Informations générales
Événement : 83e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 600 - Colloques multisectoriels
Description :La vulnérabilité est le fait, pour un être, d’être plus exposé qu’un autre à un mal et moins capable de s’en protéger en raison de sa nature ou de facteurs contextuels ou structurels. En éthique, la vulnérabilité est d’abord un fait ontologique universellement partagé qui tient dans la fragilité et la finitude de la condition humaine (Nussbaum). Pour cette raison, elle est au principe même de la société moderne et de l’État de droit. Elle renvoie également à un trait caractéristique de groupes particuliers méritant une protection spéciale.
C’est en réponse aux insuffisances de la pensée morale déontologique et utilitariste que semble avoir émergé, depuis les dernières décennies, le concept de vulnérabilité en éthique. Un « principe de vulnérabilité » serait au fondement de l’éthique, prescrivant « le respect, le souci et la protection d’autrui et du vivant en général, sur la base du constat universel de la fragilité, de la finitude et de la moralité des êtres » (Nouvelle encyclopédie de bioéthique). D’abord réapproprié par le philosophe conséquentialiste Robert Goodin dans Protecting the Vulnerable au milieu des années 1980, ce concept est désormais au cœur de réflexions en éthique du care, en théorie juridique féministe, en théorie politique et en éthique de l’environnement.
Quel sens devrait-on donner au concept de « vulnérabilité » si l’on veut maximiser son pouvoir normatif? En quoi une éthique de la vulnérabilité enrichit-elle les réflexions morales et politiques jusqu’ici définies en termes de justice et de droits? Peut-elle s’étendre à d’autres champs de l’éthique pour lesquels elle n’a pas été pensée? Quelles sont les limites de son pouvoir explicatif et, surtout, normatif? Ce colloque autour des usages théoriques et pratiques de la notion de vulnérabilité se déploie en quatre axes : éthique des relations de soins et de l’intervention, vulnérabilité des organisations, vulnérabilité des milieux physiques et humains, et rapports Nord-Sud.
Dates :- Dany Rondeau (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
- Bernard Gagnon (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
- Luc Bégin (Université Laval)
- Naïma Hamrouni (Université Laval)
Programme
Accueil, indications pratiques et mot de bienvenue
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Les usages de la vulnérabilitéBernard GAGNON (UQAR - Université du Québec à Rimouski), Dany Rondeau (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
Vulnérabilité, éthique et politique
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Fragilité et vulnérabilité : des antipodes de la théorie politique?Bernard Gagnon (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
L'idée selon laquelle les théories libérales se sont construites sur les fondements de l'autonomie et de la rationalité en omettant la dimension de la vulnérabilité humaine doit être nuancée. Que ce soit chez Hobbes, ou encore chez Locke, le contrat n'a pas seulement pour effet de donner des fondements de nature rationnels à la société politique, tout en respectant les idéaux de liberté et d'égalité, ils ont également pour effet de répondre à la fragilité de la condition humaine. L'image est claire chez Hobbes où l'homme est un loup pour l'homme dans l'état de nature ; la société politique a pour objet de garantir la vie humaine et les droits qui y sont associés. Un autre modèle politique consisterait non à remettre en cause les principes modernes de la raison, de la liberté et de l'égalité à la base de la théorie libérale, mais d'entrevoir sur d'autres bases «anthropologiques» la condition humaine. L'être humain n'est pas un être fragile, tel un objet que l'on peut casser, mais un être vulnérable, dont l'existence est tributaire de l'existence d'autres êtres humains. En ce sens, un modèle politique qui reposerait sur la vulnérabilité et non sur la fragilité serait mieux en mesure de concevoir l'idéal de solidarité collective essentielle à une vie politique commune. C'est ce sur quoi portera l'objet de cette communication.
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Le principe de vulnérabilité à l'épreuve de la délibération éthiqueBruno Leclerc (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
Introduire le principe de vulnérabilité en éthique clinique aux côtés d'autres valeurs telles que l'intégrité, l'autonomie, la justice ou la solidarité, cela pose problème du point de vue de la délibération en vue de la décision. Alors que ces valeurs peuvent être invoquées pour exprimer une qualité attendue, une finalité de l'action, le concept de vulnérabilité ne semble pas pouvoir constituer en lui-même une revendication, une voie d'accès au sens de l'action. Plusieurs auteurs conçoivent le principe de vulnérabilité comme une donnée anthropologique synonyme de finitude humaine : l'humain serait vulnérable par nature, et à plus forte raison quand la souffrance conduit à engager une relation asymétrique soigné-soignant. D'où le devoir moral qui échoit au soignant de prendre soin, de protéger et du coup, de relativiser la valeur d'autonomie, tenue pour hégémonique. Pour éviter le piège que constitue pour l'éthique réflexive en situation tout fondement anthropologique de l'éthique, il faut concevoir la situation du soigné comme résultant d'une dynamique singulière et complexe de faiblesses ou fragilités, mais aussi de forces d'ordre physique, psychologique, relationnel et environnemental. Le concept de vulnérabilité ontologique ne peut qu'introduire du bruit dans la réflexion sur les enjeux éthiques de l'intervention en contexte dans cette dynamique existentielle.
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Période de questions
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Pause
Éthique des relations de soins et de l'intervention (partie 1)
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Handicap cognitif et justice sociale : penser la vulnérabilité humaine à partir d'une conception relationnelle de l'agentivitéNaïma Hamrouni (Université Laval)
L'éthique publique du care, articulée autour d'une conception du sujet fondamentalement vulnérable, représente pour plusieurs une ressource théorique importante pour penser l'inclusion et la justice sociale pour les enfants en situation de handicap cognitif et leurs parents. Se rapportant néanmoins à une conception que je qualifierai de «médicale» de la vulnérabilité humaine, cette approche se retrouve trop souvent à camper la personne en situation de handicap cognitif dans une position de simple récipiendaire de soins, sous-estimant son besoin d'indépendance et légitimant des mesures étatiques paternalistes à son égard. Si, toutefois, l'on conceptualise la vulnérabilité de ces personnes non plus en termes de fragilité inhérente à leurs corps, mais en termes de déni social de leur agentivité relationnelle (capacité à forger des relations significatives), il devient possible de repenser plus largement ce qui leur est dû en vertu de la justice, leur redonnant plus de pouvoir sur leurs propres vies. J'avancerai dans cette présentation que de penser la vulnérabilité humaine à partir d'une conception relationnelle de l'agentivité fournit des clés nouvelles à partir desquelles penser les questions d'éthique telles que le recours à l'assistance sexuelle, la cohabitation de personnes en situation de handicap cognitif, ou encore la justice reproductive pour ces personnes.
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Droits sociaux en contexte de handicap : un équilibre entre vulnérabilité et empowermentAgnès Berthelot-Raffard (Université d’Ottawa)
Grâce au développement des éthiques du care et des Disability Studies, le concept de vulnérabilité connaît un regain d'intérêt en philosophie politique contemporaine. En éthique des soins, il pourrait être mobilisé afin de mettre en exergue deux priorités sociales majeures : la participation socio-politique des personnes handicapées et la reconnaissance de la contribution de ceux qui portent leur voix dans l'espace public (Kittay, 1999, 2011, 2013). Avec la notion de « porte-voix », il est possible que le contexte du handicap aide à qualifier les usages théoriques et appliqués du concept dans le cadre de la relation de soins. Cependant, puisqu'il reste difficile d'en saisir les enjeux sous-jacents, je soutiens que cette conception du rôle des personnes qui prennent soin des handicapés comporte des limites. En effet, dans une relation de soins toujours vulnérable bien que promotrice d'empowerment comment maintenir l'équilibre nécessaire à la justice sociale ? Dans cette communication je m'interroge sur la manière dont la vulnérabilité opère dans la relation de soins et dont elle démontre la nécessité de promouvoir le processus d'acquisition des capacités d'émancipation des personnes handicapées et de leur aidant. Pour ce faire, je m'intéresse aux dimensions normatives et prescriptives du concept de vulnérabilité et à la manière dont elles enrichissent ou limitent une réflexion sur l'amélioration des droits sociaux de personnes qui ne peuvent les revendiquer par et pour eux-mêmes.
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Période de questions
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Dîner
Éthique des relations de soins et de l'intervention (partie 2)
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Éthique et formation en accompagnement du changement humain : la vulnérabilité porteuse de « pouvoir être »Diane Léger (UQAR - Université du Québec à Rimouski), Jeanne-Marie RUGIRA (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
Cette communication située dans le domaine de la psychosociologie propose d'envisager quelques enjeux éthiques associés à la vulnérabilité en formation dans une perspective novatrice. En effet, le plus souvent la vulnérabilité est considérée comme une fragilité nous plaçant devant l'injonction éthique du respect, du souci et de la protection d'autrui et du vivant en général. Ce rapport à la vulnérabilité, fondé et incontournable, porte pourtant aussi une réalité humaine qui indique des voies de passage pour la saisie et le déploiement des potentialités singulières et collectives. Le cadre théorique de la formativité proposé par Bernard Honoré (1992), inspiré de Heidegger, propose le « pouvoir-être » comme point de départ à toute démarche de formation ; pouvoir-être impliquant un « avoir-à former », qui lui-même enjoint à un « devoir prendre-soin ». Le pouvoir-être place la vulnérabilité au cœur même du processus formatif car le sujet, conscient de cette « possibilité d'être », l'aperçoit alors comme non encore advenue. À partir de ces axes structurant de la formation et des vulnérabilités qu'ils soulèvent, nous examinerons des questions ainsi que des défis éthiques et pédagogiques associés à la rencontre de ces vulnérablités-potentialités et la responsabilité éthique d'accompagner le « pouvoir-devenir-sujet » (Beauchesne, 2014) dans cette perspective.
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Sur le devoir des professionnels de la santé de défendre les droits des patients vulnérablesMarie-Josée Drolet (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières), Anne HUDON (UdeM - Université de Montréal)
De nos jours, plusieurs associations et ordres professionnels intègrent dans les référentiels de compétences qu'ils développent des compétences relatives à l'advocacy, c'est-à-dire au fait pour les professionnels de la santé de défendre les droits des patients, notamment les droits des patients vulnérables (ACE, 2012; APC, 2006; CanMEDS, 2005; CAPUC-ASLP, 2011). Or une polémique entourant ce rôle a cours dans les écrits (Drolet et Hudon, 2014). Des chercheurs de divers domaines de la santé questionnent la nature, l'étendue, le fondement et les applications possibles de ce rôle, voire de ce devoir (Abrams, 1978; Bird, 1994; Bradley et al., 2012; Curtin, 1979; Gadow, 1980; Kohnke, 1982; Mallik, 1997; Mason, 2003; Mattson, 2010; Nedjat-Haiem, 2013; Porter, 1988; Sullivan et Main, 2007; Vaartio & Leino-Kilpi, 2005; Wright, 2005; Zion, 2013). Le but de cette communication est de faire la lumière sur ce débat, en précisant les arguments qui remettent en question ce rôle et ceux qui, au contraire, le soutiennent. Ce faisant, une vision possible de la nature, de l'étendue et du fondement de ce devoir, inhérent à la pratique des professionnels de la santé, sera proposée et des exemples d'applications de cette responsabilité éthique, dans le domaine de l'ergothérapie, seront articulés (Drolet, 2014). Aussi, un outil récent, visant à soutenir les professionnels de la santé à remplir ce devoir avec plus d'aisance et d'efficacité, sera présenté (Drolet, Lalancette et Caty, sous presse).
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Période de questions
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Le masculin, l'intime et le vulnérable : enjeux de l'accompagnement des hommes étudiant en relation d'aideJean-Philippe GAUTHIER (UQAR - Université du Québec à Rimouski), Sacha GENEST DUFAULT (UQAR - Université du Québec à Rimouski), Mathieu Leblanc-Casavant (UQAR - Université du Québec à Rimouski), Simon PLOURDE (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
Les professions de relation d'aide comptent souvent peu d'hommes dans leurs rangs et il en est de même pour les programmes de formation qui y préparent. Certains avancent que l'univers du soin serait culturellement attribué à des aspects correspondant davantage aux femmes et à la féminité (ex. : prendre soin, être empathique, composante affective, etc.) et que les hommes s'y sentiraient moins à leur aise, voire outillés (Gilligan, 2008). Pour Dulac (2003), le soin serait apparenté chez certains hommes aux dimensions de l'intime et impliquerait une position de vulnérabilité ; les caractéristiques traditionnellement associées aux hommes (ex : force, stoïcité, indépendance, etc.) étant antinomiques à toute forme de vulnérabilité. Ainsi certains hommes étudiant en relation d'aide peuvent se questionner sur leur place dans leur programme d'études et en accompagnement, mais aussi sur leur propre identité de genre, voire y chercher une manière d'être en adéquation, pour y trouver leur « place » (Roy, 2011). Cette communication se penchera ainsi sur cette réflexion d'ensemble sur le masculin, l'intime et le vulnérable et sur les enjeux éthiques qui émergent sur ce territoire. Elle prendra appui sur un projet pilote expérimenté en collaboration avec le C-TA-C où des étudiants hommes du département de psychosociologie et de travail social à l'UQAR ont pris part à une démarche de groupe abordant la thématique des réalités masculines.
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Période de questions
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Pause
Atelier théorique et pratique (20 participants maximum)
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Effets formateurs du consentement à la vulnérabilité chez les soignantsJean Humpich (UQAR - Université du Québec à Rimouski), France Joyal (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
Etat physiologique de toute transformation ou transition de vie, la vulnérabilité est souvent perçue comme une fragilité et cantonnée dans l'univers du soigné. La relation de soin, d'intervention ou d'accompagnement (le care) requiert, chez la personne qui en prend la charge, le développement d'une qualité de présence déterminée par l'attention, la sollicitude et l'empathie portées à un autrui vulnérable. Mais comment développer cette éthique, ce souci de l'autre? Un survol de programmes universitaires de formation en santé et en accompagnement du changement permet de constater un écart entre les expressions théorique et expériencielle de la vulnérabilité dans la formation de l'étudiant. À la lumière de données théoriques, historiques, culturelles et expériencielles, nous proposons de visiter la vulnérabilité de la personne en charge et d'explorer la dimension auto-formatrice de son consentement à la vulnérabilité, considéré ici comme objet de questionnement personnel, social et pédagogique. Alliant la théorie et la pratique, cet atelier propose de convoquer le corps pour découvrir un rapport à soi favorisant l'expérience phénoménologique de l'autre en tant que semblable; le vécu de la vulnérabilité peut devenir un tremplin vers une praxis du care. De manière heuristique, un travail d'explicitation individuel et collectif permettra une analyse vivante du consentement à la vulnérabilité à partir de ce qui aura été recruté sur le plan psychoaffectif et autobiographique.
Relations Nord-Sud
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Vulnérabilité et pauvreté : du développement durable aux zones de conflits armés, enjeux éthiquesMarie-Hélène Parizeau (Université Laval)
Le développement durable, avec ses trois piliers que sont l'économie, l'environnement et le développement humain, cible particulièrement la pauvreté parce qu'elle est une situation de vulnérabilité à différents niveaux. Cette vulnérabilité s'exprime pour les personnes, au niveau de leurs besoins fondamentaux (alimentation, abris) et de base (santé, éducation, travail). La pauvreté est souvent liée à un environnement dégradé (pollutions) ou fragilisé (perturbations induites par les changements climatiques par exemple). Le développement des capabilités (Amartya Sen, PNUD) est vu comme un moyen efficace pour sortir les individus de cette spirale descendante qu'est la pauvreté. La situation de conflits armés est rarement abordée dans le cadre des études sur le développement durable car elle met en cause le primat de l'économie comme moteur du développement durable. Nous examinerons avec l'exemple des réfugiés syriens au Liban, comment la question de la pauvreté et de la vulnérabilité se pose sur le terrain au niveau des réfugiés, des ONG et des Nations Unies. Nous analyserons quelles autres valeurs (hospitalité, résilience, équité, care et appartenance au milieu) sont mobilisées à cause de la guerre et de la destruction, dans les discours et les actions. Sachant que les perturbations naturelles et politiques vont se multiplier, ces valeurs pourraient-elles exprimer une autre voie pour habiter ensemble la planète ?
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Sécurité humaine, développement humain et vulnérabilité humaine : quelle approche pour la situation des « sociétés entravées »?Ernest-Marie Mbonda (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
D'un point de vue épistémologique et normatif, la question de l'approche la plus pertinente pour analyser ce que Rawls appelle «sociétés entravées» occupe une place centrale dans les débats contemporains. Il n'y a pas de consensus sur les approches les plus appropriées pour mesurer la pauvreté dans le monde ou d'autres types de difficultés que connaissent en particulier les pays du Sud, encore moins sur les types d'obligations morales et politiques qu'induisent ces difficultés. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD, 1994) a proposé la notion de sécurité humaine, reprise par la Commission Ogata-Sen sur la sécurité humaine (La sécurité humaine maintenant, 2003) et associée à celle de développement humain. En 2014, le PNUD propose la notion de vulnérabilité humaine comme nouvelle catégorie conceptuelle pour comprendre la situation des sociétés en proie à des difficultés politiques et économiques plus ou moins marquées. L'objectif de cette communication sera d'analyser l'apport du paradigme de la vulnérabilité dans un champ conceptuel où on trouve déjà d'autres notions comme la sécurité humaine, le développement humain, les capabilités, etc. Si ce paradigme est visiblement emprunté à l'éthique du Care, il sera question de voir dans quelle mesure il s'applique à des entités collectives comme les sociétés et quelles implications normatives on peut en tirer. On s'appuiera notamment sur le cas de l'épidémie d'Ebola qui a causé plus de 5000 décès en Afrique de l'Ouest.
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Période de questions
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Procréation médicalement assistée et sociétés moins développées : repenser la disparité biomédicale Nord-Sud sous l'angle de la vulnérabilité culturelleCharles Dine (UQAR - Université du Québec à Rimouski), Dany RONDEAU (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
Les technologies de procréation médicalement assistée (PMA) se sont surtout développées dans les sociétés industrialisées, laissant les sociétés du Sud désespérément vulnérables par rapport aux problèmes d'infertilité et de procréation. Pourtant, si les problèmes d'infertilité sont graves dans les pays riches, ils le sont tout autant dans les pays pauvres où ils sont vécus comme une véritable tare, les femmes infertiles étant victimes de discrimination sociale et d'ostracisme, considérées comme inutiles ou accusées de sorcellerie. Les maris, devant la perspective d'être privés de descendance et sous la pression des familles, sont forcés au divorce ou à la polygamie. Selon l'OMS, cette situation toucherait directement ou indirectement plus de 30 % des femmes âgées de 25-49 ans. En plus d'être une question de justice, l'extension de la PMA aux pays du Sud est également l'occasion de repenser la bioéthique qui l'accompagne dans une perspective éthico-anthropologique sensible à la diversité culturelle. En effet, en raison d'une histoire et de traditions différentes, les sociétés abordent différemment des questions aussi importantes que le statut, le stockage et l'élimination des embryons, le recours à des donneurs ou autres formes de substitution, les recherches sur l'embryon, le diagnostic génétique préimplantatoire, etc., et il n'est pas certain que l'approche principiste, dominante en bioéthique, soit la plus indiquée dans cette perspective.
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D'une vulnérabilité sociale à une vulnérabilité systémique : le mode provisoire de la rue chez les élèves gabonais vivant en milieu ruralMarthe Christine Immongault (Université Laval), Claire LAPOINTE (Université Laval)
Dans le cadre d'une étude d'inspiration ethnographique menée récemment au Gabon et portant sur les représentations sociales de la réussite scolaire, nous avons pu constater l'émergence d'une vulnérabilité à la fois sociale et scolaire dans ce pays qui a adopté un modèle d'éducation européen et une vision de la scolarisation basée sur des valeurs occidentales. Cette vulnérabilité est liée à l'impact, sur les jeunes vivant en milieu rural, de transformations récentes dans les pratiques de la vie familiale. Dès l'âge de 12 ou 13 ans, les lycéens doivent quitter leur village pour poursuivre leurs études secondaires dans les chefs-lieux départementaux. Dans bien des cas, ils ne peuvent plus loger chez des membres de la famille élargie mais doivent louer une chambre où ils sont laissés à eux-mêmes en dehors des heures de classe. Afin de se recréer un groupe d'appartenance, ils vivent ce que nous avons appelé le phénomène du mode transitoire de la rue, errant de buvette en buvette, de lampadaire en lampadaire jusqu'aux petites heures du matin. Leurs chances réelles de poursuivre avec succès leurs études secondaires sont donc significativement amoindries comparativement à leurs pairs des milieux urbains qui vivent chez leurs parents. L'analyse du contexte qui a créé cette vulnérabilité du système scolaire permet de mieux comprendre les défis éthiques auxquels la société et les gouvernants font face dans ce pays.
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Période de questions
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Pause
Vulnérabilité des milieux physiques et humains
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Éthique du care et valeur intrinsèque de la nature : quels rapports?Raphaël Zummo (Université Laval)
La vulnérabilité de l'être moral est au principe de l'éthique du care. Mais le care a été appliqué quasi exclusivement aux relations humaines. Pourtant, la notion de vulnérabilité se prête intuitivement aux réalités naturelles sujettes aux activités humaines. De son côté, la tradition anglo-saxonne d'éthique environnementale discute la possibilité d'attribuer une valeur intrinsèque à des entités ou systèmes naturels. Pour ce faire, utilitaristes et déontologistes ont cherché à fonder l'obligation morale sur des propriétés objectives que nous partagerions avec ces entités ou systèmes et qui suffiraient à leur conférer un statut moral, indépendamment de l'agent qui les valorise. Cette tradition prête flanc aux critiques de l'éthique du care pour qui c'est justement la relation entre agent et patient moraux avec son étoffe affective qui importe. Pourtant, le care n'est-il pas par excellence le geste moral où il en va du bien propre de l'être dont on se soucie et prend soin, ceci pouvant reconduire l'idée qu'il y a des valeurs dans la nature ? Toutefois, le critère relationnel de l'éthique du care ne conduit-il pas, lorsqu'érigé en norme, à une inégalité de considération sur une base arbitraire et ainsi à l'injustice ? Pour éviter de tuer le cochon sur le dos du chien, faut-il maintenir la théorie de la valeur intrinsèque ? Ou bien l'éthique du care dispose-t-elle des ressources nécessaires à ce contrepoids ?
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Vulnérabilités de soi, de l'autre et de l'environnementNathalie Lewis (UQAR - Université du Québec à Rimouski), Didier VRANCKEN (Ulg - Université de Liège)
Longtemps la nature fut perçue comme un élément extérieur menaçant. Nos rapports visant la maîtrise et la domestication de la nature sont empreints de cette menace. Si une telle perception n'a pas totalement disparu, de menaçante la nature serait également devenue menacée. La montée en puissance de l'enjeu environnemental dans l'espace public traduit ce basculement qui participe à faire entrer l'objet dans la sphère privée. Les « catastrophes » touchent les uns et les autres et l'« autre », victime, ne nous est plus si éloigné. L'environnement devient progressivement l'affaire de chacun. D'extérieure, abstraite et menaçante, la nature nous apparaît désormais dans sa fragilité. Elle entre dans la sphère privée, celle d'un sujet qui se sent lui-même fragile, menacé, dépassé par et face à la nature. Que l'on pose la vulnérabilité par rapport à la menace qui plane sur l'humanité ou qu'on la pose par rapport au biosystème, l'exercice nous ramène rapidement à l'humain qui subjectivise cette vulnérabilité de la nature et de lui-même par rapport à celle-ci. Nous sommes face à une vulnérabilité environnementale plus englobante qui se fond aux rapports sociaux globaux vécus par l'individu contemporain et trouve son sens à partir de registres de traduction sociaux par lesquels les individus intellectualisent cette vulnérabilité pour tenter de s'en affranchir. Dès lors, nous requestionnons la vulnérabilité du sujet, lequel intègre aujourd'hui ce double rapport (menacé/menaçant) à l'environnement.
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Période de questions
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L'art à la rescousse d'un territoire vulnérableFrance Joyal (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
Au milieu des années 1980, sous les pressions des environnementalistes, l'Espagne a voté une loi régissant la construction d'édifices en bordure de la mer (La Ley de Costas). Dans un contexte politique oscillant entre l'appât du développement touristique et la préservation du patrimoine, cette loi est sujette à diverses interprétations dont certaines mettent en péril des joyaux du patrimoine construit. Cette communication relate les principales étapes d'un projet d'art/nature réalisé en Espagne, en octobre 2014, pour supporter la cause de Tufia, un village côtier des Iles Canaries dont le patrimoine architectural est menacé d'extinction. Conçu par les habitants du village, le projet Tufi'Arte a été proposé aux membres de AiNIN (Artists in Nature International Network) qui, par leur travail, ont uni leurs voix à celles des habitants de la communauté de Tufia pour attirer l'attention des médias sur cette vulnérabilité. Plus qu'un projet de sculpture, Tufi'Arte est devenu une pratique bilatérale du care entre les villageois et les artistes, laissant des traces indélébiles sur le vécu des uns et des autres.
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Dîner
Vulnérabilité des organisations / Vulnérabilité dans l'organisation
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La vulnérabilité des organisations : présentation d'un diagnostic éthique visant une prévention des risquesLuc Bégin (Université Laval)
Les organisations, tant privées que publiques, sont vulnérables face aux crises et scandales susceptibles de miner leur crédibilité et la confiance des parties prenantes. Les zones de vulnérabilité sont nombreuses et sont appelées à varier sensiblement selon la nature des organisations. Les diagnostics éthiques permettent d'identifier certains types de risques encourus par l'organisation et visent dès lors une prévention de ces derniers. Nous verrons dans un premier temps ce qu'il en est des notions de vulnérabilité, de crise et de risque organisationnels, de manière à mieux comprendre les types d'intervention qui peuvent avoir cours dans une organisation. Partant de ces quelques distinctions essentielles, nous présenterons ensuite un exemple de diagnostic éthique auquel nous avons eu l'occasion de participer. Ce diagnostic ne couvrait pas l'ensemble des zones de vulnérabilité pouvant affecter l'organisation publique que nous avons étudiée, mais a néanmoins permis d'identifier certains risques nécessitant des interventions préventives. Nous nous attarderons plus particulièrement à quelques-uns d'entre eux, de façon à montrer que les vulnérabilités organisationnelles ne résident pas toujours là où on pourrait le penser à prime abord.
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Les facteurs organisationnels pouvant atrophier la sensibilité éthiqueIsabelle HUDON (Université Laval), Lyse Langlois (Université Laval)
Dans une analyse organisationnelle, les logiques d'intérêts, les environnements dangereux, toxiques et violents, les agendas cachés, les luttes de pouvoir et les négociations constituent de multiples facteurs pouvant rendre vulnérable la sensibilité éthique. Comment résister à cette éventualité, surtout dans un contexte où la réflexion éthique constitue une dimension importante et recherchée? La sensibilité éthique est une faculté essentielle à la prise de décision éthique. Elle en est la porte d'entrée et aide à maintenir les bonnes pratiques. Actualisée en milieu de travail, la sensibilité éthique permet d'envisager les risques, les débordements potentiels, à percevoir les situations difficiles, à conscientiser sur les enjeux de même qu'à transformer les pratiques. Malgré ces possibilités, cette faculté peut être mise à rude épreuve et se retrouver en position de vulnérabilité. La plupart du temps, la vulnérabilité est étudiée sous l'angle de l'identification des risques. En l'associant à la notion de sensibilité éthique, nous préférons utiliser l'angle du débordement subi dans le fonctionnement ordinaire et quotidien des organisations. La sensibilité éthique peut-elle s'amenuiser dans de tels contextes et présenter ainsi une vulnérabilité? Quels sont les moyens, ressources ou capacités pouvant aider à faire face (coping capacities) à cette possible atrophie? Quelles sont les vulnérabilités générées par une absence de sensibilité éthique? Cette communication abordera ces aspects.
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Période de questions
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Les professionnels des ressources humaines : acteurs vulnérables au sein de nos organisations?Jennifer Centeno (Université Laval)
En contexte organisationnel, le concept de vulnérabilité permet de mieux cerner les faiblesses qui caractérisent, et les risques auxquels s'exposent, tant les individus que les organisations. Toutefois, le concept de vulnérabilité professionnelle demeure, à ce jour, peu exploré. Alors qu'une recension des écrits permet de retracer un intérêt dans la littérature scientifique quant à la vulnérabilité professionnelle de certains groupes – dont les infirmières, les professeurs et les travailleurs sociaux –, peu d'auteurs se sont intéressés au groupe que constituent les professionnels de la gestion des ressources humaines (PRH). Or, il est généralement convenu que la vulnérabilité professionnelle est socialement construite et contextuellement située. Il apparaît donc qu'une exploration de ce contexte spécifique semble méritée. C'est ainsi que nous proposons une réflexion articulée autour des questions suivantes : En quoi le rôle des PRH peut-il être qualifié, de par sa nature même, d'intrinsèquement vulnérable? En quoi le contexte au sein duquel les PRH œuvrent peut-il mener à des situations les laissant vulnérables sur le plan éthique? Quelles mesures ces derniers peuvent-ils adopter afin d'alléger cet état de vulnérabilité professionnelle? Ce processus de réflexion sera appuyé sur des données empiriques, en provenance d'organisations québécoises.
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De la vulnérabilité de l'entrepreneur à la vulnérabilité de l'entreprise : un cercle vicieuxMarie-Noëlle Albert (UQAR - Université du Québec à Rimouski), Michel Fortier (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
Traditionnellement dans la littérature en management, on distingue deux types de motivation à l'entrepreneuriat : les facteurs « pull » et les facteurs « push ». Parmi les facteurs pull, on retrouve les coûts/bénéfices, les besoins de réalisation ou ceux de pouvoir. L'entrepreneuriat induit par nécessité se retrouve dans les facteurs push. Bien que dans de nombreux projets, ces deux catégories de facteurs peuvent se retrouver, il est fréquent que l'un d'entre eux domine. Si un entrepreneur est principalement motivé par des facteurs push, il va très probablement se retrouver dans une position de vulnérabilité. Dans ce cas, il est fort possible que son projet concerne dès le départ une entreprise elle-même vulnérable. En conséquence, la vulnérabilité de l'entreprise ne va pas favoriser que le développement d'une relation de confiance avec ses parties prenantes. Ceci amplifie à la fois la vulnérabilité de l'entreprise et de l'entrepreneur. Le sentiment de faiblesse vécu par l'entrepreneur est contraire à l'image de force et de quasi invincibilité de l'entrepreneur, véhiculé traditionnellement dans les médias. En ne répondant pas à l'image attendue par les parties prenantes, il est aisé de susciter du mépris de la part de celles-ci. L'étude présentée utilise la méthode des témoignages expérientiels, selon le paradigme épistémologique constructiviste pragmatique.
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Période de questions
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Mot de clôture