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Informations générales

Événement : 83e Congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines

Description :

Le rite est autant une action qu’une catégorie, un fait qu’une perspective, une expression qu’une expérience. Paradoxalement, les « pratiquants » des actions rituelles semblent être les derniers à s’y référer en tant que catégorie, alors que les chercheurs du social et du religieux souvent n’y participent pas et, surtout, n’y croient pas. Dans ce colloque, nous posons la question des nouveaux sentiers qui s’ouvrent aux études rituelles. Nous voulons dépasser le décalage entre la facticité de l’action et sa signification, ainsi que la distance entre la naïveté des acteurs rituels et les questionnements critiques des chercheurs. Deux sortes de sentiers s’ouvrent devant nous : les sentiers esthétiques et les sentiers socioculturels.

L’expérience esthétique est semblable à celle du rite. Historiquement, l’expérience esthétique a dû s’émanciper de l’expérience rituelle religieuse pour conquérir son autonomie. Le « divin » rituel semble dès lors ne pas pouvoir se concilier avec le « sublime » artistique. Cependant, ils se confondent souvent, tant du point de vue des sujets religieux que des artistes et même aussi du point de vue de l’action elle-même, quand le sujet religieux a recours aux arts dans ses liturgies ou quand l’artiste s’applique avec dévotion à l’acte créateur.

En ce qui concerne les sentiers socioculturels, la nouveauté se rencontre dans le rite lui-même, en tant que perspective à partir de laquelle envisager le social et le culturel. Ici, il faut être clair : il ne s’agit pas d’étudier le rite en fonction de la société et de la culture, mais d’étudier la société et la culture « dans » le rite.

Les sentiers esthétiques rejoignent les sentiers sociaux et culturels dans la proposition d’une plus grande attention à la performativité rituelle. Les sentiers socioculturels influent sur les sentiers esthétiques en exposant l’importance du contexte, au-delà de la simple extériorisation de la subjectivité. Ainsi, les nouveaux sentiers ouverts aux études rituelles sont concordants, autant en ce qui touche l’expérience rituelle que l’expérience humaine par elle proportionnée. Ils sont « perspectivistes » non seulement parce qu’ils ont recours à plusieurs points de vue pour observer et analyser les rites, mais aussi parce qu’ils envisagent la pluralité des dimensions qui les caractérise et se laissent guider par elle dans l’enquête de cette étrange sorte de « déterminisme » esthétique qui nous fait reconnaître le bon, le beau et le vrai.

Dates :
Responsables :

Programme

Communications orales

Sentiers esthétiques (partie 1) : rite, image et performativité

  • Mot de bienvenue
  • Le rite dans le cinéma : ré-imaginations de la Dernière Cène
    Bértold Salas Murillo (UCR - Universidad de Costa Rica)

    Dans cette communication, nous examinons des différentes versions cinématographiques, apparues entre 1903 et 2014, ainsi que des représentations de la tradition picturale de la dernière cène de Jésus. Comme le rite catholique de la messe, ces versions sont des processus de « réélaboration » visuelle ou de « ré-imagination » des récits bibliques. Autant le rite que le récit audiovisuel utilisent les matériaux purs de l'espace, du temps et des éléments. Nous distinguons les films « canoniques », qui essaient de reconstituer et d'actualiser les évangiles, des films « parodiques », qui visent la subversion de l'imaginaire. En outre, nous discernons entre les parodies consacrées aux traits visuels trouvés dans les traditions rituelle et picturale et les parodies qui visent la doctrine chrétienne.

  • Emergence : lecture rituelle d'une vidéo de Bill Viola
    Rodolfo Rojas-Rocha (UCR - Universidad de Costa Rica)

    L'œuvre Emergence (2002) de Bill Viola est un objet artistique médiatique avec une dimension rituelle évidente. La mise en scène rituelle médiatique se trouve ici liée à la dynamique de la mimésis comme stratégie iconographique qui est aussi une sorte de principe « sacré ». Nous y trouvons les symboles et les techniques de l'art gothique, de la Renaissance et du Baroque, provenant de la toile qui inspire la vidéo. Dans la citation et l'appropriation du thème religieux, nous rencontrons la vision contemporaine de l'art postmoderne, caractérisé par la fragmentation, l'hétérogénéité et l'ambiguïté. Bill Viola se consacre à sa pratique artistique, presque comme à un rite personnel. Nous avons aussi la technologie d'images en mouvement qui, par moyen du numérique, des effets sonores et des écrans, introduit une série gestuelle, reliant le rite personnel et intime à la tradition artistique. Dans cette communication, nous décrirons les différents types de rites présents dans cette œuvre. Nous commencerons par présenter l'œuvre, ensuite, nous la mettrons dans son contexte dans de l'histoire de la peinture, et, finalement, nous illustrerons ses traits post-modernes et rituels. Ainsi, nous montrerons qu'au-delà des rites traditionnels religieux, il y a maintenant des nouveaux rites profanes, « cachés » sous la technique et la technologie, notamment dans le domaine de l'art.

  • Pause
  • Quand la musique s'unit au rite
    Sandro Santos Da Rosa Sandro Santos Da Rosa (Faculdades EST)

    Notre communication vise à identifier les langages et les réalités significatives qui font de la musique un élément essentiel de la construction de la « liminalité » dans les diverses formes de rites religieux. Afin d'établir un cadre théorique englobant les aspects principaux du rite, on aura recours aux perspectives de Victor Turner, Aldo Natale Terrin, Claude Rivière et Clifford Geertz. Dans l'étude du rôle de la musique au cœur de l'action rituelle, on suivra les propositions de Susanne Langer, Laura da Silva et Tayer Gaston. La musique est l'un des aspects à prendre en compte lorsqu'on envisage la compréhension du rite, mais elle gagne aussi à être considérée dans un contexte rituel. La musique agit sur le plan de l'expression symbolique en contribuant de manière significative à l'efficacité du rituel, notamment dans sa dimension de « contre-structure » par rapport aux « structures » sociales, politiques, juridiques et économiques. La musique est le langage des émotions. Par elle, les êtres humains expriment leurs expériences personnelles et collectives. Elle ouvre les portes de la signification et de la perception. La musique évoque l'essentiel et le plus authentique de l'humanité, tout en gardant son caractère ineffable. Quand la musique s'unit au rite tout cela devient évident et ouvre, sans doute, des nouveaux sentiers aux études rituelles.

  • Un corps pour danser Dieu
    Mario Michel Leblond (Université Laval)

    Notre communication porte sur les enjeux et les possibilités de la ritualisation religieuse à travers la danse. Nous développerons les aspects suivants :

    Présentation des capacités symboliques (parenté avec le mode de communication rituel) de la danse;

    Considération du langage non verbal du mouvement versus la communication verbale (qualités respectives de ces deux modes et leurs possibilités de conjugaison);

    Importance de l'utilisation d'un tel mode d'expression : unification des composantes intellectuelles et émotives; mise en relation avec soi, avec autrui et avec Dieu; pouvoir de communication et de communion; caractère universel de ce langage;

    Critères : garantir une expérience rituelle (religieuse) authentique et vivante; enclencher la joie, créer de la beauté; stimuler la participation active et consciente;

    Prérequis obligatoires pour inclure la danse dans le rite : contrecarrer la méfiance du corps; compréhension et acceptation de toutes les composantes de la nature humaine un tout; développement de formateurs qualifiés;

    Défis d'une telle intégration : ouverture d'esprit et changement de mentalité; compétence des formateurs et établissement d'un plan d'intervention réaliste.

  • Dîner

Communications orales

Sentiers socio-culturels (partie 1) : dialectiques du rite

  • La ritualité entre « spiritualité » et « religion » : des exemples brésiliens
    Rautmann Robert (Pontifícia Universidade Católica do Paraná)

    On parle d'une « révolution spirituelle » dans la postmodernité et d'un éloignement de l'institution religieuse. Les postmodernes sont « spirituels » mais ils ne sont point « religieux » : les croyances restent en vie, alors que les appartenances s'affaiblissent et meurent. Cependant, la complète dissolution du religieux institutionnel est loin d'être achevée. Ce que nous pouvons observer sont des processus de transformation et d'adaptation des institutions religieuses en réaction aux demandes spirituelles postmodernes. L'individualisation et la subjectivisation des croyances religieuses sont les deux traits principaux de la spiritualité postmoderne. Dans ce contexte, la capacité de l'individu de « bricoler » un système personnel de croyances et de pratiques s'impose et crée une nouvelle ritualité individuelle sur mesure. Ce qui vaut pour l'individu, s'applique aussi aux institutions. Celles-ci sont maintenant prêtes à offrir leurs rites traditionnels institutionnels selon les principes de la réinvention individuelle et privée de la spiritualité ainsi que de l'incorporation d'éléments issus d'autres traditions religieuses. Dans la postmodernité, on doit, alors, envisager la ritualité entre la « spiritualité » (instituante) et la « religion » (instituée). C'est ce que l'on illustrera dans notre communication, à partir de la réalité brésilienne telle qu'elle se présente dans les enquêtes menées par les instituts de recherche du gouvernement et d'autres instituts indépendants.

  • Des rituels et de la contrainte sociale
    Karima Chader (Université de Bejaïa)

    Comme toutes les sociétés caractérisées par la forte tradition, la société algérienne a quant à elle, son lot de traditions qui se manifeste bien par des pratiques rituelles. Au passage, notons que le rite est un agir qui recèle un pouvoir contraignant qui s'exerce sur les individus. Dans cette contribution, il est question pour nous, d'en faire ressortir la relation des individus d'avec les rites les assujettissant ainsi aux lois sociales, et aux contraintes qui en découlent. Et afin d'élucider notre propos, nous avons fixé notre choix sur les femmes ayant recours aux pratiques rituelles, ou les subissant même, lesquelles reflètent bien leur condition et/ou leur infinie quête d'un statut social valorisant leur permettant pour ainsi dire, de se frayer un chemin dans la société. Pour ce faire, nous avons retenu la cérémonie du mariage de par son importance et pour les femmes, et pour la société. Et si nous considérons le mariage de par sa finalité, disons qu'il tend dans la culture traditionnelle, à la fécondité. Cette fécondité que les femmes seules se doivent d'assumer, les obligeant à subir toutes sortes de contraintes qui en dérivent au travers de la panoplie des rites qui leur en sont imposés et tout le toutim. Ainsi, nous tenterons de mettre l'accent sur les rituels ayant trait au sujet et leur aspect contraignant, en usant de l'observation directe et des propos recueillis auprès des femmes interrogées.

  • Pause
  • Rites religieux ou rites sociaux? Notes de recherche sur l'imaginaire religieux des jeunes
    Jean-Philippe Perreault (Université Laval)

    L'étude des rites contemporains, notamment chez les jeunes, tend à distinguer les rites « religieux » des rites « sociaux » ou « séculiers ». Cette catégorisation semble le corollaire logique de la sécularisation qui force à penser le religieux comme une dimension particulière – voire isolée – de l'activité humaine. Tributaires de cette déliaison de la culture commune et de la religion, non seulement l'objet religieux et rituel est-il ainsi construit par les chercheurs, mais les jeunes eux-mêmes interprètent leur expérience à l'aune de cette polarisation entre ce qui relèverait de la « pure religion » et ce qui relèverait du social. Comment une telle perspective pourrait mener à d'autres constats que ceux de la fragmentation et de la dérégulation de la société et de la culture? Le sujet s'y trouve-t-il condamné à vivre écartelé entre l'une et l'autre dimension de son existence? L'idée même de société est-elle encore possible dans cette atomisation? Pourtant, les sociétés d'aujourd'hui comme celles d'hier dépendent d'un imaginaire collectif unificateur dont les rites font fonction de régulation. Ne sommes-nous pas conviés alors à penser le rite et le religieux au-delà de ces catégorisations? En prenant appui sur l'étude de l'imaginaire religieux de jeunes Québécois, la présente communication entend proposer quelques notes de recherche sur ces questions.

  • Un rite chrétien au service du « pèlerin » postmoderne?
    Gilles Marcouiller (Université Laval)

    Les grandes transformations des sociétés actuelles n'ont pas donné lieu à la déritualisation anticipée. Accompagnant la quête de sens du sujet postmoderne, les rites se reconstruisent plutôt au rythme des besoins. L'engouement pour les pèlerinages est de ceux-là. Il appert que si le choix de doter son monde de rites revient dorénavant à l'individu, les référents culturels religieux collectifs jouent encore un rôle important. Ces phénomènes de transformation et de création de rituels contemporains sont intéressants puisqu'ils révèlent l'aspiration à quelque chose de plus vaste que soi, au « sacré », au « divin ». Investi de l'image du pèlerin, figure typique du religieux en mouvement (Danièle Hervieu-Léger), l'individu est en mouvance. Que cherchent ces pèlerins? Quels sont les éléments importants qui composent ce rituel? En quoi ces éléments sont-ils en lien avec d'autres rituels? Dans une posture postmoderne, l'Église pourrait-elle mettre son savoir-faire rituel au service de ces nouveaux pèlerins? La richesse de son patrimoine religieux pourrait-elle servir à alimenter les besoins de ces pèlerins? Cette communication pose un regard sur les différentes composantes des pèlerinages qui en font un rituel de plus en plus populaire dans le but d'esquisser une proposition au service du pèlerin moderne, celle de construire des évènements liturgiques qui puissent le ressourcer dans sa quête de sacralisation.

  • De la fonction subjective du rite dans un monde sécularisé : des signifiants sans signifié?
    Géraldine Mossière (UdeM - Université de Montréal)

    Au Québec comme dans d'autres pays de tradition catholique, la pratique religieuse se limite bien souvent aux rituels des étapes du cycle de vie tandis que les églises ne semblent remplir leurs bancs que pour les évènements annuels marquants (Noël, Pâques). Si certains interprètent ces comportements comme des reliquats culturels des religiosités historiques, force est de constater que la puissance émotionnelle et le pouvoir rassembleur des rituels exercent leur propre force d'attraction. Ainsi en est-il de ces convertis qui évoquent l'appel ressenti lors de la liturgie catholique, l'impression que laisse le partage solidaire de l'aïd ou la fascination que produit la mémoire longue transmise lors de la pessah. Plus curieusement, les bricolages religieux contemporains suscitent des emprunts de formes rituelles religieuses à des fins esthétiques, curatives ou ludiques. Si les rituels perdurent, leur capacité symbolique pourrait s'étioler, au profit de l'expérience du corps et des sens, subsumée dans la communitas. Dans cette communication, nous présentons des données ethnographiques collectées sur plusieurs terrains menés au Québec auprès de groupes religieux et de Francoquébécois nés et socialisés catholiques. Celles-ci indiquent que dans un contexte de sécularisation, les rituels demeurent une ressource religieuse centrale, quoique ne desservant plus la cohésion du groupe comme le proposait Durkheim, sinon la constitution et la cohérence holistique du nouveau sujet croyant.

  • Discussion
  • Souper

Communications orales

Sentiers socio-culturels (partie 2) : passages rituels

  • Oro omo titun ou la « sortie du nouveau-né » : un rite de passage des Yorubas de Bantè
    Auguste Ifèdoun Agai (Université Laval)

    Oro omo titun ou la sortie du nouveau-né est une cérémonie que pratiquent les Yoruba en République du Bénin, Afrique de l'Ouest. C'est un rite identitaire par lequel le nouveau-né ou tout enfant est intégré dans sa famille clanique. Il est le centre de tout l'être de l'enfant. C'est l'acte de connaissance et de reconnaissance et d'accueil du nouveau-né par les membres de sa famille biologique. Le monde qui est rassemblé découvre le nouveau-né le jour de la cérémonie et prend acte de sa venue au monde tout en le reconnaissant comme un nouvel être. Par oro omo titun l'enfant est non seulement accueilli par ses parents, mais aussi la société l'accueille et le considère comme l'un des siens. Ce rite identitaire est considéré aussi comme un acte initiatique, un fait social, culturel et cultuel. Sa célébration appelle une alliance scellée et même établit une communion entre l'enfant et deux mondes : le premier, des vivants ; le second, des ancêtres. Il sera question dans l'exposé, de présenter dans un premier temps oro omo titun, en faisant ressortir ce qu'il révèle dans sa célébration. Ensuite, nous verrons en quoi sa pratique peut constituer ou non un problème pour la société de nos jours. Autrement dit, comment ce rite se célèbre-t-il et quelles implications a-t-il sur la vie des Yoruba ? Quelle est sa place dans la société ? Est-il célébré par tout le monde ?

  • Lorsque le rite rythme l'école
    David Harvengt (Université Laval)

    La compréhension du rite s'est transformée en même temps que l'objet lui-même. Les regards sur les rites se sont multipliés pour transcender la vision du rituel longtemps associé à la religion. Le rite s'est laïcisé. Son étude s'est ainsi propagée dans de nombreuses sphères de la vie sociale, tels que les interactions (Goffman) ou encore par de nombreuses relectures des rites de passage. Récemment, Gebauer et Wulf se sont intéressés aux rites scolaires. Si la ritualité scolaire avait déjà fait l'objet de quelques analyses, surtout par le biais des bizutages (initiations universitaires) ou des rites d'institutions (Bourdieu). Les deux auteurs allemands ont proposé une lecture beaucoup plus globale, voire ethnographique, du rite scolaire. C'est dans cette perspective que nous nous inscrivons. Nous proposons dans cette communication de jeter un regard sur quelques rites scolaires au Québec, principalement au primaire. Nous nous interrogeons à la fois sur les passages et les régulations entre les différents lieux et temps de l'école, depuis l'arrivée de l'élève jusqu'à la fin de la journée. Élèves et enseignants usent alors de petits rituels pour scander les temps et marquer les espaces scolaires. Quels sont ces différents rituels? Quels sont leurs fonctions? Comment sont-ils intégrés par les acteurs dans la vie scolaire? Voici quelques questions qui sont au cœur de notre présentation.

  • Pause
  • Le viol en Haiti : vers une analyse psycho-socio-anthropologique d'un rite de passage paradoxal
    Obrillant Damus (UniQ - Université Quisqueya)

    Le viol est un évènement qui induit une crise existentielle en exerçant un impact sur le vivre pour soi, le vivre ensemble et le vivre relié. Même après plusieurs décennies, la plupart des femmes violées conservent un souvenir traumatique de l'événement. Les conséquences du viol sur l'altération de l'identité féminine sont indiscutables. Plusieurs femmes victimes de viol se tournent vers des associations religieuses et laïques afin de s'inscrire dans un processus de pacification de soi ou de re-création de soi. L'appropriation d'une nouvelle identité est un processus de reconstruction de soi et de renaissance de soi. Que ce soit au sein de sa propre culture ou dans une culture d'accueil (étrangère), une personne fait sans cesse face à un double processus : mourir à soi pour renaître dans une nouvelle identité. Il s'agit bien d'un processus initiatique de mort/renaissance tel qu'élaboré notamment par Eliade et Van Gennep avec le concept de rite de passage. Le processus de mort/renaissance commence dès sa naissance et se poursuit jusqu'à la mort. Or, lors d'un événement traumatique comme le viol, ce processus peut prendre une envergure spéciale qui mérite d'être analysée sur le plan psycho-socio-anthropologique. Le viol est-il un rite de passage paradoxal ? Quels sont les processus de (re)construction de soi et de renarcissisation qui permettent à une femme de reprendre sa vie à la suite d'un viol ?

  • Le perspectivisme dans l'étude des rites
    Denis Jeffrey (Université Laval)

    Le perspectivisme est une posture épistémologique qui considère que les différents points de vue, des cadres théoriques, des approches méthodologiques et des analyses d'une même réalité humaine ou sociale sont en concurrence. Cela signifie qu'aucune étude critique sur un objet de recherche n'est d'emblée disqualifiée. Le perspectivisme va plutôt s'intéresser à étudier leurs divergences, leurs convergences et à rendre compte de l'apport de ce travail pour aiguiser notre compréhension du phénomène humain et social sous la loupe. Dans le cadre de l'analyse des ritualisations contemporaines, le perspectivisme nous amène à considérer une diversité d'approches et de théories sur le même objet d'étude. Nous allons donner ici l'exemple d'une posture perspectiviste en prenant comme objet les rites de passage à la vie adulte. Nous allons présenter les convergences et les divergences dans les différentes productions scientifiques qui proviennent d'une grande variété de disciplines. Notamment, nous allons nous intéresser aux relations entre les rites et les identités (sociales et personnelles).

  • Dîner

Communications orales

Sentiers esthétiques (partie 2) : rite, texte et action

  • Y a-t-il du rite dans le théâtre?
    Rojas Amador Paula (Universidad Nacional de Costa Rica)

    Cette communication veut mettre en évidence le rapport entre le théâtre et le rite, jusqu'à la « performance art ». Dans un premier moment, on fera un parcours par le théâtre de la cruauté d'Antonin Artaud, une approche qui ouvre vers une plus grande proximité entre le spectateur et le spectacle autour du sens du rite et du sacré. On suivra avec un regard sur Jerzy Grotowsky, auteur qui a proposé la notion de « voie négative », basé sur l'exploration des limites du corps. Dans un second moment, on se concentrera sur le concept de « performance art » et on verra, notamment, le travail de trois artistes qui ont manifesté la conviction de l'intimité de leurs créations avec le rite : l'artiste autrichien Hermann Nitsch, l'artiste mexicain Guillermo Gómez-Peña et, finalement, l'artiste française Orlan avec la troupe la Pocha Nostra. Pour conclure, on discutera de la présence du rite dans ces manifestations artistiques et théâtrales.

  • Le secret du déterminisme esthétique : le rite et l'« écologie de l'esprit » de Gregory Bateson
    Ângelo Cardita (Université Laval)

    Gregory Bateson est l'un des plus féconds intellectuels du XXème siècle, avec un parcours caractérisé autant par l'audace que par la curiosité. Il s'intéresse très tôt à l'anthropologie et notamment à l'anthropologie rituelle, ouvrant des nouveaux sentiers dans le domaine des études rituelles. Il considère sa marche intellectuelle comme des pas conduisant vers une « écologie de l'esprit » à partir de l'enquête de la « forme » (en détriment de la « substance »), rétrocédant jusqu'à l'unité de la religion, la science et la pensée philosophique. Selon lui, tant que l'on n'aura de réponse à des questions comme : « pourquoi un sacrement? », « pourquoi une poupée? », « pourquoi l'art? », on restera prisonnier d'une vision déformée du monde. Le paradoxe est que la réponse à ces interrogations est un « secret » dont la connaissance selon les moyens ordinaires ne donne aucune maîtrise ni sur les phénomènes esthétiques et rituels ni sur leur raison d'être. L'enquête du « déterminisme esthétique » est donc une recherche sur la « meta-logique » de l'ordre du monde inscrite dans le comportement et notamment dans le comportement rituel. Dans cette communication, nous entrerons en dialogue avec Gregory Bateson, dans le but de sonder les possibilités – pratiques et cognitives – du sentier qui amène à la manifestation de l'esprit (mind) du monde.

  • Pause
  • En quoi la littérature est-elle rituelle? Regard sur la pérennité littéraire au sein des mutations médiatiques
    Myriam Watthee-Delmotte (UCL - Université catholique de Louvain)

    Cette communication propose de faire le point sur l'avancement des travaux de théorie littéraire sur la littérature envisagée en tant que rite. Les questions soulevées seront les suivantes :

    historiquement, l'origine de la littérature est cultuelle, donc rituelle : la littérature profane est née d'un mouvement d'émancipation à l'égard de son ancrage initial dans le religieux (Guiderdoni). Reste-t-il quelque chose aujourd'hui de cet ancrage initial dans la liturgie ? Cette question est d'autant plus intéressante à poser en contexte francophone, celle des « bâtards de Voltaire » (Saul).

    En quoi peut-on considérer la littérature contemporaine comme un « rite profane » (Rivière) ?

    S'il est assez aisé de voir en quoi le théâtre, le conte et, de manière générale les genres oraux sont ritualisés (Turner), en quoi la littérature née d'une écriture individuelle (Abastado) ou du travail collectif d'une équipe technique (Rodowic) et destinée à être expérimentée dans l'isolement d'un livre ou face à l'écran d'ordinateur reste-t-elle ritualisée ?

    L'intérêt actuel pour les formes de créativité mixtes (installations, poésie sonore, performances, littérature hypermédiatique, etc.) tend-il à accentuer les potentialités rituelles de la littérature ?

  • Un rituel au cœur d'une narration littéraire
    Luciene Guimarâes De Oliveira (Federal University of São Carlos)

    Dans le livre A hora da estrela (L'heure de l'étoile), Clarice Lispector narre le parcours d'une jeune fille arrivée à Rio de Janeiro, la ville de ses rêves, en fuite de la pauvreté du nord-est brésilien. Face à l'incertitude de son destin dans une grande ville marquée par la disparité sociale, Macabéa finit par rencontrer Madama Carlota, une diseuse de bonne aventure qui va lui prédire un avenir favorable. Malgré la vie de bonheur annoncée par le rituel du jeu de cartes divinatoires, Macabéa rencontre une fin tragique quelques minutes après avoir quitté la clairvoyante. Les jeux trouvent leur origine dans les anciennes cérémonies sacrées, d'où se dégagent aussi les pratiques divinatoires. À cet égard, les sphères du jeu, de la magie et du sacré sont étroitement liées. Dans cette communication, je montrerai comment la subversion du sacré se donne au cœur du rituel du jeu et de la divination, en essayant de parcourir le sentier émergent qui relie les études littéraires aux études rituelles.

  • Sortir des sentiers battus : le pèlerinage annuel des Gitans des Saintes-Maries-de-la-Mer
    Denise Lamontagne (Université de Moncton)

    Le pèlerinage annuel des Gitans désormais reconnus sous le vocable de « gens du voyage » donne lieu à une mise en scène inédite tant par le choix de la sainte tutélaire du pèlerinage que par les pratiques rituelles qui entourent la vénération de cette Sainte Sara, dite « Sara la noire » ou « Sara la Kali ». Les rituels entourant « Sara la noire » ont fait l'objet de nombreuses censures doctrinales de la part des clercs responsables de l'encadrement clérical dont nous avons analysé la correspondance au sein des archives diocésaines d'Aix en Provence. Ces recherches de nature historique au sein des archives religieuses nous ont conviés à un travail exploratoire sur le terrain de l'ethnologue qui, bien souvent, oblige l'historien à se réconcilier avec ses découvertes. C'est donc à partir de ce travail, hors des sentiers battus, que je présenterai le résultat de mes recherches sur les rituels qui se donnent à voir au cœur de ce lieu de pèlerinage religieux qui se transforme sous le regard de Sara la noire en un lieu festif où la présence des musiciens et danseurs font de cette fête magico-religieuse un lieu d'affirmation identitaire des gens du voyage.

  • Discussion
  • Mot de clôture