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Informations générales

Événement : 83e Congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines

Description :

L’expérience trouve son origine dans la connaissance sensible. Elle est particulière à chacun, et pourtant elle conduit à la connaissance scientifique universelle. Sans le secours du langage, elle reste inaccessible, mais le langage lui-même semble provenir d’elle. Données à jamais privées ou clef de voute de toute connaissance possible, la question de l’expérience est au centre d’une multitude de théories philosophiques fondamentales.

Toute personne ayant acquis un niveau d’expérience pertinente reconnu est considérée comme un expert, mais à quoi tient l’expertise? Qui sont les experts et qu’implique la détermination de leur statut épistémologique? Selon quel critère la communauté fait-elle d’un individu un expert? Quels droits et privilèges exerce-t-il dans une société démocratique? La question de l’expertise, bien qu’au centre du domaine de l’épistémologie, peut être abordée tant par le féminisme, par la philosophie des sciences, que par la philosophie politique.

Quant à l’expérimentation, elle désigne une expérience d’un type particulier : une expérience que l’on contrôle et réalise afin de « régler » certaines questions. L’expérimentation est une méthode puissante pour guider la connaissance et l’action. Toutefois, le lien qu’elle entretient avec la théorie dont elle découle est complexe. Les inférences sous-jacentes sont-elles toujours légitimes et suffisantes? De plus, les conditions des expérimentations soulèvent de graves questions éthiques. Qu’elles impliquent des sujets humains ou animaux, les expérimentations pharmaceutiques, par exemple, réduisent ces êtres à des outils scientifiques et peuvent dépasser une barrière éthique sous le couvert d’objectifs médicaux touchant une plus grande masse.

Le thème que représente la combinaison des concepts d’expérience, d’expertise et d’expérimentation que propose la Société de philosophie du Québec pour son congrès 2015 peut être déployé de manière multiple et propre à interpeller tous les champs de la philosophie.

Dates :
Responsables :

Programme

Communications orales

Collaboration, coopération et compétition : entre expérience et formalisme 

  • L'embryologie d'Aristote à l'âge classique
    Léa Derome (Université McGill)

    Le De Generatione Animalium d'Aristote est réputé pour la précision de ses observations empiriques. La plus célèbre d'entre elles concerne l'embryogenèse d'un œuf de poule (III, 2, 753b17). Dans cette présentation, je souhaite mettre en lumière, d'une part les principales conclusions théoriquesqu'Aristote tire de l'observation des embryons (ordre de formation des organes, différenciation sexuelle, cardiocentrisme, etc.), d'autre part la critique de ces conclusions par deux scientifiques de l'âge classique: l'opposant P. Gassendi (Physicæ, 1658) et le sympathisant W. Harvey (Exercitationes de generatione animalium, 1737). Mon propos sera moins d'insister sur les continuités d'une tradition que sur les moments de rupture qui ont ponctué l'histoire de la biologie développementale prédarwinienne.

  • Les fonctions et la santé écosystémique : une conception inspirée de Boorse
    Antoine C. Dussault (UdeM - Université de Montréal)

    Ma présentation vise à montrer que les limites des analyses de la notion de fonction écologique faisant usage des théories du rôle causal (Cummins 1975) et organisationnelle (Mossio, Saborido, et Moreno 2009) de la fonction, plaident en faveur d'une conception des fonctions écologiques et de la santé écosystémique inspirées du travail de Boorse (2002; 1997). Concernant la notion de fonction écologique, je soutiendrai que la conception du rôle causal (Odenbaugh 2010) est trop inclusive, alors qu'à l'inverse la conception organisationnelle (Nunes-Neto, Moreno, et El-Hani 2014) est trop exclusive et trop ancrée dans le paradigme de l'écologie des équilibres. Je proposerai que la conception boorsienne axée sur la contribution des parties à la survie d'un système, réinterprétée comme une contribution des parties des écosystèmes à leur persistance, est plus adéquate (Dussault et Bouchard en prép.; Bouchard 2013). Concernant la notion de santé écosystémique, je soutiendrai que la conception organisationnelle est trop inclusive entre autre parce qu'elle ne traite pas adéquatement l'enjeu des états stables alternatifs (Beisner, Haydon, et Cuddington 2003). Je proposerai que la conception boorsienne est plus appropriée si on y remplace la notion statistique de normalité par une normativité «token-kind» (Dussault et Gagné-Julien 2015).

  • Coopération intraspécifique dans l'œuvre de Darwin : sélection individuelle ou sélection de groupe?
    Anne-Marie Gagné-Julien (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    S'il est vrai que la compétition joue un rôle prédominant dans la conception darwinienne des interactions entre organismes, il n'en demeure pas moins que Darwin (1859) reconnaît l'existence de phénomènes de coopération intraspécifique. Cependant, Darwin pose également la compétition comme plus sévère entre les membres d'une même espèce ou d'espèces semblables, étant donné qu'ils dépendent des mêmes ressources pour survivre. L'ombre d'un paradoxe semble déjà se dessiner dans la mesure où la sévérité de la compétition au sein d'une même espèce paraît contredire le fait selon lequel certaines espèces vivent en association et coopèrent. Bien que Darwin n'ait jamais théorisé explicitement cette tension entre coopération et compétition intraspécifique, il en discute tout de même certains aspects qui lui semblent problématiques. Nombre de commentateurs ont interprété les passages où Darwintraite cette tension comme une manifestation de la présence d'un concept embryonnaire de sélection de groupe. En effet, selon cette interprétation, Darwin admettrait que certains traits et instincts coopératifs ne peuvent être expliqués dans un cadre purement individualiste, et ferait appel à une sélection agissant sur les groupes. Nous proposons donc d'examiner cette thèse selon laquelle Darwin abandonnerait l'individu comme point focal de la sélection naturelle pour privilégier le groupe dans le but de résoudre cette tension entre compétition et coopération.

  • Les pièces manquantes du modèle formel : Chomsky et l'évolution du langage
    Eric Muszynski (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Noam Chomsky a longtemps défendu l'idée selon laquelle le langage doit être étudié comme une faculté biologique propre à l'humain, et comme un mécanisme formel syntactique. S'appuyant sur le cadre théorique du Programme Minimaliste et des découvertes en biolinguistique, Chomsky (2010) et Berwick et Chomsky (2011) proposent un scénario évolutif saltationiste et non-adaptationniste pour l'évolution de la faculté du langage. Dans cette présentation, j'explique comment ces auteurs sont arrivés à de telles conclusions, et en quoi les arguments peuvent être problématiques. Je démontre que le problème le plus important dans leur approche est d'avoir négligé d'intégrer l'évolution des unités lexicales et des traits lexicaux dans leur scénario saltationniste, des éléments pourtant essentiels à l'explication formelle du langage dans leur propre théorie linguistique. Je conclus en proposant des pistes de solution pour une évolution gradualiste dans le cadre du Programme Minimaliste.

  • L'approche organisationnelle des fonctions écologiques peut-elle prendre en compte la résilience des écosystèmes?
    Sophia Rousseau-Mermans (UdeM - Université de Montréal)

    En philosophie de l'environnement, les éthiques écocentrées (Callicott 1985, 1995; Rolston 1988), dépendent fondamentalement du concept de fonction écologique pour établir des critères de respect des écosystèmes. Autrement dit, les intérêtsécologiques des écosystèmes doivent pouvoir s'énoncer en termes fonctionnels afin de revêtir une dimension morale pratique. Cherchant à définir l'idée de fonction écologique, l'approche organisationnelle des fonctions écologiques (Nunes-Neto, Moreno, El-Hani 2014) est une réponse aux limites des approches étiologique (Wright 1973; Neander 1991) et systémique (Cummins 1975) en ce domaine. Néanmoins, une approche organisationnelle des fonctions écologiques semble incapable d'intégrer la propriété de résilience (sensu Holling1973,1996) des écosystèmes. Or, l'importance d'une telle intégration est loin d'être négligeable en écologie des écosystèmes, si l'on considère que la résilience réfère à la capacité d'un écosystème à faire face à des perturbations extérieures (Holling1973,1996). Partant de ces différents constats, il sera démontré qu'une définition adéquate des fonctions écologique doit reconnaitre la redondance des fonctions écologiques, et appelle donc à une modification de l'approche organisationnelle des fonctions écologiques en vue d'offrir un cadre de réflexion théorique pertinent quant aux défis environnementaux présents et futurs.


Communications orales

Expérimentations formelles et nouveautés conceptuelles 

  • Éléments d'un dialogue et éléments d'une tragédie : essai de mise en correspondance
    Natalia Kramar (UdeM - Université de Montréal)

    L'auteur anonyme des Prolégomènes à la philosophie de Platon (16, p. 24) énumère dans son texte six éléments dont se composent les dialogues de Platon : ce nombre correspond exactement à celui des éléments constitutifs de l'univers : matière, forme, nature, âme, intellect et divinité. Dans son commentaire Sur le Premier Alcibiade de Platon (10.4-8), Proclus mentionne les mêmes composantes, à une différence près et dans l'ordre inversé : « il doit y avoir [dans les dialogues] quelque chose d'analogue au Bien, quelque chose d'analogue à l'intellect, à l'âme, à la forme, et même à la nature qui sert de substrat. » Enfin, Aristote dit, dans la Poétique (ch. 6), que toute tragédie contient, elle aussi, six parties : histoire, caractères, expression, pensée, spectacle et chant. Est-ce une coïncidence que le dialogue comme la tragédie comportent six éléments ? Les éléments de la tragédie correspondent-ils, comme c'est le cas pour le dialogue, aux six éléments de l'univers? Est-il possible d'établir les correspondances entre les éléments d'un dialogue et les parties d'une tragédie ? Toutes ces questions peuvent être ramenées à une seule : est-il possible d'appliquer l'analyse de la tragédie par Aristote aux dialogues de Platon ? Plus généralement encore, nous visons à examiner la possibilité d'expliciter la notion générale de forme du dialogue par le moyen de l'analyse aristotélicienne de la tragédie.

  • Mythos et logos chez Diderot : vers une lecture compréhensive de Jacques le fataliste et son maître
    Jean-Christophe ANDERSON (Université Laval)

    Véritables « monstres littéraires », les écrits de Diderot conservent encore aujourd'hui une part d'ombre pour qui tente d'en extraire des leçons claires. Le cas de Jacques le Fataliste et son maître est un observatoire privilégié de ce brouillard : confrontés au texte d'un fier philosophe qui semblait se plaire à l'expérimentation d'une multiplicité de procédés littéraires (Versini : 1994), certains commentateurs privilégient à tort une approche univoque du roman - en disloquant son univers romanesque ou à l'inverse en enquêtant seulement sur son projet philosophique - sans parvenir à résoudre son énigme.

    Notre projet est précisément de remettre en question l'efficacité d'un tel procédé herméneutique. Nous affirmons en effet que les deux pôles que sont le μῦθος et le λόγος, doivent chez cet auteur être compris dans un rapport de réciprocité, et que la force de Jacques le Fataliste tient au fait que l'aspect romanesque et le contenu philosophique de l'œuvre se répondent dans une dialectique permettant de maximiser leurs possibles respectifs. Afin de démontrer la valeur d'une telle approche, nous ferons voir que la malléabilité de la fiction et l'ironie permettent à Diderot d'offrir à son scepticisme actif un langage idoine ainsi qu'un espace de réflexion pour investir les apories de la liberté humaine. Finalement, nous suggèrerons que la figuration littéraire du philosophe (Hartmann : 2003) constitue pour Diderot l'ultime moyen d'intriquer fiction et discours rationnel.

  • Signification philosophique de la forme dialoguée chez Platon : le cas de l'ironie à la lumière des intuitions farabiennes et nietzschéennes
    Antoine Pageau St-Hilaire (Université d’Ottawa)

    Nous proposons par cette présentation d'éclairer la dimension ironique du dialogue platonicien en montrant comment se répondent l'une et l'autre les intuitions de deux philosophes historiquement fort éloignés. Nietzsche disait que les « Grecs étaient superficiels – par profondeur », autrement dit qu'à la surface même de leurs réflexions gisaient une pénétration intellectuelle singulière des choses. Plusieurs siècles plus tôt, le philosophe Al-Fârâbî nous introduisait aux Lois de Platon par histoire d'un ascète qui réussit à échapper à la persécution en dévoilant son identité d'une manière si explicite et « naïve » que personne ne le crût. Il conclut ce préambule par une mise en garde selon laquelle « il a pu se faire qu'il [Platon] se résolve à parler de ce dont il veut parler en l'explicitant de manière manifeste. » Suivant ces deux voies, nous essaierons de montrer que la stratégie littéraire que constitue l'ironie est un procédé permettant de signifier une vérité à la surface des dialogues. Plus précisément, nous chercherons à faire voir que l'ironie socratico-platonicienne est la forme par laquelle le dialogue révèle à sa surface même le conflit entre les philosophes est les non-philosophes qui culmine dans le conflit entre le philosophe et la cité. Nous dégagerons d'abord les présupposés anthropologiques de l'ironie et essaierons de montrer comment ceux-ci se transposent en dernière instance dans la tension entre la philosophie et la communauté politique.

  • La répétition répétitive ou comment reprendre la reprise dans La reprise de Søren Kierkegaard
    Valérie Roberge (Université Laval)

    Le jeu qu'il y a entre la forme et le fond semble une idée de fond de l'œuvre entière de Søren Kierkegaard, il suffit de penser à la présence de ses nombreux pseudonymes et à l'importance qu'une grande majorité de ceux-ci accordent à l'atmosphère. Celle-ci peut se comprendre comme tout ce qui entoure le récit, le lieu, le contexte, les émotions des personnages et celles du lecteur. Ainsi l'expérimentation formelle de l'œuvre va de pair, souvent directement, avec la recherche conceptuelle de celle-ci.

    C'est cet amalgame que nous nous proposons de visiter dans cette courte présentation en prenant appui sur le texte même de La reprise et de son contenu conceptuel : la reprise ou la répétition. Puisque le livre lui-même à sa lecture nous invite à le recommencer, à le relire tout en développant le concept de farce en nous montrant ce qu'est une farce. Il est intéressant de s'y attarder plus amplement en découvrant au fur et à mesure qu'elles sont les moyens employés par Kierkegaard grâce à son pseudonyme Constantin Constantius pour parvenir à cette possibilité de la reprise, tant physique que conceptuelle.

    En dernier lieu, nous proposons d'examiner la notion conceptuelle de « reprise » et ce qu'elle apporte de nouveau voire de différent dans le cadre d'une pensée existentielle qui sortirait de par son point de vue de la simple théorie.

  • Maurice Merleau-Ponty et la poésie de Philippe Jaccottet
    Jeanne-Astrid Lépine (Université Laval)

    Maurice Merleau-Ponty cherche, dans les travaux entourant Le visible et l'invisible, à poser les termes d'une ontologie sensible qu'il voit déjà à l'œuvre dans la culture. Dans L'œil et l'esprit, il s'attarde ainsi aux recherches picturales modernes, y reconnaît son souci de « prendre à la lettre ce que nous enseigne la vision (…), que des êtres "extérieurs", étrangers l'un à l'autre, sont pourtant absolument ensemble » et y voit consigné son propre « sentiment d'une discordance profonde » (Maurice MERLEAU-PONTY, L'œil et l'esprit) entre une ontologie dualiste toute positive et le nœud sensible de l'expérience.

    Pour une démarche analogue en littérature, « Peut-être faut-il, non pas ramener [la] vision à [la] lecture de signes par [la] pensée, mais inversement retrouver dans la parole une transcendance de même type que dans [la] vision. » (Maurice MERLEAU-PONTY, Notes de cours 1959-1961) Il semble que la poésie de Philippe Jaccottet s'engage dans cette voie et témoigne de la dimension prospective d'une écriture enracinée dans l'expérience. Ici, l'exigence du mot juste réfrène la parole, le dire se cherche en-deçà du paraître, au plus près de l'apparaître.

    L'ontologie sensible ébauchée par Merleau-Ponty est-elle attestée dans la poésie de Jaccottet ? Est-elle reconduite dans la réflexion sur l'écriture qui double le travail poétique ? Quels éléments peut-on dégager de l'ontologie sous-jacente à l'œuvre de Jaccottet ?


Communications orales

Regards croisés : philosophes et sciences sociales devant les pratiques (partie 1)

  • Les sources de l'empirisme à l'époque classique (5e siècle av. J.-C.)
    Benoît Castelnérac (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Au Ve siècle av. J.-C., plusieurs traditions de pensée s'étaient déjà constituées en branches particulières de la connaissance, comme nous pourrons le rappeler. En médecine, un débat a opposé les partisans de la médecine théorique aux partisans de la connaissance médicale par accumulation d'observations, donc basées sur une pratique. Pour Thucydide, une connaissance plus précise des événements de l'histoire est possible, et elle est préférable à celle des logographes contemporains ou de Hérodote. Chez Aristote, la connaissance de la rhétorique, de la politique ou de la biologie sont autant d'exemples de connaissances empiriques indépendantes du champ de la philosophie proprement dite. Nous verrons comment ces éléments de réflexion, tirés à chaque fois de l'expérience et donc des relations pratiques avec les choses, ont joué un rôle important dans le développement du discours philosophique à l'époque classique (Ve et IVe s.).

  • Pratiques scientifiques et outils du philosophe : le cas de l'entretien avec les scientifiques
    François Claveau (UdeS - Université de Sherbrooke)

    La réflexion philosophique sur les sciences, bien que foncièrement prescriptive, présuppose une connaissance relativement fine des pratiques scientifiques. Les philosophes des sciences le reconnaissent certainement aujourd'hui, et ils le reconnaissaient naguère. L'histoire de la philosophie des sciences fourmillent de cas où une position philosophique est critiquée sous prétexte qu'elle ne colle pas à des pratiques exemplaires en sciences.

    Ces considérations ont depuis longtemps mené la philosophie et l'histoire des sciences à interagir de façon soutenue. C'est l'analyse de divers types de textes qui fournit le matériel principal de cette interaction. Cette communication s'intéresse à une autre méthode : l'entretien direct avec les chercheurs. J'offre des réponses à deux questions par l'entremise d'une réflexion sur ma propre démarche en épistémologie pratique. Qu'est-ce que les philosophes peuvent gagner à utiliser, si disponible, le matériel issu d'entretiens? Quels sont les avantages et les risques potentiels à ce que les philosophes accomplissent eux-mêmes les entretiens au lieu de s'en remettre, dans un esprit de division du travail, à d'autres chercheurs en sciences sociales?

  • Le dialogue éthique vu d'un angle sociopolitique
    Nicolas Bernier (UdeS - Université de Sherbrooke)

    On retrouve très peu de conceptions modernes en éthique portant un intérêt significatif à la question du pouvoir et de sa dimension relationnelle (Marchildon, 2013). Certaines conceptions se contentent notamment de présenter des outils et procédures délibératives, tels que le dialogue et des guides de prise de décision, en explicitant très peu la dimension du pouvoir. (Legault, 1999; Patenaude, 2000). Mais d'un autre côté, plusieurs experts du pouvoir en organisation estiment que l'on ne peut échapper au pouvoir : il est polymorphe et omniprésent (Clegg, Courpasson et Philipps, 2006). Dans cette foulée, l'éthique ne pourrait se permettre de faire l'économie du caractère hiérarchique des organisations et de la société sans compter les nombreuses formes possibles de relations de pouvoir entre les individus (Bélanger et Mercier, 2006). Notre objectif est de souligner l'importance de la prise en compte de la question du pouvoir dans des les pratiques délibératives modernes en éthique. Nous nous pencherons sur deux principales théories « sociopolitiques » en sociologie des organisations, soit la sociologie des logiques d'action de Philippe Bernoux et la sociologie des sciences et des techniques de Michel Callon et Bruno Latour. Cela nous permettra de faire ressortir certains phénomènes et dynamiques relationnelles propres aux organisations modernes ainsi que leurs répercussions respectives pour la conceptualisation de pratiques dialogiques dans une perspective éthique.

  • À l'écoute des environnements : réflexion sur une expérience de philosophie pratique en milieu agricole
    Anthony Voisard (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Cette contribution propose de réfléchir sur la notion de « vulnérabilité » climatique à partir d'une expérience réalisée avec différents groupes d'acteurs provenant du milieu agricole et de son monde municipal (citoyens, chercheurs, agriculteurs et décideurs). Précisément, il est question ici de cerner les points de vue de ces quatre groupes d'acteurs en prenant la municipalité de Victoriaville et sa région comme terrain propice au développement d'un chantier de philosophie pratique. En partant de ces éléments de discussion, il s'agit de développer le propos, en s'intéressant aux enjeux éthiques et normatifs en émergence, afin d'orienter la réflexion vers un agir mieux éclairé en matière de vulnérabilités et de changements climatiques (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, 2014). Pour ce faire, le pragmatisme environnemental (Light et Katz, 1996; Norton, 2005; Minteer, 2012) comme posture philosophique a été retenu afin de développer un cadre interactionniste et pluraliste, cherchant ainsi à favoriser un dialogue multi-acteurs, tourné vers la résolution des problèmes environnementaux concrets et l'élaboration de consensus et de politiques environnementales pour répondre aux besoins actuels et à venir pour le secteur agricole québécois (Ouranos, 2014).

  • Le cadre du praticien réflexif comme éclairage sur la notion de pratique
    France Jutras (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Les travaux de Donald Schön, dont particulièrement un livre publié d'abord en anglais en 1983, puis traduit en français en 1994, Le praticien réflexif, ont eu des répercussions majeures sur la manière de considérer la formation des professionnels, et notamment celle des enseignants à tous les ordres d'enseignement. C'est que son argument principal a transformé la conception qu'on a de la pratique : la pratique n'est pas le fruit de l'application de connaissances ou de théories sur la réalité du terrain, la pratique constitue plutôt un agir qui repose sur un savoir professionnel qui se construit sur les bases de l'analyse de l'action elle-même. C'est d'ailleurs ce qu'évoque le sous-titre de l'ouvrage de Schön : à la recherche du savoir caché dans l'agir professionnel. Tout le défi bien sûr, pour la formation comme pour la pratique professionnelle et le professionnel lui-même, est d'exprimer ce savoir professionnel et de le mobiliser dans l'agir. Pour ce faire, Schön répond que la démarche réflexive est essentielle car elle permet d'examiner ce que la pratique apprend au professionnel, d'en saisir le sens et ainsi d'apporter des ajustements continus à ses interventions. Ce qu'on retient de Schön, c'est toute l'importance du savoir professionnel qui se construit grâce à la réflexion dans et sur l'action. Nous mettrons en relief cette conceptualisation de la pratique et du développement du savoir sur la pratique et l'illustrerons avec des exemples du monde de l'enseignement.


Panel / Atelier

Plénière du Comité Équité (SPQ) – La place des femmes en philosophie : passons à l'action !

Participant·e·s : Guillaume Beaulac (Yale University), Christine Daigle (Brock University), Zoli Filotas, Marie-Eve JALBERT (UdeM - Université de Montréal), Roxane Noël (University of Alberta)

Communications orales

Différents espaces politiques devant le fait religieux : les démocrates inquiets (partie 1)

  • La « liberté de religion » : une nouvelle articulation conservatrice de l'idéal des droits et libertés?
    Danic Parenteau (Collège militaire royal de Saint-Jean)

    En février 2013, le gouvernement fédéral mettait sur pied un Bureau de la liberté de religion, dont le mandat est « d'intervenir pour protéger la liberté de religion et en faire la promotion partout dans le monde. » Ce Bureau se veut un instrument de la diplomatie canadienne pour la diffusion des valeurs de ce pays à l'étranger.

    La tradition canadienne en matière de relations entre le politique et le religieux a jusqu'ici toujours reposé sur le principe du « sécularisme libéral », lequel appelle à la « neutralité » de l'État en matière de religion. Le politique ne doit pas intervenir en matière religieuse et doit accorder à toutes les institutions religieuses un traitement égal. En quoi la création de ce Bureau marque-t-il une rupture avec cette pratique ? Au contraire, cette création constitue-t-il une manière de moderniser ce principe ? En quoi l'articulation de ce « droit à la religion » est-il l'expression d'une « valeur canadienne » ? Assistons-nous avec la reconnaissance de ce « droit », à une nouvelle articulation de l'idéal des droits et libertés inscrits dans la Charte canadienne des droits et libertés ?

  • Les tensions entre religion et démocratie : le cas états-unien
    France Giroux (Cégep Montmorency)

    À la différence de plusieurs nations démocratiques de l'Ancien Monde, le contexte de la naissance de la nation aux États-Unis permet de comprendre que la religion est nécessaire pour ce peuple du Nouveau Monde au point que l'athéisme n'y est pas entièrement acclimaté; il fallait, avant tout, empêcher que la politique empiète sur la liberté de culte --avec une pensée particulière pour les croyants persécutés en Europe, lesquels ont immigré à cause de cela. C'est l'œuvre du sécularisme libéral, d'origine lockéenne.

    Dans la réalité des États-Unis contemporains, ne faut-il pas poser, de nouveau, la question dela sécularisation. Carla religion tend à occuper une place déterminante dans la sphère publique. De là, ce qui semble anti-moderne : des tentatives de groupes religieux états-uniens pour obtenir que la loi religieuse gouverne --quand il s'agit des institutions, de la moralité publique ou du système d'éducation, voire de la lutte contre le terrorisme. Du point de vue intellectuel, en revanche, il conviendra de schématiser les processus discursifs que l'on devrait utiliser dans un contexte pluraliste. Entretemps, les libertés démocratiques risquent d'être ébréchées et les divisions religieuses et politiques, renforcées.

    Du point de vue intellectuel, en revanche, il conviendra de schématiser les processus politiques et discursifs équitables pour tous dans ce contexte où existe une pluralité de valeurs et de pratiques religieuses.

  • Le messianisme israélien, un obstacle à tout processus de paix
    Jean-Claude Simard (UQAR - Université du Québec à Rimouski)

    Dès sa création, un vif débat s'élève sur la nature du futur État d'Israël : doit-il être d'abord laïque ou inclure plutôt une composante religieuse? Les fondateurs retiennent finalement la première option. Mais, dès la guerre des Six Jours, en 1967, le messianisme juif devient un élément incontournable de la politique intérieure du pays. Aujourd'hui, favorisé par le scrutin proportionnel intégral du régime politique israélien, c'est l'un des aiguillons les plus puissants de la colonisation et, à ce titre, un frein majeur pour tout processus de paix. On examinera ici la naissance de ce messianisme, ses composantes et son emprise croissante sur la politique israélienne.


Communications orales

L'expérience de la démocratie : entre expertise et expérimentation (partie 1)

  • La délibération, une condition nécessaire à la sagesse collective?
    Marc-Kevin Daoust (UdeM - Université de Montréal)

    Les arguments épistémiques en faveur de la délibération politique sont courants. L'argument instrumental soutient que le potentiel épistémique de la démocratie confère une valeur supérieure à ce régime. Il existe toutefois des modèles aux qualités épistémiques manifestes desquels sont exclus la délibération. Plutôt que de délibérer, on procède à l'agrégation des préférences, via des algorithmes « intelligents ». Il suffit qu'un groupe présente une diversité suffisante pour qu'une agrégation des préférences ou des connaissances soit concluante. On peut alors se poser la question suivante : si notre but est vraiment d'augmenter le potentiel épistémique de notre régime politique, pourrions-nous abandonner la délibération au profit d'un modèle agrégatif? Après un rappel de « l'argument instrumental » de Landemore, on présentera les modèles agrégatifs et leur potentiel épistémique équivalent ou supérieur. Les principaux arguments de Page, Hong, Servan-Schreiber et Vermeule en faveur d'un modèle agrégatif seront exposés. Nous présenterons ensuite l'argument d'Andler, selon lequel la délibération, contrairement à l'agrégation, est un mode informel d'éducation mutuelle. Nous analyserons finalement si l'argument d'Andler est épistémique, ou s'il ne s'agirait pas plutôt d'un argument de légitimité politique.

  • Démocratie et solidarité épistémique
    Christian Nadeau (UdeM - Université de Montréal)

    Dans nos sociétés, le rôle des connaissances de chacun est mis à contribution dans l'objectif de faire les meilleurs choix communs possibles. La valeur épistémique de ces choix n'est pas une valeur ajoutée mais un élément intrinsèque à nos démocraties. En revanche, il semble y avoir une dévaluation du savoir pour une panoplie importante d'activités sociales pensées qui toutes pourtant sont organisées en référence à un principe démocratique : activités délibérantes institutionnelles, assemblées générales (celles des organisations syndicales par exemple), organisation de la gestion, etc. La valeur épistémique des démocraties est souvent mal perçue, en raison d'une crainte de l'épistocratie : les connaissances n'étant pas partagées par toutes et tous au même degré, la valorisation des connaissances au sein de la démocratie minerait de l'intérieur l'idéal d'égalité démocratique. Il s'agira ici au contraire de montrer que la valeur épistémique des échanges publics est une condition sine qua non d'une démocratie pensée à l'aune de la solidarité.

  • Discussion

Communications orales

Regards croisés : philosophes et sciences sociales devant les pratiques (partie 2)

  • La philosophie pratique : l'orientation de l'action basée sur l'étude des pratiques
    Alain Létourneau (UdeS - Université de Sherbrooke)

    On se souviendra que la philosophie pratique, comme c'est le cas depuis Aristote et cela se poursuit de bien des façons jusqu'à nos jours, a certes pour souci et tâche de pensée d'orienter l'action : pensons à l'éthique, à la morale, à la philosophie politique ou à la philosophie du droit, et on verra tout de suite qu'elles ne s'en tiennent pas à des descriptions de situations. Pourtant, comment serait-il possible d'y arriver si on ne commençait par étudier les pratiques elles-mêmes? Suivant à cet égard Stephen E. Toulmin, il est possible de soutenir que les questions pratiques sont très largement, sinon tout à fait dépendantes du champ d'action auquel on se réfère chaque fois. Bien que certains soient d'avis contraire, il est possible de soutenir que la philosophie a besoin d'une étude des actions ayant une part descriptive, qu'elle ne peut se limiter à être une élaboration normative. Cette remarque est d'autant plus nécessaire

    Certes, les philosophes ne peuvent tout faire, mais il faudrait craindre une spécialisation qui laisserait tout à fait de côté les situations concrètes, surtout en philosophie pratique : en général celle-ci tourne autour de questions sur le « comment agir », qu'il s'agisse du droit, du politique, de la morale ou de l'éthique. Si donc une philosophie pratique peut se donner pour tâche indispensable l'étude des pratiques, comment les voir?

  • L'interactionnisme symbolique et l'usage éthique des TIC : les enjeux et défis d'une communication pratique dans l'enseignement de la philosophie
    Rémi Robert (UdeS - Université de Sherbrooke)

    L'école de Chicago, par l'entremise de son département de sociologie, a profondément marqué la première moitié du XX ième siècle par ses analyses et propositions à propos de la société américaine, qui était sujette à nombreux bouleversements sociaux, politiques et ethniques. Quelques grandes figures ont significativement marqué l'émergence de la sociologie américaine, de sa création à son rayonnement. C'est le cas de William Isaac Tomas et de son émule, Robert Erza Park. L'un des points de départ de la réflexion de ces deux hommes s'appuie sur le concept de «définition de la situation» qui désigne la nécessité de connaître l'univers dans lequel sont définies les actions des individus et qui conduira à l'analyse des processus sociaux.

    C'est à partir de ce concept que le sociologue Herbert Blumer proposera l'«interactionnisme symbolique», une notion voulant que la société soit le produit des interactions entre les individus. Cette communication a pour but de s'inspirer des notions de Park, Thomas et Blumer pour définir une situation d'apprentissage interactive dans laquelle les TIC représentent un outil, une méthode et un symbole favorisant un nouveau mode de communication interactive pour l'enseignement de la philosophie au collégial.

  • Méthodes d'analyse de la communication participative chez Desjardins
    Kéren Genest (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    Nous voulons avancer l'idée que les stratégies de communication participative censées contrecarrer les paradoxes et contradictions de la participation dans les organisations vont être tributaires ou conditionnées par les modèles de l'organizing sous-jacents aux textes et conversations constitutifs de l'organisation. Le but est d'identifier et de caractériser les processus et modèles organisants par lesquelles les organisations et les acteurs organisationnels gèrent les paradoxes de la communication participative. Ainsi, nous cherchons à retrouver le système de rôles, de responsabilités et de devoirs que les acteurs se donnent les uns par rapport aux autres.

    Nous abordons le problème des paradoxes sous l'angle d'une approche constitutive des organisations par la communication (CCO), plus précisément celle de l'école de Montréal. Nous faisons le choix d'une analyse textuelle ( et non interactionnelle ou conversationnelle). Ce sera alors par l'application d'une méthodologie qualitative et inductive adaptée à analyse des textes que nous pourrons faire émerger le modèle organisant.

    Notre collecte de données s'effectue par une approche de tracking, différente du shadowing. Nous opterons pour une stratégie «multi-étagée» d'approches d'analyse pragmatique du discours: l'analyse textuelle, thématique, puis par catégories conceptualisantes. Finalement, nous exposerons quelques résultats préliminaires d'une étude en cours.

  • Procédé d'analyse des pratiques de communication entre l'administration québécoise et les autochtones
    Béatrice Porco (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    La communication entre les gouvernants et les gouvernés a habituellement pour objectif de créer de la convergence grâce à des stratégies discursives. Elle fait partie de la « communication publique » que tout organisme de service publique effectue pour informer son public des décisions d'intérêt général pour le faire participer à la vie collective et l'engager vers un ou des buts communs.

    La relation entre les autochtones et le gouvernement du Québec se passe souvent dans des négociations. Nous chercherons les stratégies de communication discursives plutôt que les interactions durant ces négociations.

    Quelles sont les stratégies de communication entre les administrations québécoises et les autochtones? Que se font et se disent-ils? Quelle est la nature de leurs stratégies? Sont-elles complémentaires ou symétriques?

    Cette étude est une analyse de textes multiétagée. Pourquoi des textes? Toute organisation est constituée de conversations et de textes. Au lieu de suivre la voie des conversations (Shadowing), nous suivrons celle des textes, le tracking (suivi d'une proposition plutôt que d'un acteur). Nous choisissons cette méthodologie car elle fait ressortir le contexte et permet de mieux interpréter les textes et leur déroulement. Cette analyse inductive se déploie sur trois niveaux : pragmatique, textuelle et conséquemment thématique.

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Communications orales

Différents espaces politiques devant le fait religieux : les démocrates inquiets (partie 2)

  • Les implications politiques inattendues de la sortie de la religion au Québec
    Serge Cantin (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    S'il est une évidence de l'historiographie québécoise, c'est bien celle voulant qu'au Québec la sortie de la religion se soit accomplie au profit du politique, l'État prenant le relais de l'Église comme porte-parole de la collectivité. C'est sur ce lieu commun que nous voudrions ici nous interroger. Non qu'il s'agisse, à proprement parler, de remettre en question une telle interprétation, laquelle correspond en gros du reste à la volonté des artisans de la Révolution tranquille. Toutefois, face au vide politique actuel, il convient de se demander si le pouvoir sur eux-mêmes que les Québécois ont cru se donner en s'affranchissant du « carcan » religieux n'a pas pris, avec le temps, un visage social inattendu, celui d'une société d'individus privés de toute référence collective et par conséquent incapable de décider de son avenir. Cette impuissance s'explique sans doute, en partie, par le tournant hyperindividualiste qu'ont pris les démocraties libérales depuis une quarantaine d'années. Mais elle témoigne aussi de la difficulté pour la société québécoise d'assumer son propre passé religieux et, par là même, de fonder la continuité historique de son identité.

  • La culture des Modernes comme condition de la laïcité de l'État
    Danièle Letocha (Université d’Ottawa)

    Le débat québécois sur la laïcité de l'État est en panne depuis l'élection d'avril 2014. Il faudra pourtant y revenir dans un avenir prochain et c'est maintenant le meilleur moment pour avancer les perspectives et arguments un peu plus distanciés. Les intellectuels n'ont-ils pas un devoir de clarification des notions et des structures politiques comparées?

    Nous faisons ici l'hypothèse que la problématique de la laïcité de l'État --définition(s), désirabilité, formes, obstacles-- suppose d'abord précisément un État. De plus, elle ne peut pas surgir hors du contexte de la modernité entendue comme effritement des cultures traditionnelles et affirmation de l'autonomie du sujet-citoyen. La séparabilité du citoyen et du croyant est un pré-requis absolu, ainsi que l'idée de bien commun comme distinct du bien individuel. L'exercice de la liberté citoyenne des modernes constitue non pas un donné mais plutôt un construit lent et sinueux. Ce que les chartes de droits énoncent depuis la Révolution française est une liberté virtuelle universalisable et non une liberté effective universelle.

  • Discussion

Communications orales

L'expérience de la démocratie : entre expertise et expérimentation (partie 2)

  • Le soubassement épistémologique de l'autorité du public
    Jonathan Durand Folco (USP - Université Saint-Paul)

    La théorie deweyenne de la démocratie repose sur une conception originale du public, celui-ci étant défini par la perception des conséquences indirectes des interactions sociales et l'effort visant à réguler leurs effets négatifs. L'émergence du public en tant qu'acteur collectif est co-extensive à l'expérience et la résolution de problèmes vécus ; les citoyens dotés d'un savoir d'usage doivent donc être intégrés au processus de délibération concernant les enjeux qui affectent leur vie. Dès lors, comment devons-nous articuler ces connaissances « tacites » aux connaissances formelles/professionnelles des élus et des experts ? Comme le rappelle Dewey, « celui qui porte la chaussure sait mieux si elle blesse et où elle blesse, même si le cordonnier compétent est meilleur juge pour savoir comment remédier au défaut. » Cette affirmation implique-t-il le primat de l'expertise sur l'expérience directe des problèmes, ou bien l'inverse ? Cette question épistémologique implique d'importances conséquences politiques : les personnes immédiatement concernées doivent-elles être simplement consultées, ou prendre part directement aux processus de décision ? Autrement dit, la démocratie participative représente-t-elle un complément ou plutôt une alternative au modèle du gouvernement représentatif ?

  • La démocratie comme expérimentation décisionnelle
    Margaux Ruellan (UdeM - Université de Montréal)

    Cette présentation aura pour objectif d'exposer les arguments pragmatistes en faveur de la délibération participative, issus des lectures contemporaines de Dewey (Anderson, 2006; Bacon, 2010; Festenstein, 2004; Misak, 2000). Selon ce modèle, accorder la possibilité de participer à un large groupe de citoyens susceptibles de faire l'expérience, dans leur vie pratique, des politiques publiques est une condition de validité de ces dernières. Nous nous intéresserons à la manière dont l'approche deweyenne intègre le désaccord et la contestation dans le débat démocratique. Bien loin de les interpréter comme des erreurs vis-à-vis d'une décision issue d'une procédure validée par des critères épistémiques, les contestations constituent en réalité une étape importante de la méthode expérimentale de prise de décision qu'est la démocratie. Cette méthode se fonde sur un cognitivisme faillibiliste qui impose une révision constante des politiques à la lumière des retours fournis par les citoyens. Les formes de désaccords (explicites comme avec le militantisme ou implicites comme les stratégies non organisées de contournement et d'évitement de la loi) sont donc des moments réflexifs essentiels à la vie démocratique. Aussi l'approche pragramtiste deweyenne de la démocratie réussit-elle, peut-être, à accorder étroitement critères épistémiques de validité et demandes morales d'égalité et de liberté politique (MacGilvray, 2013).

  • Discussion

Communications orales

Peuples autochtones et enjeux philosophiques contemporains : reconnaissance, histoire et genre

  • Expérience coloniale et résurgence indigène : la nécessité de combler les lacunes de la reconnaissance
    Nicolas Paquet (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Sur le territoire aujourd'hui nommé « Canada », les Premières Nations ont traversé la dure épreuve de la rencontre et de la cohabitation avec les peuples colonisateurs. L'expérience coloniale a profondément modifié l'identité indigène. Ces effets demeurent vifs en ce début de 21e siècle. Les tentatives de réconciliation entre l'État et les communautés indigènes semblent manquer la cible, et les pratiques de reconnaissance mutuelle insatisfaisantes. Le mouvement Idle No More, la déclaration de souveraineté du Peuple Atikamekw et l'indifférence du gouvernement fédéral face au nombre inquiétant de femmes autochtones assassinées ou disparues illustrent l'ampleur du conflit qui persiste.

    Je propose d'examiner d'abord certaines des lacunes de la politique de la reconnaissance qui ont été soulevées par des auteurs indigènes tels que Glen Coulthard et Jeff Corntassel. Dans le contexte colonial canadien, le rapport de domination existant, l'historique de l'injustice et la réalité géographique et démographique mettent en doute la portée opératoire d'une politique de la reconnaissance incarnée par des interventions de l'État de type « from above ». J'étudierai ensuite la capacité de la praxis de la résurgence indigène - en tant qu'expérience de vivre-ensemble - à combler ces lacunes. En conclusion, je chercherai à confirmer l'hypothèse selon laquelle la résurgence constitue une condition nécessaire pour qu'une réconciliation soit possible sur l'Île de la tortue (Amérique du Nord).

  • Identité, traditions et questions de genre : le cas des peuples autochtones au Canada
    Annie O'bomsawin-Bégin (Cégep de Saint-Jérôme)

    Après quelques siècles de colonisation où les peuples autochtones du Canada ont été dépossédés de leurs terres, de leurs traditions, marginalisés et assimilés, c'est au début des années '70 que le mouvement de contestation autochtone pan canadien prend forme et exerce une pression suffisante sur les autorités pour que l'on puisse dire qu'une transformation réelle dans les relations entre les peuples autochtones et le peuple canadien soit en marche. Les leaders autochtones, qu'ils soient politiciens, militants ou intellectuels cherchent alors à développer des projets qui visent la décolonisation et qui revalorisent les cultures traditionnelles.

    C'est dans la même période historique que le mouvement orchestré par et pour les femmes autochtones prend de l'ampleur. Un des enjeux les plus criants à ce moment était le fait que par la Loi sur les Indiens, plusieurs femmes avaient perdu leur statut parce qu'elles s'étaient mariées avec des allochtones. Elles et leur famille perdaient alors le droit de vivre en communauté et n'étaient plus identifiées comme autochtones. Notamment en raison de cet aspect de la Loi, les femmes autochtones en ont dénoncé le caractère patriarcal et après plusieurs batailles juridiques, le Canada a amendé la Loi sur les Indiens en 1985. Or, l'association autochtone la plus importante au Canada à cette époque, the National Indian Brotherhood s'y est opposée arguant que la valeur de l'égalité n'était pas une valeur traditionnelle autochtone.

  • Le recours à l'histoire dans le débat sur la justice des revendications autochtones
    Dominique Leydet (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Le recours à l'histoire occupe une place à la fois essentielle et contestée dans la justification des revendications autochtones. D'un côté, l'histoire des injustices subies par les peuples autochtones depuis l'arrivée des Européens sur le continent est au coeur de leurs revendications. De l'autre, le recours à l'histoire pour justifier une exigence de justice soulève un certain nombre de difficultés pour les courants dominants de la philosophie politique non-autochtone. Pensons, par exemple, aux théories libérales de la justice distributive pour lesquelles c'est la référence aux injustices présentes, et non la référence à des événements passés, qui doit pour l'essentiel fonder les exigences de justice (voir, entre autres, Wenar, Waldron, etc.). C'est ce qui explique la tentative de certains auteurs de limiter le poids accordé à la nature historique des revendications autochtones.

    Dans cette intervention, j'aimerais tout d'abord questionner la ou, plus justement, les notions d'histoire qui sont évoquées de part et d'autre (que ce soit chez des auteurs se réclamant de la tradition libérale comme Kymlicka, Waldron, Wenar, etc., ou chez des intellectuels autochtones comme Turner et Alfred). J'entends, ensuite, clarifier et discuter les raisons pour lesquelles le recours à l'histoire suscite un tel débat. Je terminerai cette intervention en évoquant la position alternative présentée par James Tully dans ses travaux sur la question des rapports entre autochtones et non-autochtones.

Communications orales

Moralité et volonté (partie 1)

Présidence : Samuel Cashman-Kadri (Université Laval)
  • Représentation et identité dans la philosophie morale de Jean-Jacques Rousseau
    Simon Pelletier (Université Laval)

    Le but de mon exposé serade mener un examen détaillé de la connexion cruciale qui selon Rousseau reliel'identité, ou la façon dont une personne conçoit intimement son moi, et la moralité de la volonté.

    Je commencerai parexposer les résultats d'une étude récente sur le rôle de l'imagination chez Rousseau (Rohan Chabot : 2013). J'entends ainsi éclaircir le contexte théorique dans lequel se déploie l'enquête de Rousseau et son projet de réconcilier deux grandes écolesinfluentes au XVIIIe siècle, soit celle des morales égoïstes, dont Hobbes constitue le point de départ, et l'école écossaise du sentiment moral, portée au XVIIIe par Hutcheson.

    Je poursuivrai mon exposé en explorantune hypothèse soulevée par l'étude de Rohan Chabot: celle selon laquelle Rousseau aurait réservé au pouvoir qu'il attribue à l'imagination de faire d'une chose lareprésentation d'une autreun rôle absolument indispensable pour que des sentiments moraux puissentexister dans le cœur de l'homme.

    Je continuerai dans un troisième temps en comparant deux types d'éducation morale chez Rousseau :l'éducation d'un homme libre, élevé dans l'indépendance (Émile), et l'éducation civique. Je montrerai que dans chacune, Rousseau a accordé une attention particulière à la constitution graduelle de l'identité et à la façon on organise le regard sur soi de telle manière que le regard sur l'autre puisse occasionner une identificationde cet autre à soi.

  • Les vertus du modèle anti-humien de la motivation
    Samuel Dishaw (UdeM - Université de Montréal)

    Historiquement, la position non-naturaliste enméta-éthique (McDowell 1998, Wiggins 1987) est une thèse relevant de la métaphysique et de la philosophie du langage. En raison, cependant,de la dialectique qui a opposé ces philosophes non-naturalistes au non-cognitivisme de l'époque (Stevenson, Hare, Blackburn), la question de la motivation morale est devenue cruciale à leur propos. En effet, l'argument central en faveur du non-cognitivisme demeure sa résolution directe et expéditive du problème de la motivation morale : si les jugements moraux ont principalement pour fonction d'exprimer un état conatif,il va de soi que l'assentiment à un jugement moral pourrait suffireà la formation d'une intention d'agir. Évidemment, le succès présumé du non-cognitivisme à cet égard n'est remarquablequ'à condition d'endosser la « théorie humienne de la motivation », selon laquelle un état de croyance ne peut jamais suffire, en l'absence d'un état conatif relié, à motiver un agent à agir.

    Les objections et contre-propositions à la théorie humienne ontété nombreuses(Dancy 1993, Platts 1980, McNaughton 1988).Dans cette présentation, je me pencherai plus spécifiquement sur celle provenant du modèle de l'agent vertueux (McDowell 1979) :contourner la théorie humienne de la motivation en identifiant la connaissance morale à la vertu, puis en définissant celle-ci en termes de dispositionsà agir en accord avec le bien moral.

  • Quelle éthique pour le relativiste?
    Hugo Tremblay (Université Laval)

    Quel type de théorie normative pouvons-nous soutenir si nous rejetons l'idée qu'il existe une objectivité morale transcendant l'individu? Si nous admettons le relativisme métaéthique et soutenons que les jugements moraux sont vrais ou faux en fonction de croyances relatives aux individus, devons-nous alors conclure que tout est permis et que la moralité dépend simplement de nos préférences personnelles?

    Pour répondre à cette question, nous exposerons premièrement une théorie relativiste particulière : celle de Jesse Prinz. En résumé, la moralité dépend de l'expérience de certaines émotions spécifiques, des émotions dites « morales ». Il s'ensuit que la vérité des jugements moraux est relative aux expériences émotionnelles propres à chaque individu. Une conséquence possible est alors que les individus sont entièrement libres de personnellement définir ce qu'ils jugent bien et mal; il serait impossible de débattre de moralité et de contester le point de vue d'autrui. Si cette conséquence n'est pas entièrement fausse, elle doit toutefois être très fortement nuancée.

    L'objectif de la communication sera d'expliquer en quoi nos réactions émotionnelles ne sont donc pas dictées par ce que nous désirons et ce que nous voulons croire; elles sont plutôt le fruit de certaines réponses physiologiques et de certains processus de conditionnements personnels et culturels. À la lumière de cette explication, nous pourrons proposer une théorie normative à laquelle peut souscrire le relativiste.

  • Éthique de l'involontaire
    André Duhamel (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Le problème de l'articulation entre le volontaire et l'involontaire est aussi ancien qu'Aristote (Éthique à Nicomaque, Livre III). Mais l'éthique moderne s'intéresse largement aux motifs de l'action délibérée, et se cantonne souvent du côté du volontaire, laissant souvent dans l'ombre l'examen de l'involontaire. Or, parler d'une « action involontaire » n'est contradictoire qu'en apparence : si l'action ne répond pas à la volonté et n'appelle pas ainsi le blâme et la responsabilité, parce qu'ainsi elle se confond avec ce qui arrive ou advient (un événement), il reste que cet événement nous arrive et qu'il nous revient d'y donner sens. Plusieurs contributions contemporaines se sont penchées sur cette question, que ce soit la Philosophie de la volonté de Ricoeur (1960), ou encore les interrogations sur la fortune morale initiées par Nagel et Williams (1976).

    En m'appuyant sur les travaux de ce genre, je me demanderai donc ce que seraient les paramètres généraux d'une « éthique de l'involontaire » ? 1) Un premier point réside dans le retour de l'action involontaire sur l'agent, ou la rétroaction de l'événement dans l'agir. 2) Nous avons de plus affaire ici à une relation circulaire ou à une boucle délibérative rétrospective.3) De même, une éthique de l'involontaire se confronte à la dimension de nécessité, celle produite par les actions dont la portée nous échappent en produisant bonheurs, malheurs ou tragédies. 4) Enfin, elle constitue ainsi une éthique reconstructive du sens.

  • Y a-t-il une orthopraxie cartésienne?
    Nicolas Comtois (Université Laval)

    La définition de la morale de Descartes est un problème récurrent des études cartésiennes. Doit-on la trouver dans la morale par provision du Discours de la méthode, dans les lettres à Élizabeth ou encore dans les Passions de l'âme ? Cet exposé a pour but d'envisager la question à nouveaux frais,grâce à la notion d'orthopraxie. Une perspective nouvelle s'ouvre en effet dès lors que l'on envisage les liens qui unissent la pensée de Descartes au renouveaureligieux de son époque. Plutôt que d'insister sur la fidélité au dogme (orthodoxie), des directeurs spirituels tels que François de Sales ou Bérulle ontorienté la vie religieuse vers une forme de discipline intérieure : des exercices d'introspection devaient permettre de régler les mouvements de l'âme de manière à unir la volonté du dévot à celle de Dieu. On retrouve une orthopraxie, ainsi définie comme une régulation ordonnée des actions de l'esprit, dans la forme que prend chez Descartes la recherche de la vérité : dans la méthode d'abord, puis dans l'usage qui en est fait pour considérer les choses métaphysiques, dont le résultat est même une forme de conversion. Lorsque l'on examine ensuite les considérations explicites de Descartes sur la morale, l'énoncé qu'il en fait dans sa correspondance, selon lequel la vertu est « d'avoir une volonté ferme et constante d'exécuter tout ce que nous jugerons être le meilleur, et d'employer toutes la force de notre entendement à en bien juger » , doit retenir notre attention.

  • Discussion

Communications orales

Logique, sciences cognitives du raisonnement et fondements du droit : l'expérimentation et l'expertise en logique

  • La théorie de la logique mentale et la déduction naturelle : une analyse critique
    Simon Brien (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Pour rendre compte du raisonnement humain, la théorie de la logique mentale (voir, par exemple, Braine 1978) présume que nous possédons un ensemble inné de lois logiques dans notre bagage mental. Ainsi, les raisonnements qui mettent en œuvre ces lois seraient faits correctement par la plupart d'entre nous. Par contre, cette théorie prévoit que le novice peut facilement faire des sophismes, soit parce que le raisonnement doit appliquer une loi qui n'appartient pas à ce bagage, ou soit parce que le raisonneur ne reconnaît pas dans un raisonnement un cas particulier d'application d'une des lois de ce bagage. Cette théorie sera d'abord présentée, puis critiquée. Dans cette critique, on insistera sur le caractère trop syntaxique et trop computationnel de cette théorie qui se veut algorithmique et sur le fait que l'appui qu'elle tente d'aller chercher dans la théorie de la déduction naturelle est relativement incompatible avec les fondements de la déduction naturelle et avec la manière dont ses règles sont pensées.

  • Les groupes de Klein et l'explication computationnelle des sophismes dans le raisonnement
    Janie Brisson (UQAM - Université du Québec à Montréal), Serge ROBERT

    Suite à notre critique de la logique mentale et à notre introduction d'une perspective structurale, nous nous pencherons sur la pertinence d'une approche plus sémantique, comme celle de la théorie des modèles mentaux (voir Johnson-Laird et Byrne, 2002). Alors que cette théorie est algorithmique, nous allons proposer de lui ajouter une théorie computationnelle, laquelle tente de modéliser non seulement l'expertise, mais aussi le comportement sophistique du novice. Pour ce faire, nous allons nous référer à la structure d'algèbre et de treillis de Boole et aux groupes de Klein présents dans la logique classique des propositions. Les sophismes systématiques en contexte classique seront alors modélisés comme des écrasements des groupes de Klein. Nous tirerons de cette modélisation des prédictions relatives à des sophismes systématiques non encore identifiés dans la littérature et des stratégies pédagogiques pour enseigner aux novices à éviter les sophismes, par l'évitement de l'écrasement des groupes en question.

  • Le point de vue structural : déduction naturelle, calcul des séquents et modélisation
    Julien Ouellette-Michaud (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Bien que la déduction naturelle soit une approche trop syntaxique pour servir de modèle algorithmique du raisonnement humain, cela ne veut pas dire qu'elle ne peut pas contribuer à l'étude de celui-ci. La déduction naturelle et le calcul des séquents, en tant que modes alternatifs de présentation des inférences logiques et de conduite des preuves, permettent de représenter les systèmes logiques, classiques ou non, afin d'en étudier de manière uniforme les propriétés structurales. Les logiques sous-structurales peuvent être vues comme des systèmes motivés par des considérations pragmatiques, permettant de représenter différents types d'expertises relativement à différents contextes de raisonnement. Avec ces logiques, il devient donc possible de donner un modèle computationnel de l'expertise logique, c'est-à-dire de systématiser les compétences de l'expert et de mesurer le décalage du novice relativement à l'expert. Nous montrerons comment l'intérêt de l'approcher structurale se situe avant tout au niveau computationnel.

  • Le raisonnement logique, la détection des tricheurs et les fondements du droit
    Alice Livadaru (UQAM - Université du Québec à Montréal), Serge ROBERT

    Nous présenterons ensuite les expériences de Cosmides (1989), qui ont montré que les sophismes présentés plus haut sont commis dans les contextes descriptifs et sont évités en contextes normatifs de relations de prix et de privilèges. Ainsi, les écrasements de groupes de Klein se produiraient dans certains contextes, mais pas dans les contextes normatifs. Cosmides explique la différence de comportement entre contextes par une activation d'un module cérébral de détection des tricheurs, qui serait activé dans nos raisonnements normatifs, mais pas dans les contextes descriptifs. Ainsi, nous aurions hérité de ce module, qui apparut chez nos ancêtres et qui aurait été efficace pour convenir de contrats et pour construire progressivement un état de droit supplantant l'état de nature. Nous appliquerons ces thèses aux fondements du droit et montrerons que notre droit moderne est le résultat de la mise en œuvre de ce module de détection des tricheurs. Nous en tirerons diverses conséquences sur la structure logique de la loi, sur la teneur plus ou moins logique de la jurisprudence et de l'établissement de la preuve, sur la portée sociale des peines, sur la question de la confiance du public envers le système judiciaire.

  • Discussion

Communications orales

Les rapports de la philosophie de l'environnement à l'expertise et l'expérimentation: Le pragmatisme environnemental et ses applications

  • Le programme du pragmatisme environnemental : son approche face aux expertises
    Alain Létourneau (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Suite aux premiers travaux rassemblés par Light et Katz (1996), c'est surtout Minteer (2006; 2009) et Norton (2003, 2005) qui permettent de dégager une vision assez cohérente de ce qu'on peut entendre par pragmatisme environnemental. Nous tenterons de mieux cerner la spécificité des apports de ces auteurs non pas pour forcer des oppositions ou des convergences artificielles mais bien pour dégager des priorités ou des accents spécifiques. Notre but ici sera d'explorer en particulier leur posturesur le rapport à l'expertise, question à laquelle les acteurs sont sans cesse renvoyés. On se demandera jusqu'à quel point leur réflexion à ce sujet se montre de facto liée à des contextes requérant soit une gestion adaptative en regard des écosystèmes (Norton, 2003), soit une recherche de terrain commun avec des acteurs experts à divers titres (Minteer et Manning, 2003), c'est-à-dire des contextes qui ne sont pas surtout des lieux de théorisation mais qui auraient à voir avec des décisions à prendre et qui en ce sens posséderaient un caractère éminemment pratique. Le rapprochement pourrait dès lors être vérifié ou falsifié avec une approche de participation citoyenne de type forums hybrides, ce qui implique de faire place à d'autres types de compétences que les seules expertises techniques (Hache, 2011; Létourneau, 2013).

  • Plaidoyer pour un pragmatisme environnemental : quelques éléments de discussion pour la formation d'un cadre théorique
    Anthony Voisard (UdeS - Université de Sherbrooke)

    L'intention de cette recherche est de réfléchir sur le pragmatisme environnemental comme trame conceptuelle à une enquête philosophique examinant la notion de «vulnérabilité climatique» avec la participation d'intervenants du secteur agricole québécois. Pour ce faire, il sera question d'esquisser le contexte de cette expérience terrain, mais plus important encore, on voudra valider la pertinence du pragmatisme environnemental comme posture philosophique pouvant fournir une contribution pertinente aux problèmes environnementaux bien réels et au développement de politiques environnementales.On veillera donc à expliciter brièvement quelques concepts clés de cette perspective philosophique, puis on continuera la discussion en répondant à trois critiques adressées au tenant du pragmatisme environnemental, celles-ci pouvant être formulées de cette manière: le pragmatisme environnemental constitue-t-il une posture complaisante, car trop souvent au service des intérêts économiques? Le fondement démocratique du pragmatisme environnemental n'est-il pas une entrave pour l'articulation d'une réponse adéquate aux crises environnementales? Le pragmatisme environnemental est-il aussi efficace qu'il prétend l'être?

  • Pragmatisme écologique et pluralisme éthique : test de l'hypothèse de convergence de Norton en permaculture
    Matthieu Lampron (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Nous proposons d'approfondir cette problématique sous l'angle du pragmatisme environnementale en éthique, pour qui la science, l'expérimentation et sa méthodologie, constituent des éléments incontournables. Ce courant s'inspire de John Dewey, l'un des fondateurs du pragmatisme, qui fait d'ailleurs grand cas de l'expérience en philosophie. L'expérience deweyienne ainsi que la méthode scientifique qu'il soutient s'insèrent de manière cohérente dans un système philosophique antifondationnel, situationnel, transactionnel, qui nourrit une pédagogie et un concept de démocratie ayant comme objectif l'amélioration de la vie sous tous ses aspects; moral, esthétique et pratique. En adoptant l'hypothèse de Norton et s'inspirant de Dewey, Minteer et Manning (1999) construisirent une grille d'analyse des différents types d'éthiques environnementales eteffectuèrent un sondage. Ils démontrèrent la convergence, tout en notant le pluralisme des positions, selon la problématique présentée. Enfin, en utilisant ces résultats, nous sondèrent 17 participants d'un cours de permaculture (science du design ayant comme but la durabilité), en émettant l'hypothèse de tendance écocentrique forte. Il en ressortit cependant une même distribution plurielle, tout en montrant une corrélation avec l'expérience de la nature par les participants, et une meilleure connaissance scientifique de la nature. Dans ce cas, la moralisation de l'environnement serait moins résolutive que l'écologisation de l'éthique.

  • Discussion

Communications orales

Acrasie esthétique et mauvais goût : où tracer la ligne?

  • Acrasie esthétique et mauvais goût : où tracer la ligne ?
    Mélissa Thériault (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    Nous avons tous des « plaisirs coupables », où, face à une œuvre en apparence indigne de notre estime, nous ressentons, à notre corps défendant un ravissement parfois honteux, parfois assumé, mais indéniablement réel. Parfois désignée par le terme « d'acrasie esthétique », cette faute morale consiste à aller contre son meilleur jugement, c'est-à-dire à faire preuve d'irrationalité en ne faisant pas la chose qui serait, en théorie, la plus appropriée (c'est-à-dire : apprécier l'art le plus réputé).
    Selon cette perspective, il y aurait de bons et de mauvais jugements esthétiques : la tradition philosophique (de Hume à Kant, jusqu'à l'esthétique analytique qui s'est développée au vingtième siècle) a par ailleurs fourni des propositions intéressantes visant à expliquer le fonctionnement du jugement esthétique sur le plan cognitif. Mais la croyance en l'existence d'un « jugement esthétique correct » implique la foi en une norme objective de qualité esthétique, qui, pour avoir été légitime à l'époque des Lumières, ne va pas de soi dans le contexte artistique actuel. Par ailleurs, on peut se demander sur quoi repose le « commandement moral » selon lequel on devrait réprouver ce qui nous plait au nom d'une convention ? N'y a-t-il pas quelque chose de profondément problématique dans l'idée que nous serions « tenus » d'apprécier les œuvres en fonction d'une norme hétérogène et non en fonction de ce que nous ressentons réellement face à elles ?

  • Plénière

Communications orales

Moralité et volonté (partie 2)

  • La déconstruction spinozienne de la volonté
    Ugo Gilbert Tremblay (UdeM - Université de Montréal)

    Dans le cadre de ce colloque, je me propose de restituer les grandes lignes de la critique spinozienne du concept de volonté tout en soulignant le déplacement du regard que cette critique implique au regard de notre conception moderne – à dominante kantienne – du phénomène moral. Tout l'enjeu de mon propos consistera à rappeler comment Spinoza s'attèle à jeter un soupçon radical sur le soi-disant sentiment que nous avons de notre liberté. Nous verrons que toute la puissance philosophique de Spinoza consiste à faire passer pour une entité inconsistante et contre-intuitive ce qui jusqu'alors – de saint Augustin jusqu'à Descartes – se donnait ni plus ni moins comme un fait d'expérience, comme une réalité claire et distincte qu'il eût été inopportun de déclarer sujette à caution. Dans une lettre fameuse à Schuller, Spinoza compare l'homme à une pierre et explique que si la pierre, une fois lancée, devenait consciente de son mouvement, il en résulterait qu'elle clamerait fièrement sa liberté de se mouvoir et qu'elle ne manquerait pas de se croire à l'origine de son mouvement. Par-delà le caractère pour le moins profanatoire d'une telle comparaison, mon but sera d'éclairer les arguments qui la fondent et qui permettent à Spinoza de réduire la notion de volonté au rang d'une illusion engendrée par le fait que nous sommes conscients, d'une part, des désirs qui nous traversent tout en étant ignorants, d'autre part, de la multiplicité irréductible des causes qui déterminent nos désirs.

  • La critique ancienne d'une morale de l'autonomie dans l'Antigone de Sophocle
    Antoine Pageau St-Hilaire (Université d’Ottawa)

    Cette communication propose une critique d'une morale de l'autonomie à travers l'Antigone de Sophocle. À la différence de ce qu'offre la majeure partie de la littérature, il est possible d'interpréter la tragédie de Sophocle à la lumière d'un conflit entre deux morales autonomes et ainsi d'en dégager une critique de l'autonomie comme horizon moral. D'une part, le chœur accuse Antigone d'être autonomos (v. 821), puisqu'elle se donne elle-même sa propre loi. D'autre part, Créon, bien qu'il invoque un honneur sacré dû à la cité et conséquemment un mépris du corps du traître Polynice, est qualifié de « tyran » et érige sa volonté comme norme de la justice : il apparaît à ce titre comme le représentant d'une morale de l'autonomie. Cette intuition nous semble confirmée dans la pointe qui lui est lancée par son fils – « tu règnerais avec noblesse, seul sur une terre déserte» (v.739) : l'attitude « autonome » du tyran Créon est incompatible avec la vie de la polis comme discussion commune du juste et de l'injuste. Le tragique est à l'œuvre en vertu des possibilités limitées de morales qui seraient strictement fondées sur l'autonomie. Car bien que la délibération politique puisse dépasser l'hubris propre au tragique, c'est à un dialogue par-delà le régime que nous invite Sophocle pour considérer adéquatement la position d'Antigone. .

  • Des usages de l'éloge du blâme
    David-Anthony Ouellet (Université Laval)

    Dans l'ouvrage La notion d'esprit, publié en 1949, Gilbert Ryle s'emploie à distinguer les termes présentant une grammaire dispositionnelle de ceux décrivant des êtres existant. Son objectif est de situer les termes décrivant les états mentaux dans la catégorie des termes dispositionnels. Il s'oppose ainsi à cette tendance, qu'il fait descendre de Descartes, à parler de l'esprit comme d'un « fantôme dans la machine », c'est-à-dire comme un objet dont l'action est causalement source des actions et comportements que nous observons. Nous verrons que cette distinction nous fait passer d'une compréhension de la morale où le blâme sert à décrire une réalité, à une compréhension où il sert plutôt à agir sur le monde.

    La distinction qu'il propose s'opère comme suit. Penser l'action de l'esprit comme une série d'épisodes causaux, c'est penser la volonté, les sentiments, l'intelligence, etc., comme des choses différentes qui s'influencent les unes les autres. Hors, identifier ces « choses » nous semble impossible. À l'opposé, un terme dispositionnel ne prétend pas parler de ce qui est, mais seulement de décrire une tendance ou une régularité associée à un objet en vertu de sa relation au contexte.

    Parler des états mentaux en termes de dispositions nous amène à analyser la moralité non à partir d'une « volonté » présupposée libre, mais à partir de la notion de « volontaire ».


Communications orales

Exclusions, expériences et normativité esthétique (partie 1)

Présidence : Dominique Sirois Rouleau (UQAM - Université du Québec à Montréal)
  • Coexistence et contradiction de l'œuvre ex situ
    Dominique Sirois Rouleau (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    La prolifération des pratiques ex situ en art contemporain exige aujourd'hui que la théorie repense la définition ontologique de l'objet d'art en regard de ses conditions institutionnelles et attentionnelles. Les pratiques ex situ référent aux arts visuels qui s'inscrivent significativement hors d'un cadre d'énonciation institutionnel et interrogent les conditions de l'expérience de l'art. En effet, l'expérience d'un objet artistique non identifié en tant que tel bouleverse les frontières d'une définition classique de l'art, puisque le contexte de proposition de l'objet à une incidence importante sur le type d'attention que le spectateur lui accorde.

    Cependant, l'œuvre qui s'expérimente « hors les murs » fait parfois l'objet d'une médiation par sa documentation au sein des institutions artistiques. Le document agit alors comme marqueur identitaire des objets d'art ex situ et rapporte en quelque sorte leur existence dans l'espace institutionnel. Ainsi, les pratiques ex situ engendrent un dédoublement des lieux et des objets de l'œuvre entre ceux singuliers à son expérience et ceux destinés à sa diffusion. À partir de l'étude des œuvres de Joshua Schwebel, nous souhaitons donc analyser les conditions d'existence des œuvres en regard de leur d'expérience. Schwebel confronte la lenteur appliquée du travail manuel de l'artiste à la dissémination systématique de l'objet d'art vers un public non-averti.

  • La télévision contemporaine, entre légitimité et rejet
    Pierre Barrette (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Le cas assez récent de la série télé, qui est passée en 25 ans du statut d'art mineur, voire de « rebut » de la culture, à celui de forme culturelle pleinement consacrée, voire de « 8ième art » en compétition sur son terrain propre avec le cinéma, pose de façon exemplaire la question - récurrente en esthétique contemporaine - de la mobilité de la frontière qui sépare les objets légitimes et illégitimes. Alors que d'aucuns voient dans cette montée en légitimité de la fiction dramatique télévisée le signe non équivoque que la télévision est en train de s'affranchir du statut « d'art pour les pauvres » en se libérant des stigmates généralement associés à la culture de grande consommation, la présente communication tentera de démontrer que, bien au contraire, le phénomène est symptomatique de la dialectique entre acceptation et rejet qui caractérise, au moins depuis les travaux de l'École de Frankfort, le discours sur les industries culturelles. En effet, le processus de légitimation d'un "art populaire" s'accompagne presque toujours du rejet d'un autre ; ainsi, un peu à la manière la légitimation du cinéma dans les années cinquante s'est effectuée contre la télévision, qui a agi comme "repoussoir", nous défendrons ici l'idée que la très forte légitimité de la série télé depuis quelques années se construit notamment sur le rejet de la télé "ordinaire" (la téléréalité, tout particulièrement), opérant un nouveau clivage au sein même du médium.

  • L'indifférence aux limites de l'expérience esthétique
    Aseman Sabet (UdeM - Université de Montréal)

    Dans la Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau (1757), Edmund Burke suggère que l'expérience esthétique, qu'il associe systématiquement à un rapport spécifique au plaisir ou à la douleur, est en rupture avec notre état « ordinaire », compris comme un état d'indifférence. Nous proposons d'interroger cette notion d'indifférence dans les réflexions de Burke afin de mettre en relief sa conception normative de l'expérience esthétique. Faut-il comprendre l'indifférence comme un état neutre que vient bonifier l'expérience du beau ou du sublime, ou comme une condition négative dont l'expérience prolongée mène à une apathie qu'il importe d'éviter ? L'attitude ou la réponse indifférente de l'esprit peut-elle participer d'une expérience proprement esthétique ? Rattachant tantôt l'indifférence à une imagination désintéressée, tantôt à une médiocrité dénuée de sensibilité ou, à l'opposé, à une forme d'aise et de tranquillité, la pensée burkéenne permet de sonder la complexité de cette notion à une époque charnière pour le développement de l'esthétique comme discipline. Notre investigation vise parallèlement à mettre en lumière certains fondements théoriques de la notion d'indifférence dans le discours esthétique du 18e siècle afin de contribuer à une réflexion plus large sur les frontières de la conduite esthétique.


Communications orales

Les rapports de la philosophie de l'environnement à l'expertise et l'expérimentation: Le pragmatisme environnemental en débat

  • La pragmatique discursive de l'écologie profonde ou le pragmatisme environnemental de Norton?
    Daniel Desroches (Collège Lionel-Groulx)

    La justification de l'activisme par l'écologie profonde pose problème car, tout en se voulant sérieuse et rassembleuse, cette approche repose sur des énoncés vagues et généraux. Si l'on exigeait une clarification des trois grandes intuitions morales de Næss, on verrait que le pragmatisme de Bryan Norton lui répond directement. D'où la question : quel rôle doit jouer la théorie pour qui veut protéger efficacement la nature ? Dans cette communication, nous opposerons le pragmatisme de Norton à la pragmatique de Arne Næss.D'abord, si le premier revendique la profondeur au nom d'une conception non anthropocentrique, le second lui oppose un principe de convergence dérivé d'un anthropocentrisme faible. Ensuite, si Næss attribue à la nature une valeur intrinsè que distincte de la valeur instrumentale, Norton lui oppose une valeur transformative irréductible à la dichotomie précédente. Enfin, si le premier déploie une pragmatique du discoursqui favorise une appropriation diversifiée de ses idées, le second approfondit son pragmatisme par une réflexion sur l'allocation des ressources disponibles pour les générations futures. Par cette confrontation entre deux approches qui visent la protection de la nature, cette étude permettra de jeter un regard neuf sur la question en montrant que pour agir efficacement il faut non seulement surmonter le fossé qu'instaure le langage mais surtout intégrer le modèle théorique proposé à un mode de vie durable.

  • Comment l'écologie permet-elle de rejeter l'hypothèse de convergence de Norton en faveur d'une réflexion éthique sur nos actions envers l'environnement?
    Sophia Rousseau-Mermans (UdeM - Université de Montréal)

    Pour Norton (1994), l'intégration fonctionnelle des écosystèmes justifie une «hypothèse de convergence » entre les intérêts humains et les intérêts des écosystèmes (Norton 1994). A partir de travaux en écologie des communautés et des écosystèmes sur les différents types de relations biologiques et écologiques présentes dans la nature (par ex. : Paine 1966, 1969 ; Maser, Guichard et McCann 2007), il sera démontré que :

    (i)au niveau théorique, l'intégration des écosystèmes ne suffit pas à justifier l'hypothèse deconvergence entre les intérêts de ces derniers et les intérêts humains.

    (ii)au niveau empirique, il existe des cas paradigmatique de tensions entre intérêts humains et intérêts écologiques qui viennent renforcer (i).

    (iii)Une approche pragmatique de la protection de la nature ne suffit pas à défendre les intérêts des systèmes écologiques face aux intérêts humains, et par conséquent ne suffit pas non plus à remettre en cause la pertinence d'une réflexion éthique sur nos rapports à l'environnement.

  • Environnement et technique, ou l'angle mort éthique de l'« anthropocentrisme faible »
    Louis-Etienne Pigeon (Université Laval)

    L'éthique de l'environnement s'est largement appuyée au courant des soixante dernières années sur la possibilité de remettre en question l'anthropocentrisme de la philosophie moderne. Mais selon certains théoriciens comme Bryan Norton, une forme d'anthropocentrisme, « faible », peut être pensée comme solution aux problèmes environnementaux, si celui-ci s'appuie sur une notion réfléchie des besoins et des désirs. Leur définition doit dès lors être établie en fonction de critères rigoureux, un processus qui fait intervenir le savoir scientifique comme source de vérité commune. Notre présentation vise à démontrer que, si la théorie « anthropocentrique faible » de Norton peut mener à des avancées culturelles et éthiques intéressantes au plan de notre relation à l'environnement (développement durable) elle reste néanmoins prise dans le contexte de son élaboration. En effet, la relation à l'environnement construite sur l'anthropocentrisme actuel ne peut être pensée hors d'une technosphère, dont l'action technique est la source d'émergence. Or, la technique, transformatrice des environnements, est elle-même « chargée » au plan éthique. Ainsi les critères techniquesdeviennent-ils, implicitement, les valeurs à partir desquelles seront établis les besoins et la pertinence des désirs.


Communications orales

Exclusions, expériences et normativité esthétique (partie 2)

  • Art, politique et anonymat
    Thierry Laberge (UdeM - Université de Montréal)

    Art, politique & anonymat abordera le thème de l'anonymat en art contemporain par l'étude de la posture de l'artiste qui privilégie l'exclusion de soi dans l'expression de sa pratique. Si ce choix de l'artiste n'affecte pas l'œuvre en soi, il semble toutefois affecter la réception de son spectateur. Une telle posture comporte ainsi une dimension politique, dans le sens où le discours public se trouve dès lors privé d'auteur. Outre les considérations politiques d'une telle entreprise – les désirs d'échapper à la loi, de se souscrire au marché, de défier la primauté de l'individualité, etc. – il serait pertinent, d'un point de vue plus fondamental, d'examiner l'incidence d'une telle stratégie sur la réception de l'œuvre et, ainsi, tenter de déterminer la portée et les limites politiques du choix de l'anonymat devant les prétentions qui le motivent. Pour se faire, ma réflexion reposera d'abord sur la notion kantienne de publicité telle que réactualisée par la pensée philosophique contemporaine. Ensuite, la notion d'auteur telle qu'explorée par les philosophes Roland Barthes et Michel Foucault, sera utilisée afin de rendre compte du statut ontologique contemporain de l'auteur. Enfin, je m'inspirerai du travail d'Hannah Arendt afin de mettre en évidence les portées politiques effectives qui distinguent les pratiques contemporaines « attributives » des pratiques anonymes, que ces pratiques se déploient au sein d'institution ou en marge de celles-ci.

  • Rationalité instrumentale et pratiques artistiques actuelles : au nom de la liberté!
    Marie-France Lanoue (Université Laval)

    Au début du XXe siècle, on a pu assister à une véritable révolution de la pensée artistique notamment suite à l'influence de Marcel Duchamp. L'éclatement des normes artistiques traditionnelles fut synonyme de nouvelles possibilités artistiques et allait donner aux artistes une liberté inégalée jusqu'alors. Peu à peu, on a pu observer que l'attention esthétique s'est déplacée vers l'artiste et sa démarche, plutôt que vers l'objet d'art lui-même. Le beau (s'il existe encore comme critère esthétique) se trouverait désormais dans l'idée plutôt que dans la forme. Dans de telles circonstances, les artistes ont dû apprendre à théoriser et à défendre leur propre travail. Cela soulève de nombreuses questions et constitue une véritable épreuve pour le public qui a l'impression que tout et n'importe quoi peut être élevé au rang de l'Art. Le monde des critiques et des experts s'empressera d'invoquer l'incompétence du public à prendre part à un tel débat. Toutefois, il faut reconnaître que certaines pratiques artistiques sont extrêmement douteuses et qu'elles parviennent néanmoins à s'inscrire au sein du monde de l'art officiel. Comment cela est-il possible ? Au-delà d'une réflexion sur l'art et son rôle, il semble de plus en plus pressant de réfléchir sur la légitimé du jugement critique. Duchamp voulait l'artiste libre, mais être libre ne signifie pas être libre de faire n'importe quoi.

  • L'esthétique au confluent de la philosophie et de la psychologie
    Luc Faucher (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    L'esthétique a été initialement définie comme la science du sensible ou de la connaissance sensible. Rapidement, elle devient la science du beau — s'occupant essentiellement à décrire les conditions de nos jugements de beauté ou de laideur (et parfois, des émotions qui peuvent sous-tendre ces jugements) — du goût, mais aussi théorie des beaux-arts (ou maintenant, des arts). Définie de façon très large, et fidèlement à ses origines, l'esthétique est donc la discipline qui s'intéresse aux perceptions sensibles, à celles du beau et du laid, à la distinction entre ce qui est de l'art de ce qui n'en est pas, aux jugements concernant ce qui est beau, laid, ou de l'art, aux émotions produites par l'art, etc.

    L'esthétique fut d'abord une discipline philosophique, mais puisqu'elle porte sur des perceptions, des jugements, des émotions, il est tout à fait naturel que la psychologie s'y soit également intéressée. Dans le cadre de ma présentation, je décrirai quelques travaux récents en psychologie permettant d'éclairer certains problèmes philosophiques traditionnels de l'esthétique.

  • Discussion

Communications orales

La souveraineté est-elle dans l'impasse? Rencontre autour du livre de Serge Cantin : La souveraineté dans l'impasse


Communications orales

Les rapports de la philosophie de l'environnement à l'expertise et l'expérimentation: Éthique environnementale, expertise et citoyenneté

  • L'écologie ingénieuriale : une nouvelle épistémologie pour une nouvelle science?
    Julien Delord (Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1))

    L'ingénierie écologique est définie traditionnellement comme l'ensemble des connaissances et des pratiques scientifiques fondées sur les mécanismes écologiques et utilisables pour la gestion adaptatives des ressources et des écosystèmes. Entre mise à l'épreuve des concepts écologiques selon des impératifs techniques, expérimentation grandeur «nature» et contraintes de gestion, nous voudrions montrer que l'ingénierie écologique développe un corpus scientifique distinct de l'écologie scientifique traditionnelle. C'est cette science, non sans lien avec l'écologie générale évidemment, qui se dénomme «écologie ingénieuriale» et qui obéit à ses propres impératifs épistémologiques. Celle-ci est de nature empirique, orientée vers l'action, régie par des règles, contrairement à la seconde qui est de nature théorique, spéculative, en quête de lois et de conditions de validité strictes. Surtout les catégories ontologiques des objets mobilisés en écologie ingénieuriale et en écologie théorique diffèrent substantivement malgré des confusions sémantiques. Ainsi, nous montrerons en quoi les notions de «biodiversité» ne se recouvrent pas entre ces deux sciences et en quoi les données et les généralisations d'une des deux sciences devront être «traduits» pour être pertinents dans l'autre.

  • La distinction fait-valeur et l'implication sociale des scientifiques : le cas de l'évaluation des pesticides néonécotinoïdes systémiques
    Antoine C. Dussault, Madeleine Chagnon (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Bien que la pertinence du savoir scientifique pour les décisions qui affectent la société soit largement reconnue, l'implication des scientifiques dans de telles prises de décision soulève la question controversée de l'interaction entre la science et l'éthique. Sur la base de la classique distinction fait/valeur, la science et l'éthique sont communément considérées comme des domaines autonomes, ce qui donne lieu à une exigence de neutralité axiologique de la science. Sur la base de cette exigence, les scientifiques qui s'expriment à propos d'enjeux de société voient souvent leur travail discrédité comme relevant de l'« activisme » plutôt que de la vraie science. Alors que certains tentent de légitimer l'implication sociale des scientifiques en attaquant l'exigence de neutralité axiologique, nous tenterons plutôt de montrer qu'une telle implication est tout à fait compatible avec cette exigence. En nous appuyant sur le cas des pesticides néonécotinoïdes systémiques (connus pour leur impact sur les pollinisateurs, mais qui affectent en fait toute la chaine alimentaire), nous feront valoir que l'exigence de neutralité axiologique de la science n'implique pas toujours une exigence de neutralité axiologique des scientifiques.

  • Quels enjeux éthiques pour les sciences citoyennes et participatives? Le cas de la recherche volontaire sur la biodiversité marine et côtière
    Jade GEORIS-CREUSEVEAU, Matthieu Noucher, Florence Piron (Université Laval)

    Dans le cadre d'un projet de la Fondation de France intitulé « Contribution de l'information géographique volontaire à la connaissance et à la gestion de la biodiversité marine et côtière », un inventaire de la contribution non-scientifique à la connaissancedes littoraux est en cours. Son objectif est de rassembler des informations relatives aux modes de structuration, validation, partage et valorisation des données produites dans le cadre de programmes de sciences citoyennes menés par des acteurs côtiers tels que des associations naturalistes, professionnelles (pêcheurs) ou sportives (plongeurs). Ce projet offre alors la possibilité de réfléchir concrètement aux enjeux d'épistémologie morale et politique suscités par l'émergence de cette nouvelle source d'expertise sur les littoraux. Comment ces savoirs sont-ils reçus, intégrés, utilisés par les experts scientifiques de la biodiversité littorale? À quels déplacements épistémologiques ces experts procèdent-ils soit pour rejeter ces savoirs, soit pour les intégrer comme une source de données parmi d'autres? Le souci environnemental du littoral, de son intégrité ou de ses usages que manifestent les acteurs côtiers est-il utilisé pour valoriser ou bien pour dénigrer leurs savoirs? Comment y réagissent les pouvoirs publics locaux? Cette étude de cas en démarrage soulignera quelques aspects éthiques dela contribution dessciences citoyennes à la gestion d'un enjeu environnemental.

Communications orales

Expertise scientifique : enjeux épistémiques et politiques


Communications orales

Ruptures et continuité entre les Anciens et les Modernes : les Anciens et les Modernes dans la philosophie française

  • Le Montaigne de Manent ou l'invention de l'individu délié
    Daniel Tanguay (Université d’Ottawa)

    Dans son dernier ouvrage, Montaigne. La vie sans loi (2014), Pierre Manent propose une genèse de la modernité sensiblement différente de celle qu'il a présentée dans son grand ouvrage, La cité de l'homme (1994) ainsi dans ses ouvrages désormais classiques d'histoire de la philosophie politique moderne. Nous voudrions décrire les traits de cette genèse manentienne « alternative » de l'individu moderne et montrer le rôle que le philosophe lui fait jouer dans son examen des impasses de la modernité philosophique et politique, en particulier en ce qui a trait à la fondation de la loi.

  • Montaigne et le stoïcisme
    Marc-Antoine Beauséjour (Université d’Ottawa)

    Notre présentation porte sur la renaissance des écoles hellénistiques dans la pensée française du XVIe siècle par une étude du dialogue entre Montaigne et l'école stoïcienne. Il s'agit d'élucider ce que peut signifier et impliquer un « retour » à l'antiquité. Si certains trouvent en l'école du Portique une doctrine de consolation propice aux maux de l'époque (K. Christodoulou, 1989), nous soutiendrons toutefois qu'il faut transformer essentiellement le stoïcisme pour le comprendre comme philosophie de consolation. Bien que Montaigne semble faire siens certains préceptes de la philosophie stoïcienne, ce n'est jamais sans les ramener à une démarche propre, à un point tel où il semble impossible de parler d'un Montaigne stoïcien, tant au point de vue d'une simple « manière de vivre » qu'au point de vue de la dogmatique stoïcienne (doctrine morale et cosmologique). Si l'on doit garder l'unité du stoïcisme, l'herméneutique du « pyrrhonisme sous forme résolutive » renverse le lien entre pratique et théorique en enlevant du stoïcisme sa prétention à la vérité. Si Montaigne fait l'éloge d'une vie « selon la nature », ce n'est pas au sens stoïcien. Au cœur de notre enquête se pose donc finalement le problème du sens que peut prendre le précepte de vie selon la nature et la question de l'adhésion aux doctrines : peut-on se débarrasser de la métaphysique ?

  • Les Modernes ont-ils surpassé les Anciens? Une lecture de De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales de Madame de Staël
    Maud Brunet-Fontaine (Université d’Ottawa)

    Dans De la littérature, Madame de Staël soutient la supériorité des Anciens dans le domaine de l'imagination et ce qui en découle (beaux arts, poésie). Les Modernes semblent en effet voués à « recommencer les Anciens », à se baser toujours sur leurs modèles, à réutiliser les mêmes images et le même genre de descriptions. C'est plutôt par leurs idées, et l'impact positif qu'elles ont sur les mœurs, que les Modernes surpasseraient les Anciens, l'espèce humaine étant indéfiniment perfectible sur le sol de la pensée, mais point sur celui de l'imagination. Madame de Staël écrira donc que la principale contribution des Modernes à la littérature réside dans le déploiement de la sensibilité.

    Nous nous intéresserons donc à ce progrès de la sensibilité chez les Modernes présenté par Madame de Staël. Plus précisément, nous voulons étudier l'introduction littéraire de la sensibilité par les Modernes et voir si elle fait tomber ou non la continuité entre les Anciens et les Modernes au niveau de l'imagination. La sensibilité, le roman introduisent-ils une nouvelle forme d'imagination, perfectionnent-ils ce qui était prétendu imperfectible ou relèvent-ils d'abord et surtout du domaine des idées et non de l'imagination? Bref, les Anciens sont-ils supérieurs aux Modernes dans la sphère de l'imagination, tel que Madame de Staël le laisse entendre, ou les Modernes les surpassent-ils en tout point?

  • Saint Augustin et Jean-Luc Marion : l'amour pour accéder à soi
    Youna Guérette Rivard (Université d’Ottawa)

    Dans un colloque de 2003, le professeur Eoin Cassidy prononce une conférence intitulée « Le phénomène érotique : Augustinian Resonances in Marion's Phenomenology of Love », qui fait suite à la parution du Phénomène érotique (2003) la même année. Selon le Pr Cassidy, l'anthropologie que Marion propose dans cet ouvrage en réponse au cogito cartésien serait un des points de convergence qui unit sa pensée à celle d'Augustin. Pour les deux auteurs, la subjectivité est travaillée par une altérité originaire et c'est la prise de conscience de la vérité de ce désir d'autrui qui donne à la subjectivité l'assurance de son moi. Marion confirmera lui-même sa profonde dette historique envers Augustin en lui consacrant un ouvrage complet: Au lieu de soi (2008), une analyse phénoménologique des Confessiones. Nous soutiendrons que de l'analyse d'Au lieu de soi et du Phénomène érotique ressort une même thèse de Marion héritée d'Augustin: l'homme accède seulement à lui-même en son ipséité, ou en son moi charnel, par l'amour. «[…] Je sais ce que je suis en découvrant ce en quoi je me complais », résume Marion (Au lieu de soi, PUF, p.253). Il s'agira de voir comment l'amour, comme désir d'autrui, contribue à la connaissance de soi et à l'amour de soi. Cette méditation, pour le moins classique, est réactualisée par l'existentialisation du sujet qu'opère Marion.

  • Discussion

Communications orales

La pensée critique au collégial : pistes d'avenir (partie 1)

  • Repenser la correction des erreurs de raisonnement : environnements cognitifs et prudence épistémique
    Guillaume Beaulac (Yale University)

    J'introduirai, à l'aide d'une analyse inspirée de résultats récents en psychologie duraisonnement, deux idées permettant de penser et d'orienter autrement nos pratiquespédagogiques au collégial. Celles-ci encouragent l'exploration et l'utilisation d'outils qui ne sontpas fréquemment, voire pas du tout, présents dans la pédagogie au collégial, que ce soit à traversles méthodes ou les objectifs des formations. D'abord, l'idée de prudence épistémique vise àmettre en évidence le doute méthodologique et le questionnement, en philosophie et dans lesautres disciplines, permettant aux étudiantes et aux étudiants d'aborder les concepts étudiés et lesdécisions quotidiennes avec un certain recul—essentiel au développement de la pensée critique.Ensuite, j'introduis la notion d'environnements cognitifs, soit l'ensemble de facteurs qui peuventavoir des effets directs et indirects sur la prise de décision. Penser et repenser nos environnementscognitifs, mais surtout enseigner des stratégies pour améliorer le design de ces environnements deprise de décision, est une pratique qui n'est pas explorée dans le cadre de la réflexionpédagogique sur la pensée critique.

  • L'enseignement de la pensée critique dans les cours de philosophie au collégial : un échec?
    Pierre Blackburn (Cégep de Sherbrooke)

    Nous ferons un bilan de l'histoire de l'enseignement de la pensée critique dans lescours de philosophie au niveau collégial et deson état actuel. Ce bilan sera plutôt pessimiste.Nous tenterons de cerner quelques facteurs qui nous semblent être responsables de la situation.Certains d'entre eux sont reliés au milieu universitaire, d'autres à la communauté des professeursde philosophie du niveau collégial. Des pistes de solution seront présentées pour atténuer cesproblèmes qu'on pourrait qualifier de structurels. Dans un autre ordre d'idées, nous présenteronsune liste des principaux écueils qui guettent le professeur de pensée critique au niveau collégial.Finalement, nous présenterons brièvement du matériel en ligne utilisé depuis une douzained'années pour l'enseignement de la pensée critique au collégial.

  • Raisonnement et créativité : promouvoir la pensée critique avec la pensée divergente
    Janie Brisson (UQAM - Université du Québec à Montréal), Pier-Luc De Chantal

    Dans cette communication, nous proposons d'orienter l'enseignement de la penséecritique au collégial vers la promotion de la pensée divergente. En tant que composante de lacréativité, la pensée divergente permet de sortir d'un cadre de réflexion orienté vers une seuleréponse et de générer plusieurs réponses possibles. La considération de plusieurs possibilités au-delà de ce qui est proposé explicitement est une dimension importante de la pensée critique.Notre proposition s'appuie sur la littérature scientifique qui, d'une part, suggère que la penséedivergente soit liée à la capacité de générer plusieurs hypothèses et d'en rechercher desfalsificateurs (Vartanian et al., 2003) et qui, d'autre part, démontre que la génération deconclusions possibles sous-tend l'inhibition de certains sophismes (Markovits & Barrouillet, 2002). Nous présenterons des exercices orientés vers la pensée divergente qui incitent àl'exploration, à la génération et à la sélection de réponses alternatives. Nous proposeronségalement des pistes de réflexion quant aux méthodes d'implantation d'une approche orientéevers la pensée divergente dans le milieu collégial.

  • Discussion

Communications orales

Quel rôle pour la philosophie? Réflexions sur le statut scientifique et social du philosophe (partie 1)

  • Limites épistémiques de la philosophie et de la science chez Aristote
    Léa Derome (Université McGill)

    Bien que la diversité des sujets traités par Aristote rende périlleuse toutetentative de synthèse, on compte néanmoins quelques idées maîtresses qui orientent en profondeur la pensée du Stagirite. L'une d'entre elles est sans doute la nécessité d'une division entre différentes modalités de connaissance (sensation, expérience, savoir-faire, science, etc.). Dans cette présentation, en plus de préciser les raisons qui font de la philosophie une scienceau sens aristotélicien du terme, il s'agira surtout de montrer en quoi ce statut scientifique a paradoxalement des conséquences restreignantes sur le plan épistémique. C'est que certaines questions, quand elles sollicitent l'intuition morale ou ressortent à l'art dialectique, échappent à la philosophie et à l'investigation scientifique. Ainsi, en dépit du fait qu'Aristote la destine à une sorte d'omniscience (Métaphysique A, 2, 982a8-10), la connaissance philosophique doit vraisemblablement être complétée par d'autres formes de savoirs et de discours. Aussi est-ce en insistant sur les limites épistémiques de la philosophie (et donc de la science) que nous tâcherons de mettre en lumière quels sont, en contrepartie, les véritables domaines de compétence du philosophe vis-à-vis de l'homme sagace et du dialecticien.

  • Le rôle de la philosophie chez Julien Offray de La Mettrie
    Ugo Gilbert Tremblay (UdeM - Université de Montréal)

    Si, comme l'affirmait Pascal, «se moquer de la philosophie, c'est vraiment philosopher», alors il n'est pas douteux que La Mettrie fut un authentique philosophe. Contre ceux, légion, qui font profession de démystifier les idoles tout en se gardant de retourner la profanation contre eux-mêmes, La Mettrie invite en effet à ridiculiser les prétentions de la philosophie elle-même, à humilier la mégalomanie orgueilleuse qui conduit les philosophes à prêter une force politique et morale imaginaire à leurs raisonnements. «Chansons pour la multitude, que tous nos écrits», clame par exemple La Mettrie dans son Discours préliminaireavec un sens délicieux de l'autodérision. Nous sommes visiblement très loin du projet des Encyclopédistes qui concevaient plutôt la philosophie comme une puissance destinée à la réforme de la société et dont le mot d'ordre fut jadis si bien résumé par Diderot: «Hâtons-nous de rendre la philosophie populaire.» Dans le cadre de ce colloque, je me propose 1) de dégager les motifs qui conduisirent La Mettrie à mettre en cause les diverses fonctions publiques –qu'elles soient séditieuses ou civilisatrices –dont on auréole couramment l'activité philosophique et 2) de restituer la tâche fondamentale (de nature essentiellement privée) donthérite néanmoins cette dernière aux yeux du philosophe français, à savoir celle d'une pure connaissance de l'homme détachée de toute visée morale ou politique

  • La tâche de la vérité et l'histoire de la philosophie chez Paul Ricœur
    Rudolf Boutet (UdeM - Université de Montréal)

    L'histoire de la philosophie est «une leçon de scepticisme » disait Paul Ricœur dans la foulée de Kant. Face à la concurrence des idées, à la contradiction des systèmes et aux chocs des vérités, le philosophe est aujourd'hui placé devant une alternative malheureuse: soit il se réfugie dans une attitude historienne, abandonnant la tâche de découvrir la vérité sur les choses au profit d'un défrichement des vérités multiples, imperméables les unes aux autres, soit il adopte une posture scientiste axée sur le progrès de la connaissance, au risque de demeurer complètement aveugle au génie de ses prédécesseurs ou de se transformer lui-même, pour ses successeurs, en relique de l'histoire des idées. Comment échapper à ce dilemme funeste? Ma présentation compte répondre à cette question en exposant la perspective herméneutique du jeune Ricœur, pour qui la tâche de vérité qui incombe à toute pensée, loin d'être en contradiction avec le travail historique de déceler la vérité des œuvres du passé, n'est possible que dans une dialectique historique (non-hégélienne) de la vérité, jumelée au vœu «d'espérance» du philosophe actuel d'être, à son tour, «dans le vrai». L'objectif de cette présentation sera donc de défendre l'idée selon laquelle la tâche scientifique du philosophe est d'être un dépositaire desvérités du passé au service de lavérité en devenir.

  • Discussion

Communications orales

Le rôle de l'évaluation par les pairs dans la justification de l'expertise


Communications orales

Expérience, expertise et expérimentation (partie 1)

  • Gorgias, l'expérience sensible et l'expertise
    François-Julien Côté-Remy (UdeM - Université de Montréal)

    Même si nous n'avons conservé que deux résumés du fameux Traité sur le non-être de Gorgias (ceux de Sextus Empiricus et l'Anonyme), celui-ci est assez substantiel, et nous pouvons encore aujourd'hui apprécier le caractère choquant de certaines positions qui y sont défendues. Ainsi, contre la croyance la plus intuitive qui soit, Gorgias s'attaque aux prétentions de la connaissance de l'étant (to on). De par le fait qu'elles sont radicalement autres (c'est-à-dire, qu'elles « subsistent hors de nous »), les choses extérieures ne peuvent pas être connues, ni « montrées » aux autres. La connaissance sensible serait donc, de l'avis de Gorgias, absolument impossible.

    L'objectif principal de cette communication sera d'examiner en détails les arguments que Gorgias avance pour supporter sa thèse de l'impossibilité de la connaissance. Ils sont au nombre de trois : a) rien n'est; b) Si quelque chose est, c'est inconnaissable; c) Si c'est connaissable, c'est indémontrable aux autres). Ces arguments, en plus de s'attaquer à la thèse parménidienne de la correspondance entre le « penser » (voien) et « l'être » (einai), viennent justifier l'art rhétorique. En effet, sans la connaissance qui permet de départager le vrai du faux, l'être humain n'a plus rien d'autre que ses intérêts personnels et les moyens rhétoriques de les faire triompher. Dans un tel contexte, la rhétorique devient, à proprement parler, la seule « expertise » légitime.

  • La philosophie socratique comme expertise « éthique » de l'homme dans le Gorgias de Platon
    Patrick Ouellette (10 213 770) (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Dans le Gorgias, Socrate divise l'action humaine en deux catégories distinctes, les arts et les flatteries. Contrairement à la rhétorique qui serait au nombre des flatteries, la philosophie, quant à elle, serait un art. Le présent texte tâche de démontrer, d'une part, que la philosophie socratique emprunte les principes constituants des activités artisanales (les techniques) et du fait peut être interprétée comme une expertise « éthique » de l'homme. Ce texte voudrait également offrir, d'autre part, un premier aperçu de la critique de Socrate à l'endroit de la démocratie athénienne. Pour le philosophe, l'authentique politique serait un art, qui vise le bien de l'âme. Or, s'appuyant sur les principes rhétoriciens et visant ainsi le plaisir, la démocratie serait incapable d'inculquer au citoyen le rapport à soi nécessaire à une meilleure compréhension de lui-même. Par conséquent, la connaissance de soi, l'ultime but de la philosophie socratique, peut aussi être comprise comme une compétence politique.

  • Des Amazones et des hommes : analyse féministe d'une épistémologie à géométrie variable
    Stéphanie Proulx (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Ma conférence porte essentiellement sur la présence de biais discriminatoires à l'endroit des femmes dans les domaines scientifiques de l'histoire et de l'archéologie, plus spécifiquement dans le cas concernant les Amazones. Plusieurs chercheurs dans ces disciplines nient l'existence de ce peuple ancien de guerrières sur la base de critères épistémiques qui seront dans les faits appliqués différemment selon le genre du ou des personnages étudiés. Cette application discriminatoire de critères épistémologiques est dénoncée par plusieurs philosophes, historiennes et épistémologues féministes qui y voient là une influence de l'idéologie patriarcale toujours dominante dans nos sociétés. Une telle problématique remarquée dans de nombreuses autres recherches scientifiques amène les critiques féministes à proposer de nouvelles méthodes de recherche plus rigoureuses sur le plan épistémique qui seront dès lors dénuées de ces biais discriminatoires. Cette critique vient ébranler la parfaiteexpertiseque nous attribuons habituellement aux chercheurs et à leur méthodologie, et elle le fait surtout en démontrant la susceptibilité de la science à s'influencer d'un contexte social inégalitaire entre hommes et femmes. La recherche scientifique se place, d'abord, dans une société précise avec le contexte qui l'anime, et elle n'y est pas aussi hermétique que ne le veut la vision traditionnelle de la science, à savoir la production d'un savoir purement objectif, indépendant de toute donnée externe.


Communications orales

La pensée critique au collégial : pistes d'avenir (partie 2)

  • Le modelage métacognitif comme méthode d'enseignement de la pensée critique
    Marie-Claude Chénier (Cégep de Rimouski)

    Dans un contexte de rédaction, les étudiantes et les étudiants doivent livrer uneproduction achevée, une pensée «déposée» ne portant plus la marque de la confusion ni de lacontradiction. La production d'un texte argumentatif demande un travail de réflexion quin'apparaît pas: l'évaluation de ses arguments, des présupposés qu'ils contiennent, desconséquences, des définitions et, plus globalement, de sa stratégie argumentative. Il semble que,pour plusieurs étudiantes et étudiants, ce travail n'est pas au point ce qui les expose à des risquesaccrus d'erreur de toute sorte. Le modelage métacognitif, parce qu'il consiste à rendre explicite ledialogue intérieur de l'enseignant(e) qui réfléchit, est une méthode d'enseignement qui permettraitaux élèves de mieux construire, organiser et évaluer leurs arguments. Cette méthode rendraitaussi plus compréhensibles les textes à l'étude. En contribuant à rendre «visible» la démarche del'auteur(e), l'enseignant(e) permettrait aux étudiantes et étudiants de mieux saisir le sens, laportée, la suffisance et l'organisation des arguments développés. Lafortune, Jacob et Hébert(2000) stipulent que l'étudiant(e) ayant «développé des habiletés métacognitives» est celui qui«se pose des questions sur les procédures qu'il utilise, sur ses capacités, sur ses résultats». C'estaussi «celui qui est capable d'évaluer son degré de compréhension et de reconnaître ses forces etses faiblesses».

  • Enseigner la pensée critique avec la logique de la décision
    Karine Fradet (UdeM - Université de Montréal)

    L'analyse de la pensée critique passe par la capacité à évaluer des arguments, que ceux-ci soient déductifs ou inductifs, mais son effet à long terme risque d'être négligeable si le seuldomaine d'application perçu est un idéal social où tous ne visent qu'à faire des argumentsprobants afin d'atteindre la «vérité» pour elle-même. Or, un domaine d'application tangible pources notions se retrouve dans la prise de décision: les arguments auxquels nous sommesconfrontés sous-entendent très souvent un passage à l'action, que ce soit dans le rayon descéréales à l'épicerie ou devant un bulletin de vote.Des bases en logique de la décision peuvent être intégrées à l'intérieur des trois cours dephilosophie offerts au collégial sans avoir recours à des outils mathématiques poussés. Lesdiverses composantes d'une décision telles qu'établir la liste des actions potentielles, des états dumonde possibles et des conséquences attendues ne nécessitent aucun outil mathématique. On peutajouter l'évaluation de la probabilité ou de la plausibilité des différents états du monde ou desdifférentes conséquences qui font appel aux probabilités. Dans le cadre de cette présentation, je soutiendrai que des bases en logique de la décision peuventet devraient être intégrées dans les cours de philosophie au collégial. Je présenterai des diversaspects de la théorie ainsi que des façons de les intégrer au contenu actuel des cours.

  • Discussion

Communications orales

Quel rôle pour la philosophie ? Réflexions sur le statut scientifique et social du philosophe (partie 2)

  • Recevoir et communiquer : sur le rôle du philosophe d'après Fichte
    Olivier Huot-Beaulieu (Cégep Édouard-Montpetit)

    Par quelles obligations le savant est-il lié à la société au sein de laquelle il adopte une position? Telle est la question qui anime Johann Gottlieb Fichte, alors qu'il prononce, en 1794, ses célèbres Conférences sur la destination du savant, cela en vue d'inciter son jeune auditoire à fréquenter ses leçons privées à Iéna.Bien loin de confiner le philosophe à sa tour d'ivoire ou de le dispenser de devoir acquérir des connaissances empiriques, Fichte lui impartit alors la tâche de «surveiller d'en hautle progrès effectif de l'humanité en général, et de favoriser sans relâchece progrès ». En cultivant l'art de recevoir et de communiquer, le savant devrait ainsi se faire «pédagogue de l'humanité», «éducateur du genre humain» et «prêtre de la vérité», destination qui l'encouragerait en outre à se présenter comme «l'homme de la plus haute valeur morale de son époque».Afin de contribuer à une réflexion commune quant au rôle etàla fonction sociale du philosophe, il nous semblait plus qu'à propos de faire valoir le point de vue adopté par Fichte dans la quatrième de ses Conférences sur la destination du savant.

  • Le rôle du philosophe devant la corruption des mœurs, ou l'involontaire contribution de Rousseau à la Fondation de la métaphysique des mœurs
    Charlotte Sabourin (Université McGill)

    S'il est vrai que, comme le fait remarquer Rousseau dans son premier Discours, les progrès du savoir ont eu des conséquences bien malheureuses pour l'espèce humaine, faut-il pourtant, devant ce sombre tableau, succomber à une misologie? Ce questionnement, exprimé par Kant dans la Fondation de la métaphysique des mœurs, vient ainsi faire écho aux préoccupations de Rousseau. Nous nous pencherons ici sur l'influence de ce dernier quant à la nature de la connaissance morale telle que conçue par Kant. Ainsi, le bien n'est pas atteignable par une accumulation de connaissances; les principes de la moralité sont plutôt déjà présents dans la raison humaine commune, laquelle constitue d'ailleurs le point de départ de Kant. L'expérience morale n'est pas l'apanage du sage ou du savant, mais bien l'affaire de tout un chacun. Une certaine similarité peut ainsi être observée jusqu'ici entre les deux philosophes. Cependant, nous verrons que les principes tirés de la raison commune ne sont, en eux-mêmes, pas toujours suffisants. C'est ici que doit intervenir le philosophe et que Kant se dissocie, par le fait même, de Rousseau: l'élaboration d'une métaphysique des mœurs, science a priori qui se penche sur la source des principes pratiques évoqués plus haut, est indispensable. Car « les mœurs elles-mêmes restent soumises à toutes sortes de corruptions, tant que ce fil conducteur et cette norme suprême qui en permet l'exacte appréciation font défaut.» (Ak. IV, 390)

  • « Détenir le pouvoir corrompt inévitablement le jugement de la raison » : réflexions sur les Lumières kantiennes tardives
    Claude Piché (UdeM - Université de Montréal)

    La citation de mon titre est tirée de l'énoncé qui trace les grandes lignes de notre journée d'études. Cette phrase de Kant, extraite de Vers la paix perpétuelle (1795), concerne le pouvoir politique au sens étroit. Elle stipule qu'il n'est pas souhaitable que le philosophe devienne roi, ni que ce dernier devienne philosophe. Or cette thèse de Kant fait fond sur une conception d'ensemble qui est relativement nouvelle chez lui et qui contraste avec sa position de 1784 sur les Lumières. On apprend en effet dans Le conflit des facultés(1798) que non seulement le roi, mais les diplômés des trois facultés « supérieures » de l'université, c'est-à-dire les prêtres, les juristes et les médecins, ne sont pas dans une position qui leur permette d'exercer sans ambages un véritable esprit critique. Ils détiennent un savoir dogmatique sanctionné par l'État qui leur confère de la sorte une certaine autorité sur le peuple et c'est précisément ce pouvoir inhérent à leur profession qui fait obstacle à une véritable autonomie de pensée. Nous allons voir toutefois que cette autorité du pasteur, de l'avocat et du docteur n'émane pas uniquement de l'État, mais leur est de surcroît librement conférée par le peuple, à la faveur d'une attitude proprement « superstitieuse »


Communications orales

Ruptures et continuité entre les Anciens et les Modernes : Hegel et Aristote 

  • Hegel et la vertu selon Aristote
    Olivier Duchesne-Pelletier (Université Laval)

    Le dépassement du point de vue formel sur la morale occupe une place centrale dans le développement des Principes de la philosophie du droit de G.W.F. Hegel. C'est dans la transition de la moralité à l'éthicité que ce dépassement s'accomplit; non pas comme une réfutation totale de la morale formelle, mais comme sa sursomption en une « disposition-d'esprit consistant à vouloir ce qui est bon en et pour soi ». Hegel appelle cette disposition la « conscience morale véritable ». L'habitude est ce qui opère ce passage en ce qu'elle est le « mécanisme du sentiment de soi ». Elle est un point cardinal dans l'esprit, une « seconde nature ». L'habitude engage le devenir graduel de l'homme vers l'actualisation de ses potentialités. Hegel la décrit notamment comme un être immédiat de l'âme, un sentiment qui s'acquiert graduellement dans la pratique de l'élément éthique.

    Sous la catégorie d'« habitude », Hegel accorde aussi une place, dans les premiers paragraphes de l'éthicité, à la notion de vertu, renvoyant ouvertement à la conception qu'en avait Aristote. Dans cette conférence, nous nous proposons de mesurer la portée de cette référence à l'éthique d'Aristote. Bien que Hegel, penseur moderne, fasse certainement rupture avec les anciens, nous tenterons de faire valoir l'élément de continuité que témoigne le recours à Aristote au cœur d'une des articulations les plus fondamentales des Principes de la philosophie du droit.

  • La science de la logique, la logique de la liberté
    Maxime Vachon (Université Laval)

    D'après G. W. F. Hegel, l'exigence d'une « philosophie sans présupposé » se fait sentir au moins depuis R. Descartes, mais surtout depuis les acquis de la Révolution française en termes de liberté. Cette exigence est celle d'un savoir libre, c'est-à-dire celui d'une pensée qui n'emprunte pas ailleurs, en dehors d'elle-même, sa méthode et son contenu. Mais la logique n'est-elle pas la « forme » de tout savoir, le chemin déjà tracé que toute pensée doit emprunter pour tenir un discours au moins valide ? La logique avec ses règles et ses concepts constitue en soi-même un contenu, et pas seulement une forme, qui doit lui-même être justifié. Mais comment montrer la vérité de la logique, de n'importe quelle logique, sans employer cette même logique ? Comment penser « en dehors de » la logique ?

    Dans cette conférence, nous nous proposons de montrer comment la logique de G. W. F. Hegel s'inscrit en faux contre la logique traditionnelle en prenant pour point de comparaison la logique aristotélicienne. Nous entendons en fait montrer pourquoi la logique hégélienne n'est pas concevable dans le cadre de la métaphysique et de la « psychologie » aristotéliciennes, notamment à partir de la conception (déficiente) de la liberté qui traverse la pensée grecque.

  • Discussion

Communications orales

Ruptures et continuité entre les Anciens et les Modernes : questions de morale et de politique

  • L'invention de l'état de nature sert-elle à repenser dans un cadre moderne l'idée ancienne de finalité?
    Simon Pelletier (Université Laval)

    On connaît le passage célèbre du Prince où Machiavel, à propos des auteurs anciens qui « se sont imaginés des républiques et des principautés que l'on n'avait jamais vues», constate que l'écart de la façon « dont on vit à la façon dont on devrait vivre » est si grand « que celui qui laisse ce qui se fait pour ce qui devrait se faire apprend plutôt à se perdre qu'à se préserver ». Machiavel opèrerait, comme on le reconnaît généralement, une rupture décisive dans l'histoire de la philosophie politique : à partir de lui, celle-ci se serait désintéressée du devoir être pour s'intéresser plutôt à ce que les hommes sont. Pourtant, rien n'est moins sûr, et ce, même dans le cas du Prince (Strauss 2013). Le but de mon exposé sera de déterminer dans quelle mesure les grands penseurs politiques modernes ultérieurs, en inventant le concept d'état de nature, réussirent à mener comme Aristote une réflexion sur la fin de l'association politique, sur son devoir être. J'exposerai le rôle qu'occupe l'état de nature dans les réflexions de Hobbes, de Locke et de Rousseau pour montrer que bien qu'ils nient à la nature tout caractère téléologique, en donnant à la société civile une fondation artificielle et contractuelle, ils confièrent à la volonté, la faculté de se poser des fins, la fonction de forger une nouvelle norme par laquelle mener une critique des régimes du XVIIe et du XVIIIe siècle.

  • Aristote et Kant : le concept de nature et ses implications morales
    Samuel Descarreaux (Université d’Ottawa)

    Dans la Politique, Aristote définit le concept de nature en mettant l'accent sur la cause finale: « [...] ce qu'est chaque chose une fois sa croissance achevée, c'est cela que nous appelons la phusis de chaque chose. » Ainsi l'homme, tel qu'en témoigne l'exemple polémique du maître et de l'esclave, accomplit sa nature par la liberté; est libre l'homme qui possède la capacité de commander, qui agit suivant les vertus morales et intellectuelles. La cause finale, en tant que cause particulière qui explique le mouvement, s'inscrit ainsi dans le concept de nature (principe de mouvement et de repos), et place la liberté au sein d'une nature téléologique qu'elle réalise.

    Il en va autrement pour Kant qui définit la nature comme « l'enchaînement des phénomènes, quant à leur existence, selon des règles nécessaires ». Cette explication détermine les limites de deux facultés : la raison pure s'attarde à la nature causalement déterminée et la raison pratique s'occupe du domaine de la liberté morale. Or, on pourrait faire croire à un développement en vase clôt de la raison pratique; il n'en est rien puisqu'en réalité, le concept de nature, et donc la raison théorique, fournit le cadre et les modalités du développement de la morale.

    Ces quelques lignes servent d'amorce à une étude du concept de nature tel que l'entendent Aristote et Kant, et des conséquences morales qu'il sous-tend. Nous argumenterons que ce concept théorique constitue le point pivot de leur philosophie morale respective.

  • L'aristotélisation gadamérienne de Platon et la fondation éthique d'une herméneutique de la confiance
    Antoine Pageau St-Hilaire (Université d’Ottawa)

    L'herméneutique dite “de la confiance” de Gadamer (Dostal: 2008) serait largement redevable à Platon (Risser: 2002). En effet, si l'idée de dialogue joue un rôle central dans une œuvre mature comme Vérité et méthode, on note des similitudes très fortes entre les caractéristiques de ce dialogue et celle que Gadamer exposa dans sa thèse d'habilitation de 1931 sur Platon (L'éthique dialectique de Platon). Nous chercherons toutefois à montrer, en la confrontant au problème de l'ironie socratique et platonicienne, que cette « éthique dialectique » fondée dans une large mesure sur l'authenticité des interlocuteurs repose davantage sur une conception aristotélicienne de l'amitié philosophique (Brogan : 2002) que sur les dialogues platoniciens comme tels. En ce sens, nous suggérerons que la fondation éthique de l'herméneutique gadamérienne, pour peu qu'elle s'inspire de Platon, procèderait en fait d'une certaine aristotélisation de Platon.

  • Platon et Tocqueville : deux critiques « amicales » de la démocratie
    Ariane Blais-Lacombe (Université Laval)

    Bien que Platon et Tocqueville soient considérés comme de grands critiques de la démocratie, rarement a-t-on établi un parallèle entre leurs pensées politiques respectives. Cela s'explique peut-être par le fait qu'ils ont examiné deux formes sensiblement différentes de la démocratie, soit celle ancienne et celle moderne. Cependant, au-delà de leurs critiques relatives à ces deux formes de la démocratie, certains éléments de leurs interprétations se rejoignent. Nous proposons de comparer les critiques platonicienne et tocquevilienne de la démocratie, afin de faire ressortir leurs points de convergence et de divergence. Un premier rapprochement que nous étudierons est leur angle d'analyse, qui consiste dans les deux cas à observer le régime politique, mais aussi son influence sur le caractère de ses citoyens. En effet, Platon comme Tocqueville décrivent les caractéristiques de l'homme démocratique. Un second point commun de ces deux auteurs est que leurs critiques comportent une appréciation positive de la démocratie. Si Tocqueville se déclare textuellement « l'ami de la démocratie », nous argumenterons que Platon l'est lui aussi. Afin d'établir le parallèle âme-régime et la critique amicale de la démocratie chez nos deux auteurs, nous nous concentrerons sur le début du deuxième tome de De la démocratie en Amérique de Tocqueville, sur les livres I et VIII de la République ainsi que sur des extraits du Politique de Platon.


Communications orales

Expérience, expertise et expérimentation (partie 2)

  • Négation : une réévaluation de la position de Wittgenstein
    Jimmy Plourde (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    Dans cet article, je présente l'interprétation standard de la conception tractarienne des propositions négatives et soutient qu'elle n'est pas conforme à ce qui est dit dans le texte, notamment parce que, contrairement à ce qui est dit en 2.06, elle exclut qu'il y ait, dans le Tractatus, des faits négatifs. Je présente ensuite l'interprétation de Guido Bonino qui propose une interprétation de la négation qui est conforme avec l'idée qu'il y a des faits négatifs et qui conçoit ces derniers de façon à ce qu'il s'agisse d'une catégorie ontologique acceptable pour Wittgenstein. Cependant, sur le plan de la caractérisation de la négation, l'interprétation de Bonino présente une difficulté majeure : elle présuppose qu'il y aurait deux types distincts d'assertion dans le Tractatus, ce qui n'est pas conforme à ce qui est dit dans le texte. En renonçant à cette idée pour la remplacer par celle selon laquelle les propositions représentent, dans le Tractatus, des situations positives et des situations négatives dont on dit, dans les deux cas, qu'elles sont le cas, on obtient une interprétation nouvelle de la négation qui n'a ni les défauts de l'interprétation standard, ni ceux de l'interprétation de Bonino.

  • Les numéraux avant les nombres? Les limites de l'expérimentation en cognition numérique
    Jean-Charles Pelland (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    La recherche sur la nature de la cognition numérique emporte avec elle un nombre de questions importantes concernant la relation entre la psychologie et les mathématiques. Entre autre : l'expérimentation dans le domaine de la cognition numérique peut-elle expliquer le développement de concepts aussi objectifs que celui de NOMBRE? Est-il possible de construire un concept de nombre qui pourrait satisfaire les demandes de la pratique mathématique en se servant de mécanismes psychologiques? Le présent texte propose une analyse critique de réponses offertes à ces questions par des chercheurs en cognition numérique dans les dernières années. Je présente un bref résumé de certains résultats empiriques clés dans le domaine de la cognition numérique. Par la suite, je résume les grandes lignes de théories souvent citées dans la littérature – celles de Stanislas Dehaene, Susan Carey, et Helen DeCruz. Bien qu'elles fassent appel à des processus bien distincts, ces théories se fient toutes à l'existence de symboles numériques dans l'environnement pour expliquer le développement de nos concepts de nombre. Dans la dernière section, je développe un argument selon lequel on ne peut se fier à l'existence de symboles numériques pour expliquer le développement de concepts numérique, puisqu'en ce faisant, on place la charrue devant les bœufs.

  • Discussion

Communications orales

La pensée critique au collégial : pistes d'avenir (partie 3)

  • Une approche informelle de la logique informelle
    Michel Métayer (Collège Lionel-Groulx)

    Les processus de pensée logique s'apprennent et s'effectuent essentiellement de façonintuitive et informelle dans des contextes naturels. L'enseignement de la «pensée critique» aucollégial ne devrait pas viser à substituer des procédures formelles à une pratique naturellementinformelle, mais plutôt à lui greffer une variété de procédés simples favorisant la réflexivitécritique et l'effort d'objectivité. Il s'agit au fond de traduire les exigences de cohérence logique,le repérage des sophismes ou la prévention des biais cognitifs en des questions élémentaires,destinées à être appliquées autant à soi-même qu'à ses interlocuteurs, dans le cadre deproductions diversifiées (rédaction de textes argumentatifs, analyse critique d'argumentations, dedébats): «Qu'est-ce que tu veux démontrer au juste?», «Cette argumentation répond-elle àl'objection qui vient d'être formulée?»,«En disant cela, est-ce que “X” respecte la définitiondonnée pour ce concept?», etc. Un niveau plus élevé de conscience critique peut être atteint par une autre approche informellevisant cette fois la prise de conscience et la maîtrise de l'aspect stratégique de l'argumentation. Ils'agit dans ce cas d'amener une prise de conscience des stratégies et des procédés utilisés par lesinterlocuteurs et d'apprécier leur acceptabilité ou leur inacceptabilité dans des contextes dediscussion concrets.

  • Pensée critique et statistique
    Jean-Philippe Villeneuve (Cégep de Rimouski)

    La pensée critique est, selon Lau (http://philosophy.hku.hk/think/critical/ct.php), lacapacité de penser clairement et rationnellement. Elle permet notamment d'identifier, de faire etd'évaluer des arguments. L'innumérisme est l'incapacité à lire correctement un énoncé ayant desnombres et il nuit à la pensée critique, car il nous est impossible d'évaluer si l'énoncé est vrai oufaux. Que signifie, par exemple, que le deuxième article est à moitié prix ou qu'une compagnieaffirme avoir le plus grand nombre de clients satisfaits? Ces problèmes d'innumérisme peuvent très bien être traités dans le cours de Méthodes quantitatives (360-300) qui est obligatoire pourles étudiantes et les étudiants du programme de sciences humaines. Or, les manuels scolaires neparlent pas ou très peu d'innumérisme. La question devient alors: comment organiser ce courspour maximiser sa pertinence dans l'enseignement de la pensée critique? Pour répondre à cettequestion, une séquence de cours sera présentée. De plus, un élément de compétence est de situerl'analyse des données à l'intérieur de la démarche scientifique en sciences humaines. Il semble yavoir consensus sur cette définition de la démarche scientifique dans les manuels scolaires.Comment cette «démarche scientifique» pourrait-elle s'inscrire dans le développement de lapensée critique? La question de la diffusion via l'utilisation d'un manuel, d'un Wiki oude capsules vidéos sera abordée et l'approche pédagogique de la classe inversée, discutée.

  • Discussion

Communications orales

Quel rôle pour la philosophie? Réflexions sur le statut scientifique et social du philosophe (partie 3)

  • Le problème du politique au sein de l'éthique lévinassienne
    Marie-Hélène Gauthier (UdeM - Université de Montréal)

    Dire que l'éthique constitue le nœud d'une philosophie première, c'est poser d'emblée son antériorité par rapport à toute question politique. Chez Levinas, l'intrigue qui lie le sujet à autrui s'institue de manière fondamentale et irrémissible. Dans la relation du face-à-face avec le prochain, le sujet entend immanquablement, de manière toute passive, son appel à la responsabilité éthique, mais demeure souverain dans sa décision d'y répondre ou de l'ignorer. Alors que le face-à-face désigne un lieu à l'extérieur du monde commun des êtres humains, donc un lieu à l'extérieur du politique, l'élection du sujet par le prochain qui forme l'inéluctabilité de sa responsabilité face à lui, pose à sa suite la question de la responsabilité face au tiers. Le sujet est ainsi responsable du prochain au sens fort du terme: il doit répondre tant de la souffrance qui lui est infligée que de la souffrance qu'il peut infliger au tiers. Le questionnement politique débute donc chez Levinas dans cet après-coup de la relation éthique originaire: suivant l'inquiétude éthique suscitée par le prochain, survient le problème d'une justice à instaurer par le truchement du politique. Alors que la philosophie a traditionnellement oscillé entre la séparation du sujet moral et du sujet politique (Kant) et la subsomption du premier dans un État réalisant la morale (Hegel), est-il possible de penser avec Levinas une troisième voie par laquelle éthique et politique demeureraient en tension ?

  • D'une certaine « ascèse » en philosophie : l'humour dans les philosophies du langage de L. Wittgenstein et de W. Benjamin
    Olivier Dorais (UdeM - Université de Montréal)

    «L'«essai» –qu'il faut entendre comme épreuve modificatrice de soi-même dans le jeu de la vérité et non comme appropriation simplificatrice d'autrui à des fins de communication –est le corps vivant de la philosophie, si du moins celle-ci est encore maintenant ce qu'elle était autrefois, c'est-à-dire une «ascèse», un exercice de soi, dans la pensée.» Dans cette courte citation, on voit Michel Foucaultrenouer à la fois avec une certaine tradition pratique de la philosophie antique ainsi qu'avec celle plus récente de l'essai, pour lesquelles la philosophie est exercice critique de la pensée sur elle-même. Elle cherche moins l'«acquisition des connaissances» que l'«égarement de celui qui connaît» (ce qui n'est pas sans rappeler un certain Socrate). Ici, non pas séparation ou articulation de la pratique et du discours, encore moins discussion des motifs en vue de l'action, mais pratique même du discours. Ce sont de telles pratiques que nous voudrions mettre en valeur dans notre communication, plus précisément chez deux philosophes du langage: Ludwig Wittgenstein et Walter Benjamin. Pour ce faire, nous prendrons l'exemple de l'humour chez ces deux penseurs, et tenterons d'en montrer le rôle éthique et critique à l'intérieur de leurs philosophies du langage.

  • Discussion

Cocktail

Assemblée générale annuelle de la Société de philosophie du Québec

Communications orales

Heidegger : poésie, affectivité et vérité

  • L'ancrage phénoménologique de la disposition affective
    Sophie-Jan Arrien (Université Laval)

    Contrairement à ce qui se passe dans les analyses consacrées aux disposition affectives fondamentales (Grundstimmung) de l'angoisse ou de l'ennui dans Être et temps (1927), « Qu'est-ce que la métaphysique ? (1929) et les Problèmes fondamentaux de la métaphysique (1929-30), où Heidegger s'appuie sur un fond expérientiel facilement et rigoureusement repérable d'un point de vue phénoménologique, les choses semblent se brouiller dans les années trente. Bien que la possibilité de toute « décision » à l'égard de la vérité de l'être y est désormais arrimée à une disposition affective fondamentale (étonnement, doute, angoisse, effroi, etc.), cette décision n'a plus rien du principe d'individuation incarné par la résolution dans Être et temps. Au contraire, tout ce qui peut encore s'apparenter à un vécu singulier, phénoménologiquement purifié ou non, est banni de l'équation, laissant ouverte la question de savoir « qui » ou « quoi » est affectivement disposé, comment et en quel sens au juste. En d'autres termes, se pose de façon problématique la question de l'ancrage phénoménologique (sa nature et sa nécessité) de la disposition affective chez le Heidegger du tournant. C'est ce que nous tenterons d'éclaircir, en examinant les Questions fondamentales de la philosophie (1937-38) et les Contributions à la philosophie (1936-38).

  • Expérience de la conscience et vérité chez Heidegger
    Elisa Bellato (Université Laval)

    En prenant appui d'une part sur l'interprétation heideggérienne de l' « Introduction » à la Phénoménologie de l'esprit de Hegel, de l'autre sur celle du mythe de la caverne de Platon, nous chercherons d'élucider le concept d'expérience à partir d'une étude ontologique et dialectique de la vérité conçue comme alèthéia. A partir du propos de Hegel d'édifier une « science de l'expérience de la conscience », nous traiterons de la question de l'expérience de la conscience dans le sens à la fois objectif et subjectif du génitif. En l'espèce nous chercherons à mettre en évidence comment Heidegger voit dans la conscience elle-même la possibilité et la nécessité de l'expérience de la conscience. Nous focaliserons alors notre attention d'une part sur le concept de mouvement de la conscience dans son devenir conscient, à savoir dans son se-montrer. D'autre part, sur celui de renversement, à savoir sur l'idée d'éclaircie de la vérité comme nécessaire au se-montrer lui-même. Nous tenterons par là d'étudier l'expérience chez Heidegger en tant que domaine du déploiement de la vérité de l'être (alèthéia) en tant que lieu inaugural de l'accord entre sujet et objet, esprit et nature, être et étant, apparaître et apparu.

  • La poésie et les dieux : pour une pratique fondatrice de l'être
    Eugénie C. Bonneau (Université Laval)

    Pourtant centrale aux réflexions que présente Heidegger à partir des années trente, la référence aux dieux dans son œuvre résiste encore à l'interprétation. Quant à la notion de poésie, son équivocité la rend souvent victime d'une interprétation de premier degré qui ne parvient pas à rendre compte de la profondeur et de l'importance que lui accorde Heidegger. En nous penchant sur l'intrication entre les notions de poésie et de dieux chez Heidegger et au moyen de l'éclairage réciproque qu'elles se procureront, nous souhaitons mettre en lumière le sens et la portée de leur présence chez Heidegger. Ce faisant, notre objectif sera de montrer que la référence aux dieux ne doit pas s'entendre en un sens religieux, mais que cette référence possède plutôt une fonction analogique et métaphorique par laquelle elle réfère à une expérience insigne de l'existence humaine, à laquelle on accède par une attitude poétique qui ne relève pas uniquement de l'activité littéraire ou artistique, mais de toute activité « fondatrice » de l'homme, en un sens qu'il s'agira de définir.

  • Le regard de l'animal : une expérience affective de la finitude
    Jean-François Perrier (Université Laval)

    Les questions concernant les animaux requièrent une attention particulière et demandent une vigilance accrue, en raison notamment de la multiplicité des déterminations qui accompagnent la notion floue « d'Animal », sous laquelle tous les animaux non humains sont indistinctement catégorisés. Il s'agira ici de questionner deux monuments de la phénoménologie sur la question des animaux, à savoir Martin Heidegger et Edmund Husserl.

    Pour ce faire, l'œuvre de Jacques Derrida s'avère fondamentale afin de nous questionner. En effet, Derrida fait voir que s'interroger sur la façon dont nous sommes affectés par les animaux, et savoir comment il est possible d'en faire une expérience véritable, c'est se questionner sur l'ouverture, et la fermeture possible, de notre affectivité et, ce faisant, sur la possibilité d'une véritable expérience de l'altérité.

    Le mutisme des animaux, notamment lorsque celui-ci nous regarde, semble commander une expérience affective signifiante, voire, disposer le sujet à l'authenticité d'une expérience éthique. L'expérience-limite de se retrouver face à un chat qui me voit le voir me voir, conduit à une expérience de l'étrangeté, en ceci que l'animal me regarde pour ne rien dire et ne rien faire. Le sujet qui fait cette expérience serait ainsi conduit à saisir l'irréductible antériorité de l'animal, son altérité infranchissable, au sein même de sa propre constitution, tant et si bien que la frontière rigide entre Homme et Animal n'est plus assurée.

  • L'expérience tragique de l'histoire
    Charles Gauthier-Marcil (Université Laval)

    Cette communication se penchera sur la « logique tragique » de l'histoire chez F. Hölderlin et M. Heidegger, pour tenter d'en dégager une autre posture face à ce qu'on pourrait appeler des « temps de crise ». En effet, ces deux auteurs ont compris ces temps de crise comme étant marqués par le déclin d'une époque. La crise y devient un point pivot, achevant une époque, et fondant la suivante. Pour Hölderlin, la souffrance occasionnée par le deuil de l'époque déclinante doit être ressaisie par le poète tragique dans l'instant critique, l'Augenblick, instant énigmatique qu'il s'agira de comprendre. C'est par cette ressaisie qu'une autre époque devient possible. Ce rôle est également assumé par le poète, chez Heidegger. Ce dernier l'explicite cependant en y adjoignant la notion de disposition affective fondamentale (Grundstimmung), dont le renouvellement est nécessaire pour qu'un autre rapport à l'être puisse advenir, et donc une autre histoire.

    Face à la succession de crises qui semble marquer notre époque (économique, mais aussi culturelle, spirituelle, etc.) nous observons une volonté de s'accrocher aux traces du monde qui s'écroule, de manière à le préserver. Afin de penser une autre attitude face au déclin et à la crise, il nous semble pertinent de s'intéresser, dans une visée heuristique, aux conceptions du déclin, du passage et du commencement dans l'histoire, telles que M. Heidegger et F. Hölderlin, les ont pensées.


Communications orales

Un demi-siècle de philosophie collégiale : histoire, bilan et perspectives

  • Le programme Éthique et culture religieuse : pistes pour un arrimage avec l'enseignement collégial de la philosophie
    Benoit Mercier (Cégep Montmorency)

    En 2008, le programme Éthique et culture religieuse (ECR) entre en vigueur au primaire et au secondaire et met un terme à 400 ans d'enseignement confessionnel au Québec. Bien qu'il n'ait que sept ans d'existence, il est temps de réexaminer ses finalités, ses compétences et ses contenus d'apprentissage. Cet examen est d'autant plus nécessaire que depuis la dernière révision des devis ministériels touchant la formation générale, en juin 2010, le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport et les enseignants de philosophie se sont entendus pour que la séquence des objectifs et des standards des cours de philosophie s'inscrive en continuité directe avec ce programme d'études.

    Pendant plus de 40 ans, la philosophie a été la seule discipline de la formation générale à ne pas avoir son équivalent au primaire et au secondaire. Cette incohérence des curriculums est-elle réglée par la révision des devis de 2010? En d'autres termes, est-ce que l'arrimage de l'enseignement de la philosophie au collégial et du programme ECR facilite la progression des apprentissages entre ces ordres d'enseignement? L'examen du programme montre clairement qu'une formation à l'éducation à la citoyenneté est un lieu de passage obligé. Dans un esprit de cohésion, quelle place devrait avoir cette éducation dans l'enseignement collégial de la philosophie?

  • Une éducation citoyenne interordres
    Pierre Després (Cégep Montmorency)

    Dans l'enseignement primaire et secondaire, les programmes du domaine de l'Univers social (Histoire et éducation à la citoyenneté, Géographie) contribuent au développement de compétences associées à l'éducation civique et citoyenne. Le programme Éthique et culture religieuse (ÉCR), dont les finalités sont la reconnaissance de l'autre et la recherche du bien commun, y contribue aussi de façon significative. Au collégial, le troisième cours de philosophie (Éthique et politique) aborde directement les questions d'éducation citoyenne. De plus, le MELS a proposé en 2014 d'introduire au collégial un cours d'histoire du Québec centré sur l'éducation à la citoyenneté. Il n'existe pas pour l'instant de préoccupation interordres qui permettrait d'assurer une cohérence éducative dans l'éducation civique et citoyenne. Pourtant, il serait souhaitable d'arrimer une éducation civique et citoyenne qui se développerait du primaire à la fin des études collégiales, au moment où les jeunes collégiens se préparent à voter pour la première fois. En ce sens, l'arrimage entre le programme ÉCR et celui de la philosophie au collégial pourrait être prometteur. D'autres voies pourraient être explorées entre l'enseignement des programmes de l'Univers social et le programme des sciences humaines au collégial.

  • Les rapports entre philosophie collégiale, éthique et politique
    Jean-Claude Simard (UQAR - Université du Québec à Rimouski)

    Les années 1970 furent une période d'intense ébullition sociale. Elles constituent aussi ce moment historique où la philosophie collégiale a sans doute atteint son degré de politisation maximale, au point où on a pu alors la qualifier de dogmatisme impénitent, voire de nihilisme. On rappellera d'abord les principaux aspects de cet étonnant phénomène.

    Mais une telle politisation soulève en outre plusieurs questions fondamentales pour notre discipline. Tout d'abord, peut-on faire de la philosophie sans politique ou, du moins, sans effet politique? En somme, la philosophie possède-t-elle des frontières? Si oui, lesquelles et comment les détermine-t-on? D'ailleurs, quels rapports la philosophie politique entretient-elle avec l'éthique : sont-elles intrinsèquement liées? Si oui, la première constitue-t-elle un simple prolongement collectif de la seconde? Sinon, est-elle autonome?

    Nous examinerons ces questions à la lumière de l'épisode des années 1970 et tenterons d'en tirer quelques enseignements. À cette occasion, nous défendrons une thèse simple : la notion de pouvoir est inséparable des rapports collectifs et irréductible au domaine de l'éthique individuelle ; ni l'éthique sociale, ni le concept de justice ne sont en mesure de combler entièrement cet écart. En ce sens, l'exercice du pouvoir consacre l'autonomie, au moins relative, de la sphère politique.

  • Philosophie et compétences : une union possible?
    Jean-Guy Lacroix (Cégep du Vieux Montréal)

    Depuis le Renouveau de 1993-1994, la philosophie collégiale doit être enseignée par compétences. Cette importante réforme a impliqué un nouveau programme, un nouveau langage et des visées différentes. Quel bilan peut-on tirer d'une telle expérience, vingt ans plus tard? Donner les cours par compétence a-t-il dénaturé l'enseignement de la philosophie?

    Dans cette communication, nous chercherons à répondre à cette question en explorant la relation théorique entre philosophie et compétence, tout en prenant soin de lier le tout à l'enseignement et à son évolution depuis 1994. Nous en profiterons pour rappeler les analyses des didacticiens de la philosophie, qui se demandent si l'approche par compétence peut vraiment atteindre le cœur même de l'acte philosophique. Nous comparerons aussi la méthode socratique, très utilisée dans le réseau, et l'approche par compétence : sont-elles compatibles? Par exemple, l'ironie socratique consiste-t-elle à amener l'interlocuteur à l'absence totale de compétence? Quant à l'intuition pure ou à la réminiscence, comme disait Platon, peut-elle être considérée comme une compétence suprême? S'agit-il seulement d'un problème de langage ou y a-t-il entre ces deux approches un hiatus insurmontable? Après avoir ainsi soupesé didactique et méthode, nous terminerons en soulevant quelques problèmes liés à l'évaluation des compétences en philosophie.

  • Une nouvelle génération de professeurs de philosophie
    Katerine Deslauriers (Collège Jean-de-Brébeuf)

    Après le colloque sur "l'Avenir des collèges" en 2004 et les mobilisations qui ont suivi pour sauver le réseau collégial et la philosophie comme enseignement obligatoire au secteur technique et au secteur préuniversitaire, une nouvelle génération de professeurs de philosophie a voulu dynamiser non seulement la pédagogie mais aussi la place de la philosophie dans l'espace public. Le but avoué était triple : faire connaître la richesse de cette discipline à tous, en montrer l'actualité et la pertinence au grand public et, enfin, faire se rencontrer davantage les professeurs de philosophie du collégial. Entre 2004 et 2011, une voix dynamique et puissante en est ressortie et a donné des retombées dans plusieurs sphères médiatiques : pensons au « Devoir de philo », aux revues Médiane et Philosopher, aux articles dans plusieurs revues, aux cafés philosophiques, ainsi de suite. La communication rappellera d'abord l'essentiel de ces événements en philosophie québécoise et tentera ensuite d'ouvrir quelques perspectives d'avenir.


Communications orales

Expériences et parcours des femmes en philosophie (partie 1)

  • Du devenir féministe
    Christine Daigle (Brock University)

    Simone de Beauvoir entame son Deuxième sexe en déclarant avoir longtemps hésité à écrire sur les femmes le sujet étant "irritant." Pour beaucoup de femmes philosophes, la question des femmes en philosophie est tout aussi irritante et celui du féminisme peut-être même plus. Dans un monde que certains osent qualifier de postféminisme et où plusieurs jeunes femmes ne voient pas la nécessité d'être "féministe," qu'en est-il de ce devenir féministe? Malheureusement, le monde postféministe est toujours une utopie et c'est souvent par des expériences de harcèlement et de discrimination dans le monde académique que ces jeunes femmes deviennent féministes. Mais une fois que l'on devient féministe, y aurait-il quelque chose comme un devoir d'être militant dans sa propre pratique philosophique et pédagogique? Dans ma présentation, je partagerai mes propres expériences du devenir féministe et la façon dont cela a affecté mon travail en tant que philosophe. Pour le dire brièvement: devenir féministe entraîne une transformation radicale de la pratique philosophique.

  • Femmes et pouvoir en philosophie
    Julie Perreault (Université de Moncton)

    Dans cette communication, j'expliquerai comment mon féminisme origine d'un travail philosophique plutôt que du militantisme. En ce sens, il présente une volonté humaniste et universelle avant d'être politique (ce que tout féminisme est toutefois nécessairement). Mes premiers travaux avec des auteurs féministes remontent à la maîtrise. Ils sont le résultat de la confrontation entre deux visions du « souci de soi » et du pouvoir que signifia pour moi la rencontre de l'éthique du care, de Carol Gilligan, et de la « philosophie » de Michel Foucault. Ma première réaction à la lecture de In a Different Voice (lu en parallèle avec l'Histoire de la sexualité et l'Herméneutique du sujet) fut l'étonnement : comment se fait-il que l'expérience du care que décrit cette auteure ne soit pas venue avant à mes oreilles de philosophe? Ma deuxième réaction fut le soulagement : je ne suis donc pas la seule à sentir ainsi, à penser ainsi, à croire que mon expérience peut avoir des mots que la philosophie n'a pas? Ma recherche philosophique personnelle débuta à ce moment. Elle m'amena d'abord à chercher ailleurs que dans la tradition philosophique admise, dans le féminisme du care et la pensée autochtone, les conceptions du pouvoir et du soi qui lui manquait. Cependant, cette recherche me rapprocha aussi de cette tradition, et me fit comprendre qu'elle en faisait partie comme son autre. Mon féminisme prit naissance ici, tout autant que ma volonté philosophique de le dépasser sans le rejeter.

  • Penser les femmes
    Rhéa Jean (Université du Luxembourg)

    Existe-t-il une « pensée de femme »? Si parler d'une « pensée de femme » risque de nous emprisonner dans une conception essentialiste des sexes, on peut néanmoins considérer que l'apport des philosophes femmes nous permet de « penser les femmes » et de tenter de pallier ainsi à une histoire de la philosophie fortement androcentrée. À travers une expérience du corps qui leur est propre et une socialisation différentielle qui perdure, les femmes peuvent témoigner d'autres conceptions de soi, ainsi que d'autres dilemmes éthiques qui ont pu avoir échappé aux philosophes de sexe masculin. Si les femmes philosophes n'ont pas à chercher nécessairement à apporter un « regard différent », elles ont néanmoins cette possibilité, à cause de leur expérience de femmes. L'apport des philosophes féministes devrait dès lors s'avérer une contribution incontournable à la philosophie, car il permet de voir le monde à travers la moitié de l'humanité.

  • Discussion

Communications orales

La philosophie de Hobbes (partie 1)

  • Le conatus dans la philosophie de Thomas Hobbes
    Alexandre Rouette (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    Si nous ne pouvions qu'utiliser un seul mot afin de décrire la philosophie de Thomas Hobbes, le mot « matérialisme » serait sans aucun doute le plus adéquat de tous. Partant du présupposé que « tout est matière », le philosophe anglais élabore une philosophie dans laquelle physique, physiologie, morale et politique sont des disciplines si intimement liées entre elles qu'elles ne sont finalement que différentes facettes d'un seul et même système.

    Tout étant matière, les phénomènes du monde doivent pouvoir s'expliquer seulement grâce à la matière et ses modifications. Hobbes n'échappe pas à cette obligation: c'est essentiellement grâce à une analyse approfondie des différents mouvements et des propriétés de la matière que Hobbes parvient à construire un système philosophique entièrement matérialiste.

    Cela dit, chez Hobbes le mouvement ne devient intelligible que grâce à l'intervention d'un concept auquel il donnera ses premières lettres de noblesse : le conatus. Non seulement le conatus rend compréhensible le mouvement (et, par voie de conséquence, l'ensemble du système hobbesien), mais il est d'autant plus intéressant parce qu'il est le concept rendant possible l'interconnexion intime des quatre pans de la philosophie que nous avons précédemment identifiés.

    Cette communication a pour objectif de définir le sens du concept de conatus chez Hobbes, de clairement démontrer son importance et enfin de bien montrer le rôle unificateur que Hobbes lui confère au sein de sa philosophie.

  • Corporéité de Dieu et substance matérielle chez Hobbes
    Syliane Malinowski-Charles (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    Pour le matérialiste mécaniste qu'était Hobbes, seuls les corps existent, et parler d'un esprit incorporel ou immatériel est un non-sens. Hobbes propose des analyses très provocatrices, mais argumentées avec de nombreuses citations tirées des Écritures, pour soutenir (notamment au chapitre XI des Elements of Law) que les esprits et les anges sont des corps, simplement faits de matière très subtile. Parmi les interprètes contemporains, dont la majorité pensent tout simplement qu'Hobbes était athée et ne croyait donc pas que Dieu soit corporel (ni, à plus forte raison, incorporel), Dominique Weber est l'un des seuls à prendre au sérieux la thèse de la corporéité divine, énoncée en 1658 dans le cadre de la correspondance de Hobbes avec l'Évêque Bramhall puis, de manière plus publique, dans la version latine du Léviathan parue en 1668 à Amsterdam.

    Dans cette présentation, je tenterai de continuer sur la voie ouverte par cette prise au sérieux de la corporéité divine en posant à Hobbes des questions d'ordre physique sur Dieu. En effet, tout corps est nécessairement en un lieu. Si Dieu est un corps, donc, où est-il par rapport à l'univers des corps « lourds » qui sont ceux de sa création? Le monde créé représenterait-il un corps fini, comme un passage de la fin du chap. III du Léviathan le laisse à penser d'une manière pour le moins énigmatique, du moins pour qui connaît la conception mécaniste classique de la matière comme s'étendant à l'infini dans l'espace?

  • L'immortalité de l'âme, le jugement dernier et la liberté selon l'interprétation hobbesienne des Écritures
    Joël Boudreault (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    Le matérialisme de Hobbes a parfois poussé certains de ses contemporains, de même que quelques commentateurs, à se questionner sur la sincérité de son christianisme. En mettant en parallèle sa position avec ce qui est habituellement prôné par les autorités religieuses, il ressort effectivement une grande différence d'opinions dans certaines des grandes thèses du christianisme. Pourtant, en faisant appel aux Écritures plutôt qu'à l'autorité de certains docteurs et philosophes, Hobbes est en mesure de présenter sa position comme aussi valable et raisonnable, voire plus, que celles présentées dogmatiquement. Dans cet exposé, nous regarderons le rapport entre l'immortalité de l'âme et le matérialisme hobbesien. Nous étudierons ensuite le jugement dernier et la possibilité de la vie éternelle. Enfin, nous traiterons du lien entre la liberté et la nécessité.

  • Discussion

Panel / Atelier

Tribune du livre : Sophie-Jan Arrien, L'inquiétude de la pensée 

Participant·e·s : Sophie-Jan Arrien (Université Laval), Benoît Castelnérac (UdeS - Université de Sherbrooke), Francis Lapointe (Université Laval)

Communications orales

Entre théorie et pratique : quel rôle pour la philosophie (partie 1)

  • Le philosophe et la communauté politique : Platon et la « réplique » kantienne
    Antoine Pageau St-Hilaire (Université d’Ottawa)

    Le problème du rapport entre théorie et pratique remonte certainement aussi loin qu'à la philosophie politique platonicienne. En thématisant avec le personnage de Socrate le rapport conflictuel entre le philosophe et la cité, Platon fit voire une tension entre ces deux sphères de la vie humaine, tension qui culmine dans l'impossible réalisation du meilleur régime (Savadago 1999). Emmanuel Kant, à l'opposé, pensa le rapport théorie-pratique par-delà l'idée de tension : il voit plutôt une conformité et une harmonie de ces deux pôles. Nous voulons montrer ici comment Kant établit ce rapport harmonieux en s'inspirant d'une lecture non-conflictuelle de l'idée platonicienne du philosophe-roi (Hassner 1961). De fait, son enthousiasme pour cette apparente réconciliation du théorique et du pratique – qui se fait déjà sentir dès la première Critique (A 316-319/ B372-375) – semble avoir influencé sa conception du rôle politique du philosophe. Après avoir présenté une lecture conflictuelle du rapport du philosophe à sa communauté politique chez Platon, nous suggérerons que Kant reprend à son compte l'idée du philosophe-roi pour exposer la responsabilité du philosophe à l'égard du progrès moral et politique de sa communauté – responsabilité qui se manifeste surtout dans ses textes sur la paix et l'histoire.

  • Le philosophe démocratique comme creuset de la praxis
    Jonathan Durand Folco (USP - Université Saint-Paul)

    Le philosophe et homme politique italien Antonio Gramsci est généralement connu pour son concept d'« hégémonie » et le rôle central qu'il attribue à l'« intellectuel organique » dans la construction d'une vision du monde permettant aux classes subalternes de prendre conscience de leurs conditions et de guider l'action révolutionnaire. Au-delà de la distinction qu'il établit entre les intellectuels organiquement liés aux principaux groupes sociaux d'une époque et les « intellectuels traditionnels » qui s'inscrivent dans une continuité historique, une troisième figure surgit mystérieusement au livre 10 §14 de ses Cahiers de prison : le « philosophe démocratique ». Celui-ci apparaît à la fois comme vulgarisateur d'une réforme intellectuelle et morale, moment cathartique d'une histoire éthico-politique et catalyseur d'un front culturel visant à générer une volonté collective. Pour comprendre ce concept méconnu du lexique gramscien, nous analyserons les rapports entre le penseur et son milieu culturel, le savoir théorique et l'expérience pratique, la philosophie de la praxis et le sens commun, l'idéologie et le parti politique. Autrement dit, il s'agit d'éclaircir le sens d'une philosophie démocratique et populaire en tant qu'expérimentation « des intellectualités nouvelles et intégrales, autrement dit comme creuset de l'unification de la théorie et de la pratique entendue comme procès historique réel. »

  • L'opposition entre la théorie et la pratique dans la philosophie marxiste : rhétorique et non-sens
    Mathieu J. Lainé (Université Laval)

    L'opposition entre la théorie et la pratique est un topos (τόπος) de la littérature philosophique marxiste et on l'invoque argumentativement afin de distinguer ce qui serait la philosophie de Marx de cette autre philosophie, servile celle-là, que Marx a condamnée. La pratique, nous assure-t-on, serait l'aune à laquelle se mesurerait la justesse de la théorie, et on cite invariablement l'une ou l'autre des thèses du jeune Marx afin de nous en convaincre ; or, pour autant qu'il soit raisonnablement possible d'en juger, la littérature philosophique marxiste ne contient pas la moindre proposition susceptible d'être vérifiée par la pratique et jamais la pratique, fût-elle scientifique ou historique, n'a confirmé l'une ou l'autre de ses ambitieuses propositions. En fait, même si l'on supposait, sans l'admettre, que la pratique permet véritablement de jauger la théorie, cette pratique tend plutôt à montrer que la philosophie que l'on prête à Marx est incapable de rendre compte des phénomènes naturels ou sociaux qu'elle prétend orgueilleusement élucider. C'est précisément l'insuffisance de ce topos de la littérature philosophique marxiste que nous nous proposons d'explorer dans le cadre de cette présentation — nous chercherons à en rappeler les origines et les visées, mais, surtout, nous chercherons à en montrer les limites logiques et les plus importantes failles.


Communications orales

Expérience, expertise et expérimentation (partie 3)

  • Les raisons sont-elles toujours des faits? Une critique du factualisme en philosophie de l'action
    Guillaume Bard (UdeM - Université de Montréal)

    Cet essai traite de la nature des raisons d'agir: plus précisément, j'émets certaines réserves générales face au factualisme, réserves qui prennent la forme plus particulière d'une critique de la théorie proposée par Maria Alvarez (2010). Le débat quant à la nature des raisons oppose la conception mentaliste et la conception factualiste. La position mentaliste s'inspire de la théorie humienne de la motivation et ses défenseurs insistent sur l'idée que les raisons qui motivent un agent A à poser une action φsont constituées d'un composite désir/croyance. La conception factualiste consiste à rejeter l'idée que des actes mentaux, qu'ils soient d'origine cognitive ou conative, puissent constituer des raisons. Ontologiquement parlant, les raisons seraient plutôt des faits. Cette stratégie factualiste n'est pas dépourvue d'intérêt si sa portée concerne les raisons justificatives: on peut envisager que des faits puissent déterminer le statut axiologique d'une action. Par contre, la stratégie se révèle problématique lorsqu'appliquée aux raisons motivantes et explicatives: peut-on vraiment rendre compte de ce qui motive l'action d'un agent, ou de ce qui l'explique, sans faire référence à ses désirs et croyances? Le cas des fausses croyances est particulièrement révélateur, puisque celles-ci demeurent motivantes du point de vue de l'agent. En bref, la théorie d'Alvarez peut sembler élégante sur le plan ontologique, mais c'est une élégance qui demeure purement métaphysique.

  • « Traiter la politique d'une manière positive » : empirisme sociologique, expertise scientifique et expérimentalisme social dans la « philosophie positive » d'Auguste Comte
    Vincent Guillin (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    L'ambition de fournir une conception systématique du gouvernement des sociétés modernes a animé de bout en bout l'œuvre de Comte, de ses écrits de jeunesse des années 1820 jusqu'à ses ultimes publications de la fin des années 1850, du Plan des travaux scientifiques nécessaires pour réorganiser la société (1822) à son Système de politique positive (1851-1854).

    Une telle entreprise suppose, de l'aveu même de Comte, que l'on puisse « élever la politique au rang des sciences d'observation », condition de l'avènement d'une connaissance positive des faits sociaux : mais qu'est-ce observe la sociologie? De quoi le sociologue fait-il l'expérience?

    Si la réorganisation d'un monde occidental en crise passe par l'élaboration d'une nouvelle doctrine sociale produite conformément aux exigences de l'esprit positif, quelle fonction politique conférer à la classe savante en général, et aux sociologues en particulier? Si la « capacité théorique » doit dorénavant se penser aussi comme « force morale », à quelles conditions l'expertise scientifique peut-elle se muer, pour Comte, en « gouvernement des savants »?

    Dans une sociologie qui proscrit la possibilité même de l'expérimentation sociale, parce qu'elle conçoit la société comme une totalité organiquement structurée et dont le développement est soumis au déterminisme historique, mais qui ne veut pas se réduire à une « sociodicée », comment penser la possibilité même d'un espace propre à l'action politique?

  • Discussion

Communications orales

Exprériences et parcours des femmes en philosophie (partie 2)

  • Fillosophie : promouvoir la place des femmes en philosophie
    Alice Livadaru (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    La communication visera à présenter le comité Fillosophie, regroupement d'étudiantes en philosophie à l'Université du Québec à Montréal ayant comme objectif de mettre en valeur l'importance de la place occupée par les femmes en philosophie. L'atteinte de cet objectif passe par l'organisation de conférences mensuelles, ouvertes à toutes et à tous, offrant un espace privilégié dans lequel les étudiantes en philosophie peuvent exposer leurs projets et en discuter avec leurs collègues. Cette initiative a vu le jour suite à la constatation que les femmes en philosophie sont moins nombreuses que leurs collègues masculins, et qu'elles ont moins tendance à prendre la parole et à s'impliquer au département. Fillosophie souhaite, par ses activités, promouvoir la présence active de femmes et faire rayonner leurs travaux dans le milieu académique.

  • Ce qui se dit dans les Salons… : sur l'absence de diversité en philosophie
    Louise Caroline Bergeron (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    En octobre 2011, des étudiantes interuniversitaires ont formé un groupe affinitaire dont les rencontres, les Salons femmes et philosophie, ont été l'occasion de mises en commun de connaissances et d'expériences de l'inusité d'être femmes, ou de vivre toute altérité, en philosophie. Les participantes et membres ont en majorité été des étudiantes de cycles supérieurs. À elles se sont jointes d'actuelles et d'anciennes professeures et étudiantes de philosophie, des personnes provenant d'autres facultés ou disciplines et ayant la philosophie dans leur parcours, apportant des perspectives critiques et des éclairages nourris de leur situation interdisciplinaire. Dès l'origine, le Salon opère selon des principes et procédures empruntées à l'épistémologie féministe et à la pratique des communautés de recherche. S'y forme aussi une équipe de recherche financée, en 2013, pour faire le portrait de la place/absence des femmes en philosophie au Québec.

    Je vais présenter les raisons d'être et les modes de fonctionnement développés dans le cadre du Salon, certains des témoignages et résultats de recherche qui ont été présentés aux États généraux de l'action et de la réflexion féministe (novembre 2013), mais qui sont toujours d'actualité, et certaines pistes d'actions qui sont envisagées pour intéresser les femmes à rester en philosophie, inspirées de l'exemple de celles mises en place dans les STIIM.

  • Oléoduc en fuite : le cas des femmes en philosophie au Québec
    Xander Selene (Chercheure indépendante)

    L'essentiel des critiques, émises par certaines philosophes, au sujet de la place des femmes en philosophie, portent sur les iniquités au sein du corps professoral (Brennan 2013, Leydet 2013, Baril 2005). Cependant, les problèmes que ces auteures soulèvent persisteront sans une formation équitable des étudiantes en philosophie. Je réponds à l'invitation de témoigner, par une parole personnelle, de mes expériences en rédaction de thèse (dépôt final : octobre 2014). Je propose d'analyser les défis auxquels j'ai dû faire face et d'évaluer quelques éléments de solution :

    • l'encadrement genré (observations qualitatives et quantitatives) ;

    • la multiplication des rôles que la doctorante est sollicitée à jouer ;

    • les effets du harcèlement et de l'intimidation sur la rédaction ;

    • l'évaluation genrée de la thèse ;

    • les recours institutionnels ;

    • le soutien par les paires ;

    • l'intégration du féminisme dans la recherche en philosophie ; et

    • les regroupements féministes (SoFéPUM) et les revendications.


Communications orales

La philosophie de Hobbes (partie 2)

  • Hobbes était-il athée? Heurts et conciliations entre Dieu et le souverain
    Enzo Savanier (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    Hobbes était-il athée? Donner une réponse à cette question est difficile, surtout que les commentateurs actuels ne s'entendent pas encore sur le sujet. Effectivement, la philosophie de Hobbes semble parfois défendre un athéisme. D'ailleurs, sa conception de l'État et du souverain tout-puissant peut être en contradiction avec l'idée d'un Dieu tout-puissant. Dès lors, est-il possible pour Hobbes de faire cohabiter ces deux puissances? Afin de répondre à cette question, et par le fait même s'intéresser à un Hobbes possiblement athée, il nous faudra voir comment le philosophe anglais pose Dieu et la religion afin de comprendre les relations qui existent avec le souverain étatique. Aussi, il nous faudra expliquer brièvement en quoi consiste le pouvoir du souverain et essayer, par comparaison, de comprendre quelles sont les difficultés posées par l'affirmation simultanée de ces deux puissances. Enfin, nous terminerons en indiquant la place que Hobbes réserve à Dieu, soit celle de l'éternel, et la place qui est faite au souverain, soit celle du temporel. Cependant, nous verrons que cette distinction n'est pas sans poser de problèmes puisque l'accusation qui ferait de Hobbes un athée peut être, malgré tout, encore soutenue.

  • L'établissement de la souveraineté et l'avènement de l'état de guerre chez Hobbes et Rousseau
    Evaldo Becker (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    Notre objectif dans cette communication est de présenter quelques uns des principaux problèmes concernant l'établissement de la souveraineté et de l'avènement de l'état de guerre entre les différents États. Notre hypothèse est que Rousseau confère plus de précision et de légitimité aux concepts hobbesiens de souveraineté, guerre légitime et d'état de guerre. Ces questions seront examinées à partir des écrits de Jean-Jacques Rousseau concernant le projet inachevé des Institutions Politiques et aussi Le Citoyen et le Léviathan de Thomas Hobbes.

  • Le Léviathan et le problème de l'ambition
    Jérémie Duhamel (UdeM - Université de Montréal)

    Inclination inexpugnable comparable à l'Hydre, ce « monstre à plusieurs têtes et auquel, chaque fois qu'on en abattait une, il en repoussait trois », l'ambition hante l'effort de pensée de Hobbes. À l'unisson, ses différents ouvrages politiques présentent les ambitieux comme des ferments d'immodération et de désordre qui tendent à dissoudre les sels de la paix. À n'en pas douter, le problème de l'ambition informe de façon significative l'élaboration de sa philosophie civile (Baumgold, 1990 ; Slomp, 2003). Cette communication sera consacrée à l'examen d'une variation dans la manière dont Hobbes conceptualise et entend limiter le pouvoir de nuisance des ambitieux au sein de la société. Alors que les Elements of Law et le De Cive privilégient la critique frontale du petit nombre des ambitieux, le Léviathan et le Béhémoth font place à une tentative originale de subversion interne de leur langage culturel de référence. Deux aspects complémentaires de cette nouvelle approche seront examinés : la redéfinition de la vertu de générosité visant à souligner l'honorabilité supérieure de l'obéissance ; l'appel à une réforme des lois d'honneur permettant de ménager une perspective de reconnaissance publique qui soit compatible avec le principe d'égalité. Il conviendra enfin d'interroger le rapport que cette nouvelle stratégie entretient avec la marginalisation en apparence paradoxale du facteur de l'ambition dans l'analyse que le Léviathan propose des causes de l'état de guerre.


Communications orales

Entre théorie et pratique : quel rôle pour la philosophie (partie 2)

  • Prolégomènes à une philosophie sociale « dans la mêlée »
    Arnaud Theurillat-Cloutier (UdeM - Université de Montréal)

    C'est dans la perspective de résoudre des problèmes humains qu'il faut comprendre les motivations de Marx derrière sa « sortie » de la philosophie. La philosophie qu'il a voulu développer « dans la mêlée » se voulait le relais et l'expression d'une critique immanente du réel. Or, comme l'a fait remarquer Jacques Rancière, malgré toutes ses prétentions démocrates, Marx a perpétué l'opposition classique entre ceux qui sont maintenus dans l'obscurité et ceux qui ont la lumière, justifiant ainsi son indispensabilité sociale en renouvelant une autre forme d'inégalité. À sa suite, la Théorie critique et Bourdieu ont continué de soutenir que la domination trouvait sa plus grande assise dans l'aveuglement des dominés sur leur propre condition. Au regard de ces considérations, l'idée d'une nouvelle philosophie sociale se pose comme une tension : comment développer une philosophie qui ne se tienne pas « au-dessus » des acteurs sociaux tout en reconnaissant la nécessité d'un apport philosophique à la lutte politique émancipatrice ? Comment renforcer la capacité des acteurs vulnérables à prendre la parole et à engager un processus de transformation sociale sans faire violence à la présomption de l'égalité des intelligences ?

  • Le rapport entre théorie et pratique chez Jürgen Habermas
    Jorge Andrés Pemjean Letelier (Université Laval)

    Jürgen Habermas explicite le double rapport qui unit théorie et pratique. D'une part, Habermas soutient que théorie et pratique se recoupent sur l'exigence de poser un fondement intersubjectif aux institutions sociales en conformité avec un principe procédural de rationalité opérant dans les trois sphères communicationnelles des sociétés modernes (l'espace public des États démocratiques, la communauté scientifique et la sphère individuelle de la personnalité). D'autre part, Habermas insiste sur la nécessité de recourir au discours rationnel pour percer à jour l'éclosion des pathologies sociales entraînées par les processus de modernisation, paradoxes d'une modernité déraillée qui risquent d'induire un délitement du lien social. Habermas prétend que l'évolution des sociétés ne saurait être livrée à une dérive systémique dénuée de signification éthique. Or, pour préserver les acquis normatifs de la modernité, Habermas doit faire appel à une anthropologie philosophique faible, car la possibilité d'une rationalité communicationnelle reposerait, à lui en croire, sur les capacités de parler et d'agir. Ainsi, le rapport entre théorie et pratique est caractérisé en ayant recours à une théorie de la communication qui se veut à la fois une théorie critique de la société. Nous montrerons, en guise de conclusion, que la philosophie de Habermas renferme une certaine tension par le fait même d'expliciter ledit rapport en empruntant un biais post-métaphysique.

  • L'enseignement de la philosophie à l'université : une formation toujours pratique?
    Blandine Parchemal (UdeM - Université de Montréal)

    En 1807, lorsque que le projet de fondation de l'Université de Berlin fut présenté à Fichte, Schleiermacher et Humboldt, tous les trois placèrent la faculté de philosophie comme élément central de la nouvelle université. Néanmoins, ils ne se limitèrent pas à défendre la faculté de philosophie comme apportant un pur savoir théorique. De fait, chacun à leur manière, ils accentuèrent sur l'apport pratique de cette formation : formation de notre caractère, acquisition d'une vision d'ensemble, meilleure capacité à remplir notre future fonction professionnelle, etc.

    Mais qu'en est-il aujourd'hui? Une formation universitaire en philosophie peut-elle continuer à apporter cette orientation pratique? L'éclatement du savoir en facultés spécialisées et le développement des filières professionnelles ne compromettent-elles pas ce rôle initial de la philosophie? En 1963, Habermas formulait le constat suivant : certes, la faculté de philosophie ne peut plus se présenter comme constituant l'unité du savoir. Néanmoins, si les sciences expérimentales peuvent nous doter de meilleures compétences techniques et nous enseigner un meilleur « savoir-faire », elles manifestent en même temps une incapacité à nous transmettre un « savoir-agir », à nous donner une réflexion sur le sens de nos actions.


Communications orales

Expériences et parcours des femmes en philosophie (partie 3)

  • Points aveugles par opposition à pédagogie engagée
    André Duhamel (UdeS - Université de Sherbrooke)

    La question de la place des femmes et du féminisme en philosophie me préoccupe depuis mes études doctorales. Outre ses impacts sur ma vie personnelle et de citoyen, cette préoccupation m'a conduit, dans mon enseignement, à intégrer les femmes philosophes et la critique féministe dans la plupart de mes cours et séminaires. Mais cela n'a pas empêché, l'obsession de réussir dans le milieu universitaire aidant, nombre de points aveugles, pas du tout en phase avec mes prétentions critiques. C'est pourquoi le souci de l'équité libérale, quoique nécessaire, m'apparaît maintenant insuffisant, et doit conduire à une pédagogie engagée et de libération. Ainsi, aux quelques idées qui me servent aujourd'hui à définir la philosophie (une pratique holiste, axée sur le non savoir, y compris celui d'autrui, faisant de la philosophie une pédagogie) s'ajoute le souci de dépister les mécanismes de méconnaissance induite par les rapports de pouvoir, lequel peut trouver sa place dans l'enseignement. On peut ainsi espérer rendre le parcours académique et personnel des étudiants, et en particulier des étudiantes, non seulement équitable, mais aussi habitable.

  • Pour qu'il y ait des changements aujourd'hui et demain
    Pascale Camirand (Société des femmes en philosophie du Québec)

    Dans un premier temps je présenterai mon parcours professionnel et les embûches que j'ai pu rencontrer. Cela me permettra d'identifier quelques facettes de la discrimination envers les femmes/féministes dans le milieu philosophique francophone, l'une d'elle étant l'absence d'un centre de recherche en philosophie féministe. Je présenterai ensuite les deux projets que mon expérience professionnelle m'a amenée à proposer à la communauté philosophique féminine et féministe : La Société des femmes en philosophie du Québec (SFPQ) et le Cercle d'Hypatie. Je terminerai en présentant les résultats d'une enquête que moi-même et le comité provisoire de la SFPQ avons effectuée dans le cadre de notre processus de consultation. Cette enquête avait pour but de savoir si les répondants et les répondantes avaient entendu parler de la SFPQ, si le projet proposé leur paraissait pertinent et si nos intuitions correspondaient à un point de vue partagé par les milieux académiques et féministes.

  • Discussion

Communications orales

La philosophie de Hobbes (partie 3)

  • La théorie hobbesienne de la moralité
    Samuel Lizotte (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    À la fin de sa vie, Hobbes a écrit la chose suivante :

    « Before my work, nothing had ever been written in Ethics except for some commonly-received arguments. But I succeeded in deriving the habits of men from an examination of human nature, the character of the virtues and the vices from the law of nature, and the goodness and evil of actions from the civil law[1]. »

    Mais quelle est donc cette théorie morale que Hobbes prétend avoir fondée ? C'est cette question qui a guidé la création de ma communication. On constatera, à la lecture de plusieurs passages des Elements of Law et du Léviathan, que Hobbes semblait s'être embarqué dans une tâche impossible, soit celle de fonder une théorie morale sur les passions, qui sont traditionnellement considérées comme purement subjectives, relatives et contextuelles.

    Or, nous verrons que si les biens et les maux sont certainement, pour Hobbes, « subjectifs », il n'est pas aussi certain qu'ils sont « relatifs ». Même à l'état de nature, Hobbes juge que le bien et le mal ainsi que le juste et l'injuste existent.

    Nous constaterons enfin que Hobbes en viendra néanmoins à préciser que sa théorie morale trouve toute sa force dans l'État civil, où le souverain peut, à l'aide de sa puissance absolue et contraignante, établir et maintenir les lois morales.

    [1]Cité par SKINNER, Quentin (1996). Reason and Rhetoric in the Philosophy of Hobbes. Cambridge, Cambridge University Press, pp. 325-326.

  • Langage et curiosité en anthropologie philosophique de Hobbes
    Oberto Marrama (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
  • Discussion