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Informations générales

Événement : 83e Congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines

Description :

Jacques Derrida nous a légué une œuvre foisonnante, une pensée particulièrement riche, à la croisée des disciplines, lui qui affectionnait tant le lieu instable et fertile du seuil. Malgré sa renommée internationale, et l’image d’un homme fortement médiatisé, sa pensée demeure peu connue. Lors de son dernier entretien pour le journal Le Monde (paru dans l’édition du 19 août 2004), à peine quelques semaines avant sa mort, le philosophe avait fait part de son sentiment paradoxal : « Que, d’un côté... on n’a pas commencé à me lire, que s’il y a, certes, beaucoup de très bons lecteurs (quelques dizaines au monde, peut-être), au fond, c’est plus tard que tout cela a une chance d’apparaître; mais aussi bien que, d’un autre côté, quinze jours ou un mois après ma mort, il ne restera plus rien. » La visée première de cet atelier est peut-être d’inciter à lire Jacques Derrida.

S’il y a un thème qui s’impose comme une urgence à la réflexion, face aux nombreux témoignages de violence en tout genre dans les rapports à l’autre, c’est celui de l’hospitalité. L’exigence d’une ouverture inconditionnelle à l’autre que n’a cessé d’affirmer sa pensée, qui correspond à une exigence toujours plus haute de justice et de démocratie, doit être réaffirmée. Comment entendre cette affirmation inconditionnelle de l’autre, impossible et nécessaire, qui scande les textes de Derrida, voilà le fil conducteur qui devra réunir les participants, que nous souhaitons provenir de divers horizons. Elle impose d’entendre l’engagement politique comme invention, ce qui ne se peut sans le respect de l’héritage qui nécessite d’être constamment réinterprété, traduit en autant de langues qu’il y a d’altérités.

Voici, à titre indicatif et préliminaire, quelques questions que souhaite développer cet atelier : Comment entendre le bouleversement que représente le geste de pensée derridien? Quelle expérience philosophique, quels enseignements, quelle pédagogie, quel droit et quelle politique est-il possible de « déduire » à partir de l’œuvre de Derrida?

Date :
Responsables :

Programme

Communications orales

Panel 1 : « Un philosophe “unheimlich” » 

  • Mot de bienvenue
  • Éléments pour interpréter la question de l'altérité dans l'œuvre de Derrida : lecture croisée du motif de unheimliche chez Sigmund Freud et Jacques Derrida
    Cristina Morar (IUF-Institut universitaire de France)

    Nous proposons d'approcher la pensée de l'hospitalité de Jacques Derrida à partir d'une lecture du texte de Freud, Das Unheimliche (1919), traduit par L'inquiétante étrangeté. Tel que le mot allemand l'indique, qui contient à la fois une référence à la maison ou au familier (Heim, heimlich) ainsi qu'à l'étranger, Freud pointe vers l'existence d'une altérité à même l'intimité de la conscience, qui suscite tant l'attrait que la répulsion. Il vient de la sorte contester la précellence de l'unité du moi, montrant que l'autre c'est d'abord l'autre (en) moi. Il nous semble que cette idée d'une « étrange familiarité » au cœur du soi (la folie, le rêve, le fantasme) est au cœur de la pensée derridienne et anime la quasi totalité des textes du philosophe. Cette étrangeté inquiète, Derrida la projette dans l'écriture et la met au profit d'une transformation de la notion de l'identité qui devient accueil en soi de l'autre étranger. Cette disruption du soi se veut la condition d'une autre pensée de l'éthique et du politique. La force du philosophe est là selon nous : avoir su apprivoiser l'inconfort éprouvé devant l'étrangeté de l'autre au point d'y voir une nouvelle possibilité pour le soi. La fécondité de cette inquiétude au travail du soi, vers laquelle la psychanalyse freudienne faisait déjà signe, nous semble importante à rappeler dans un contexte où les angoisses et les peurs alimentent plutôt des politiques qui entretiennent le rejet et le repli sur soi.

  • Retour au Spectres de Marx
    Gilles Labelle (Université d’Ottawa)

    Le Manifeste du Parti communiste commence par évoquer un spectre, censé hanter l'Europe : le communisme. Nul doute que Derrida fasse allusion à cela dans Spectres de Marx; en même temps, on ne saurait en rester là, dans la mesure où on pourrait dire que l'œuvre de Derrida pose à nouveaux frais la question du spectral, sous l'égide d'une réflexion sur la question de « l'Autre », qui hante voire tourmente ce qui se donne pour « présent », évoquant une immémorialité de laquelle celui-ci se trouverait à jamais « différé ». Le spectre évoqué par Marx, de son côté, n'ignorait certes pas cet ancrage du Même dans l'Autre, comme en témoignent l'insistance manifestée dans les Manuscrits de 1844, en particulier, à distinguer entre le monde objectif, qui renvoie à une altérité appelant la subjectivité à entrer en rapport dialectique avec elle, et le monde aliéné, qui renvoie à une altérité fermée à la subjectivité et hostile à elle. Qu'en est-il de cette distinction chez Derrida dans Spectres de Marx? L'altérité est-elle aussi, chez lui, scindée entre ce qui relève de l'objectivation et ce qui relève de l'aliénation? Il en va dans cette distinction, comme l'indiquent clairement les écrits de Marx, des conditions mêmes de l'agir ou de la praxis, qui ne consiste ni en la répétition du monde objectif ni en une « liberté absolue », subjective, à son égard.

  • Ontologie, « différance » et politique : Derrida lecteur de Heidegger
    Razvan-Adrian Amironesei (UCSD - University of California San Diego)

    Notre réflexion a pour objet de réévaluer le statut ontologique de la différance chez Derrida, à travers une lecture de Heidegger. Il s'agit, d'abord, d'analyser le lien d'un côté entre possible et différance et de l'autre, entre impossible et différance. En effet, Derrida nous dit que la différance est une pré-condition ou bien, ce qui rend possible la présentation de l'être présent ou absent. Egalement, il pose un lien entre impossible et différance à titre d'indispensable supplément, sous la forme d'une originalité non-présente de la différance. Ensuite, nous verrons comment Heidegger articule son concept de possible comme figure du pouvoir-être qui s'appartient en propre et le lien qu'il établit à la notion de présence. À partir de cette analyse, nous verrons enfin quelles sont les conséquences pour penser le plan politique de l'ontologie de la différance à partir de Derrida et Heidegger.

  • Dîner

Communications orales

Panel 2 : traduire Derrida 

  • Mochlos, levier et pieu, ou la traduction comme métaphore chez Derrida
    René Lemieux (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    La communication aura pour objectif de réinterroger l'usage métaphorique de la traduction par Derrida à partir de l'image du mochlos : terme grec pour nommer un levier utilisé pour soulever de lourde charge, mais aussi, chez Homère, le mot avec lequel est désigné le pieu qu'Ulysse utilisa pour crever l'œil de Polyphème. J'aimerais suggérer qu'on ne philosophe jamais en dehors de la traduction ou qu'une traduction a toujours-déjà lieu dans le discours philosophique comme performance. Si la traduction en fait révèle le problème de la philosophie comme discours univoque, c'est à condition que ce discours philosophique se soit vu en droit comme traduction, cette fois dans son désir de se maintenir à tout prix dans l'univocité.

  • Maître Jacques module son legs (suite et fin) : l'irrecevable e(s)t D'un ton apocalyptique dans la vallée du Saint-Laurent
    Simon Labrecque (Chercheur indépendant)

    Cette communication poursuit un travail de lecture du texte D'un ton apocalyptique adopté naguère en philosophie (1983), écrit en 1980 pour la décade de Cérisy Les fins de l'homme. À partir du travail de Jacques Derrida. Cette décade se refusait à l'« hommage », mais le texte se lit comme la réponse ou le contre-don de Derrida à cet irrecevable, donné par ceux qui voulaient hériter dans une atmosphère de gala. Gala est bien le mot hébreu dont il part pour commenter sa traduction grecque, apokalupsis, d'où vient notre apocalypse. Y va-t-il, pour cet « hommage »-ci, d'une autre apocalypse?

    Je répondrai à l'invitation à « commencer à lire Derrida » en problématisant les conditions de notre lecture comme ce qui la différencie du « contr'hommage » de Cérisy. Je partirai d'un énoncé de Robert Hébert : la réception de Derrida dans la vallée du Saint-Laurent est une apocalypse. L'hospitalité accordée au philosophe est-elle catastrophe et révélation, révélation catastrophique ou catastrophe révélatrice? Sa « popularité » signale-t-elle une inféodation renouvelée de la pensée québécoise à la philosophie parisienne? À la suite d'Hébert, je proposerai de redécouvrir un travail déjà effectué ici « avec » Derrida en étudiant les références à D'un ton apocalyptique dans L'écologie du réel (1988) de Pierre Nepveu, qui affirme que ce ton est, « par excellence, celui de la littérature québécoise moderne ». Si c'est bien notre ton, pourquoi alors invoquer Derrida?


Communications orales

Panel 3 : la politisation de la pensée derridienne 

  • Derrida lecteur de Schmitt : la philosophie devant le politique
    Giustino De Michele (Université de Vincennes Saint Denis (Paris 8))

    Dans Politiques de l'amitié Jacques Derrida convoque la figure de Carl Schmitt afin de mettre en question sa définition du « politique ». Si Derrida vise à esquisser les contours d'une notion d'amitié qui soit à l'origine d'une « démocratie à venir », jamais présentifiable, et dont pourtant l'urgence reste, archi-radicale, Schmitt repère dans l'hostilité le fondement, contradictoire et pourtant pur, du politique : sol enfin dévoilé, moteur immobile de l'agrégation sociale. En dépit de cette distance ces démarches se côtoient ; puisant dans la dynamis de l'antinomie, elles contestent la philosophie « classique » : la première en vertu d'un appel à la différance, à khôra ; la deuxième, d'une instance d'effectivité accessible par un constat désenchanté.

    Force est pour donc Derrida d'aborder la position de Schmitt selon un double mouvement : tout en lui rendant les honneur de la guerre pour sa cohérence dialectique, en soulignant son rabattement sur la plus traditionnelle des logiques ; ce dont l'indice majeur est le traitement de la question du génos : de l'ethnie, du genre – et enfin du sexe.

    Ma communication vise à relever le poids de ce motif dans la stratégie, quelque peu « désarmée », que Derrida oppose à une thanatophilie schmittienne : là où Schmitt revendiquerait la « mise à mort d'homme » comme « telos » du politique, c'est à l'autre, selon une objection plus ou moins consciente, d'avancer une affirmation de survie, la préférence pour une certaine aimance.

  • « Un jour, il faudra bien avoir la force de renoncer à la force » : méditations autour de l'Europe de Jacques Derrida ou la grande blessure introduite dans le langage du Sacrum Imperium
    Jade Bourdages (Université d’Ottawa)

Panel / Atelier

Table ronde : Éléments pour un ethos de l'hospitalité