Informations générales
Événement : 83e Congrès de l'Acfas
Type : Domaine
Section : Section 400 - Sciences sociales
Dates :- Andrée De Serres (École des Sciences de la Gestion (ESG) - UQAM)
- Yves Laberge (Université d’Ottawa)
Programme
Nature, paysage et patrimoine comme réponses aux défis d'environnement
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Adaptation au changement climatique sur le littoral acadien du Nouveau-BrunswickOmer Chouinard (Université de Moncton)
Les changements climatiques posent des problèmes d'adaptation dans les communautés côtières à l'échelle planétaire. Les provinces atlantiques canadiennes n'en font pas exception. La province Nouveau-Brunswick (N.-B.) a des défis particuliers; elle est avec l'Ile du Prince-Édouard la province la moins bien organisée démocratiquement à l'échelle locale et ce au niveau canadien. Environ le tiers des communautés rurales ne sont pas municipalisées et bon nombre de celles-ci sont situées sur le littoral acadien du N.-B. Nous avons comparé le processus d'adaptation dans deux catégories de territoires côtiers du sud-est du N.-B. Il s'agit de municipalités ayant des responsabilités de réglementer l'aménagement et le développement de leur territoire et de districts de services locaux (DSL) n'ayant aucun pouvoir de réglementer. Ces territoires sont encadrés à l'échelle régionale par des commission de services régionaux (CSR) responsables des services d'urbanisme. Pour mesurer le processus d'adaptation nous avons procédé par entrevues semi dirigées : 12 dans les municipalités et 19 dans les DSL. Les résultats ont été validé par 3 focus groups. Les résultats préliminaires font ressortir deux aspects. Les DSL sont enclins à se municipaliser même si ce pouvoir est parfois court-circuité par les lobbys auprès de la province du N.-B. Cependant, les associations demeurent des agents mobilisateurs pour les actions démocratiques dans ces territoires qu'ils soient municipalisés ou non.
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Penser la réification de la vie à l’ère du biocapitalismeNicolas Le Dévédec (HEC Montréal)
Au cœur de la tradition de la théorie critique de l’École de Francfort (de Lukacs à Honneth), le concept de « réification » est un concept central pour penser de manière critique la rationalisation capitaliste technique et économique. Si l’on veut toutefois préserver sa portée critique à l’ère de la bioéconomie et des nouveaux défis posés par les biotechnologies, le concept demande à être repensé. Au moment où le corps humain et les êtres vivants fondent un nouveau marché, il est en effet nécessaire de penser la réification, non plus seulement de l’être humain, mais de la vie en elle-même. L'un des enjeux actuels majeurs, pour la théorie critique, est autrement dit de parvenir à se départir de son anthropocentrisme originel, afin d’être mieux armée devant le biocapitalisme contemporain. Dans cette optique, cette communication s’emploiera à montrer que le concept de réification ne doit plus tant désigner la réduction de l’humain à une chose, selon la définition classique du concept, que désigner plus largement le processus de transformation de l’humain et de la vie en soi en ressources exploitables, c’est-à-dire en biocapital. Ne pas opérer cet élargissement, c’est occulter les enjeux de la bioéconomie et se rendre aveugle face aux nouvelles formes d’exploitation et d’instrumentalisation technoscientifiques.
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Les causes de la crise écologique : étude de la sociologie de l’environnement de John Bellamy FosterJean-Pascal Hallée (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Cette communication se penche sur l’analyse de la crise écologique proposée par le sociologue de l’environnement et rédacteur en chef de la Monthly Review, John Bellamy Foster. À la tête de ce que certains nomment l’école de l’Oregon, celui-ci se penche depuis les années 1990 sur les causes structurelles et sociétales du rapport problématique qu’entretient la société avec la nature en s’inspirant des travaux conduits par le Stockholm Resilience Centre. Il s’agira d’abord d’introduire le contexte social et scientifique au sein duquel Foster a cru nécessaire de retourner aux écrits de Karl Marx afin d’ancrer l’étude de la crise écologique dans une perspective historique et matérialiste. Cette critique des écueils de la pensée écologiste contemporaine débouchera sur un survol des principaux éléments théoriques que Foster retient de sa lecture de Marx. Il sera fortement influencé par les passages où ce dernier traite du travail, du métabolisme énergétique qu’entretient la société avec la nature ainsi que de la rupture métabolique. Nous verrons ensuite comment il est possible d’appliquer ce cadre d’analyse, qui situe le moteur de la crise écologique dans le rapport social qu’est le capital, au monde contemporain en s’appuyant sur le modèle des «neufs frontières planétaires» à ne pas dépasser afin d’entretenir un rapport socio-écologiquement viable avec la Terre.
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Européanisation et politiques patrimoniales écossaises depuis 1999 : une étude de casCaroline Cantin (Université d’Ottawa)
Le degré d’européanisation des politiques culturelles est généralement considéré comme étant faible (Radaelli, 2010). En effet, en 1992, dans le Traité de Maastricht, l’Union européenne confirme son engagement envers la sauvegarde et la promotion du patrimoine culturel. Néanmoins, la culture demeure principalement la responsabilité des états membres. L’objectif de cette présentation consistera à déterminer le degré d’européanisation des politiques patrimoniales écossaises depuis la décentralisation opérée en 1999.
Afin de permettre l’atteinte de cet objectif, la recherche documentaire est l’approche méthodologique privilégiée. Trois institutions seront observées, soit le gouvernement écossais, Museums Galleries Scotland ainsi que les musées nationaux écossais.
L’opérationnalisation de cet objet de recherche s’effectuera par l’entremise de la notion de référentiel (Oberdorff, 2008). Cette présentation s’attardera sur le développement culturel des régions et l’emphase mise sur la mise en place de partenariats, soit deux variables identifiées comme faisant partie des politiques publiques européennes.
Notre analyse révèlera que ces deux variables sont bien présentes dans les politiques patrimoniales écossaises. Néanmoins, du fait de l’étendue limitée de notre démarche, il n’est pas possible de conclure catégoriquement que les politiques patrimoniales écossaises sont européanisées. Il est davantage avisé de conclure à une convergence des politiques publiques.
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L’utilisation du concept de service écologique au Québec : l’émergence d’un nouveau référentiel de l’action publique?Eugénie Potvin (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Les bienfaits que la nature procure à l’humain sont multiples et essentiels, cependant la capacité des écosystèmes à rendre ces services est de plus en plus menacée par diverses pressions anthropiques. C’est dans ce contexte de rareté croissante que vit le jour le concept de service écologique(ou service écosystémique) (SE) qui désigne les services rendus par les écosystèmes et qui contribuent au bien-être humain. Ce nouveau thème est aujourd’hui de plus en plus utilisé à travers une multitude d’approches dans l’action publiqueà travers le monde(ex : communiquer le besoin de protéger la nature, aide à la décision dans laplanification du territoire, utilisationdansdesanalyses coût-avantage, etc.). Cependant, à ce jour, très peu d’études scientifiques ont été menées sur les circonstances socio-politiques entourant l’utilisation de ce concept et des approches qui y sont associées.
La recherche qui sera présentée propose un portrait de la situation québécoise visant à mieux comprendre le processus d’opérationnalisation du concept de SE à travers l’action publique. Plus spécifiquement, la présentation suggérée ici abordera les éléments suivants: 1) les facteurs menant à l’adhésion ou à la non-adhésion des acteurs aux approches basées sur le concept de SE, 2) la perception des acteurs quant aux répercussions des approches prônées sur l’environnement ainsi que sur les modes de prises de décisions et 3) le caractère innovant de ces approches.
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Entrepreneuriat féminin et adaptation aux changements climatiques au SénégalMarie Fall (UQAC - Université du Québec à Chicoutimi)
Dans trois villages des îles du Saloum un projet de développement a été mené pour lutter contre la pauvreté des populations en améliorant les capacités d’adaptation des groupes de femmes aux changements climatiques qui affectent la dynamique des écosystèmes de mangrove et réduisent la production de coquillages et de poissons. L’objectif était d’amener les Groupements d’Intérêts Économiques à s’approprier de nouvelles façons de faire pour améliorer leur économie, assurer la sécurité alimentaire et maintenir le rôle et la position des femmes dans les collectivités locales. Les résultats concrets des interventions permettent d’élaborer des hypothèses sur de l’impact de l’entreprenariat féminin comme moyen pour pérenniser les activités de productions socio-économiques en contexte de vulnérabilité. Nous mettrons l’accent sur les interventions gagnantes et les limites à cette approche.
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Le paysage sous-marin : le cas du jardin des Escoumins (Québec)Camille V. Lefebvre (Université Laval)
Le sujet de cette recherche porte sur le concept de paysage sous-marin abordé dans le cadre d’une étude de cas : celui du jardin des Escoumins. Nous nous questionnons sur la définition du paysage sous-marin ainsi que sur le rôle des plongeurs au XXe et XXIe siècle dans la construction de ce nouveau concept au Québec. Pour répondre à cette question, une analyse géohistorique de la plongée sous-marine au Québec a été effectuée grâce à une revue de littérature, à des entretiens semi-dirigés ainsi qu’à des questionnaires courts. L’objectif principal est de déterminer le rôle du plongeur québécois dans la représentation intellectuelle du paysage sous-marin. Cet ainsi que nous tenterons de présenter ce qu’est le paysage sous-marin et la représentation qui en est faite dans le milieu auprès des différents acteurs du territoire (plongeurs, parcs Canada, associations touristiques régionales, etc.) grâce à des résultats préliminaires. Cette étude permettra d’enrichir les connaissances entourant le concept classique du Paysage et de le peaufiner, dans un contexte social de divorce entre les Québécois et le fleuve Saint-Laurent, qui est qualifié par certains auteurs d’espace vide (Courville, 2000).
Session d'affiches
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Première pétition citoyenne en Europe : préoccupation quant au droit à l’eauMarie-Eve BÉLANGER, Meriem Mezdour (Université d’Ottawa), Sylvie PAQUEROT
Une pétition sur le droit à l’eau a circulé en 2012-2013 en Europe. De ce contexte d’une première initiative citoyenne visant un million de signatures, a émergé l’étude « Droit à l’eau: le processus de Lisbonne donne-t-il plus de pouvoir aux citoyenNEs? », dirigée par Drs Bélanger et Paquerot, dans laquelle se situe mon projet de recherche. L’objectif principal est de documenter les raisons pouvant expliquer les degrés de succès de la pétition dans divers pays d’Europe. Notre question principale est :
Qu’est-ce qui explique que certains pays aient atteint les objectifs de signatures dans les délais imposés?
Pour y répondre, une comparaison de la situation de l’eau dans chaque pays est de mise, ainsi qu’une analyse de la présence/absence de débats publics sur l’eau avant et lors de la circulation de la pétition et dutaux de syndicalisation de chaque pays.
Nous pourrons ensuite comparer les caractéristiques des différents pays aux résultats obtenus par les pétitionnaires pour comprendre le poids relatif des différents facteurs explicatifs avancés et mieux saisir le succès d’un mouvement social concernant l’enjeu de l’eau en Europe.
Valeurs et éthique en débat : de la reconnaissance au droit
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La reconnaissance dans la participation citoyenne des personnes considérées comme marginaliséesIsabelle Hudon (Université Laval), Mireille TREMBLAY
Les personnes ayant une déficience intellectuelle, une déficience physique ou un problème de santé mentale sont des citoyens à part entière pouvant exercer leurs droits politiques au même titre que tout autre citoyen de la société. Pourtant, nous constatons que malgré le discours institutionnel allant en ce sens, ce n’est malheureusement pas le cas dans les instances de participation citoyenne et que ces personnes sont marginalisées dans les faits. De 2009 à 2012, nous avons mené une recherche-action financée par le Fonds de recherche du Québec-Société et culture (FRQSC) qui portait sur «la participation citoyenne, l’engagement civique et l’efficacité politique de personnes membres de comités d’usagers ou d’associations». Les enjeux et pistes d’action identifiés par les personnes reflétaient leurs préoccupations concernant leur expérience individuelle ou collective au sein de leur comité ou association. Dans un esprit qui s'est révélé similaire à celui de l'éthique de Paul Ricoeur, nous les avons divisé en trois catégories que nous énonçons comme étant le rapport à soi, le rapport à l’autre et le rapport aux institutions, À partir de leur réflexion, les personnes ont identifié la reconnaissance comme un enjeu fondamental. Il s’inscrit dans tout le processus de socialisation politique. En conclusion, nous proposons une réflexion théorique autour de la notion d’éthique de la citoyenneté que nous souhaitons développer en la fondant d’abord sur la reconnaissance.
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Nations et nationalisme autochtones : traditionalisme, modernité politique et étude de cas sur les Innus au QuébecJean-Olivier Roy (Université Concordia)
Depuis les dernières décennies, nous assistons à une résurgence des nations autochtones et à la formation d’un certain nationalisme. Au Canada, les bases normatives de ce nationalisme autochtone sont principalement ancrées dans la tradition et la continuité, les références centrales étant la culture, un rapport ancestral au territoire et un système de valeurs axé sur un rapport étroit, voire holistique, avec la nature. Parallèlement, on remarque l’insertion grandissante du discours autochtone dans un langage essentiellement moderne, par l’usage de concepts tels « autodétermination », « souveraineté », « citoyenneté » et « gouvernement », entre autres, tout comme certaines actions politiques des élites et des citoyens témoignent d’une conception de plus en plus moderne de la nation. Cette communication se concentre sur l’impact de la tradition et de la modernité dans la définition de la nation et du nationalisme autochtones contemporains, dans une volonté de compréhension critique du nationalisme autochtone menée au moyen de la théorie de l’ethnosymbolisme. Les résultats d’une étude de cas menée avec la nation innue au Québec sont exposés, étude qualitative construite principalement autour d’entrevues semi-dirigées menées dans trois communautés innues actives au niveau politique et économique, soit Mashteuiatsh, Pessamit et Uashat mak Maliotenam.
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Nouvelle laïcité et islamophobie : une idéologie dormante en périphérie de la représentation sociale?Siegfried Mathelet (UQAM - Université du Québec à Montréal)
L’idée d’un renforcement de la laïcité fut introduite en 2003 au parti français de droite UMP. Cette «nouvelle laïcité» veut s’opposer aux droits humains et endiguer une menace religieuse liée à l’islam (Baroin cité par Baubérot).
Celle-ci s’inscrit danslecontexte mondial d’une «new religious intolerence» (Naussbaum) et celui européen de «victoire idéologique de l’extrême droite» (JY Camus) où se mondialisent aussi des mouvements comme «STOP islamisation». Elle côtoie une progression de l’islamophobie mesurée par diverses organisations.
Notre analyse suggère que ces événements contribuent à former une représentation sociale (RS) unitaire de la laïcité, où les éléments d’une victoire idéologique de l’extrême droite identifiés par Camus formentune «zone muette» (Abric) en périphérie. Si elle est juste, cette hypothèse pourrait se confirmer par une enquête psychosociologique.
La caractérisation en termes de discours et de RS, plutôt qu’enmesures politiques, permet un parallèle avec le Québec où s’observe des discours et RS similaires. Nous notons alors que l’«ancrage» de la laïcité donne lieu à une banalisation de cette zone muette, véritable schème idéologique dormant, qui débouche partout sur l’émergence ou l’augmentation d’actes islamophobes – selon les premières données disponibles au Québec.
Nous espérons ainsi contribuer à la connaissance du phénomène québécois, autant qu’à une hypothèse générale sur la laïcité et l’islamophobie qui explore la périphérie des RS.
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Laïcité québécoise et « choc des civilisations » : une performance de droite à gaucheSiegfried Mathelet (UQAM - Université du Québec à Montréal)
L’idée que la religion est incompatible avec les valeurs de la société québécoise, voire avec l’unité nationale, fut exprimée lors du débat sur la laïcité. Nous montrerons comment cette perception d’un «choc des civilisations» s’est partagée en un pôle identitaire et un pôle moderniste, reproduisant un schéma observé dans le débat européen.
Nous reviendrons sur la chronologie de la proposition d’une Charte de la laïcité prescrivant une interdiction de signes religieux dans l’appareil d’État. Cette proposition émana de jeunes de la droite du PQ. Puis, fut reprise à gauche par les Intellectuels pour la laïcité (IPL) de G. Rocher et D. Baril. Parallèlement, l’idée d’incompatibilité de certaines pratiques ou vêtements religieux avec les valeurs sociétales et l’unité nationale progressa de droite à gauche.
Nous identifierons quelques schèmes argumentatifs soutenant le versant moderniste de cette vision chez les IPL. Une confusion entre laïcité et sécularisation. Une confusion sur l’apport de la laïcité au droit des femmes. Une confusion entre porteurs individuels et porteurs collectifs de droits. Nous verrons qu’à travers ces confusions s’opère une relativisation des principes universels du droit sur une base culturelle qui amena les IPL et une partie de la gauche à rejoindre une démarche opposée aux statuts et principes des droits fondamentaux.
Nous espérons ainsi éclairer la structuration du débat québécois sur la laïcité et ses clivages identitaires et modernistes.
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Quand foi, éthique et loi s’affrontent : les groupes de pression dans le débat sur les soins de fin de vie au QuébecAntonin Lacelle-Webster (UdeS - Université de Sherbrooke)
Entre 2009 et 2014, le Québec a connu un débat éminemment délicat en lien avec les soins de fin de vie. Ce débat, qui a traversé trois différents gouvernements avant l’adoption en juin 2014 de la Loi concernant les soins de fin de vie, s’est fait de manière non partisane avec un souci d’inclusion notable des représentants de la société civile. Notre recherche constitue une étude de cas de huit organisations portant sur leur vision du processus parlementaire choisi et leurs interactions avec les élus. Le but est de déterminer les facteurs les ayant incitées à participer au processus législatif formel, mais également les stratégies qu’elles ont utilisées et leur apport à la réflexion des parlementaires québécois. Ces organisations ont été sélectionnées, sans égard à leur taille, de par leur implication dans le débat et la représentation variée des points de vue véhiculés. Notre étude se fonde sur des entrevues semi-dirigées avec des représentants de ces organismes et des autres acteurs impliqués dans le débat ainsi que sur l’étude des mémoires et échanges survenus en commissions. Les premières indications démontrent que les groupes en faveur du projet de loi ont eu une plus grande influence sur le débat en mettant l’accent sur les soins palliatifs et l’instauration de balises à l’aide médicale à mourir. Ce projet s’inscrit dans la mouvance plus large de la recherche sur la représentativité des intérêts dans le système politique québécois et l’influence des groupes de pression.
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La Charte de la langue française et son interprétation judiciaire : quand l’intégrité du droit commande une interprétation restrictive des droits du françaisÉric Poirier (UdeS - Université de Sherbrooke)
En 1977, l’Assemblée nationale adoptait la Charte de la langue française (ci-après CLF). Depuis, les tribunaux ont été appelés à l’interpréter. Ces jugements détiennent la réponse à l’une des questions les plus critiques pour l’avenir de son objectif : les tribunaux donnent-ils, conformément à l’intention des concepteurs de la CLF, une interprétation large aux principes généraux de la loi de façon à favoriser le statut du français comme seule langue officielle du Québec et son émergence à titre de langue commune? Ces jugements d’interprétation divulguent un discours étonnamment cohérent lorsqu’ils sont analysés à la lumière de la théorie du constitutionnaliste Ronald Dworkin.
Nous avons ciblé tous les jugements d’interprétation pouvant être qualifiés de cas difficiles (ou « hard cases ») au sens où l’entend Dworkin. Pour déterminer si les tribunaux adhèrent ou non au projet qui animait à l’origine les concepteurs de la CLF, nous avons comparé l’interprétation retenue par les tribunaux et l’intention pouvant être dégagée de l’étude des débats parlementaires et de l’évolution législative de ses dispositions. Conclusion : confrontés à des cas difficiles, les tribunaux tendent à négliger l’intention de ses concepteurs et à retenir une interprétation restrictive des dispositions de la CLF. Dworkin préciserait qu’il en va de l’intégrité du droit. Notre étude est une illustration du dialogue parfois difficile entre le législatif et le judiciaire, cette fois-ci en matière de langue.
La régulation institutionnelle : enjeux de planification et de gestion
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Les démissions des membres des conseils municipaux au Bas-Saint-Laurent entre 2001 et 2013 : portrait et analyseDenis Côté (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
Le poste de préfet élu, de maire ou de conseiller est un emploi atypique. Il se situe entre l’emploi de responsabilité publique et le bénévolat. La démission est incluse à l’intérieur du phénomène du « turnover » recensé et illustré par plusieurs grilles d’analyse. Ces grilles ne cernent cependant pas l’ensemble des motifs menant aux démissions des élus municipaux. Nous avons donc adapté ces grilles pour en forger une qui puisse éclairer les motifs recensés.
Nous avons recensé les démissions dans la région du Bas-Saint-Laurent sur 12 ans, à partir des lettres et des livres des délibérations des 128 conseils municipaux.
Lors des trois derniers cycles électoraux, les résultats démontrent que les démissions sont en augmentation : 48% sont déposées lors du plus récent cycle. Celles-ci surviennent davantage lors des deuxièmes et quatrièmes années des mandats. Les femmes démissionneraient légèrement plus que les hommes. Aucun préfet n’a démissionné, tandis que 11% démissions sont issues des maires. La taille de la municipalité ne semble pas être un facteur déterminant.
Il y a aussi augmentation des démissions pour des motifs politiques. Excluant les motifs indépendants tels les déménagements et la santé, nous arrivons à démontrer que les motifs cachés ont la même répartition que les motifs politiques exprimés, ce qui laisserait croire que les motifs politiques seraient à la source de beaucoup plus de démissions que ne le déclarent les démissionnaires dans leurs lettres.
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Lutte de reconnaissance de la Coalition pour l’équité salariale pour des emplois de proximité au Nouveau-BrunswickMarie-Andrée PELLAND, Lise Savoie (Université de Moncton)
La communication vise une analyse de l’engagement social des femmes plus particulièrement l’engagement militant de la Coalition pour l’équité salariale du Nouveau-Brunswick lié au travail de proximité. Il s’agit de comprendre comment les femmes subissent, dans certains espaces sociaux, une invisibilisation. Une analyse thématique de la presse du Nouveau-Brunswick portant sur la lutte militante de la Coalition pour faire reconnaître l’engagement de proximité des femmes dans l’espace social et politique est présentée.Une approche qualitative par analyse de contenu a été choisie afin de comprendre les représentations médiatiques portant sur la question de l’équité salariale liée au travail de proximité.Plus de 3000 articles publiés entre 2001 et 2012 dans des journaux et de grands quotidiens anglophones et francophonesont été analysés. Les analyses ont dégagé chacune des étapes de la lutte de reconnaissance pour l’équité salariale tant dans l’espace social que dans l’espace politique. Les résultats permettent d’apprécier le travail de la Coalition dans la lutte de reconnaissance des emplois de proximités. Les actions militantes, si elles ont réussi à faire reconnaître l’importance de l’équité salariale dans l’espace social et dans l’espace politique, n’ont toutefois pas favorisé une transformation de la valeur symbolique et culturelle associée à l’engagement lié au travail de proximité des femmes et n’ont pas permis de transformer leurs conditions matérielles.
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Herméneutique de la misère ou la composition du commun : le devenir de la forme travailÉmilie Bernier (Université d’Ottawa)
Je propose une interprétation des transformations qui ont affecté la sphère productive au cours du passage aux économies post-fordistes, que je mets au profit d’une redéfinition des conditions de la sphère publique. Généralement thématisée par l’avènement du travail immatériel, cette tendance se caractérise par une intégration des activités communicationnelles, symboliques et affectives à la sphère de la production sociale de la valeur, une restructuration du « travail » où se dessine une intensification de la domination sociale. Cette contribution en vise l’explicitation, sur la base d’une relecture du thème de l’aliénation chez Marx. Théorisant à la fois l’accroissement de la misère individuelle par la tendance du capital à réduire sa dépendance au travail vivant et la constitution d’une puissance productive interindividuelle et trans-subjective, l’analyse marxienne du système des machines expose le potentiel de cette base renouvelée de la création sociale de la richesse, dont il faudrait réaliser une appropriation réflexive. Je propose donc un travail herméneutique de compréhension des formes de subjectivité auxquelles correspond cette puissance, et espère déceler, dans l’incessante mobilisation dont elle se compose, ses tendances démocratiques à l’auto-organisation. La dynamique proprement politique d’une telle composition se fait jour grâce à la phénoménologie collective que le récent retour à Marx, dans la théorie politique, engage à approfondir.
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L’autorégulation du domaine de la santé : perspectives critiques en droit administratifElsa Acem (UQAM - Université du Québec à Montréal)
La régulation d'une sphère sociale a traditionnellement été effectuée par le biais d'un encadrement normatif par le législateur, mais depuis plusieurs décennies la régulation étatique est en décroissance due notamment à la décentralisation administrative, ainsi qu'à l'émergence de certaines nouvelles formes de régulation étatique et non étatique. Cass Sunstein décrit quatre modèles types de régulation qui permettent de mieux comprendre et analyser les modes d'intervention privilégiés par le législateur postmoderne: la régulation qui favorise l'efficacité économique et le choix du consommateur, celle visant à protéger certains droits individuels ou collectifs, les initiatives ayant pour objectif d'améliorer la cohésion sociale, ainsi que la régulation en tant que processus de délibération. Ces différents modèles, bien qu'ils correspondent parfois mieux à une sphère particulière qu'une intervention directe du législateur, présentent aussi des désavantages potentiels, tels que la lenteur de la mise en place de la réforme envisagée, ainsi que la priorisation de discours émanant des acteurs les plus influents de la sphère. L'encadrement normatif de l'environnement hospitalier québécois, de 1970 à ce jour, sera examiné comme cas d'étude de la régulation en tant que processus de délibération, avec une emphase particulière sur l'appréhension des acteurs de cette sphère d'une éventuelle ingérence judiciaire, et l'effet de cette appréhension sur cette forme d'autorégulation.
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Le rapport d’activité : entre reddition de comptes et évaluation, quelle place à l’autonomie?Mélanie BOURQUE, Josée GRENIER, Danielle Pelland (UdeM - Université de Montréal), Lise St-Germain
Dans la foulée de la mutation et de la réorganisation de l’État qui rétrécit, des diminutions des protections sociale et civile, la Nouvelle gestion publique s’impose dans différentes sphères du social. Les organismes communautaires n’en sont pas épargnés. Les logiques de processus (sens et temporalité) et les impératifs de gestions (performance et rentabilité) imposés par la logique managériale sont en tension et soulèvent des enjeux éthiques et de pouvoir autour de la définition des problèmes et des actions politiques pour y remédier. Selon un regard constructiviste permettant de comprendre la réalité à partir des interactions sociales entre les individus, les institutions et la société, l’étude qualitative et évaluative pose un regard critique sur la production des rapports d’activités comme outil de reddition de compte et de valorisation de l’action communautaire des organismes en santé et services sociaux et met en lumière les impacts et le sens donné par les acteurs à la réorganisation de l’État sur les organismes. Il ressort donc de la recherche – analyse de contenu de près de 200 rapports d’activités, 7 groupes de discussion, un entretien avec le bailleur de fonds – une typologie qualitative représentant les actions communautaires et les enjeux émanant du rapport de pouvoir entre l’État et le mouvement communautaire représenté par une pluralité de points de vue qui se confrontent, s’alimentent et se transforment.
De quelques défis actuels en matière de recherche
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La conduite responsable en recherche : une culture à promouvoir!Mylène DESCHÊNES, Raphaëlle DUPRAS-LEDUC, Catherine Olivier (Fonds de recherche du Québec)
En septembre 2014, les Fonds de recherche du Québec (FRQ) ont lancé leur Politique sur la conduite responsable en recherche. Cette politique décrit treize éléments essentiels de la conduite responsable en recherche sur lesquels doit se baser une culture de la conduite responsable. La mise en application de ces éléments dans les milieux de la recherche présente plusieurs défis pour les acteurs concernés : les chercheurs, les étudiants et les établissements (incluant le personnel de recherche et les gestionnaires de fonds). Des défis peuvent émerger, par exemple, dans un contexte de partenariat de recherche, dans la formation des équipes de recherche, ou encore dans le cadre de la recherche interdisciplinaire.
Cette présentation vise à alimenter la réflexion sur la conduite responsable en recherche entamée avec la communauté de la recherche, notamment afin de s’outiller collectivement et favoriser la promotion d’une culture de la conduite responsable en recherche partout au Québec. Les FRQ proposent d’y aborder deux thèmes principaux: 1- les éléments essentiels de la conduite responsable en recherche identifiés dans la Politique et 2- les défis que leur promotion soulève. Particulièrement, cette présentation cherche à mieux définir les enjeux quotidiens que la conduite responsable en recherche entraîne dans le but d’identifier des outils pouvant favoriser la promotion de cette culture qui soient utiles pour tous les acteurs de la recherche.
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Le génie des femmes au service des femmes : voix des ingénieur(e)s et futur(e)s ingénieur(e)s sur la recherche et les innovations technologiques des ingénieuresTessa CHRISTI, Christine GUYOT, Liliane HABAKWIZERA, Béatrice LAVERGNE, Catherine MAVRIPLIS, Donatille Mujawamariya (Université d’Ottawa)
Comment les femmes ingénieures professeures-chercheures et professionnelles de terrain contribuent-elles à l’avancement de la recherche technologique en génie pour le bien-être des femmes? À quels obstacles font-elles face? Ingénieurs et chercheurs s’entendent pour dire que le génie est au service de la société. Mais, il a été longtemps un domaine d’études et carrières réservé aux hommes. Par exemple, la première étudiante en génie de l’Université d’Ottawa a gradué en 1963. Avec l’accès des femmes au génie, n’est-il pas légitime de se demander comment le génie est au service des femmes? Nous avons mené une étude exploratoire auprès des hommes et femmes chercheurs-professeurs et futurs ingénieurs afin de: 1) explorer comment ces femmes et hommes conçoivent le génie; 2) appréhender l’importance qu’elles/ils accordent à la contribution des femmes au génie surtout sur le rôle des femmes ingénieures en tant qu’agentes de changement dans l’avancement de la recherche scientifique et technologique sur des questions d’intérêts féminins; 3) comprendre les obstacles qui entravent les femmes ingénieures à s’investir dans des questions typiquement féminines; 4) proposer des suggestions susceptibles d’inciter et encourager les ingénieures à investiguer et innover sur des questions d’intérêts féminins. Les résultats permettent d’appréhender des facteurs qui influent sur le choix de projets de recherche et d’innovations technologiques des ingénieures et de proposer des pistes d’actions.
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Analyse du secteur de la recherche scientifique et technologique au GabonFranck Jacob Hombahiya (Université Laval), Lucie HÉON
Cette communication a pour objet de montrer comment, à partir de la construction d’un référentiel inspiré de Muller, nous avons dégagé les valeurs, les images, les normes et les algorithmes issus de (16) récits de pratiques d’acteurs du Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CENAREST) et du secteur recherche au Gabon. Notre contribution s’inscrit dans le domaine de l’analyse cognitive des politiques publiques. En plus de l’analyse documentaire, cette recherche bénéficie du croisement des approches biographiques de Bertaux et d’analyse des politiques sectorielles de Muller. L’analyse des données montre aussi d’une part, comment notre travail a facilité la compréhension du rôle, de la place, des contextes d’exécution et des dispositifs de la recherche scientifique et technologique au Gabon et dans la Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC); d’autre part qu’il est juste d’admettre que le Gabon n’est pas encore une société moderne ou complexe (Muller 1985). La recherche montre parfaitement que l’absence aussi bien de processus global de sectorisation que de politique sectorielle de recherche scientifique et technologique est tributaire du caractère balbutiant et embryonnaire de la société gabonaise; de même que le déficit prononcé des secteurs, assez bien articulés et dynamiques, justifie conséquemment la carence des médiateurs du changement social au Gabon.
Régulation sociale et juridique : tensions et défis de mise en œuvre
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Quelles sont les valeurs de la Charte canadienne des droits et libertés?Darius Bossé (Université McGill)
Depuis l’enchâssement de la Charte canadienne des droits et libertés dans la Constitution en 1982, la Cour suprême du Canada est appelée à interpréter la substance et la portée des différents droits conférés par celle-ci. Dans certaines circonstances, la Cour suprême va plus loin et invoque le concept des « valeurs de la Charte » afin d’interpréter la Constitution, les lois, la common law ou les décisions administratives. Les « valeurs de la Charte » ne sont toutefois jamais définies.
Ma communication vise à explorer cette problématique, qui a tout récemment fait l’objet d’un premier article académique publié dans Les Cahiers de Droit.
La méthodologie adoptée dans cette recherche consiste en une analyse de la jurisprudence de la Cour suprême relativement au concept de « valeurs de la Charte ». Plus de 400 jugements de la Cour suprême et des cours d’appel canadiennes furent analysés.
Ma recherche permet de retracer l’évolution du concept des « valeurs de la Charte » et de mettre en exergue les tiraillements de la Cour suprême à l’égard de la place qu’il devrait occuper au sein du droit canadien. On découvre notamment que certaines questions juridiques (droits de la personne, droits linguistiques, droit criminel) sont plus aptes à être abordé par la Cour suprême par le biais des « valeurs de la Charte ». Surtout, ma recherche permet de déceler dans la jurisprudence canadienne quelques indices de définition du concept des « valeurs de la Charte ».
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Gestion des manifestations altermondialistes et assembléistes : nouvelles pratiques policières, réformes législatives et « tournant géographique »Sylvain Lafleur (UdeM - Université de Montréal)
Les travaux portant sur la gestion policière préventive des manifestations indiquent qu'un « tournant géographique » est survenu dans les domaines du maintien de l'ordre qui tend à s'adoucir grâce à l’emploi de techniques d'éloignement des protagonistes et des recours à une force simplement dolosive. Dans ce contexte « progressif », la police conserve toutefois la possibilité de traiter différemment les manifestants ne se pliant pas aux « règles du jeu » tacites (Waddington), à suivre une « stratégie du pourtour » (Foucault) qui consiste à utiliser un pouvoir discrétionnaire d'interpellation et à puiser dans le registre des lois les termes capables d'inscrire dans l'ordre de l'illégalité les individus « transgressifs » sans devoir ouvertement révoquer leurs droits constitutionnels. On peut se demander : comment cette « stratégie » s'incarne aujourd'hui eu égard au « tournant » survenu afin de permettre aux forces de l'ordre d'affronter les mobilisations altermondialistes et assembléistes de type Occupy Wall Street? Cette communication relève les caractéristiques de la gestion policière préventive et présente quelques lois dites « anti-manifestations » afin de souligner que le maintien de l'ordre actuel semble tabler sur l'accroissement du pouvoir discrétionnaire policier et le congédiement législatif de la démonstration de l'intention criminelle (mens rea).
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Le pluralisme juridique radical appliqué au droit animal : des conceptions de la normativité et de sa mise en œuvre élargies aux fins d'une vision alternative pas si radicaleSabrina Tremblay-Huet (UdeS - Université de Sherbrooke)
Il semble y avoir, au Québec, une dissonance importante entre d'une part, ce que la population considère légitime en ce qui concerne le traitement des animaux, et d'autre part, ce que notre système juridique consacre. Quelle pourrait être la contribution d'un changement de perception par la considération des concepts principaux de la théorie du pluralisme juridique radical dans une visée d'avancement du droit animal en concordance avec le seuil d'acceptabilité social en la matière? Nous proposons que l'élargissement de notre conception de ce qui constitue du droit, inclusive de la normativité qui ne soit pas étatique, prenant sens lorsque les acteurs en sont conscientisés et l'internalisent, ouvre la porte à l'acceptation et la diffusion de nombreux principes normatifs de droit animal qui ne sont pas, au moment présent, consacrés de façon positiviste par l'État. Nous procèderons à une telle exploration par la mobilisation des concepts des axes explicite-implicite et formulé-inférentiel, ainsi que du concept des archétypes normatifs aux intersections de ces axes. Nous présenterons ensuite les possibilités de mise en oeuvre d'une telle normativité sous l'angle du symbolisme plutôt que de l'instrumentalisme, termes utilisés tels qu'élaborés par notre cadre théorique. Cette communication propose, en bref, une conceptualisation du droit animal qui soit plus conséquente avec la réalité sociale québécoise que ne l'est le droit positif actuel.