants et les membres de leur ménage et d'explorer comment différentes sources environnementales y contribuent. Des échantillons de sang ont été recueillis auprès de 100 adultes et 56 enfants. Des échantillons environnementaux ont été prélevés dans 14 maisons de trois communautés. Les niveaux et les bilans de masse isotopique de plomb ont été déterminés par spectrométrie de masse avec plasma à couplage inductif (ICP-MS). L'analyse des ratios isotopiques et des analyses discriminantes des signatures isotopiques ont permis de comparer les échantillons sanguins et environnementaux. Des plombémies élevées ont été trouvées là où les échantillons environnementaux avaient des niveaux plomb élevés. L'analyse des ratios isotopiques a montré des signatures similaires entre les plombémies élevées, la poussière, la peinture et les munitions, ainsi qu'entre des plombémies inférieures et la nourriture traditionnelle. Les analyses discriminantes ont suggéré que la poussière de maison est une source importante d'exposition chez ce groupe. L'analyse des isotopes stables de plomb est une approche efficace pour identifier les sources et les voies d'exposition au plomb et peut contribuer à l'élaboration d'interventions ciblées.
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Période de questions
Dîner offert sur place
Pesticides : deux études de cohortes françaises
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L'exposition au chlordécone et les comportements de jeu masculins et féminins des enfants guadeloupéensSylvaine CORDIER (INSERM - Institut national de la santé et de la recherche médicale), Nadine Forget-Dubois (Université Laval), Philippe KADHEL, Leah MICHINEAU (INSERM - Institut national de la santé et de la recherche médicale), Christine MONFORT (INSERM - Institut national de la santé et de la recherche médicale), Gina MUCKLE (Université Laval), Luc MULTIGNER (INSERM - Institut national de la santé et de la recherche médicale), Emmanuel OUELLET (Université Laval), Pierrich PLUSQUELLEC (UdeM - Université de Montréal), Florence ROUGET (INSERM - Institut national de la santé et de la recherche médicale)
Les Antilles françaises sont soumises depuis plus de 40 ans à une pollution persistante des sols par le chlordécone (insecticide organochloré neurotoxique, utilisé dans les bananeraies de 1973 à 1993) qui a entrainé la contamination de la chaine alimentaire et l'exposition chronique de la population. L'activité oestrogénique du chlordécone pourrait interférer avec le développement sexuel, surtout chez les garçons. La cohorte mères-enfants TIMOUN a été mise en place en Guadeloupe pour évaluer l'impact de l'exposition sur le développement neurocognitif et comportemental des enfants. Entre 2004 et 2007, 1068 femmes enceintes ont été recrutées. Un prélèvement de sang du cordon a été recueilli pour dosage du chlordécone. A l'âge de 7 ans, 596 enfants ont pu être évalués et la concentration plasmatique de chlordecone a été mesurée. Un sous-échantillon de 120 enfants a été filmé dans une situation de jeux libres avec des jouets masculins ou féminins stéréotypés, et la proportion de temps consacrée à chaque type de jouet a été mesurée. Les résultats des associations entre l'exposition des enfants au chlordécone (in utero et dans l'enfance) et la proportion de jeux masculins/féminins prenant en compte les autres facteurs potentiellement impliqués dans ces associations (sexe de l'enfant, éducation maternelle), seront présentés. Il est attendu que les garçons davantage exposés au chlordécone joueront davantage avec les jouets féminins que les garçons moins exposés.
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Expositions aux insecticides pyréthrinoïdes et développement neuropsychologique : résultats de la cohorte française mères-enfants PÉLAGIECecile Chevrier (INSERM - Institut national de la santé et de la recherche médicale)
La famille des insecticides pyréthrinoïdes est à ce jour très présente dans les usagesagricoles ou dans les produits et biens domestiques, engendrant une contamination desenvironnements de vie et une exposition fréquente de la population générale. Lesétudes s'intéressant à l'impact possible de ces niveaux d'exposition contemporaine àces molécules sur la santé sont récentes. Compte-tenu de leur potentiel deneurotoxicité, notre objectif était d'évaluer l'association entre les expositions pendant lagrossesse et l'enfance et la santé neuropsychologique et comportementale d'enfants de6 ans à partir de la cohorte mère-enfant PELAGIE.La cohorte PELAGIE a inclus près de 3500 femmes enceintes dans la région Bretagne(France) et suit leurs enfants depuis 2002. Un sous-groupe aléatoire de familles a étésélectionné pour une évaluation détaillée des performances cognitives et ducomportement des enfants à l'âge de 6 ans (n=287). Les expositions pré-/post-natalesaux insecticides pyréthrinoïdes et à d'autres contaminants neurotoxiques ont étémesurées à l'aide de dosages dans les urines recueillies en début de grossesse (mère)et à l'âge de 6 ans (enfant), et dans les poussières du domicile des enfants. Lacommunication présentera les résultats mettant en lien les scores aux évaluationsneurocomportementales et les expositions aux insecticides pyréthrinoïdes, ainsi que lesdéterminants possibles de ces expositions pendant l'enfance.
Présentation de doctorants
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Myopie et exposition aux organophosphorés et aux pyréthrinoïdes dans la population générale aux États-UnisMaryse BOUCHARD (UdeM - Université de Montréal), Ellen FREEMAN (UdeM - Université de Montréal), Vincent Migneron-Foisy (UQAM - Université du Québec à Montréal), Dave SAINT-AMOUR (UQAM - Université du Québec à Montréal)
La prévalence de la myopie augmente un peu partout à travers le monde et ses causes ne sont pas encore complètement élucidées. Des données suggèrent que l'exposition aux pesticides pourrait être associée à des troubles oculaires dont la myopie. Cependant, ces études proviennent de populations fortement exposées et donc non représentatives de la population générale. Le but de la présente recherche était d'évaluer si l'exposition aux pesticides organophosphorés et pyréthroïdes, lesquels sont couramment utilisés, est associée à prévalence de la myopie à partir d'un échantillon représentatif de la population des États-Unis. Les analyses ont été réalisées grâce aux données de la banque populationnelle et publique NHANES (National Health and Nutrition Examination Survey). Des régressions logistiques multivariées ont été effectués afin d'évaluer la relation entre la concentration urinaire de pesticides et le risque de myopie, définit comme une erreur de réfraction entre -1D à -5D (myopie légère à modérée) ou -5D et moins (myopie sévère). Les résultats ne montrent aucun effet lors que les échantillons (n = 7285 dans le cas des organophosphorés et n = 4192 dans le cas des pyréthroïdes) sont pris dans leur ensemble. Cependant, en stratifiant l'échantillon par le sexe, les garçons exposés aux organophosphorés présentaient un risque plus élevé d'être atteint d'une myopie sévère (rapport de cote : 1.68, IC 95%: 1.06-2.64).
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Pause
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Intégrité des noyaux gris centraux chez de jeunes adolescents exposés au manganèse par la consommation d'eau potable : une étude d'imagerie par résonance magnétiqueMaryse BOUCHARD (UdeM - Université de Montréal), Benoit Barbeau (Polytechnique Montréal), Laurie-Anne Dion (UQAM - Université du Québec à Montréal), Guillaume GILBERT (CHUM - Centre hospitalier de l'Université de Montréal), Yi LAO (University of Southern California), Natasha LEPORE (University of Southern California), Donna Mergler (UQAM - Université du Québec à Montréal), Sébastien Sauvé (UdeM - Université de Montréal)
Des étude d'IRM ont mise en évidence l'accumulation du manganèse (Mn) dans les noyaux gris centraux chez des travailleurs adultes intoxiqués au Mn, laquelle a été associée à des symptômes pseudo-parkinsoniens. Nous avons évaluer des jeunes adolescents, divisés en deux groupe en fonction de la concentration de Mn trouvée dans l'eau potable de leur résidence, soit hautement (n=10) et faiblement (n=13) exposés. Trois indices du signal IRM en T1 et la quantification morphométrique des noyaux gris centraux ont été mesurés. Aucune différence entre les groupes d'exposition au Mn n'est observée pour l'indice pallidal standard. Par contre, l'intensité du signal du globus pallidus est plus faible chez les enfants du groupe hautement exposé pour l'index avec référence dans les muscles péricrâniens. Le temps de relaxation T1 a une tendance à être plus long chez le groupe hautement exposé, reflétant aussi une intensité plus faible. La performance aux tâches motrices était plus lente chez les enfants hautement exposés au Mn et était aussi associé négativement au temps de relaxation T1. Les analyses morphométriques montrent que le putamen et le noyé caudé sont significativement plus volumineux chez les enfants les plus exposés et corrèlent avec les déficits moteurs. Les résultats suggèrent que les enfants hautement exposés au Mn via l'eau potable montrent des altérations IRM des noyaux gris centraux. De plus, ces effets sont associés à une plus faible performance aux tâches motrices.
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Période de questions
Impact des contaminants environnementaux : un objet d'étude complexe
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La neurotoxicité des contaminants de l'environnement, une question de dose et de période d'expositionMarc-André Verner (UdeM - Université de Montréal)
Les divers processus de développement du cerveau se déroulent selon une séquence temporelle et régionale spécifique. Ainsi, l'exposition aux contaminants neurotoxiques est susceptible d'engendrer des effets qui dépendent de la dose, mais aussi du moment de l'exposition. La vaste majorité des études épidémiologiques se sont penchées sur l'exposition prénatale, ce qui fait en sorte que les connaissances sont réduites en ce qui a trait aux effets des expositions postnatales aux contaminants. Cette lacune est d'autant plus importante que des études de surveillance biologique ont démontré que les concentrations sanguines de plusieurs contaminants sont plus élevées chez les enfants que chez l'adulte. Afin de remédier à cette lacune, des modèles pharmacocinétiques ont été élaborés pour estimer le profil temporel de concentration sanguine de plusieurs contaminants dans le sang des enfants. Ces modèles ont ensuite été employés dans des études épidémiologiques afin d'évaluer l'association entre les concentrations sanguines de contaminants durant différentes périodes et le neurodéveloppement des enfants. Cette approche novatrice a permis d'identifier des associations dose-effet spécifiques à certaines périodes d'exposition. Notamment, des études chez les Inuits ont révélé qu'un même contaminant, soit le biphényle polychloré 153 (PCB-153), peut être associé à différents traits comportementaux selon la période d'exposition. Les résultats de cinq études épidémiologiques seront présentés.
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Vers une approche holistique pour l'étude des effets des contaminants neurotoxiquesYoussef Oulhote (Université Laval)
Le champ de la neuropsychotoxicologie environnementale connait un essor considérable avec le grand nombre de recherches sur le sujet. Cependant, la quasi-totalité des études se sont limitées à démêler les effets des substances neurotoxiques des autres déterminants contextuels du neurodéveloppement, et très peu d'études ont été conçues et interprétées dans une perspective globale et explicite du développement. Une telle perspective reconnaît que: 1) les domaines du développement ne sont pas indépendants; 2) les effets des substances neurotoxiques dépendent du contexte socio-économique et psychosocial de l'enfant; et 3) la relation entre un enfant et son environnement est réciproque dans le temps dans la mesure où les enfants modifient les aspects de leur environnement qui, à leur tour, influencent le développement futur des enfants. Ces processus transactionnels posent des questions épineuses pour un enquêteur cherchant à construire des modèles réalistes des effets neurotoxiques. Dans cette présentation, nous essayons de progresser vers cet objectif en décrivant les principaux obstacles à une approche holistique dans les études de neuropsychotoxicologie environnementale; et en proposant des pistes de réflexion sur des approches méthodologiques innovantes prenant en compte la complexité du développement de l'enfant. Ceci dans l'objectif de mener une évaluation générale des effets sociétaux des substances environnementales neurotoxiques.
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Mot de clôture