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Informations générales

Événement : 83e Congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines

Description :

Ce colloque invite les chercheurs de tous bords à une réflexion sur les représentations de la colonisation dans les littératures francophones contemporaines. Les angles de réflexion suivront — sans obligatoirement s’y limiter — les questionnements suivants : Comment les littératures francophones contemporaines représentent-elles la colonisation? L’investissent-elles de nouveaux contenus? Lui fixent-elles de nouveaux enjeux? Déploient-elles de nouvelles techniques d’écriture? Quelles nouvelles utopies, quels nouveaux projets de société proposent-elles et à quelles fins? À quelle nouvelle épistémè le champ littéraire francophone contemporain, en gardant ouverte la page de l’histoire coloniale, ouvre-t-elle? Quel(s) autre(s) savoir(s) sur le phénomène colonial — et ses divers épiphénomènes — cette épistémè recèle-t-elle? À quelle nouvelle (méta)critique du fait colonial les textes littéraires s’emploient-ils? Comment inscrivent-ils, dans leur déploiement narratif et énonciatif, la mémoire coloniale?

Dates :
Responsables :

Programme

Communications orales

Du roman colonial au roman francophone

  • Mot de bienvenue
  • L'Afrique coloniale, de Loti à Monénembo : imaginaire d'un lieu de transitivité
    Isaac Bazié (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Le fait colonial vient hanter et documenter les lettres francophones contemporaines de manière assez frappante. Nul besoin de s'attarder sur la distance objective qui sépare l'écrivain francophone des années 2000, des faits et discours qui ont nourri l'histoire dans le dernier tiers du 19e siècle. Par contre, l'hypothèse ouvrant l'analyse de l'Afrique, figure dynamique par définition nourrie aux sources de plusieurs pratiques, depuis justement la fin du 19e siècle aux œuvres des écrivains francophones des années récentes, m'apparaît d'un intérêt heuristique et théorique notoire. Mon hypothèse est que l'Afrique coloniale apparaît comme un lieu refuge et un lieu des transfuges de divers genres. En partant du célèbre roman de Pierre Loti, Roman d'un spahi (1881), je cadrerai cette Afrique coloniale de deux manières : du point de vue taxinomique (le roman colonial) ; du point de vue de la figure du sujet colonial blanc, pris dans une transitivité qui exige que ceux qui s'y retrouvent vivent des passages et des métamorphoses dont l'issue n'est jamais garantie. C'est surtout, à partir de ce modèle qui a fait école, la figure des transfuges dans le contexte d'une Afrique idéalisée ou à conquérir qui m'intéressera : les conclusions que je tirerai se baseront sur l'étude de textes plus récents (Le Clézio, Monénembo) pour mettre en évidence ce lieu qui apparaît par la convocation de la colonisation, comme un lieu de passage par excellence.

  • L'archive coloniale dans le roman africain : de l'ethnomodernité à la modernité transculturelle
    Josias Semujanga (UdeM - Université de Montréal)

    Cette étude propose une réflexion sur la modernité en Afrique contemporaine à partir de la fiction romanesque. La notion de modernité se conçoit ici comme étant la façon dont une société donnée et à une époque donnée pense son avenir et donc se définit dans sa différence avec des époques précédentes. Pour l'Afrique la notion de modernité est souvent limitée par la critique à la dyade tradition africaine/modernité occidentale, même si depuis la colonisation l'Afrique n'a jamais cessé de s'interroger sur les changements survenus dans les domaines artistique, littéraire, culinaire ou vestimentaire au cours des décennies.

    À travers l'histoire du roman africain, l'étude montre que la modernité africaine s'est toujours définie à partir de l'événement fondateur de la Colonisation. Il s'agit d'analyser comment la notion de modernité se lisant à travers des récits artistiques, littéraires ou politiques se divise toutes proportions gardées en deux types courants : l'ethnomodernité avec les récits de la négritude plaçant la modernité dans l'Afrique précoloniale et la transculture comme modernité contemporaine. Modernité transculturelle basée sur le principe que les contacts de l'Afrique avec d'autres régions du monde ont reconfiguré les cultures africaines de l'époque pour aboutir aux formes actuelles. Comment le roman inscrit-il la modernité dans son déploiement narratif et discursif? L'analyse s'appuiera sur des exemples tirés du roman africain depuis les années cinquante jusqu'à maintenant.

  • Subversion du récit colonial chez Chamoiseau et Monénembo
    Christian Uwe (Université Catholique de Lyon)

    Le récit colonial se trouve en amont d'une entreprise dont il traduit les fondements économiques, idéologiques, historiques voire psychologiques. De cette entreprise, le récit colonial est également un effort de justification comme on le voit clairement avec le naufragé de Defoe. À la suite de Martin Green (1979 : 5) Robinson Crusoé est en effet considéré comme le prototype de la fiction coloniale (Amlinger 2005 : 1 ; McInelly 2003 : 1).

    L'immense succès qu'il a connu a donné ses lettres de noblesse au récit colonial.

    On trouve dans les littératures francophones actuelles des œuvres qui donnent pour ainsi dire la réplique à ce récit. C'est le cas de L'Empreinte à Crusoé de Patrick Chamoiseau et du Roi de Kahel de Tierno Monénembo. L'un et l'autre roman s'emparent de l'aventure invraisemblable, et comme folle, d'un individu qui entend régir un territoire arraché, de son point de vue, à la sauvagerie. Chamoiseau renverse le récit de Defoe en plaçant l'aventurier anglais dans les pas d'un prédécesseur africain revenu des chimères de la conquête. Le personnage de Chamoiseau se glisse en effet, à la faveur d'une amnésie opportune, dans la peau – ou dans le nom – d'un Robinson Crusoé dont la folie impérialiste sera exposée, défiée par la découverte d'un autre insoumis, avant d'être renversée dans le face-à-face sismique avec le vivant.

  • Le récit colonial dans les littératures francophones contemporaines : de l'émiettement discursif au désinvestissement idéologique
    Philippe Basabose (Memorial University of Newfoundland)

    Avant la fin du protocole colonial, le récit colonial dominait l'espace scripturaire des littératures francophones quelle que soit l'aire considérée. En témoignent les textes d'Aimé Césaire, Léopold Sédar- Senghor, Mongo Beti, Bernard Dadié, pour ne citer que ceux-là. Au fur et à mesure que l'écart temporel d'avec le fait colonial se creuse, le récit colonial s'atomise et les enjeux, aussi bien formels qu'idéologiques, changent. En retraçant la présence du récit colonial dans des textes francophones de l'extrême contemporain, j'entends déterminer l'ampleur et l'orientation de ces nouvelles tendances. À cet effet, les auteurs de mon corpus proviendront de divers espaces de la francophonie : Maryse Condé, Fatou Diome, Tahar ben Jelloun, J.M.G. Le Clézio, Henri Lopes, Albert Memmi, Wilfried N'Sondé, Jean-Luc Raharimanana.

  • Pause

Communications orales

L'esthétique du récit colonial

  • Une francophonie dite créolisante : le récit dans la littérature haïtienne contemporaine
    Bernard Delpeche (Acadia University)

    Cette étude vise à analyser l'évolution du créole dans la littérature contemporaine. L'hybridité et la diglossie langagières qu'on retrouve dans certains romans haïtiens sont-elles des facteurs de décolonisation ou de recolonisation ? Peut-on parler d'africanité ou d'antillanité dans un texte littéraire haïtien sans tenir compte de cette autonomie et de cette dépendance qui caractérisent tout langage métissé. Lorsque l'oraliture créole se superpose à un langage standardisé ou écrit, devrait-elle suivre la trajectoire de l'imaginaire ou tout simplement devenir le discontinu du continu ? Les romans de Dany Laferrière, de Yanick Lahens, de Lyonel Trouillot et de René Depestre montrent certaines variantes libératrices et ou perverses de l'hybridité du discours francophone.

  • Le temps du discours chez Valentin-Yves Mudimbe
    Yasmina Sévigny-Côté (Université Laval)

    Dans L'Odeur du Père, Essai sur des limites de la science et de la vie en Afrique Noire et dans le roman L'Écart, Valentin-Yves Mudimbe remet en question ces discours et leurs conditions de production, tout en proposant de nouvelles avenues pour une prise de parole africaine. Dans notre communication, nous nous proposons d'aborder la question de l'interaction entre temps et discours chez Mudimbe. En effet, l'auteur congolais présente une Afrique marquée de tensions ; le présent semble contaminé par un passé irrésolu qui l'empêche d'accéder à un avenir pacifié. Par le travail de la fiction et de l'essai, l'auteur offre un nouveau regard sur l'histoire et le récit colonial ; il souligne l'inadéquation entre discours et réalité, symptôme de l'ethnocentrisme de l'Occident et de sa difficulté à dire l'Autre. Le présent, porteur de ce décalage, est déchiré entre deux mémoires ; la première, occidentale, impose son modèle, et la seconde, africaine, a du mal à se dire hors de ce qui est dit d'elle. Mudimbe formule alors la nécessité, dans l'avenir, d'une mise à distance du savoir hérité de la colonisation vers une nouvelle épistémè. L'Afrique assurerait ainsi son passage d'un état d'objet du discours autre à celui de sujet, par la prise de parole. L'Odeur du Père et L'Écart proposent ainsi d'opposer à la voix unique occidentale une multiplicité de discours sur le monde, vers un universel riche de la diversité des manières singulières d'être humain.

  • L'esthétique de la révolte : Chantal Spitz et la réécriture du mythe colonial
    Paola Cadeddu (Università degli Studi di Sassari)

    Notre modernité a su transformer, grâce à la médiation de l'art, l'histoire en mythe, la représentation en réalité, l'altérité en exotisme contribuant à la déperdition d'une partie de notre mémoire. Dans la Polynésie française, la colonisation a infligé une blessure tellement profonde que nous sommes bien loin de cette « idylle, un peu agitée, mais somme toute poétique, après laquelle ces amants intelligents seraient demeurés les meilleurs amis du monde » dont parlait Albert Memmi.[1]Réécrire l'Histoire devient alors une exigence qui vise à rétablir un équilibre jamais vraiment réalisé entre la voix tyrannique du conquérant et le silence soumis des vaincus. Tel est le but de Chantal Spitz, écrivaine polynésienne, auteur de L'île des rêves écrasés,[1] premier roman tahitien à être publié, fragment d'une écriture en lutte contre l'oubli.[1] Avec cette étude, nous nous proposons d'analyser les stratégies narratives et stylistiques mises en place par Chantal Spitz pour bâtir son esthétique de la révolte. Car si Chanatl Spitz veux réécrire l'Histoire elle le fait à sa manière, déconcertant les lecteurs du monde entier. Son écriture semble capable de par sa force, son authenticité et son originalité de donner une vigueur toute nouvelle à la littérature à travers des formes inédites qui font de cette révolte politique une révolte littéraire.

  • La perspective allégorique du colon dans l'œuvre méconnue de Léon Gontran Damas : Veillées noires
    Marie-Simone Raad (UWO - University of Western Ontario)

    Cette communication présente Léon Gontran Damas comme conteur et son recueil de conte, Veillées Noires, publié en 1943 et pour lequel il a obtenu, comme le dit Daniel Racine, «des voix pour le prix des Deux Magots» (1983). À travers la voix d'une vieille dame guyanaise, du nom de Tètèche, Damas a recueilli des contes créoles qu'il a lui-même retranscrits dans la langue de Molière. Ces histoires reflètent la Guyane, son folklore, sa culture et sa nature dans l'unique but de transmettre l'héritage de ce patrimoine guyanais aux plus jeunes. Ces récits illustrent à la fois le système colonial et l'aliénation du Colon européen sur l'homme noir. Par le biais de l'allégorie, nous assistons à une confrontation entre l'esclave et le maître. En ce sens, le lecteur devient le témoin d'une lutte sans merci entre la ruse et l'intelligence des plus faibles contre la stupidité et la méchanceté, voire même la cupidité, des plus forts accentuant, par conséquent, la remise en question du pouvoir colonial. Ce combat symbolise en réalité la victoire de l'esclave sur le Colon amenant ainsi la désacralisation de ce dernier. Dans la réflexion proposée, il s'agira de montrer comment le monde colonial est représenté par le biais de l'imaginaire. Il sera donc nécessaire d'étudier les différents emplois de la personnification en s'aidant de la structure narrative de ces contes créoles mais aussi par le biais d'une scénographie enchanteresse propre à l'univers des contes guyanais et dont seul Damas a le secret.

  • Dîner

Communications orales

L'archive coloniale et le roman africain

  • La « voie la plus directe pour aller en enfer »? Représentations de l'éducation en contexte colonial dans le récit autobiographique d'Amadou Hampâté Bâ
    Pascal Scallon-Chouinard (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Le regard que porte Hampâté Bâ sur l'univers autour duquel il gravite est singulier et permet une compréhension de la « société coloniale » qui s'inscrit, à certains égards, en marge de l'historiographie traditionnelle. Ses mémoires, publiés en 2 volumes dans les années 1990 (Amkoullel, l'enfant peul et Oui, mon commandant! ), sont une source d'une grande richesse qui propose un récit marqué par des réflexions et des critiques qui ne se cantonnent pas dans une interprétation manichéenne de l'univers à la fois traditionnel et colonial dans lequel il a évolué. En se penchant plus particulièrement sur les représentations qu'y donne Hampâté Bâ de l'éducation en contexte colonial, il est possible de constater toute la nuance et l'ouverture qui caractérisent son œuvre; cela permet également de mieux saisir toute la complexité identitaire qui entoure le type de personnalité que peut générer la « société coloniale » dans le contexte ouest-africain des années.

  • L'inscription in absentia du fait colonial chez Félix Couchoro
    Laté Lawson-Hellu (UWO - University of Western Ontario)

    L'écriture sur fond de mémoire historique demeure la pierre angulaire d'intelligibilité du champ littéraire francophone, hier comme aujourd'hui, lorsqu'on en vient à ses textes ou à ses discours d'appréhension. Si l'œuvre de l'écrivain Félix Couchoro (1900-1968) demeure pour sa part inscrite dans le cadre des productions francophones africaines des générations coloniales, c'est au tournant du millénaire seulement qu'elle est devenue disponible pour le grand public, favorisant ainsi un regard nouveau et original sur le rapport à l'histoire coloniale dans les écritures francophones. Ainsi en est-il du traitement in absentia que cet écrivain propose du fait colonial dans ses romans, préférant y aborder le contexte socio-culturel généré par cette histoire, mais dans sa démarcation épistémologique d'avec cette histoire. La réflexion proposée vise ainsi à présenter certaines des modalités de mise en « silence » du fait colonial, pour sa meilleure contestation, chez cet écrivain du nationalisme pré-indépendance.

  • Variations autour d'un naufrage : lecture postcoloniale du Radeau de la Méduse de Géricault par Sylvain Bemba
    Sylvère Mbondobari (Université Omar-Bongo)

    Le Radeau de la Méduse évoque l'une des plus macabres tragédies maritimes de l'histoire coloniale s'est forgé une sorte de légende autour du naufrage de la Méduse, rassemblant les faits et détails de l'avarie, lui en rajoutant même au besoin. Durant les dernières décennies du 19ème siècle, le discours critique sur Le Radeau de la Méduse s'est développé et s'est enrichi d'une nouvelle dimension. Après la recherche documentaire importante sur le fait historique et les grandes études sociopolitiques qui relèvent pour la plupart l'enjeu de ce naufrage dans l'histoire politique de la France, exactement de l'histoire de la Restauration, la réflexion s'est concentrée sur le tableau de Géricault. De nombreux spécialistes de l'histoire de l'art y ont produit des textes qui permettent de situer la rupture initiée par Géricault, insistant sur l'engagement politique ainsi que sur l'influence de ce peintre sur la postérité. La problématique de cette communication est donc celle de la citation du Radeau de la Méduse. Nous verrons plus particulièrement comment celui-ci se trouve, dans Le dernier des cargonautes de S. Bemba, modélisé par la narration. On se demandera comment l'écrivain Congolais cite implicitement puis explicitement la peinture et comment cet artiste hors pair adopte un esthétisme visuel propre à l'art pictural en construisant, à partir de ces éléments une œuvre complexe et cohérente. Nous questionnerons sa référence au Radeau de la Méduse pour illustrer son discours sur l'Afrique.

  • Récit colonial dans le miroir réfracté du contexte postcolonial
    Vicram Ramharai (Institut de Pédagogie de Maurice)

    À l'époque de la colonisation française à Maurice (1715-1810), il n'existait pas de textes littéraires. La littérature mauricienne de langue française est née à la fin du 19e siècle sous la colonisation britannique (1810-1968). Néanmoins, ce sont les descendants des colons français qui ont écrit sur la colonisation française et sur l'engagisme indien. Ils étaient les représentants du centre. Après l'indépendance, la périphérie a pris la parole pour évoquer l'époque coloniale. Portent-ils un nouveau regard sur la colonisation ou reprennent-ils les mêmes idées stéréotypes que leurs prédécesseurs ? Une lecture chronologique des romans coloniaux contemporains permet de relever trois catégories de récits : ceux qui portent sur la colonisation française et ses séquelles, ceux qui mettent l'accent sur la colonisation britannique mais avant la seconde Guerre mondiale. Les auteurs évoquent la diaspora indienne et son installation à l'île Maurice. Et enfin ceux dont l'action se passe après la seconde Guerre Mondiale et qui essaient de considérer la société mauricienne dans sa complexité. Les auteurs des deux premières catégories de romans respectent-ils les canons des romans coloniaux en mettant l'accent sur l'exotisme, le réalisme et l'idéologie qui traversent imprègent le récit coloniale ? Même si l'époque a changé, en quoi la troisième catégorie se démarque-t-elle des autres en termes d'esthétique et d'idéologie ? Ce sont des questions auxquelles cette communication cherche à répondre.

  • Les traces de la négritude dans les romans policiers de Moussa Konaté
    Taoukamla Bichara Taoussi (Université de N'Djaména)

    L'Empreinte du renard (2006) et La Malédiction du Lamantin (2009) sont deux romans policiers de Moussa Konaté qui peuvent se lire comme des récits coloniaux. Ils reprennent le projet des littératures africaines en général brodé autour de la légitimation identitaire et civilisationnelle qui se traduit par la valorisation des savoirs culturels et des discours savants sur le continent, en rupture de ban avec la vision réductrice et négative que l'Occident colonisateur avait de l'Africain. Même si l'époque coloniale est révolue, cette ère a laissé des stigmates, comme en témoignent ces œuvres de Moussa Konaté. La fibre de la négritude s'affirme lorsque Moussa Konaté met en circulation des idées qui ont prévalu à l'époque coloniale : remise en question des valeurs des sociétés occidentales, protestation contre la politique d'assimilation française à travers l'école, affirmation de la valeur des cultures noires, volonté d'obtenir une reconnaissance officielle et véritable des civilisations noires. Notre hypothèse est que les deux romans policiers de l'auteur malien reprennent ce mouvement de pensée pour lui donner une efficacité et un élan nouveaux. Ils sont ainsi une réécriture de l'Histoire nègre. Notre proposition de communication invite à voir une certaine vision de soi, vision des valeurs de la négritude en somme, dans les structures narratives policières elles-mêmes. Nous tenterons de revenir à l'Histoire en étudiant les modalités de sa présence au sein du récit policier.

  • Pause

Communications orales

Mémoire coloniale et roman maghrébin 

  • Entre oubli et mémoire : le Tunisien décolonisé devant son histoire passée et à écrire
    Mansour Bouaziz (UWO - University of Western Ontario)

    Au lendemain des indépendances, les jeunes pays décolonisés n'ont bénéficié que relativement et très brièvement de leur liberté nouvellement acquise. Entre régime autocratique, puisant sa légitimité dans l'ancienne lutte coloniale, et les dictatures militaires qui ont remplacé rapidement le joug colonial, le décolonisé, de fait, n'a vu qu'un changement de maître. Dans ce contexte l'intellectuel en postcolonie continue de mener la lutte contre un ennemi intérieur. Après la décolonisation les pistes se sont brouillées et il n'est plus aussi facile d'attribuer le mal subi à une entité précise. La littérature francophone contemporaine s'interroge sur le sort du décolonisé ; mais fait marquant, et qui pourrait rejoindre les craintes de Memmi quant à un éventuel oubli, sans pour autant les confirmer, le décolonisé contemporain ne se définit pas comme ancien colonisé, la colonisation étant pour lui reléguée à un passé assez éloigné. Cette distanciation par rapport au fait colonial est due en grande partie à des questionnements existentiels plus pressants et d'actualités et non à une amnésie générale ou à une volonté d'oubli. Cela concerne la Tunisie du moins. En ce sens, les écrits francophones contemporains orientent leurs solutions vers une éventuelle sortie du cul-de-sac historique dans lequel les pays décolonisés se sont retrouvés. Avant de regarder vers l'avenir il importe de solder le compte avec le présent qui se retrouve coincé entre un passé chaotique et un futur incertain.

  • Le « harki » ou l'homme de nulle part dans Moze de Zahia Rahmani
    Meenakshi Chauhan (Jawaharlal Nehru University)

    Les harkis constituent des « supplétifs musulmans » qui sont recrutés par l'armée française pour se combattre aux côtés de l'armée française durant la guerre. A ce titre, ils ont subi une double exclusion, d'où leur existence ambiguë. C'est ce qui soulève la problématique de ma communication. À cet égard, nous avons choisi le roman « Moze » de l'auteure franco-algérienne Zahia Rahmani. Ce roman nous raconte à travers les personnages de Moze et sa fille, les souffrances subies par les harkis ainsi que leurs familles suite à l'indépendance en ce qui concerne l'exclusion du pays natal, la mise aux margines et la privation des droits civils qu'on appelle aussi l'enfer postcolonial.

    Au cours de ce projet, nous mettrons en lumière la marginalisation des harkis au sein de la France à l'ère postcoloniale. En outre, nous montrerons l'état misérable de notre héro moderne réclamant la justice face à la déshumanisation de l'être humain. Comme la population des harkis devient l'enjeu central de l'Algérie ainsi que de la France, elle se trouve attrapée dans le drame conflictuel géopolitique où les harkis n'arrivent pas à se situer quelque part. Alors, nous jetterons la lumière sur les tentatives de la fille de Moze de faire installer la réconciliation entre les harkis et les deux pays. Autrement dit, nous allons voir comment la narratrice valorise les sacrifices de son père pour la France ainsi que le retour à l'humanisme dans le but de faire restaurer le droit à l'existence légitime aux harkis.

  • Du récit colonial comme outil de démythification du fait historique dans les romans Les amants désunis d'Anouar Benmalek et La malédiction de Rachid Mimouni
    Dyhia Fauquembergue (Université Jean Moulin Lyon 3)

    Nous proposons dans notre contribution une conception du récit colonial comme un outil de « démythification » du fait historique chez les écrivains algériens Anouar Benmalek et Rachid Mimouni. Nous optons pour une approche sociocritique portant sur les romans Les Amants désunis et La Malédiction. L'objectif du présent travail est de montrer comment les romanciers se servent de récits coloniaux dans leurs fictions afin de « désacraliser » l'Histoire officielle, en l'occurrence, celle écrite par le FLN, tenant du pouvoir en place depuis962. En écrivant des fictions, les auteurs

    procèdent à une sorte de « mis à nue » des mensonges d'un régime algérien bâti sur le mythe de la guerre de Libération Nationale. Le récit colonial devient, de ce fait, le moyen par lequel ils vont à l'exploration de l'origine même du mal et de la crise que traverse le pays pendant les années 90.

    Notre perspective de travail s'articule autour de trois axes : l'écriture d'enracinement et l'écriture de rupture, le récit colonial enchâssé dans le récit post-colonial et enfin la « démythification » et/ou la « démystification » de l'Histoire par le biais du récit colonial.

  • Histoire et dérision dans L'invention du désert de Tahar Djaout et Le feu des origines d'Emmanuel Dongala
    Sarah Assidi (Université Laval)

    Dans le champ des littératures francophones l'expérience de l'histoire coloniale porte une tension soumise à une inévitable dimension parodique. Tahar Djaout et Emmanuel Dongala exploitent cette tension en relation avec les discours et représentations de l'époque coloniale en Algérie et au Congo. Ils déploient, chacun à leur manière, toute une esthétique de la dérision jouant sur les questions « d'héritage colonial » et de patrimoine culturel. Par l'exploitation d'une rhétorique baroque ils créent un imaginaire historique drôle, fantasque, à l'humour parfois ubuesque où les espaces et les temporalités sont multiples.

    La fragmentation chez Emmanuel Dongala et la superposition chez Tahar Djaout du temps et de l'espace créent un effet grotesque où l'anachronisme, les ellipses et les analepses se conjuguent. Dès lors, la configuration spatiotemporelle semble témoigner d'une stratégie de distension de la dimension poétique et imaginaire. Il sera alors question d'analyser comment se créé cet imaginaire historique.

    La figuration de l'Histoire, telle que les écrivains la représentent, est-elle encore emprunte de pouvoir? La parodie et l'esthétique de la dérision élident-elles la réalité du discours littéraire? Les discours et les représentations stéréotypées de l'histoire aboutissent ils à sa déconstruction? Ou encore servent-elles de prise de position esthétique?

  • Pause

Communications orales

Répression coloniale et fiction romanesque

  • Pouvoir, domination, violence : formes et enjeux dans En attendant le vote des bêtes sauvages d'Ahmadou Kourouma
    Komi E. Akpemado (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Les littératures francophones d'Afrique ont toujours connu depuis leur genèse un renouvellement de leurs thématiques, dicté par les bouleversements sociaux et politiques qui ont touché plusieurs pays. Après les indépendances, le chao postcolonial qui a inspiré toute une génération d'écrivains, a donné lieu à l'émergence d'une esthétique – aussi désignée comme « écriture de la désillusion ». Dans la tradition des écrivains de la Négritude, ils se sont révélés en se saisissant du réel pour dénoncer les nouveaux pouvoirs politiques qui à leur début, ont été vus comme des libérateurs.

    L'ambition de cette contribution consiste à démontrer avec l'étude de l'œuvre de Kourouma que les littératures francophones d'Afrique, depuis les indépendances, malgré leur diversification thématique et esthétique ne cessent de questionner le fait colonial, partant du postulat que les nouveaux pouvoirs sont perçus comme les gestionnaires d'un héritage colonial et que les rapports que les nouveaux maîtres entretiennent avec le sujet postcolonial s'inscrivent dans une tradition coloniale.

    Il conviendra d'autre part de montrer que, par ces écrits, les littératures francophones d'après les indépendances dévoilent un type de savoir, non seulement sur les rapports de force dans les néo-colonies, mais aussi sur les anciens maîtres.

  • Le récit de la résistance des Aznas dans Sarraounia d'Abdoulaye Mamani
    Adama Togola (UdeM - Université de Montréal)

    Le XIXe siècle se caractérise par ses conquêtes coloniales. Après la conférence de Berlin, qui a permis aux puissances européennes de se partager l'Afrique, les représentants de ces différents pays sont venus implanter leur drapeau et délimiter les frontières. Si la signature des traités avec les rois locaux a permis, dans certains cas, une pénétration pacifique, les armes furent, dans d'autres, utilisées afin de briser la résistance. En 1899, Sarraounia, reine des Aznas, mena une résistance farouche contre les troupes coloniales françaises, conduites par le capitaine Paul Voulet. Symbole du pouvoir féminin et de la résistance coloniale, elle reste toujours présente dans la mémoire des Nigériens à tel point qu'Abdoulaye Mamani, à sa sortie de prison, lui consacre en 1980 un roman dans lequel ses valeurs (héroïsme, justice, pardon, liberté, solidarité) sont opposées à la traîtrise des rois nègres qui se sont soumis sans la moindre résistance et à la violence des envahisseurs étrangers. La présente communication vise à montrer que Mamani construit son roman contre le discours colonial, qui a étouffé la mémoire de la reine Sarraounia. En tant que l'affirmation d'une identité culturelle spécifique, le roman inscrit une autre mémoire que celle portée par les pères fondateurs (colonisateurs). En jetant le doute sur l'histoire institutionnelle, il parodie les discours hégémoniques (discours colonial et religieux).

  • Jeux de mots et de sonorités comme traduction de l'histoire coloniale dans L'A-fric de Jacques Fame Ndongo
    Tang Alice Delphine (Université de Yaoundé 1)

    Le roman L'A-fric fait subtilement le récit de l'histoire coloniale en Afrique. L'auteur a choisi de jouer avec des mots et des sonorités pour donner sa perception de cette histoire. Dès le titre : « L'A-fric », il se dégage un jeu de sons qui établit un lien entre le continent l'Afrique et le fric. Il développe une déconstruction de l'héritage culturel autour du mot « fric ». Le fric traduit l'héritage matérialiste et toute une idéologie qui montre que les motivations et le fondement de la colonisation sont centrés autour du fric. Le matérialisme a déconstruit les cultures africaines et sous-tendu la colonisation. Les répercussions néfastes de ce basculement des mentalités expliquent la plupart des maux qui minent les Africains. Il va enchaîner avec d'autres mots avec lesquels il joue : choléra, colère, cholérique, etc., ou encore Ebola, la baule, Eh beau là, le bol, le bal, la balle, ras-le-bol. Ces différents jeux de mots et de sonorités traduisent une réalité ayant un lien avec la colonisation. Dans ce dégagement de la satire, il se trouve que les leçons pour s'en sortir consistent à se tourner vers les richesses matérielles et immatérielles d'avant et présentes dont regorge le continent. Bref nous retrouvons dans ce texte une technique de communication à travers lequel l'auteur dresse, à partir d'un jeu de sonorités, un bilan de la colonisation en Afrique et propose des voies de sortie d'une crise dans laquelle s'enlisent les Africains.

  • Maïssa Bey ou comment dire, (d)écrire, représenter le fait colonial
    Meriem Bedjaoui (École Nationale Supérieure de Sciences Politiques)

    « Pendant 132 ans, et après plus de 40 ans d'opérations de pacification, MADAME LAFRANCE s'est installée sur ses terres, pour y dispenser ses lumières et y répandre la civilisation, au nom du droit et du devoir des races supérieures. Face à elle, l'enfant, sentinelle de la mémoire, va traverser le siècle, témoin à la fois innocent et lucide des exactions, des spoliations et des entreprises délibérées de déculturation » (M. Bey, Pierre sang papier ou sang, 2008).

    Ma communication entend rappeler que la littérature algérienne d'expression française, qu'elle soit de la première génération (M. Dib, M. Ferraoun, M. Mammeri, A. Djebar) ou celle plus récente (Maissa Bey ou encore Kamel Daoud) a montré comment l'humanité a tissé, par le biais de l'écriture, un entrecroisement entre : espace, histoire et société. Comment un passé colonial douloureux, celui de la guerre d'Algérie, peut-il constituer encore de nos jours un prétexte à des fictions? Notre intervention portera sur ces paroles consignées à travers écriture-témoignage et autofiction dont la romancière Maissa Bey rend compte, sans haine mais également sans pardon. C'est à travers les romans Entendez-vous dans les montagnes (2002) et Pierre Sang Papier ou Cendre (2008) que l'auteur choisit de « fictionnaliser » la violence de la colonisation et les affres de la guerre d'Algérie, récits qui feront l'objet de notre communication.

Communications orales

Mémoire coloniale et voix féminine dans le roman maghrébin

  • Représentation du fait colonial dans L'amour, la fantasia d'Assia Djebar
    Fatma-Zohra Kouchkar Ferchouli (École Nationale Supérieure de Sciences Politiques)

    « Mesdames et Messieurs, le colonialisme vécu au jour le jour par nos ancêtres, sur quatre générations au moins, a été une immense plaie ! Une plaie dont certains ont rouvert récemment la mémoire, trop légèrement et par dérisoire calcul électoraliste. En 1950 déjà, dans son « Discours sur le Colonialisme » le grand poète Aimé Césaire avait montré, avec le souffle puissant de sa parole, comment les guerres coloniales en Afrique et en Asie ont, en fait, "décivilisé" et "ensauvagé", dit-il, l'Europe » (Assia Djebar, Discours de réception à l'Académie française). Si, comme le montre le passage ci-dessus, Assia Djebar a tenu à rappeler brièvement dans son « Discours de réception de l'Académie française » ce que la colonisation a été pour tous ceux qui ont eu à la subir, c'est à double titre : en tant que témoin de la guerre d'indépendance algérienne et en tant qu'historienne. Il n'est pas étonnant que son écriture porte les « stigmates » de cette double implication. Ainsi, dans Les enfants du nouveau monde (1962), Femmes d'Alger dans leur appartement (1980, 2002), L'amour, la fantasia (1985, 1995) et dans La femme sans sépulture (2002), l'écriture et l'Histoire sont étroitement imbriquées. Cette communication a pour objectif de démontrer que, plus que dans tous ses autres écrits, c'est dans L'amour, la fantasia qu'Assia Djebar donne à lire tout un pan mal connu de l'Histoire coloniale de l'Algérie.

  • Le duo/duel, colonisateur/colonisé dans les deux triptyques de Mohammed Dib. Pour une écriture de l'engagement aux formes disparates
    Zohra Chahrazade Lahcene (Université Amar Telidji de Laghouat)

    Depuis son émergence, Mohammed Dib se consacre à la cause de l'Algérie colonisée. Écrivain engagé, la trilogie Algérie s'inscrit dans la littérature de combat. « La grande maison » 1952, « l'incendie » 1954 et « le métier à tisser » 1957 décrivent la situation politique et les conditions de vie imposées par la nature de l'occupation du territoire algérien. Exilé en 1959 par l'administration française qui voit en lui et dans ses textes réalistes écrits en français un nationaliste et un fervent défenseur de la liberté du peuple colonisé, l'écrivain continue pourtant sa dénonciation de la colonisation et ce qu'elle impose aux « autochtones ».

    L'avènement de l'indépendance en 1962 permet à l'écrivain de se consacrer à une écriture différente, plus symbolique dans sa forme. L'expression se déplace vers l'exploration des territoires de l'exil. «Les terrasses d'Orsol» 1985, « le sommeil d'Ѐve » 1989 et « Neige de marbre » 1990 forment la trilogie de l'exil ou de postindépendance. Une écriture dédiée aux formes de perditions identitaires et aux quêtes acharnées d'un nouveau moi.

    De la première à la deuxième trilogie, deux types d'engagements s'imposent dans une écriture protéiforme, celui du rejet de l'autre dans ses territoires et celui des conséquences de la politique d'acculturation du colon. Cette littérature fait de lui un des écrivains dont les textes traversent l'ère coloniale et ce qu'elle provoque comme conséquences sur les peuples colonisés même après l'indépendance.

  • « Derrière la fenêtre » ou la réécriture du fait colonial dans la littérature féminine maghrébine : le cas de La femme sans sépulture d'Assia Djebar
    Carine Mengue Mba (Université Omar-Bongo)

    Publié en 2002 par l'une des figures majeures de la littérature féminine maghrébine – Assia Djébar -, le roman, La Femme sans sépulture, relate des faits qui se situent au moment de la « guerre d'indépendance de l'Algérie ». Aussi assiste-t-on à une sorte de témoignage voilé sur l'Histoire évènementielle, à une représentation du système colonial à travers des images variées et divergentes sur la tragédie vécue par le peuple algérien. Ainsi, en prenant appui sur Paul Ricœur (Temps et récit I, Seuil, Points, « Essais », 1983), nous nous efforcerons de mettre en lumière les rapports existant entre « l'intrigue et le récit historique », entre l'œuvre littéraire et la réalité dans ce processus de réactualisation du passé collectif. Par ailleurs, il apparaît que Assia Djebar fait le choix de se positionner « derrière la fenêtre » (Jacques Rancière, Figures de l'Histoire, PUF, 2012, p. 23) pour lire le fait colonial sous le prisme de la narration d'un destin individuel : la vie et la mort de l'héroïne nationale - Zoulikha épouse Oudaï. Cet engagement littéraire et/ou esthétique débouche en définitive sur une double reconfiguration : d'une part le jaillissement d'une « nouvelle pertinence sémantique » (Paul Ricœur) et d'autre part une relecture mémorielle et référentielle sous-tendue par la contestation insidieuse de l'impérialisme français.

  • Pause

Communications orales

Vers la symbiose des cultures

  • Les mots du meurtrier […] sont mon « bien vacant » : attraction-répulsion (post)coloniale dans Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud
    Djemaa Maazouzi (UdeM - Université de Montréal)

    Le face à face colonial, fait d'indifférence, d'exotisme, de pulsions mortifères, de peurs, de curiosité et d'attirance sexuelle a largement été raconté par le roman colonial. La scène du crime est un des lieux communs de cette rencontre : elle est illustrée magistralement pour son insignifiance lorsqu'elle concerne le meurtre de l'Arabe. Que se passe-t-il lorsqu'elle est proposée au lecteur des années 2000, une relecture de L'étranger de Camus par la voix du frère de l'Arabe assassinée ? Comment la mémoire coloniale est-elle convoquée et pour quelle écriture de l'histoire ? Notre communication propose une lecture des apories présentes dans Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud (Alger, Barzakh, 2013), texte hommage à Camus qui montre que la mémoire, exercice éminemment dialogique, se fabrique à partir du présent d'une Algérie postcoloniale, d'une Algérie post-1990.

  • Récit colonial, rite de passage et poétique de l'entre-deux cultures dans L'enfant fou de l'arbre creux de Boualem Sansal
    Mounya Belhocine (Université de Bejaïa)

    Nous examinerons la quête de l'identité à travers un roman de l'écrivain algérien Boualem Sansal, L'enfant fou de l'arbre creux. Né en 1957, à Vialar, le personnage principal Pierre Chaumet part vivre en France, mais découvre tardivement que celle qu'il pensait être sa mère ne l'est pas en réalité, et décide ainsi de revenir en Algérie pour retrouver celle qui lui a donné la vie. Ce retour prendra l'aspect d'un « parcours initiatique » doublement vécu par le personnage de Pierre : tout d'abord en effectuant réellement sa recherche dans son pays d'origine, ensuite en le racontant à son compagnon de prison Farid. Notre intérêt ne sera pas porté seulement sur l'analyse de l'inscription de la culture algérienne ou française dans l'écriture de l'auteur, mais surtout sur l'examen de cet espace intermédiaire généré par le contact entre les deux cultures. Cet « entre-deux » culturel se manifeste d'abord à travers le profil du personnage de Pierre mis en scène dans le texte, mais également son parcours narratif qui semble être en corrélation avec le rite initiatique tel qu'il est défini par les anthropologues. Ainsi, en nous référant à certains outils de l'ethno-critique, nous examinerons dans ce sens la figure du « passant ». Cette quête est également transposée textuellement, par les choix scripturaires de l'auteur, puisque les discours des personnages véhiculent le contact entre les deux langues et cultures, que ce soit sur le plan lexical ou sémantique.

  • Les écrits francophones désormais dans l'œil du cyclone
    Said Saidi (Université de Batna Hadj Lakhder)

    Kateb Yacine, optimiste visionnaire considérait que “ le français est un butin de guerre “, continuant ainsi l'idylle, à l'infini. Non seulement “ ces amants intelligents seraient demeurés les meilleurs amis du monde “ mais seraient encore plus amoureux. Dans l'apaisement que donne la maturité. Dans l'émerveillement de découvrir que les guerres sont finies, les inimitiés et les aigreurs. Les jeunes écrivains, enfants des indépendances, ont porté à fructification inouïe, cet admirable butin de guerre, prouvant que cette littérature n'a pas consenti à “ mourir jeune “ , animée qu'elle est par cet état de perpétuelle jouvence. Fécondité bienfaisante, même venant de l'autre rive. Au-delà de la polémique médiatisée à outrance – c'est de bonne guerre – déclenchée par Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud, l'œuvre illustre encore une fois cette symbiose des peuples, semblables dans leurs aspirations, mais divergents dans les conspirations dont ils ont été et sont victimes. Certes, la colonisation demeure une thématique récurrente, sans les passions sournoises et conflictuelles. Mais la littérature, l'écriture, la pensée, permettent de retrouver une quiétude invraisemblable, celle de vivre, de vaincre les lourds héritages qui n'en finissent pas de construire le présent. Kamel Daoud relève le défi, à l'heure des printemps arabes, de suturer toutes les plaies et de solder tous les comptes avec le passé.

  • Le fait colonial indochinois chez Anna Moï, Linda Lê et Kim Thúy
    Mireille Truong (Ryerson University)

    Dans Lame de fond de Linda Lê, Van, personnage vietnamien marié à une Française et vivant en France, se donne comme principe directeur relatif à son passé : « ne rien oublier, ne rien renier, mais me distancier des chiens qui retournent à leur vomi ». Dans Rapaces, Anna Moï met en scène un vietminh de la résistance anticoloniale des années 50. Dans Mãn, Kim Thúy inscrit délicatement en marge de son texte des mots vietnamiens, sans omettre les accents de cette langue à modulations tonales subtiles. Figurent également dans le roman trois générations de mères. Celle de la guerre du Viêtnam veut protéger le père qui a connu la guerre d'Indochine des disputes entre frères et sœurs « car il était déjà témoin et juge de la déchirure de son pays, de sa culture, de son peuple » (22). Anna Moï, Linda Lê et Kim Thúy n'ont vécu de l'Indochine que ses séquelles (car nées en 1954). Poser la question du récit colonial dans leurs romans, c'est poser la question de la responsabilité de l'écrivain dans la mémoire collective, c'est peut-être aussi poser la question de la future absence de ce récit dans la prochaine génération, née ailleurs et la lui reprocher. Que dire sans mener un réquisitoire contre les écrivaines qui auront peut-être contribué par leur succès même de romancières « francophones », tributaires de la domination de la France dans l'édition et la circulation, à la « transfiguration en mythes rassurants et flatteurs » des faits coloniaux ? C'est ce que nous allons essayer de faire.

  • Dîner

Communications orales

Intermédialités et mémoire coloniale

  • Le cinéma comme moyen de reconstitution de l'histoire : le cas de l'esclavage en Nouvelle-France
    Natalie Fontalvo (Université Laval)

    Cette communication visera à présenter la problématique, l'état de la question et la démarche d'un projet de mémoire en recherche-création, en cours. La première partie de ce projet vise l'écriture d'un scénario original dont une des protagonistes est une esclave Noire en

    Nouvelle-France. La deuxième partie du projet prend la forme d'un essai critique sur les enjeux liés à cette écriture. L'on tentera alors de répondre à la question suivante : comment recréer l'ambiance historique propre à l'esclavage en Nouvelle-France dans un scénario de fiction, tout en demeurant accessible à un large public contemporain et en tenant compte de l'état des connaissances sur le sujet?

    Le questionnement sur la capacité du cinéma à produire un discours significatif et juste sur le passé1 se situe au cœur de cette réflexion. De manière générale, les sources qui s'offrent au chercheur intéressé par l'esclavage nous renseignent plus sur les sociétés esclavagistes que sur les esclaves. Il s'agit de paroles rapportées, souvent déformées. L'on fait face ainsi à un dilemme : « comment écrire l'histoire de femmes et d'hommes à qui l'ont a refusé pendant longtemps la possibilité d'écrire leur propre histoire? 2 ».

    Si depuis les années soixante, un certain nombre d'historiens québécois s'intéresse à l'esclavage pendant le Régime français, il s'agira de la première fois que leurs travaux nourriront un scénario de fiction.

  • « [P]as que souffrance, que victimes » : la mémoire coloniale chez An Antane Kapesh et Virginia Pésémapéo Bordeleau
    Isabella Huberman (University of Toronto)

    N'ayant jamais été libérés du joug du colonialisme, les écrivains autochtones du Québec conçoivent l'écriture comme un lieu de combat; pour ceux-ci, l'expression littéraire est une prise de parole émancipatrice et revendicatrice de leur place dans la société. Je propose d'examiner le traitement de la mémoire coloniale dans les textes de deux femmes autochtones, l'une Innue, l'autre d'origines métissées, écrivant à presque quarante ans d'écart. La prise de parole initiale est incarnée dans le récit de vie d'An Antane Kapesh, Je suis une maudite sauvagesse / Eukuan nin matshimanitu innuiskueu (1976), considéré comme le premier texte publié en français par une Autochtone du Québec. Kapesh conçoit le livre comme l'occasion de rectifier le récit de l'histoire officielle en révélant les torts subis par les Montagnais aux mains des Blancs. L'expérience du colonialisme est dépeinte sous un autre jour sous la plume de Virginia Pésémapéo Bordeleau dans L'amant du lac (2013). Si ce roman permet de revenir sur l'histoire officielle, il est également conçu comme une réponse à la prise de parole initiale. Dans ce roman érotique, Pésémapéo-Bordeleau conteste la représentation de l'Autochtone comme la victime décrite dans l'œuvre de sa prédécesseure et dépeint plutôt à sa place, un sujet désirant et jouissant. En comparant le témoignage polémique au roman érotique, je soulignerai les enjeux de la représentation de la mémoire coloniale chez les auteures autochtones du Québec.

  • Les formes du récit colonial dans la dramaturgie autochtone contemporaine du Québec
    Astrid Tirel (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Dans les années 60, alors que les peuples colonisés revendiquent le droit à l'autodétermination auprès de l'Organisation des Nations Unies, les Autochtones du Canada sont éconduits par la communauté internationale, sous couvert de la théorie de « l'eau salée ». Selon celle-ci, seuls les peuples géographiquement séparés par une mer peuvent se prévaloir de mesures anticoloniales, ce qui constitue en soi un déni de la situation coloniale vécue par les Autochtones du Canada. C'est ainsi que ces derniers restent pris dans une logique de représentation figée dans le colonialisme. Or, l'histoire coloniale autochtone n'est pas celle de la rupture avec un ailleurs lointain, mais celle de la continuité, de la durée, de la survivance sur un territoire spolié et en constante lutte pour sa réappropriation. À travers sa dramaturgie, le théâtre autochtone francophone du Québec s'inscrit en faux contre l'historicisation occidentale et dénonce les effets coloniaux qui perdurent. Deux procédés relevés ici servent ces objectifs. Tout d'abord, le récit colonial, sans passer par une stricte mise en scène de la colonisation, se traduit bien souvent par un discours auto narratif qui se révèle autant dans la dramatisation du quotidien, que dans la représentation du déchirement identitaire ou dans la tentative d'atténuation de l'altérité. Aussi, l'esthétique globale du répertoire théâtral autochtone témoigne d'une revalorisation des savoirs traditionnels, au profit de l'ensemble de la communauté humaine.

  • Résurgence des figures mythiques dans l'imaginaire contemporain dans Manman Dlo contre la fée Carabosse de Patrick Chamoiseau
    Joana Godran (UdeM - Université de Montréal)

    Dans Manman Dlo contre la fée Carabosse (1982), Patrick Chamoiseau aborde l'histoire de la colonisation et de l'esclavage à travers le thème du merveilleux. Les personnages principaux de cette pièce, Manman Dlo et la fée Carabosse, appartiennent tous deux à l'imaginaire du sujet colonisé. La représentation de la colonisation, le processus de domination s'y effectuent par l'imaginaire. En effet, l'imaginaire occidental (du colon) pour le sujet colonisé est plus abordable et accessible que l'imaginaire du merveilleux populaire (de ses ancêtres). Ainsi, dans ce théâtre conté, on assiste à une lutte entre l'imaginaire occidental et l'imaginaire antillais, via quelques-uns de ses éminents représentants. Patrick Chamoiseau pratique dans cette pièce une « esthétique de la totalité » pour faire de la scène théâtrale le reflet de la diversité et de la complexité de la « totalité monde »[1]. Il a eu l'ambition de défendre sa culture autrement dit c'est une façon pour lui de résister face à la domination d'une autre culture en mettant en place « un nouveau merveilleux [qui] serait un merveilleux riche de toutes les merveilles ». Nous souhaitons analyser plusieurs aspects au cœur de cette œuvre: la réflexivité (Lash), la mécanique de l'identité culturelle, la question identitaire, la quête de soi, la question de l'Autre, les représentations sociales, les imaginaires socio-discursifs liés à l'espace, les « traces » (E. Glissant), le communautarisme et le métissage.

  • Pause

Communications orales

Récits d'enfance 

  • Le récit colonial contemporain : l'expression opportune d'une « identité dynamique »
    Sonia Le Moigne-Euzenot (ITEM Cnrs Paris)

    Si comme le montre le récent ouvrage de Xavier Garnier, les conséquences de la colonisation ont poussé un auteur comme Sony Labou Tansi à mettre en place « un dispositif apocalyptique » par « ses fictions narratives »[1], il n'en est pas de même vingt ans plus tard, pour les auteurs contemporains que sont le romancier Tierno Monémémbo et les auteurs de bande dessinée Christophe Cassiau-Haurie & Barly Baruti dont les expressions apparaissent bien plus apaisées. Le choix du contexte socio-politique cataclysmique que sont la seconde guerre mondiale pour Le terroriste noir de Tierno Monémembo publié en 2012 et la première guerre mondiale pour Madame Livingstone de Christophe Cassiau-Haurie & Barly Baruti publié en 2014 serait pourtant propice à l'expression d'une même révolte dans un contexte colonial exacerbé. Les espaces très particuliers que sont la France occupée ou le Congo Belge, le face à face entre un personnage Noir et un autre Blanc, dans chacune des deux œuvres retenues, entre un « objet » et un « sujet » pour reprendre les mots d'Achille Mbembé sont au contraire l'occasion non seulement de confronter réel et fiction mais aussi de raconter comment la relecture d'un passé commun est de nature à remplir les conditions d'émergence d' « une identité dynamique » que le lecteur est invité à définir. Sans doute ces récits cherchent-ils à transformer notre perception du monde à venir.

  • Le trajet de l'émigré dans L'ignorance de Milan Kundera
    Kendsey Clements (Memorial University of Newfoundland)

    Les littératures coloniale et post-coloniale réfèrent toujours au thème de « dominants et dominés ». Que dire de ceux qui n'entrent dans aucune de ces catégories alors qu'ils font tout de même partie de l'équation coloniale et post-coloniale ? C'est de cette autre communauté que Milan Kundera écrit dans son roman L'Ignorance. En utilisant l'émigration comme sujet de base, Kundera expose des thèmes tels que l'exil, la nostalgie, et le désir de retour dans le but de nous proposer une exploration approfondie de la condition humaine. Au lieu de présenter l'émigration comme une tragédie qui rend l'homme fou du fait du manque de son pays natal (bien que l'homme ait toujours voyagé depuis l'histoire de l'Odyssée, dans lequel Ulysse a longtemps souffert de nostalgie envers son pays natal, Ithaque), Kundera présente l'émigration comme une force libératrice. Ses deux protagonistes, Irena et Jose, retournent en Tchécoslovaquie afin de faire face au passé qu'ils ont abandonné en quittant le pays. Cependant, avec leur retour, ils doivent affronter le changement drastique du pays. En vivant dans un monde dans lequel l'émigration, en tant que conséquence de la colonisation, joue un si grand rôle, la réponse à ces questions qui peut en être dégagée suite à une analyse de l'œuvre de Kundera est plus pertinente dans un contexte post-colonial.

  • Enfances coloniales et fictions romanesques
    Kodjo Attikpoé (Memorial University of Newfoundland)

    La littérature accorde une place assez considérable à la représentation du passé. Dans le contexte africain, des écrivains portent leur regard sur la colonisation, un pan douloureux de l'histoire africaine. Mais contrairement au discours glorificateur du colonisateur, ces écrivains s'attachent à déconstruire le mythe de la mission civilisatrice : « « Et je dis que de la colonisation à la civilisation, la distance est infinie; que, de toutes les expéditions coloniales accumulées, de tous les statuts coloniaux élaborés, […], on ne saurait réussir une seule valeur humaine. (Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, 1955 p 10-11)

    Dans le sillage de Césaire, nombre de romanciers africains mettent en lumière l'inhumanité du système colonial. Par exemple, Ngugi wa Thiong'o (Enfant, ne pleure pas, 1994) et Meja Mwangi (Kariuki, aventures avec le petit homme blanc, 1992) abordent la période coloniale à travers la représentation de l'enfance dans un contexte de violence permanente. Notre propos est d'analyser le regard de l'enfant sur la vie coloniale. Au-delà du règne de la violence coloniale dans le royaume de l'enfance, il s'agira aussi de rappeler l'importance de ces fictions romanesques pour le devoir de mémoire en Afrique, car beaucoup d'Africains semblent de nos jours n'avoir aucune conscience de cette déshumanisation inhérente au système colonial.

  • La critique du colonialisme dans Africa Dreams de Maryse Charles, Jean-François Charles et Frédéric Bihel
    Gaston Létourneau (Memorial University of Newfoundland)

    Contrairement au modèle initié par la bande dessinée du type Tintin au Congo du bédéiste belge Georges Remi (plus connu sous son nom d'auteur, Hergé), Africa Dreams de Maryse et Jean-François Charles et Frédéric Bihel travaille à invalider toutes les justifications du colonialisme. A cet effet, la série – qui compte trois tomes : Ce bon monsieur Stanley, L'ombre du roi et Dix volontaires sont arrivés enchaînés – procède à un déploiement narratif et visuel qui critique le fait colonial et dénonce l'oubli des misères passées. C'est sous double angle que nous allons analyser la critique du système colonial engagée par la série Africa Dreams.

  • Mot de clôture

Communications orales

Lancement de Le polar africain