Informations générales
Événement : 83e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Nous assistons depuis quelques années à la renaissance de l’approche ethnographique en sciences sociales. Outre le nombre de travaux ethnographiques, leur diversité traversant les milieux sociaux (« riches », « pauvres », ruraux, urbains, etc.) est remarquable. La recherche ethnographique s’attache aussi à des groupes sociaux particuliers formés dans diverses configurations sociales (des lieux, des métiers et professions, des sports et des loisirs, des arts, etc.). Le présent colloque invite les chercheurs à communiquer leurs travaux ethnographiques et à se questionner sur leur apport essentiel et original dans notre connaissance du monde contemporain et dans le développement des sciences sociales.
Ce colloque sera aussi l’occasion de susciter une réflexivité théorique et méthodologique qui permettrait de mettre en rapport ces différents observatoires de la vie sociale. Attentives aux traces des activités humaines, à ses traces matérielles, corporelles et symboliques, les ethnographies contemporaines proposent implicitement des théories de la description de la vie sociale. Est-il possible de les expliciter? Serait-ce la base d’un travail comparatif ou de mise en rapport dans des schèmes sociographiques plus larges?
D’un point de vue méthodologique, l’ethnographie se particularise par son recours à l’observation « directe » ou « participante », mais certains considèrent que l’ethnographie procède bien plus d’une multiplicité de traces relatives à une diversité de matériaux, non réductibles à des relations de « co-présence ». Suivant ces débats, qu’est-ce que produire une connaissance ethnographique? Se définit-elle par un usage particulier des matériaux et des méthodes? L’approche ethnographique suscite aujourd’hui un foisonnement de travaux rendant ainsi pertinent les questionnements théoriques, méthodologiques et éthiques tels que le propose ce colloque.
Date :- Frédéric Parent (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Paul Sabourin (UdeM - Université de Montréal)
Programme
Qu'est-ce qu'apporte l'ethnographie à notre connaissance du monde contemporain?
-
Mot de bienvenue
-
Être dedans, être dehors : que nous apprend le travail de l'altérité en ethnographie?Françoise Guay (UdeM - Université de Montréal)
La métaphore du "terrain" qui guide une bonne part de la recherche ethnographique repose sur l'idée d'un espace social distinct, différent de celui qui constitue le quotidien de l'ethnographe. Une part du travail de l'ethnographe consiste alors à tenter d'y "entrer", de façon à pouvoir observer et comprendre un peu ce qui s'y passe (Goffman 1974). L'observation de mes notes de terrain dans une maison de transition pour femmes signale un souci d'insertion "dans" le terrain; s'y déploient diverses stratégies, petits cadeaux, attentions, services (garde d'enfants); les situations où j'ai l'impression de "faire partie" y trouvent un écho heureux alors que celles où je me sens mise de côté sont relatées douloureusement. Rapidement, ces questions laissent entrevoir la présence d'un travail de délimitation non seulement entre résidentes "déviantes" et "gens ordinaires", mais à l'intérieur même du groupe de résidentes, délimitations qui réitèrent en partie les clivages de classe. C'est ce travail, qui se base ni entièrement sur les clivages habituels, ni sur des codes contraires, comme on le croit souvent des milieux criminalisés, que l'on se propose d'observer.
-
Ethnographie et réalité sociale : une négociation entre réactions et réflexivitéGeneviève Grégoire-Labrecque (UdeM - Université de Montréal)
Cette conférence présentera, à l'aide de résultats de recherches anthropologiques récentes, comment l'ethnographie et plus particulièrement, l'observation participante, peut mener à un espace de réflexion partagé, à une co-construction du savoir dit «expert».
À l'aide d'une recherche de maîtrise sur les enjeux de la diversité ethnoculturelle dans les milieux scolaires via les formations en interculturel du MELS et d'une recherche exploratoire sur les enjeux de l'insertion professionnelle des enseignants d'immigration récente, nous présenterons l'hypothèse que le modèle du chercheur comme seul détenteur du savoir n'est plus actuel.
Nous aborderons comment les ethnographies menées ont été des espaces de négociation, de l'entrée aux terrains à l'analyse des données; entre le chercheur et les acteurs mais également entre les acteurs et leur environnement professionnel. Les thèmes de l'identité, de la culture et de la réflexivité ont été des enjeux lors des observations participantes mais également dans le quotidien des participants.
Enfin, nous discuterons la présence de l'ethnographe sur le terrain et nous verrons comment l'importance, pour ce dernier, de donner une voix aux sujets et en même temps, de devenir lui-même sujet a une influence sur la construction du savoir. Cette manière de percevoir l'ethnographie permet aussi de dégager les grandes lignes d'une conception de la réalité sociale en contexte interculturel : une constante négociation entre réactions et réflexivité.
-
Quelques pistes et utilités pour une ethnographie foucaldienneDenis Pouliot-Morneau (UQAM - Université du Québec à Montréal)
L'ethnographie sera ici présentée de manière à interroger quelques utilités possibles de son utilisation dans un cadre foucaldien, visant à souligner l'imbrication du savoir et du pouvoir.Les savoirs reconnus comme légitimes impliquent des procédures de contrôle des sujets parlants, deleur accès à cette sphère qui tend à se donner comme unifiée, uniforme et unique. L'ethnographie peut permettre de réfléchir sur ce pouvoir dans la production du savoir, non à partir de sa rationalité interne,mais plutôt des agonismes qui le traversent. Elle peut permettre de laisser voir ces conflits éthiques entre visions du monde, cette guerre en cours avec ses points de prise, ses tactiques et stratégies.De cette façon, les hégémonies dominantes, privilégiées et institutionnalisées se fracturent : « il y a des luttes »; il est possible d'en documenter les points d'appui, cibles et tactiques pour aider à leur densification. En lézardant nos grammaires préalables, l'ethnographie peut laisser émerger d'autres manières dont la lumière découpe le réel. Elle peut ainsi participer à l'émergence de savoirs extrainstitutionnels et appuyer la construction de savoirs expérientiels. En documentant les réflexions des gens sur leurs propres expériences, des outils peuvent être développés qui leur permettent de se déprendre des assignations identitaires dont elles et ils sont l'objet, de densifier les écarts (inexorables) par rapport aux formes d'action, fondements et statuts reconnus.
-
Construire dans l'action « en train de se faire »Marie-Claude Plourde (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Lors de cette communication, nous présenterons une réflexion sur les enjeux de l'auto-ethnographie/« At-home ethnography » (Alvesson, 2009) et de l'apport de l'ethnographie aux communications comme étant constitutives des organisations (CCO), issue de notre recherche.
Une organisation est composée d'actants regroupés principalement par un entrelacs d'actions guidées par un objectif commun : l'organisation est la matérialisation de l'action organisée (ou l'organizing de Karl E. Weick) essentiellement par et dans la communication. L'organizing se réalise dans les pratiques quotidiennes des membres de l'organisation, les discours, les symboles et les objets matériels, pendant tout le processus d'actualisation de l'objectif commun.
L'ethnographie organisationnelle est une approche tout à fait appropriée pour observer ces organisations qui, dans une perspective processuelle et constitutive des communications, se construisent et se maintiennent jour après jour. L'ethnographie a pour avantage de rendre compte de l'invisible de ce travaille quotidien de maintenance du tissu qu'est l'organisation, et de la place de la matérialité dans l'organizing.
Quels sont les lieux et les objets de la communication permettant une collaboration interdisciplinaire? Par une observation participante lors d'une charrette architecturale bidisciplinaire, nous avons expérimenté l'émergence d'espaces communicationnels et la création d'artéfacts ayant participé au développement d'un langage interdisciplinaire.
-
Pause
-
Discussion
-
Dîner
-
Analyse socio-ethnographique des constructions « interactionnelles » des subjectivités au sein des familles contemporainesAnnabelle Ponsin (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Cette intersubjectivité sera, tout d'abord, analysée à l'aune des sujets "ethnographes" ( en tant que propre sources de connaissances sociologiques à prendre en compte dans une perspective réflexive (Blondeau, 2002)), puis des sujets 'ethnographiés' (en tant que sujets à la fois "soumis" au regard du sociologue et co-constructeurs du regard sociologique en cours). C'est ainsi dans l'analyse des subjectivités et de leur entrecroisement que nous saisirons la diversité et pluralité des traces et sources de connaissances sociologiques.
Ce présent projet de communication invite à revenir sur les aspects théoriques et méthodologiques de ma démarche afin d'expliciter l'enjeu intersubjectif de mon questionnement ethnographique.
Mon travail questionne en particulier sur les processus de subjectivation des membres des familles, de milieux sociaux diversifiés, face au temps de « l'urgence » (Aubert 2003 et Bouton 2013). Ma démarche empirique repose sur une étude de terrain ethnographique en immersion participante dans laquelle ma propre subjectivité se met à l'épreuve de celle des autres. En amorçant un débat sur la pertinence de la "participation observante" dans la méthode ethnographique, cette communication invite à mettre en relief la richesse de l'intersubjectivité participante dans la collecte de données sociologiques (Favet-Saada 1990). Elle est l'occasion d'entamer une réflexivité méthodologique et épistémologique sur ma posture de sujet socio-ethnologue in situ.
-
La contribution essentielle de l'ethnographie à la sociologie du droitEmmanuelle Bernheim (UQAM - Université du Québec à Montréal)
La recherche sur le droit est actuellement en mutation. Généralement caractérisée par les écrits doctrinaux, par lesquels les auteurs participent directement à la construction de l'objet sur lequel ils travaillent (Noreau 2011), la multiplication des méthodes et des théories ouvrent les perspectives sur l'objet “droit”. L'ethnographie reste pourtant méconnue et peu employée. Dans un champ où chaque mot est pesé et où les acteurs – politiques, juges, avocats,experts – tiennent un discours policé, l'ethnologie (Atkinson et Hammersley 2007) est la seule manière de prendre la distance nécessaire à la compréhension des dynamiques etdes enjeux. Alors qu'en droit tout ce qui compte est écrit dans les “sources” –législatives, jurisprudentielles, doctrinales – leur étude ne permet en aucun cas de replacer le droit dans son contexte social et encore moins de voir ce que le droit fait au social.
À partir de deux recherches (dont une en cours), je proposerai une réflexion sur l'ethnographie comme méthode privilégiée de mise au jour de la dynamique sociale en contexte judiciaire. Lors de ces recherches, j'ai fait de l'observation directe en salle d'audience, j'ai recueilli la documentation accessible et j'ai eu des échanges avec différents protagonistes. Dans un premier temps, il sera question de la technique de collecte employée et notamment des questions éthiques qui s'y rattachent. Dans un second temps, je discuterai de l'importance de ces nouvelles connaissances pour la sociologie du droit.
-
De la circulation à l'enrôlement : retours réflexifs sur l'ethnographie d'une mobilisationAdrien Jouan (UdeM - Université de Montréal)
Dans cette communication, on propose un retour réflexif sur une enquête ethnographique en immersion et de longue durée au sein d'un petit collectif militant montréalais. Ce collectif s'est formé en 2012 et a engagé un travail de problématisation et de publicisation du problème de l'accès à l'école pour les enfants sans-papiers au Québec. Le retour réflexif sur cette enquête se fait en deux temps. Dans un premier temps, on se concentre sur une période qui s'étend du moment de « l'entrée sur le terrain » (l'espace des mobilisations pro-sans-papiers à Montréal) jusqu'à la fixation de l'enquêteur dans un collectif en particulier (le « Collectif éducation sans frontières »). La question est ici : comment ce qu'on pourrait qualifier de « navigation » ou de « circulation » de l'enquêteur lors des premiers mois sur le terrain peut a posteriori être constituée comme un révélateur de la structuration du monde social enquêté ? Dans un second temps du retour réflexif, il s'agit de s'intéresser plus précisément aux rôles assignés à l'ethnographe et, suivant le même raisonnement, à ce que ces rôles disent du monde étudié. La question est alors : comment la reconstruction du point de vue des enquêtés sur l'ethnographe peut aider le chercheur à étudier les « significations des membres » (c'est-à-dire le sens donné à l'action par ceux qui y sont engagés) ?
-
Pause
-
Ethnographie et théorie de la descriptionFrédéric Parent (UQAM - Université du Québec à Montréal), Paul SABOURIN (UdeM - Université de Montréal)
Peut-on concilier l'approche ethnographique et les visées scientifiques en sciences sociales ? À partir d'exemples et de réflexions méthodologiques que l'on peut en tirer, nous voulons montrer la nécessité de reconsidérer la conceptualisation des phases de la démarche ethnographique allant de l'heuristique à la construction d'un objet de connaissance transmissible explicitement. Cet exercice de conceptualisation de certains aspects du travail ethnographique permettra d'avancer la proposition suivante : le projet d'une théorie de la description du social dans ses formulations anciennes (Leplay, Durkheim, Halbwachs) ou plus récentes (ex. White, Ledrut, etc.) loin d'être un carcan pour l'approche ethnographique serait une voie privilégiée pour inscrire cette démarche dans une visée scientifique. Plus encore, l'approche ethnographique pourrait bien être une contribution significative aux sciences sociales dont la scientificité demeure problématique.
-
Discussion