Informations générales
Événement : 83e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :L’étude de la participation des Premières Nations dans le secteur forestier canadien a connu des avancées considérables au cours de la dernière décennie, ouvrant ainsi de nouvelles possibilités d’analyse comparative aux chercheurs. Ce colloque, faisant suite aux colloques semblables tenus aux congrès de 2010 et 2013, vise à examiner les tendances de l’évolution du rôle de Premières Nations dans la gestion des territoires forestiers. Nous notons particulièrement la diversité des formes que peut prendre cette participation ainsi que leurs défis et leurs opportunités, de même que plusieurs dynamiques sociales observées au sein même de ces nouvelles pratiques. De plus, nous remarquons une diversité des méthodologies et une reconnaissance de l’importance des équipes et des approches multidisciplinaires.
Ce colloque explorera la participation autochtone à la gestion du territoire forestier, défini comme espace naturel, institutionnel et procédural où les Premières Nations et les agents étatiques et industriels tentent de négocier les termes d’une collaboration. Les modes participatifs de gestion du territoire n’existent pas indépendamment les uns des autres, et nous voyons émerger diverses stratégies pour souligner les valeurs autochtones, notamment face à ceux de l’État et de l’industrie. Les conférenciers à ce colloque s’intéresseront à mieux comprendre ces articulations à partir de données empiriques détaillant l’évolution des formes de participation pour une communauté ou une nation donnée, ou encore en traitant des rapports qui existent entre divers processus contemporains impliquant cette communauté ou cette nation. En outre, il sera question des processus consultatifs, de la cogestion, de la certification forestière, de l’entrepreneuriat forestier autochtone et des démarches juridiques de revendication et d’affirmation des droits des Premières Nations.
Dates :- Stephen Wyatt (Université de Moncton)
- Jean-François Fortier (Université Laval)
- Martin Hébert (Université Laval)
- Sara Teitelbaum (UdeM - Université de Montréal)
Programme
Les paramètres de la participation autochtone dans le nouveau régime forestier : cadres conceptuels et analyses empiriques
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Mot de bienvenue
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L'évolution du régime forestier québécois et la prise en compte des droits autochtones : une perspective historique (1960-2014)Sara Teitelbaum (UdeM - Université de Montréal)
Le cadre juridique en matière des forêts sert à délimiter les droits et les responsabilités des différents acteurs sur la forêt québécoise. Alors que les Premières Nations bénéficient de droits distincts, protégés par la Constitution, le régime forestier définit néanmoins les mécanismes par lesquels les Premières Nations participent à la gestion des forêts publiques. La recherche en foresterie autochtone montre l'effet structurant du régime forestier pour les Premières Nations, et l'écart considérable entre les visions des Premières Nations et celle du gouvernement quant à leur participation. Cependant, à date il y a peu de descriptions explicites de ce cadre et son évolution au fil des années. Cette présentation propose une analyse historique de l'évolution du régime forestier en ce qui concerne l'intégration des droits et intérêts des peuples autochtones. L'analyse se porte sur les lois, politiques et règlements édictés en matière de foresterie pendant la période allant de 1960 à 2014. À l'aide d'un cadre théorique élaboré par Hills et al. (2012), un analyse du régime forestier est proposé, qui examine la question du niveau d'influence des Premières Nations au sens de la loi, et son évolution durant cette même période.
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Le rôle de la flexibilité institutionnelle dans un processus de participation publique : le cas du Comité scientifique et d'aménagement de la forêt MontmorencyÉdouard-Julien Blanchet (Université Laval)
Les processus de participation publique engendrent des dynamiques relationnelles complexes qui sont en constantes renégociations entre les acteurs. Quoique de tels processus sur le long terme soient souvent mis sur pied et supervisés par des acteurs clefs, chaque acteur y participe aussi suivant ses propres intérêts. Les caractéristiques de l'architecture institutionnelle, c'est-à-dire les règles de fonctionnement du processus, deviennent alors des éléments déterminants de la participation. Au sein de cette communication, je tenterai d'abord de définir ce qu'est un cadre flexible afin de pouvoir ensuite discuter de son articulation avec les autres caractéristiques d'un processus soient : les intérêts en présence, la confiance entre les acteurs et les relations qu'entretiennent les acteurs avec des processus parallèles. À partir de l'étude de la participation de la Nation huronne-wendat au Comité scientifique et d'aménagement de la Forêt Montmorency, je m'intéresserai plus particulièrement au rôle que joue la flexibilité organisationnelle dans le développement d'une confiance inter-acteur. L'interdépendance entre les acteurs apparaitra comme une caractéristique relationnelle souvent garante de la satisfaction des intérêts des acteurs à un processus de participation.
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L'expérience du régime forestier adapté de la Paix des braves dans un contexte d'évolution de la gouvernanceMartin Pelletier (Conseil Cris-Québec sur la foresterie)
?Alors que la Convention de la Baie-James et du Nord québécois a fixé en 1975 le régime des terres et le régime de protection de l'environnement et du milieu social applicables au territoire des Cris, l'Entente de la Paix des braves est venue préciser en 2002 certaines dispositions, dont la mise en place d'un régime forestier distinct au territoire. Alors que le régime forestier de la Paix des braves est en cours de mise en œuvre depuis 2002, une nouvelle Entente sur la gouvernance dans le territoire d'Eeyou Istchee Baie-James en 2012 ainsi qu' une nouvelle Loi sur l'aménagement durable du territoire forestier au Québec en 2013 viennent en modifier certains paramètres.
La présentation vise à démontrer que la conclusion d'une entente de nation à nation entre une Première nation et l'état provincial ou fédéral, incluant des impératifs en matière de gestion des ressources et du territoire, ne place pas nécessairement les parties dans un carcan rigide et immuable ensuite. Pourvu que des objectifs d'adaptabilité soient clairement énoncés et que des mécanismes en ce sens soient mis en place, une telle entente représente selon notre expérience la pierre d'assise d'une relation basée sur le respect mutuel et permettant de bâtir, étape par étape, une réelle gestion collaborative. La présentation abordera les opportunités et les contraintes relativement à l'expérience du régime forestier adapté de la Paix des braves dans un contexte d'évolution de la gouvernance.
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Pause
Au-delà du cadre légal : le rôle des savoirs autochtones et la résistance politique
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Pour une cartographie de la participation : relations, enchevêtrements et innovation dans la participation des Hurons-Wendat à la gestion du territoire depuis 50 ansÉdouard-Julien BLANCHET (Université Laval), Martin Hébert (Université Laval)
À partir de données d'archives institutionnelles et d'analyses ethnographiques d'une diversité de processus, nous contribuons ici à une cartographie des modes d'implication des Hurons-Wendat dans la gestion territoriale depuis les années 60. Sans être l'exhaustifs, nos résultats indiquent que plusieurs des concepts utilisés aujourd'hui pour parler des modes d'implication des Premières nations dans la prise de décisions relatives à la gestion du territoire sont insuffisants pour cerner la diversité des formes concrètes que prend la participation. Notamment, l'importance accordée par les chercheurs aux processus consultatifs semble orienter considérablement, probablement trop, notre compréhension de la participation. L'examen de vingt-sept processus sociopolitiques de la période considérée nous indique plutôt une dynamique complexe entre des formes variées de participation ancrées à la fois dans des processus institutionnels dont le mandat est la gestion du territoire, dans des espaces institutionnels connexes, dans des espaces informels, voire dans de nouveaux espaces et processus institués par les Hurons-Wendat. Au-delà d'une simple typologie de la participation, nous verrons émerger de ces résultats des articulations concrètes entre les processus, marquées par des flots de circulation de l'information, une capacité à palier les insuffisances de certains processus en ayant recours à d'autres et, surtout, par une constance dans l'affirmation du droit au territoire.
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Réappropriation du territoire : stratégies de confrontation et d'engagement par les Mi'gmaq de ListigujAudrey FOURNIER (UQAR - Université du Québec à Rimouski), Nathalie Lewis (UQAR - Université du Québec à Rimouski), Wyatt STEPHEN (UdM-Université de Moncton, campus d'Edmunston)
En 1981, plus de 500 policiers fédéraux et québécois débarquent à Listuguj dans l'idée de faire respecter les règlements concernant la pêche au saumon, pourtant une activité traditionnelle Mi'gmaq, protégée par des traités. Loin d'avoir obligé les Mi'gmaqs à se conformer aux politiques gouvernementales liées à la gestion des ressources naturelles, le « raid » semble avoir déclenché un processus de réappropriation du territoire et de « nation-building ». C'est cette construction collective que nous devons suivre pour saisir le sens des actions entreprises par les Mi'gmaq sur de plus de trente ans. À certains moments, ces actions sont caractérisées par les confrontations, telles que les blocages de routes ou le refus de participer aux processus de consultation multipartite établis par le gouvernement provincial. Mais, par ailleurs, les Mi'gmaq de Listiguj choisissent également à s'engager avec l'État et le secteur privé dans des initiatives telles que la récolte forestière, la gestion de la pêche au saumon et le développement éolien. Ces mouvements sont loin d'être spontanés, nous soulignerons en conclusion qu'ils s'insèrent dans une stratégie de réappropriation du territoire qui nous aurait été difficile de saisir si nous nous étions concentrés seulement que sur les processus de consultation proposés par l'État.
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Enjeux et valeurs innus liés au Nitassinan de Pessamit : convergences et divergences avec l'aménagement écosystémique des forêtsLouis BÉLANGER (Université Laval), Eric CANAPÉ (Conseil des Innus de Pessamit), Jonathan Lasnier (Université Laval), Marie-Helène ROUSSEAU (Université Laval)
L'aménagement écosystémique (AÉ) est au cœur de la nouvelle approche de gestion durable des forêts au Québec. Ainsi, le cadre de référence est associé à la forêt jugée naturelle. À ce jour, beaucoup d'efforts ont été mis pour caractériser le portrait et la dynamique naturelle de cette forêt sur le plan écologique. Mais qu'en est-il de la dimension humaine? Nous croyons que la perspective autochtone fait partie intégrante de la forêt et qu'il est primordial de l'intégrer au concept d'AÉ. Située sur la Haute-Côte-Nord, la communauté innue de Pessamit est grandement attachée à son Nitassinan (territoire ancestral). Dans le cadre d'un projet de formation en foresterie en cours dans cette communauté, les acteurs clefs nouvellement formés ont manifesté l'intérêt de s'approprier et d'ajouter leur couleur à une définition de l'aménagement des forêts du Nitassinan. Pour parvenir à cet objectif, certains experts mentionnent l'importance de la création d'un langage commun. Privilégiant la recherche-action, le projet d'accompagnement de la communauté de Pessamit a été privilégié. Un groupe de travail composé d'acteur en foresterie autochtone fut créé pour structurer les enjeux innus et par la suite les valider. Finalement, un travail d'évaluation des convergences et des divergences été effectué dans le but d'évaluer des arrimages interculturels sur la thématique forestière la vision québécoise de l'AÉ et la vision innue de Pessamit est possible en sapinière boréale sur le Nitassinan.
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Dîner
Table ronde sur le jugement Tsilhqot'in et l'évolution des consultations forestières en contexte autochtone au Québec
Les expériences des Atikamekw Néhirowisiwok concernant la gouvernance du Nitaskinan
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Mot de bienvenue
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Obligation de consulter et d'accommoder, et empowerment autochtone : une enquête chez les Atikamekw NehirowisiwokMarianne Simard-Veillet (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Depuis 2004, la Cour suprême du Canada reconnaît aux gouvernements une obligation de consulter et d'accommoder (OCA) les peuples autochtones lorsqu'ils prennent des décisions concernant les territoires que ceux-ci revendiquent. Le plus haut tribunal du pays donne un appui puissant à une approche plus participative dans l'élaboration des politiques publiques, notamment en ce qui concerne la gestion des ressources. Dans cette présentation, nous nous demandons quels sont les impacts de cette obligation sur l'empowerment autochtone dans la gouverne de leur territoire. Souhaitant dépasser la simple analyse des paramètres juridiques de l'obligation et de leur portée théorique, nous avons opté pour approche empirique pour prendre la mesure des pratiques auxquelles elle donne lieu sur le terrain. Une étude de cas a été menée auprès de la nation atikamekw au Québec à l'hiver 2014 en collaboration avec le Conseil de la Nation atikamekw. Douze entretiens semi-dirigés ont été réalisés dans chacune des communautés atikamekw avec des membres de la nation participant activement aux diverses consultations concernant la planification forestière sur leur territoire. Les résultats mettent en exergue les limites et les défis que posent les consultations actuelles et illustrent l'écart entre les principes juridiques reconnus et les pratiques effectives. Nous concluons ainsi que l'OCA possède un certain potentiel d'empowerment qui ne se concrétise pas encore dans la pratique.
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Les rapports sociaux dans la gestion des feux de forêtNoémie Gonzalez (Université Laval)
Au Canada, la gestion des incendies de forêt est un domaine particulièrement technique et organisé sur la base de procédures et d'organigrammes précis. Cependant, ces feux sont aussi des événements perturbant la vie de territoires habités notamment par des communautés des Premières Nations, des peuplements végétaux, des animaux, des ancêtres et autres non-humains. Lorsqu'une communauté des Premières Nations décide de lutter contre un feu de forêt qui menace son village, cela peut-il être compatible avec les procédures de gestion établies? Le feu est-il de même nature pour tous les acteurs qui interagissent? À travers l'étude d'un cas de feu forestier sur le Nistakinan (Haute-Mauricie) qui a menacé la communauté atikamekw de Wemotaci en 2010, nous apporterons quelques éléments de réflexion sur ces questions en s'intéressant particulièrement à la rencontre des savoirs locaux avec les savoirs technico-scientifiques et à la prise en compte des acteurs non-humains dans un système social-écologique.
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Les effets du nouveau régime forestier sur la participation des Atikamekw Nehirowisiwok à la planification forestièreJean-François Fortier (Université Laval), Stephen WYATT (UdM-Université de Moncton, campus d'Edmunston)
Cette communication explore les effets du changement institutionnel sur la participation autochtone dans la planification forestière. Depuis le tournant de l'an 2000, la législation forestière contraint les entreprises privées à impliquer les communautés autochtones dans l'élaboration des plans d'aménagement forestier menant ainsi à diverses initiatives afin de respecter cette obligation. Dans la région mauricienne, les Atikamekw Nehirowisiwok et les compagnies mettent en place progressivement des « mesures d'harmonisation » visant à échanger de l'information sur les opérations forestières et à négocier des compromis pour atténuer leurs impacts. Or, depuis ce temps, le régime forestier québécois connaît plusieurs autres modifications découlant surtout de la Loi sur l'aménagement durable du territoire forestier adoptée en 2010. Par conséquent, quels sont les impacts des changements institutionnels sur les pratiques actuelles? Entraînent-ils de nouvelles pratiques? Quels sont les enjeux que cela pose? Enfin, comment les acteurs perçoivent-ils ces impacts? À partir d'une synthèse des résultats de deux études de cas, nous concluons que la prise en charge de la planification forestière par l'État entraîne un renversement des rapports entre l'industrie forestière et les Nehirowisiwok ainsi qu'une forme de cooptation limitée de la participation nehirowisiw aux mécanismes de planification concertée dont le mandat consiste à définir les objectifs d'aménagement forestier locaux.
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Pause
Maintenir l'évolution dans la gouvernance autochtone de territoires forestiers : que reste-t-il à faire?
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Gouvernance territoriale et foresterie autochtone : réflexions théoriques pour éclairer la situation québécoiseLuc Bouthillier (Université Laval)
La gouvernance est une notion plurielle. Cela porte à confusion. La gouvernance territoriale semble la plus appropriée pour aborder le rôle que peuvent tenir les nations autochtones dans la gestion des forêts québécoises. Toutefois, cette approche tient de la soft law, un ensemble de règles et d'engagements qui n'induit pas de contraintes légales dans sa mise en œuvre. Elle repose sur un dialogue civique menant à des visions communes quant à la manière d'habiter le territoire, d'en tirer du bois, des services environnementaux ainsi que des contributions esthétiques et spirituelles. Cette gouvernance est dite polycentrique puisqu'elle appelle à revoir le processus décisionnel par la synchronisation d'acteurs aux intérêts variés. Son succès est donc conditionnel à une démarche d'apprentissage social qui gagne à être explicitée. Les attributs d'une «bonne» gouvernance territoriale sont à prendre en considération pour ce faire. En particulier, ceux définissant la fonctionnalité et l'imputabilité d'un mécanisme de gouvernance sont éclairants. À cet égard, les exigences de la Loi sur l'aménagement durable du territoire forestier sont riches de promesses auxquelles l'épreuve des faits et du temps appelle à des attentes plus modestes au sujet des enjeux autochtones, surtout dans le contexte où les structures de décentralisation sont révisées au Québec.
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Négocier une collaboration? L'engagement autochtone dans les processus de gestion forestière au QuébecÉdouard-Julien BLANCHET (Université Laval), Jean-François FORTIER (Université Laval), Martin HÉBERT (Université Laval), Nathalie LEWIS (UQAR - Université du Québec à Rimouski), Stephen Wyatt (Université de Moncton)
Depuis une vingtaine d'années, le régime forestier québécois encourage une participation autochtone en misant notamment sur les partenariats d'affaires, les négociations bilatérales et les consultations multipartites. Bien que les Premières Nations tirent parti de ces opportunités, acceptent-elles un cadre promulgué par l'État, ou sont-elles plutôt en train de redéfinir leurs rapports avec le secteur forestier ? Dans une étude avec les Atikamekw Nehirowisiwok, les Hurons-Wendat et les Mi'gmaq, nous avons examiné les processus par lesquels chacune s'investit pour présenter et valoriser leurs attentes visant le territoire forestier. D'une part, nous avons documenté la diversité de processus utilisés depuis trente ans, en nous intéressant particulièrement aux liens entre ceux-ci. D'autre part, nous avons examiné plus en détail certains processus charnières. Nous proposons ici un cadre d'analyse centré sur les rôles qu'ont joués les Premières Nations dans ces multiples processus. Cette démarche nous permet de mieux saisir les impacts du cadre institutionnel, les interactions entre les différentes parties, les divers liens possibles avec d'autres processus, les caractéristiques des processus, les actions et finalement les résultats qui découlent de ces engagements. Nous conclurons que les Premières Nations participent aux processus étatiques tout en négociant cet espace institutionnel et procédural afin de faire progresser les mesures qui répondent à leurs propres aspirations.
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Synthèse du colloque et animation de discussion ouverteSara Teitelbaum (UdeM - Université de Montréal)