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Informations générales

Événement : 83e Congrès de l'Acfas

Type : Domaine

Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines

Description :

Ce domaine de recherche regroupe une grande variété d’arts et de disciplines universitaires : littérature, cinéma, arts visuels, musique, muséologie, histoire et philosophie. Outre plusieurs séances consacrées à différents corpus, approches et secteurs du champ littéraire, il propose entre autres des communications sur les nouvelles technologies, la photographie, les luttes étudiantes, le pragmatisme, la pratique muséale et la ville.

Dates :
Responsables :

Programme

Communications orales

Arts et technologies : possibilités et impacts

  • Exposer et conserver une œuvre éphémère dans le musée : aporie, utopie ou opportunité?
    Anne-Sophie Blanchet (UdeM - Université de Montréal)

    L’avènement de l’art contemporain a engendré de nouvelles pratiques artistiques où les œuvres ne sont pas forcément conçues comme des objets uniques et pérennes, mais plutôt comme des constellations d’éléments hétérogènes, métamorphosables et parfois même délibérément éphémères. Or, malgré la relative instabilité de leurs modalités de conservation et d’exposition, ces productions artistiques ont néanmoins intégré les collections muséales. À l’aide de trois études de cas, nous verrons que la survie de ces œuvres « non conventionnelles » dans le musée dépend du maintien d’un équilibre souvent fragile entre création et médiation, puisque l’artiste et l’institution sont désormais appelés à collaborer afin de développer des formes de communicabilité nouvelles et mieux adaptées aux spécificités de l’art contemporain. Nous verrons également que le maintien de cet équilibre peut se manifester de plusieurs façons et que chacune d’elles influence différemment la conservation, l’exposition et la réception des œuvres.

    L’objectif de cette présentation n’est pas de poser un jugement, bon ou mauvais, sur l’une ou l’autre des stratégies qu’il est possible d’employer afin de préserver et d’exposer les œuvres à caractère éphémère. Il s’agit plutôt d’analyser les raisons, à la fois idéologiques et pratiques, qui orientent le choix de ces stratégies et de tenter d'évaluer leurs impacts sur les œuvres, tant au niveau de leur apparence que de l’expérience esthétique qu’elles sont censées susciter.

  • Explorer le développement d’un concept architectural à géométrie complexe en CLT selon une approche de préfabrication numérique 3D
    Zoé Tolszczuk-Leclerc (Université Laval)

    Alors que les principes de développement durable, d’écologie du bâtiment et d’efficacité énergétique prennent une place de plus en plus importante dans le design architectural, le CLT, par ses caractéristiques intrinsèques, est un matériau de construction idéal pour une architecture écoresponsable. Cependant, les bâtiments en CLT aspirants à offrir des performances énergétiques intéressantes sont généralement limités par les directives et règles de conception qui n’encouragent que peu les expérimentations formelles qui permettraient d’explorer des stratégies passives alternatives basées sur la forme du bâtiment.


    Le projet consiste à démontrer qu’une approche de conception intégrée alliée à la précision et la diversité des éléments issus de la fabrication numérique permet maintenant aux concepteurs d’envisager des formes complexes en CLT sans augmentation significative du coût de production.


    La méthode de recherche-création et les simulations rétroactives produites par le logiciel de conception et de modélisation paramétrique 3D permettront de développer un projet d’architecture où les aspects structuraux et les contraintes de fabrication contribuent au processus de conception. Plusieurs itérations du projet seront proposées ayant comme paramètres les composantes architecturales, structurelles et constructives afin de produire un projet singulier. Ses fichiers de découpe seront ensuite générés automatiquement pour un passage direct aux machines-outils à commande numérique.

  • Le patrimoine hospitalier du CHUM : un projet muséologique et collaboratif
    Marie-Charlotte FRANCO, Marie-Ève Goulet (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Depuis l’automne 2013, la maîtrise en muséologie l’Université du Québec à Montréal et le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) ont engagé un projet de recherche collaboratif. Cette recherche de terrain exploratoire, portant sur l’évaluation du patrimoine hospitalier de trois hôpitaux, permet ainsi aux étudiants d’allier la théorie à une recherche pratique. Depuis septembre 2014, ils arpentent l’hôpital Hôtel-Dieu de Montréal.

    Quelle mémoire et quel patrimoine hospitaliers devons-nous conserver et valoriser ? Afin de répondre à ce questionnement, les étudiants ont procédé à une recherche documentaire sur l’histoire de l’Hôtel-Dieu, son quartier et ses spécificités. Ils ont également collecté des objets et des témoignages. Au terme de ces démarches, les étudiants en extrairont des constats et proposeront des recommandations pour la préservation et la mise en valeur de ces patrimoines matériel et immatériel. À mi-chemin du projet, des conclusions intéressantes s’imposent déjà. D’une part, le patrimoine de l’Hôtel-Dieu est bien vivant et en continuel changement. Celui-ci est perceptible chez ses employés, mais aussi en ses murs, influencé par le temps, les développements techniques et technologiques. Enfin, cette recherche participe à la revalorisation du patrimoine hospitalier, à la mise en lumière de son importance sociale et culturelle. Bien plus qu’un lieu de soins, l’hôpital est également le théâtre de la vie, sans filtre, au plus près des émotions humaines.

  • Music Encoding Initiative (MEI) et les corpus oraux de la musique du Maghreb
    Josée APRIL, Sylvaine Martin De Guise (Université de Vincennes Saint Denis (Paris 8))

    De nos jours l'encodage numérique est le moyen le plus sûr de véhiculer des informations qui demeurent fidèles à elles-mêmes d'un ordinateur à un autre. La TEI (Text Encoding Initiative) est un standard qui a été développé pour définir et normaliser la représentation digitale et l'analyse, notamment savante, des textes de tout origine. De la même façon la MEI (Music Encoding Initiative) est un standard qui sert à normaliser la représentation digitale et aussi l'analyse de partitions musicales. Dans le cas de la musique du Maghreb, il est question d'un patrimoine musical essentiellement oral, c'est-à-dire qu'il n'est pas nécessaire pour jouer la musique maghrébine qu'elle soit notée ou transcrite sur partition. En effet, cette musique est transmise oralement, d'un musicien à un autre, depuis des générations et cette mémoire et les rites qui l'entourent ont toujours assuré sa conservation. Ainsi la grande majorité des musiques du Maghreb sont intimement liées aux poésies qu'elles contiennent et qui servent à élaborer et à inspirer la forme de l'oeuvre, ses formules rythmiques et ses mélodies et à déterminer son accompagnement instrumental. L'association des deux normes MEI et TEI permet d'encoder mais aussi d'analyser et d'étudier finement l'ensemble des composantes de la musique du Maghreb. On encode en TEI les signes linguistiques (phonétiques, sémantiques et sémiotiques) de la poésie et en MEI la forme et le contenu musicaux qui sont de même documentés et analysés.

  • Une photographie qui n’en est pas une : essai typologique sur la représentation d’une image de synthèse
    David Marcotte (UQAC - Université du Québec à Chicoutimi)

    Le processus photographique est perçu à la fois comme un art de divertissement et un art documentaire. Bien que le public n’observe généralement que le propos, la conception de l'oeuvre est, quant à elle, transparente à la diffusion. Le but de l’artiste à tendre vers cette invisibilité se divise en deux arguments logiques : il souhaite créer une illusion auprès de son auditoire quant à l’authenticité d’un scénario, ou alors il veut représenter fidèlement une réalité quelconque. Quoi qu’il en soit, lorsque l’intention dépasse les probabilités de captation réelle, d’autres artistes collaborent afin de fabriquer des décors artificiels que ce soit à l’aide de maquettes, ou entièrement numériques en amalgamant dessins, peintures, photographies et infographie 3D. Cette complexité grandissante à conceptualiser de fausses représentations change ainsi le paradigme sur l’authenticité du processus photographique. À l’écran, comment le public peut-il distinguer le vrai de ce qui est fabriqué? Dans ce sens, comment les artistes collaborateurs peuvent-ils promouvoir leur talent si l’auditoire qualifie la résultante comme étant des images documentaires? L'hypothèse avancée est d’éduquer les gens sur cette possibilité de manipulation et cette éducation passe d'abord par la mise en place d’une typologie formelle qui cerne ces images de synthèse. Ce classement proposé servira aussi à quiconque douterait de l’authenticité d’une image, animée ou non, afin de révéler toutes oeuvres intermédiales.

  • Les épreuves du ludique et les preuves du documentaire
    Alex Ferraz (UdeM - Université de Montréal)

    Le but de ma présentation est d’analyser les jeux vidéo de type documentaires. Qu’est-ce qui permet de considérer un jeu comme un documentaire?

    Notre culture visuelle a privilégié l’empreinte physique comme preuve pour donner force de vérité à un document. Puisqu’un jeu vidéo n’a aucune trace visible de la réalité, les développeurs ont misé sur les capacités simulatrices et interactives des jeux. En jouant avec le système de règles d’un jeu qui simule un système social un joueur peut comprendre les forces qui donnent forme à une société. Or, quels sont les moyens qui favorisent une lecture documentarisante d’un jeu vidéo?

    Roger Odin dans De la fiction théorise que si la lecture documentarisante est possible dans les films documentaires, c’est par la construction d’un énonciateur réel en contraste avec l’énonciateur fictif des films de fictions. La construction de ce type d’énonciateur se réalise par des faisceaux de détermination qui modulent le sens chez les spectateurs. Ces faisceaux peuvent prendre de multiples formes : publicités, interviews, titre, auteurs, démarches artistiques, etc…

    Il faut adapter la théorie d’Odin aux jeux vidéo. Mon hypothèse est que l’énonciateur réel y prend forme au travers de trois entités : la simulation, le développeur, et le joueur. Afin de démontrer mon hypothèse, j’utiliserai plusieurs exemples allant à des jeux de fiction comme Assassin’s Creed 2 (Ubisoft 2009) en passant par des jeux documentaire comme JFK: Reloaded (Traffic Software 2004).

  • L’art contemporain à l’ère des glissements du privé vers le public : pour une relecture de la vie privée
    Isabelle Fexa (UdeM - Université de Montréal)

    Avec l’arrivée des nouvelles technologies numériques, plusieurs auteurs observent les multiples trajectoires qui relient le privé et le public. La vie quotidienne est promulguée au rang d’objet public au travers des blogs et des réseaux sociaux, et les téléphones intelligents regroupent une foule de fonctions qui enregistrent la vie privée : appareil photo, caméra vidéo, dictaphone, géolocalisateur…

    L’objectif de la recherche sera de mettre en lumière le contexte dans lequel opère un glissement des limites entre le privé et le public, puis de montrer de quelle manière les artistes en art contemporain utilisent des méthodes d’appropriation afin d’illustrer le déplacement de l’espace privé vers le public.

    Pour ce faire, seront analysées les oeuvres des artistes Sophie Calle, Sylvie Cotton, Marc-Antoine K. Phaneuf et Donigan Cumming. Nous nous appuierons sur le concept d’intimité (Bachelard, 1948; Henri-Pierre Jeudy, 2007), la pratique de la collection (Baudrillard, 1968), la pratique ethnographique (Laplantine, 1996) ainsi que la pratique de la surveillance (Foucault, 1975).

    Ainsi, il sera démontré que les artistes qui pratiquent l’espionnage d’inconnus, en dévoilant les objets intimes de ceux-ci, n’interviennent pas dans une posture de surveillance, mais empruntent plutôt aux méthodes de la filature dans un soucis de durée et de constance. De ce fait, c'est dans un rapport empathique et curieux qu'ils s'intéressent à leurs sujets.

    Mots-clés : art contemporain, intimité, vie privée


Communications orales

Littérature du 20e siècle

  • Genre et création : les frontières du poème chez Henri Michaux
    Adjoua N'guessan Alice Yao (Université Sorbonne-Nouvelle (Paris 3))

    Tout texte se situe à la jonction de plusieurs textes dont il est à la fois la relecture, l’accentuation, la condensation, le déplacement et la profondeur.[1] Le renouvellement comme survie de l’art concourt à la conception d’œuvres insolites. À cet effet, Michaux exploite toutes les possibilités qui s’offrent à lui dans ses révélations poétiques. Chez lui, le poème est en mutation continuelle. Suivant une fameuse proposition de Jacques Derrida (1986 : 264) d’après laquelle « tout texte littéraire participe d’un ou de plusieurs genres », nous sommes pour notre part conduit à reconnaître la plasticité générique constitutive de certains discours. En effet, Michaux fait partie des poètes qui considèrent que la poésie ne peut pas se réduire à une forme, à une manière d’écrire, ni à un style. Le vers n’a jamais suffi pour faire un poème[3]. La poésie est l’expression d’un parcours émotionnel qui n’existe que par ses propres normes. Pour lui, « les genres doivent être épinglés, mimés, utilisés, traversé, transformés, relativisés »[4]. Au lyrisme propre à la poésie, s’ajoutent la description du romanesque, l’onirique du fantastique, la persuasion de l’argumentatif, l’humour du comique.

    [1]Philippe Sollers, Théorie d'ensemble, textes réunis, Paris, Seuil, 1971, p. 75.

    [3]ROUMETTE Julien : Les poèmes en prose, Ellipses, Paris, 2001, p.3

    [4]BELLOUR Raymond : « Introduction », Henri Michaux, OC, I, Paris, Gallimard, 1998, p. XXV.

  • La figure de l’humaniste dans L’Œuvre au noir de Marguerite Yourcenar
    Miruna Craciunescu (Université McGill)

    Les enjeux de ce travail sont avant tout théoriques : il s’agit de comprendre quel a été l’apport spécifique des romans historiques dans la réception de l’héritage humaniste au XXe siècle. Nous proposons d’aborder le problème par une analyse de la figure de l’humaniste dans L’Œuvre au Noir de Marguerite Yourcenar. Nous le ferons dans le contexte plus large des débats qui ont divisé les historiens et les philosophes autour de la « question de l’humanisme » depuis la parution de la Lettre sur l’humanisme de Heidegger (1946) jusqu’à la publication du roman de Yourcenar (1968).

    Nous chercherons à démontrer que L’Œuvre au Noir présente de nombreux échos de ces controverses, qui ont notamment opposé Paul O. Kristeller et Eugenio Garin. Nous soutiendrons néanmoins que le texte romanesque récuse toute interprétation globale de l’humanisme, en réactivant, parfois de manière ironique, une série de lieux communs associés à la querelle opposant les historiens aux philosophes (anthropocentrisme, rationalisme exacerbé, optimisme naïf).

    Le caractère novateur de cette étude consiste en son approche pluridisciplinaire visant une synthèse susceptible de regrouper la somme importante de travaux dont l’humanisme a fait l’objet au sein de disciplines aussi variées que le sont la critique littéraire, la sociologie et l’historiographie.

  • Hybridations sépulcrales : examen des déviations génériques dans Le Tombeau de Louis Ménard (1902)
    Christian Veilleux (Université McGill)

    De même que l’œuvre de Louis Ménard (1822-1901) reste largement ignoré de la postérité littéraire, le recueil commémoratif élaboré en son honneur par Édouard Champion passe inaperçu dans le corpus de « tombeaux » dont la communauté critique s’est efforcée, ces vingt dernières années, de définir les caractéristiques génériques. Pourtant, l’originalité formelle du Tombeau de Louis Ménard (1902) est digne d’intérêt : cet ouvrage ne respecte ni la configuration canonique établie à la Renaissance et imitée au XIXe siècle (avec Le Tombeau de Théophile Gautier), ni le renouveau mallarméen du poème tombal autonome et isolé (« Le Tombeau d’Edgar Poe », « Le Tombeau de Charles Baudelaire »). Il s’agit plutôt d’un recueil de lettres composées en réponse aux sollicitations d’Édouard Champion, fils du célèbre éditeur, qui désire honorer la mémoire du défunt dont il ne découvrit l’œuvre que deux années auparavant, à l’âge de seize ans.

    Le recours à la forme épistolaire constitue une déviation générique majeure. Nous démontrerons que celle-ci est motivée par un continuel glissement du discours épidictique – prescrit par le contexte funèbre – au discours judiciaire. En effet, l’idée est moins d’encenser le trépassé que d’inviter à une relecture de son œuvre, relecture orientée par des témoignages qui assurent la défense de Ménard contre, d’une part, les croyances polythéistes dont on pourrait lui tenir rigueur et, d’autre part, la bizarrerie, voire la misanthropie qui accompagne son souvenir.

  • Marguerite Duras journaliste : une écriture engagée « féminine »?
    Katheryn Tremblay (Université Laval)

    Parmi l’œuvre abondante et diverse de Marguerite Duras, ce sont sans doute les écrits journalistiques de l’auteure qui ont le moins été étudiés. Si la critique a quelque peu délaissé cette part de l’œuvre durassienne, l’écrivaine elle-même affichait un désintérêt non dissimulé à l’égard de ses écrits journalistiques (rassemblés principalement dans Outside et Le Monde extérieur), leur préférant son entreprise littéraire. Et pourtant, la lecture des articles de Duras permet de mesurer le degré d’implication de l’écrivaine dans l’actualité de son époque, d’autant que cette dernière jouissait, à titre de chroniqueuse, d’une liberté considérable quant au choix de ses sujets et au traitement de l’information. À cet égard, il apparaît tout à fait intéressant de se pencher sur les procédés déployés par l’écrivaine (recours à l’ironie, fictionnalisation, etc.), qui semblent autoriser à replacer Duras dans une tradition de l’écriture journalistique «au féminin», dans le sillage de femmes journalistes du 19e siècle telles que Marguerite Durand ou Séverine. En privilégiant une approche centrée à la fois sur le texte et son contexte, nous étudierons donc cette question complexe de l’écriture journalistique dite «féminine» et nous nous interrogerons sur sa résonnance avec la question de l’engagement de l’écrivaine dans une situation sociopolitique donnée. Sous cet angle, l’œuvre journalistique durassienne, encore peu étudiée, se présente de toute évidence comme un riche terrain d’analyse.

  • À la recherche d’un dialogue dans Pigments de Léon-Gontran Damas
    Johannie Lapierre (Université Laval)

    Les rapports problématiques entre individus sont fréquemment représentés en littérature de la francophonie. Le mal-être général consiste à ne se reconnaître ni dans l’image projetée, le stéréotype, ni dans l’idéal intériorisé par la société. Ceci occasionne une fracture dans les relations et un écart vis-à-vis de l’Autre. Les écrits de la Négritude font état d’une rencontre manquée entre le colonisateur européen et l’Africain. Cette situation, vécue de la perspective du colonisé, permet de débâtir les idéologies et de les réorienter vers une acceptation de soi et de l’Autre. Léon-Gontran Damas, co-fondateur du mouvement, manifeste dans sa poésie les impacts de ce détachement, car ses poèmes présentent plusieurs situations dans lesquelles des sujets ne peuvent entrer en contact, ce qui est source de tension.

    Il s’agira, dans le cadre de ce colloque, d'interroger la problématique de la communication dans le recueil Pigments de L.G. Damas. Nous nous demanderons comment elle se définit, quels sont ses moyens et ses visées. La communication, que nous entendons en terme d’interrelation, semble revêtir plusieurs fonctions. On peut s’exprimer pour expliquer, pour démontrer, pour informer, etc. Outre la parole, les silences et les gestes peuvent communiquer. Nous supposons qu’elle manifeste la volonté d’un émetteur d'échanger avec un récepteur et imaginons un effet idéologique sur les deux instances. Les théories de l’énonciation viseront à éclairer le jeu d'interlocution et sa portée.

  • De la quête de l’Autre à celle d’un au-delà dans les recueils La Fraise noire et La Demoiselle sauvage de Corinna Bille
    Amélie Michel (Université Laval)

    L’œuvre de Corinna Bille, romancière, poète et nouvelliste suisse, accorde une large place à l’amour et à la sexualité. Ce qui se dégage des nouvelles présentes dans les recueils La Fraise noire et La Demoiselle sauvage, c’est une impossibilité de parvenir à l’Autre, ici entendu au sens lacanien du terme, soit comme autre sexe. De fait, les personnages semblent confondre amour et sexualité, pensés en termes d’opposition par Lacan dans son Séminaire XX : Encore. Cela les contraint à demeurer dans ce qui relève du fantasme et de l’illusion, et rend impossible une véritable rencontre avec l’Autre. L’illusion d’une rencontre effective est dénoncée lorsque le désir s’assouvit et cette dénonciation est étrangement liée à la mort. La présente communication vise à interroger la nature des rapports qui se tissent entre les personnages. L’amour véritable existe-t-il dans les nouvelles, ou permet-il plutôt de légitimer une sexualité fortement liée à l’interdit, religieux comme moral? Est-ce parce que l’assouvissement du désir témoigne de la transgression d’un interdit qu’il est ainsi associé à la mort? Nous chercherons à montrer, par une approche thématique et sémiotique, que les thèmes de l’amour et de la sexualité sont pensés chez Corinna Bille en fonction de l’interdit religieux, de la punition, et de la recherche d’un au-delà qui réfère à la fois à Dieu, à la connaissance et à l’Un primordial.


Communications orales

Littérature et arts contemporains : pratiques et frontières

  • Pour une approche intermédiale du scénario et de ses pratiques
    Gabrielle Tremblay (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Le scénario de cinéma est largement perçu comme une étape, voire une formalité en vue de la réalisation d’une œuvre audiovisuelle et sa littérarité est peu considérée. Or, nous sommes bel et bien en présence d’une écriture de fiction et d’un rapport spécifique au langage, dicté par différents codes esthétiques et formels.

    Alors que les travaux comparatifs dédiés à la littérature et au cinéma sont déjà nombreux – mais tournent le plus souvent autour de questions liées à l’adaptation filmique d’œuvres littéraires, sinon à l’inverse, de novellisation – je souhaite aborder le scénario et ses pratiques (écriture, lecture, analyse) comme de nouveaux objets pour réfléchir les circulations et les interactions possibles entre le texte et l’écran. L’étude du scénario soulève également des enjeux et des questions en lien avec les processus sociaux de légitimation esthétique des objets culturels, ainsi que l’organisation des savoirs et des disciplines dans les universités. L’approche intermédiale autorise ici le croisement multidisciplinaire de préoccupations littéraires et cinématographiques (J.E. Müller, Johanne Villeneuve). Elle permet également de penser le scénario à l’aune des «modalités de réception publique» et de «discursivité sociale» (André Gaudreault, Philippe Marion). L’intermédialité ouvre donc la voie à un double renouveau théorique autour du scénario et de ses pratiques. La présente communication sera l’occasion d’exposer mes principales pistes de réflexion en ce sens.

  • Le passé à l’épreuve de sa disparition : expériences du deuil dans le cinéma, la photographie et la vidéo du Liban post guerre civile
    Marie-Odile Lanctôt-David (UdeM - Université de Montréal)

    Malgré la paix officielle établie en 1989 avec les Accords de Taëf, la guerre civile n’a jamais véritablement pris fin au Liban : la disparition de centaines d’individus dont on n’a jamais retrouvé le corps, l’assassinat du Président de la République du Liban Rafic Hariri en 2005, l’éclatement en 2006 d’une guerre entre le Hezbollah et Israël et les attentats ponctuels témoignent non pas de la fin des hostilités, mais de leur perpétuation sous forme de guerre froide. La paix forcée, concrétisée par une loi d’amnistie, n’a fait que couver la violence d’un passé qui ne passe pas.

    La recherche sur la guerre civile libanaise s’attarde généralement au problème de la mémoire posthume et de la commémoration. En cristallisant le traumatisme de la destruction comme chose du passé, cette perspective fait l’impasse sur la rémanence de la disparition. La perte articulée aux techniques de l’image que sont la photographie, le cinéma et la vidéo permet de penser la hantise du passé à partir du rapport spectral à l’objet reproduit dans son absence. Ma recherche aborde conjointement la photographie, la vidéo et le cinéma libanais pour faire émerger la parenté des problèmes qu’ils mettent en forme (disparition, destruction des ruines, urbanisation sauvage, répétition de la violence, rituels de deuil) et d’ainsi faire le pont entre des techniques rarement reliées, à partir d’une réflexion sur la spectralité et d’une thématisation psychanalytique du deuil.

  • Le geste d’archiver, geste de pouvoir, dans Les Suisses morts et La Vie impossible de Christian Boltanski de Christian Boltanski : une perspective littéraire
    Elizabeth (irina) Stuart (egli) (UdeM - Université de Montréal)

    En partant du phénomène contemporain de l’affluence d’archives privées qui s'intègrent à une mémoire de type public, auquel se réfère Pierre Nora dans Lieux de mémoire (1992), j’envisage de définir le statut d’archive de deux œuvres hybrides de Christian Boltanski, composées des mots et des images sur des supports variés, Les Suisses morts et La vie impossible de Christian Boltanski, et de les repenser en tant que « lieux » de mémoire artificielle, en fonction des différentes formes d’enregistrement matériel et en tant que littérature.

    La transformation de l’archive en œuvre est un phénomène fréquent dans le monde littéraire et artistique contemporain, qui peut être étudié dans une perspective intermédiale.Tout en problématisant le geste d’archiver de Boltanski, je questionnerai d’un côté, son pouvoir de stabilisation de l’archive et d’un autre côté, son pouvoir de la modifier, par la création de l’amnésie.

    La grande archive inachevée qu'est l'œuvre entière de Boltanski fonctionne selon les règles de la caducité, qui considèrent l’espace en tant que dispositif réutilisable et le temps, en tant qu'artefact malléable, le livre ouvert, aux pages noires, de La vie impossible, en étant le principe organisateur.

    Cette recherche se propose d'intégrer Boltanski dans une perspective littéraire, dont l'auteur se revendique à travers ses textes, qui représentent les noyaux de sens de ses œuvres, et en même temps dans une continuité de pensée qui devance l'apparition du web.

  • Oui ou non : une lecture politique du choix dans les œuvres de Micah Lexier et de BGL
    Benoit Jodoin (Cégep André-Laurendeau)

    Depuis l’invitation lancée aux lecteurs formulée par Roland Barthes dans « La mort de l’auteur » (1968), il est généralement convenu que la littérature constitue un monde à part, radicalement différent de l’espace démocratique par la liberté qu’elle engendre, non pas seulement dans le champ artistique de la création, mais également dans le champ esthétique de sa réception. Qu’elle produise une forme de distance de soi (Poulet, 1971), un dissensus (Rancière, 2008) ou qu’elle propose une rencontre avec une vision du monde du texte comme révélation (Jauss, 1978) ou construction (Iser, 1976), la littérature tisse des liens avec le politique par la participation de son public, les lecteurs. Par-delà les études littéraires, ces idées soulèvent des enjeux qui peuvent être éclairants pour les arts visuels, notamment pour les œuvres d’art conceptuel utilisant justement le texte comme médium principal. La présente proposition vise à interroger la spécificité politique de la posture de lecteur qu’exigent ces œuvres visuelles formées de mots. La murale Yes (2010) de l’artiste manitobain Micah Lexier commissionnée par le Drake Hotel à Toronto pour leur terrasse et les œuvres Oui et Non Merci (2013) du collectif québécois BGL présentées à la Parisian Laundry, semblables dans l’alternative qu’elles proposent mais dissemblables par leur contexte, serviront à cet égard d’exemples afin de penser aux incidences politiques de la posture du lecteur dans les arts visuels.

Communications orales

Art cinématographique

  • Le « cinéma du corps » au féminin : une lecture genrée
    Laurence Lejour-Perras (UdeM - Université de Montréal)

    Dès son invention, le cinéma s’est défini en tant que mode d’expression essentiellement masculin. Or, depuis une vingtaine d’années, les femmes se font de plus en plus présentes à la réalisation et nombreuses sont celles qui placent le corps féminin au centre de leur oeuvre : sexualité crue et désincarnée, réification, mutilation, expérience trouble de la maternité, etc. Considérant que la femme entretient un rapport culturellement et biologiquement singulier vis-à-vis de son corps, je propose une lecture féministe du cinéma féminin contemporain. Prenant comme exemples Anatomie de l’enfer (Catherine Breillat, France, 2004), Sleeping Beauty (Julia Leigh, Australie, 2011) et Klip (Maja Milos, Serbie, 2012), j’analyserai comment ces réalisatrices usent du corps féminin afin de déjouer les mécaniques érotiques traditionnelles. Au point de vue méthodologique, le corpus sera examiné à la lumière des concepts de pudeur (Jodelet, 2007), des pôles activité/passivité (masculin/féminin) et du rapport spectatoriel au cinéma (Mulvey, 1975).Ceux-ci s'inscrivent dans une tendance à la subversion observable dans les pratiques féministes contemporaines (Attwood, 2007). Ainsi, je démontrerai qu’en exacerbant les codes érotiques et pornographiques conventionnels, ces cinéastes soulignent l’incohérence et la désuétude de ces mécaniques et, ce faisant, déconcertent le spectateur, lequel se voit alors privé d’une expérience érotique.

  • Territoire féminin : la figure de la Terre-Mère dans le cinéma québécois
    Julie Ravary-Pilon (UdeM - Université de Montréal)

    Plusieurs écrivaines et écrivains s’étant penchés sur le lien entrela Révolutiontranquille et la révolution sexuelle au Québec soulèvent que, dans certains cas, les discours sexuels de l’époque furent pensés conjointement à la question de l’identité nationale. Alors qu’à l’époque, plusieurs croyaient que l’accession du Québec à l’indépendance allait être bénéfique à l’émancipation de la femme, on découvre, à travers l’analyse d’écrits nationalistes québécois dela Révolutiontranquille, que leur discours en ce qui a trait à la féminité et à la maternité n’était pas aussi révolutionnaire qu’on l’imaginait.

    Malcolm Reid dans son analyse de la revue nationaliste Parti Pris dénote une forte présence de l’allégorie du corps de la femme comme terre-mère : « N’oublions pas la symbolique érotique : la terre en tant que femme, la femme en tant que terre. (…) faire d’un même combat la conquête du pays et la conquête de la femme c’est se heurter inévitablement aux revendications autonomes des femmes.» (144)

    Je compte analyser la manifestation de ce lien entre discours sexuel et question nationale précisément dans le cinéma québécois. Il s’agira ainsi de voir dans quelles mesures les spécificités du médium cinématographique ont influencé la mise en scène du symbole de la « terre-mère ». En bref, comment le cinéma peut nous aider à comprendre la construction de ce lien entre sexe et nation durant cette période charnière de la société québécoise?

  • Le surnaturel et l’oralité dans le cinéma québécois
    Kester Dyer (Université Concordia)

    Comme les recherches de Germain Lacasse le démontrent, le cinéma québécois peut être décrit en fonction de son oralité. Cette analyse concorde avec l’influence du conte oral au Québec. Cependant, le caractère surnaturel du conte détonne avec la supposition que le cinéma québécois est ancré dans une tradition fortement réaliste, qui, jusqu’à récemment, eut tendance à diminuer le fantastique. D’autre part, Walter Benjamin, lui, suggère l’indissociabilité du surnaturel et de l’oralité. La présente communication propose d’explorer les contradictions d’une stratégie communicative au Québec dominée par l’oralité, mais qui marginalise simultanément le surnaturel.

    J’aborderai les perspectives locales et globales du surnaturel et du conte dans le cinéma québécois. En commençant par les adaptations des contes de Fred Pellerin par Luc Picard, je considérerai la spécificité locale de cette œuvre avant de la comparer à deux films où convergent les fonctions du surnaturel et du conteur dans un contexte global, soit Le violon rouge (F. Girard, 1998) et Maelström (D. Villeneuve, 2000). Tout en faisant appel au célèbre essai « Le conteur » de Benjamin, j’espère illustrer comment le surnaturel s’imbrique dans les structures orales du cinéma québécois. Cette hypothèse me mène à avancer que ce cinéma est ainsi doté de qualités consonantes avec la mélancolie et la hantise qui communiquent un malaise postcolonial refoulé et qui incitent un questionnement d’ordre éthique.

  • La singularité médiatique du Déjeuner sur l’herbe : Renoir au-delà d’une commedia dell’arte filmée avec réalisme
    Christine Albert (UdeM - Université de Montréal)

    Jean Renoir avait l’habitude dans ses œuvres tardives de filmer avec réalisme un théâtre qui revendiquait son artificialité, et par conséquent de mettre en scène non seulement ses personnages, mais également une œuvre scénique. Cette mise en abîme de l’œuvre scénique permettait de faire apparaître son « cadre » au sens où l’entend Lotman, c’est-à-dire ses limites avec le monde réel, l’œuvre d’art représentant toujours « un modèle fini d’un monde infini » (La structure du texte artistique 300).

    Le déjeuner sur l’herbe, réalisé en 1959 après Le Carrosse d’or et French Cancan, laisse présager, par son décor de campagne provençale, un retour à l’esthétique réaliste qui avait été la marque de Renoir de Toni (1935) à La bête humaine (1938). Or, dans ce décor réaliste, le merveilleux jaillit subitement : le dieux Pan sort d’un champ de blé pour venir, par un air de flûte, gâcher ce déjeuner qu’on s’apprêtait à déguster sur l’herbe.

    On fera l’hypothèse que Renoir, dans Le déjeuner sur l’herbe, s’appuie directement sur les propriétés du média filmique pour reproduire cet endroit paradoxal qu’est l’œuvre d’art plutôt que d’avoir recours à une commedia dell’arte filmé avec naturalisme (œuvres tardives) ou encore à un mélodrame tourné dans un décor naturel (période réaliste). C’est la singularité médiatique du film en question que l’on souhaite faire apparaître par une analyse croisée du film et de la pensée de Clément Rosset, notamment ses réflexions sur le cinéma.

  • Le tragique dans les Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard
    Nina Barada (UdeM - Université de Montréal)

    Réalisées de 1988 à 1998, les Histoire(s) du cinéma (1998) de Jean-Luc Godard, œuvre de montage considérable qui réunit photographies, films, peintures, musiques, citations littéraires et poétiques (le film comporte quatre chapitres, eux-mêmes divisés en deux parties, pour un ensemble de huit épisodes et une durée d’un peu moins de cinq heures), sont ici comprises et interrogées dans leur rapport au tragique.

    Nous mettons donc à l’épreuve les hypothèses suivantes : les Histoire(s) du cinéma gravitent autour de deux problèmes principaux, celui du mal et celui de l’art. Ces deux problèmes sont saisis à travers une conception tragique, qui en découvre les versants démesurés et fatals ; les découvrant, l’œuvre s’en empare pour inventer sa propre démesure.

    La démesure des Histoire(s) du cinéma est celle du spectacle tragique, scène de terreur et de pitié, scène qui, dès lors, délivre moins une connaissance historique qu’elle n’engage un savoir tragique (« pathei mathos » ou « savoir par le souffrir », Eschyle).

    Enfin, parce que « la tragédie prend naissance, suivant le mot frappant de Walter Nestle, quand on commence à regarder le mythe avec l’œil du citoyen » (Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet), le montage des Histoire(s) du cinéma est alors considéré comme ce qui défait le mythe (mythe historique, mythe politique, mythe cinématographique), c’est-à-dire comme ce qui le met en crise – le montage comme la mise en œuvre tragique de la critique du mythe.

Communications orales

Littérature contemporaine I – Frontières génériques et fictionnelles

  • À l’ère du numérique, craint-on la mort de la fiction?
    Suzette Ali (Purdue University Northwest)

    Mon objectif est d’examiner les théories qui ont défini le concept de fiction afin d’expliquer pourquoi la fiction est de plus en plus considérée, de nos jours, comme un acte de communication plutôt que comme un acte de représentation. Si l’on revient aux rhétoriques d’Aristote et de Platon, on remarque que ces dernières reconnaissaient trois genres : le genre judiciaire, le genre délibératif et le genre épidictique. La fiction ne constituait donc pas un discours relié à une situation de communication définie. Elle relevait plutôt de l’art poétique, plus précisément de la représentation. Cette séparation des deux domaines — rhétorique et littéraire/poétique — est moins nette à l’époque actuelle et est sujette à plusieurs ambiguïtés. En effet, en 1982, John Searle définit la fiction comme étant une illocution feinte de type assertif (Sens et expression), et insiste sur la continuité entre le discours littéraire et le discours non littéraire. Plusieurs théoriciens contemporains (Gérard Genette, Dorrit Cohn) ont suivi la même démarche que Searle et ont tenté de définir l’écriture fictionnelle en la comparant à l’écriture référentielle. Cette comparaison entre les deux types d’écriture a rendu peu claires leurs caractéristiques intrinsèques. En appliquant des critères linguistiques à l’étude d’un récit fictionnel, la théorie a contribué à l’ambigüité du concept de la fiction, au lieu de l’expliciter. D’où mon objectif de considérer ce dernier.

  • Dialectisation de l’« écrivant » et de l’« écrivain » dans l’œuvre d’Annie Ernaux
    Karine Gendron (Université Laval)

    Barthes distinguait «l’écrivant» et «l’écrivant» selon leur attitude d’énonciation par rapport au langage, le premier l’utilisant comme instrument d’action sur le réel et le second le considérant comme le lieu dialectique d’une perpétuelle recomposition du monde. Nous proposons d’explorer l’œuvre d’Annie Ernaux comme une dialectisation de ces deux énonciateurs. Pour elle, toute écriture intériorise des normes sociales qui reproduisent la violence symbolique associée à la distinction des classes, agissant donc sur le réel et ses représentations. Elle perçoit dans le langage des écrivains le lieu d’une reproduction des codes de la bourgeoisie intellectuelle et choisit d’orienter son œuvre selon un dessein : le refus de réitérer les hiérarchisations impliquées par les codes du langage littéraire. Nous montrerons que pour ce faire, l’auteure ne représente le monde dans ses œuvres qu’en le mettant en relation avec l’activité d’écriture par lequel elle arrive à le transposer de manière singulière. Ainsi, la figuration de l’écriture prend la forme d’un événement situé, représentable dans le récit au même titre que tout autre événement. Sa représentation est en mouvement constant, puisqu’elle découle d’un jeu avec les possibilités multiples qu’offre le langage sur l’expression du monde. L’auteure s’autorise alors à user du langage pour exprimer sa vision du récit littéraire, tout en continuant d’en faire le lieu d’une dialectisation de la construction et de la déconstruction du monde.

  • L’art d’un conteux : étude de L’Arracheuse de temps de Fred Pellerin
    Joannie Houle Beaudoin (Université Laval)

    « Après s’être dit à la lueur des feux de foyer campagnards et avoir inspiré les auteurs de la toute jeune littérature canadienne-française de lafin du XIXesiècle, après avoir absorbé les folkloristes et s’être constitué en véritable objet d’étude pour des chercheurs issus de domaines variés dès la fin des années 70, le conte a resurgi en pleine ville vers 1990. (…) Cette nouvelle vitalité et surtout cette grande visibilité, que la critique a convenu d’appeler le“renouveau” ou la“résurgence” du conte, a de quoi surprendre. » (É. Cormier, 2008)

    Depuis Marius Barbeau, on sait que conter n’est pas simplement présenter une succession de récits, c’est un art verbal à part entière qui s’est transformé au fil des époques. Certaines de ces pratiques ont changé, d’autres sont demeurées. La relation entre un conteur et son public s’est ainsi transformée depuis le XIXe siècle, oscillant entre tradition et innovation. Une nouvelle génération de conteurs est apparue : les néoconteurs (A. Lazaridès, 2000).

    Peut-on dire que Fred Pellerin fait partie de ces néoconteurs? Comment se définit l’art du conteux par rapport à celui du conteur? Quel est le « style » de Fred Pellerin?

    C’est donc par l’analyse de la performance de Fred Pellerin et des rapports entre les éléments constitutifs (texte ou verbe, conteur, public, mise en scène, conditions scéniques de production, contexte, etc.) dans le spectacle l’Arracheuse de Temps que nous tenterons de répondre à ces questions.

  • Chasse et récits : enjeux de la parole cynégétique
    Christian Guay-Poliquin (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Alors que le chasse nous rappelle notre appartenance au règne animal, elle est simultanément l’activité à partir de laquelle l’humanité s’est distinguée de celui-ci. On accorde d’ailleurs l’émergence du récit aux chasseurs de la préhistoire qui déchiffraient des séquences narratives à partir des traces laissées par leurs proies (Guizburg : 1989). La mise en récit des ruses, des espérances ou des exploits de la chasse témoigne ainsi d’une relation spécifique à la nature, mais aussi d’un rapport particulier à la narration et, par conséquent, à la communauté.

    Si le témoignage cynégétique se construit principalement autour du passage de l’expérience vécue (Erlebnis) vers l’expérience transmise (Erfarhung), il se révèle également comme un puissant véhicule culturel. Ainsi, en racontant la « quête de l’animal », l’histoire de chasse déborderait de son cadre énonciatif initial et alimenterait un discours complexe sur les différents partages entre nature et culture, vie et mort, individu et société.

    À partir d’extraits, tirés de L’histoire de la chasse au Québec de Paul-Louis Martin et de la revue Sentier Chasse et Pêche, cette présentation compte interroger la parole cynégétique québécoise afin de saisir ses enjeux et sa portée. Autrement dit, il s’agira, en rapatriant vers les études littéraires et, plus spécifiquement, vers la sociocritique, un objet d’étude généralement attribué aux anthropologues, de « lire » les visées sociales, voire politiques, attenantes au récit de chasse.


Communications orales

Littérature contemporaine II – Territoires et identités

  • Pour une approche écocritique des paysages littéraires : étude des représentations du désert américain dans Méridien de sang de Cormac McCarthy
    Marjolaine Deneault (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Si les représentations visuelles et picturales des paysages ont donné lieu à de nombreuses études critiques et théoriques, peu d’entre elles s’intéressent à leurs transcriptions littéraires autrement qu’en les réduisant à des versions écrites de tableaux peints. En m’appuyant sur les théories de Michel Collot qui, dans L’invention du paysage paru en 2011, propose des outils pour aborder le paysage littéraire, mais également en employant certaines notions provenant de la géographie, de la philosophie (Augustin Berque) et plus spécifiquement du champ de l’écocritique (Stéphanie Posthumus et Catrin Gersdorf), je me propose d’étudier les représentations paysagères du désert américain dans Méridien de sang de Cormac McCathy. La trame narrative de ce roman a comme caractéristique principale d’accorder une place prépondérante aux descriptions spatiales afin d’établir une « démocratie optique du paysage » où chaque chose, humaine ou non, se doit d’être représentée de manière équitable. Des permutations s’opèrent entre les protagonistes et le désert, que ce soit par l’action du sable, de la lumière ou de l’immensité de cet espace, rendant parfois difficile leur distinction d’avec le paysage et engendrant leur minéralisation. Ancrée dans le réel, l’écriture de McCarthy semble proposer un nouveau mode d’appréhension du monde en réaction à l’ethos colonial américain qui viendrait rétablir une neutralité entre l’individu et son environnement.

  • L’écocritique, une approche écologique de la littérature
    Gabriel Vignola (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    L’écocritique est une approche critique de la littérature qui a été développée aux États-Unis à partir des années 1990. Elle s’est depuis imposée dans le monde anglo-saxon, mais reste à peu près absente de la francophonie. Mon objectif est de présenter les grandes lignes de cette approche en m’attardant plus particulièrement aux travaux de Lawrence Buell, dont l’ouvrage The Environmental Imagination (1995) s’affirme comme un incontournable du corpus écocritique.

    À partir des notions d’imaginaire social et d’imagination (Cornelius Catoriadis, 1975; Charles Taylor, 2004), je souhaite voir comment le concept d’imagination environnemental développé par Buell oblige à réarticuler les contours de la théorie littéraires de façon à expliquer en quoi le texte peut être porteur de représentations de la nature révélatrices d’un rapport identitaire à l’environnement physique. C’est toute l’approche structuraliste et post-structuraliste de la littérature qui est ainsi remise en question. En effet, dans une démarche écocritique, le texte ne peut être considéré comme un système clos fonctionnant de par lui-même. Il doit plutôt être envisagé dans la perspective d’un rapport entre paysage intérieur et paysage extérieur (Dansereau, 1973; Snyder, 1980; Lopez, 1989; Buell, 1995), d’une construction culturelle de l’environnement qui s'affirme comme condition de vraisemblance de la littérature.

  • La configuration narrative des protagonistes dans Voyage léger de Mélissa Verreault et Carnets de naufrage de Guillaume Vigneault
    Camille Arpin (Université Laval)

    Voyage léger de Mélissa Verreault (2011) et Carnets de naufrage de Guillaume Vigneault (2000) possèdent une histoire similaire : à la suite d’une rupture amoureuse, les personnages principaux sont déroutés et décident de quitter leur milieu respectif pour trouver un sens à leur existence. La fin des oeuvres coïncide avec le retour des personnages sur les lieux qu’ils avaient initialement quittés. Chez Verreault et Vigneault, la résolution de l’histoire ne se limite pas à un retour « géographique » des personnages, il s’agit également d’un retour « physique » du personnage principal dans le roman. Plus précisément, ces fictions se concluent sur la reconstitution des protagonistes. Au début, ils étaient des êtres évanescents, passifs dont la voix et les pensées étaient fragmentaires. Au fil de leurs tribulations, les éléments extérieurs modulent leur rapport au monde. Lors de la résolution de l’histoire, ils sont devenus des personnages « à part entière » capables de poser des actions concrètes. Pour plusieurs théoriciens du personnage, dont Michel Erman, un héros se doit de poser des actions. « Il n’y a pas de roman sans actions, il ne peut y avoir d’action sans personnage. » (Michel Erman) Pourtant, dans ces deux oeuvres, c’est l’histoire qui construit le personnage. Ainsi, Voyage léger et Carnets de naufrage permettent d’observer une construction inversée du protagoniste; construction qui s’avère nouvelle dans les romans québécois contemporains.

  • L’inflation du paratexte : représentation de l’écrivain autofictif en situation médiatique dans Je suis un écrivain japonais de Dany Laferrière
    Nicolas Gaille (Université Laval)

    Ma communication portera sur Je suis un écrivain japonais de Dany Laferrière. Ce roman paru en 2008 met en scène un écrivain autofictif face à une médiatisation croissante due à une polémique créée par le titre envisagé de son prochain roman. Je me demanderai : comment Laferrière use-t-il de l'ironie pour dénoncer la manière dont les critiques et les universitaires découpent la production littéraire en espaces nationaux ; comment représente-t-il, dans son roman, l'écrivain ainsi que les autres agents de la vie littéraire (notamment l'intervieweur et l'éditeur). Je chercherai également à savoir si, par le travail de la fiction, dans ses romans, Laferrière arrive à atteindre une sorte de réflexivité, un retour sur soi et sa médiatisation, en somme, un « savoir réflexif ». La place prépondérante accordée au paratexte (le titre, mais également les entretiens à propos de l'œuvre à venir), dans l'intrigue même du roman, s'avère à cet égard un élément révélateur du « retravail de l'éthos préalable » (Amossy : 2010) de Laferrière, fait de reconductions mais aussi de ruptures, d'infléchissements. Finalement, je montrerai de quelle manière Je suis un écrivain japonais s'inscrit dans le cadre énonciatif global qu'est la posture (« manière singulière d'occuper une position dans le champ littéraire » (Meizoz, 2007)) de Dany Laferrière, notamment caractérisée par la maîtrise des codes médiatiques (jouer le jeu, mais également, se jouer du jeu).

Communications orales

Philosophie et histoire contemporaine

  • La définition du bonheur dans l’Éthique à Eudème d’Aristote
    Natalia Kramar (UdeM - Université de Montréal)

    L'essai sur le bonheur de l'Éthique à Eudème (EE ; 1218b 30-1219a 39) que nous nous proposons d'analyser est, pour W. Jaeger, le « noyau de toute l'Éthique à Eudème » (v. Bloch et Léandri, 2011, Aristote. Éthique à Eudème, Paris, Les Belles Lettres, p. 45, n. 1). En partant de l'examen de cet essai par D. J. Allan (1961) dans son article intitulé « Quasi-mathematical Method in the Eudemian Ethics » (Aristote et les problèmes de méthode, Louvain, Publications universitaires, Paris, Béatrice-Nauwelaerts, p. 303-318), nous confronterons ce passage de l'EE avec la définition du bien humain dans le passage parallèle de l’Éthique à Nicomaque (EN; 1097b 22-1098a 20). Ceci nous permettra de faire ressortir les nuances de la démarche d’Aristote pour définir le bonheur dans l’EE. Nous croyons que le bilan de notre étude, qui s’articulera autour de trois pôles (la structure générale de la démonstration, ses éléments constitutifs et la définition proposée), montrera que l’EE définit le bonheur d’un point de vue philosophique, son essai de définition faisant ressortir clairement le lien de nécessité entre la vertu et le bonheur. La définition du bonheur proposée dans l'EE répond, en d’autres termes, à la question philosophique du « pourquoi », centrale pour le philosophe.

  • Construire le passé : le rôle des parlementaires dans la constitution des archives de l’Assemblée nationale et l’écriture de l’histoire au 19e siècle
    Arnaud Montreuil (Université Laval)

    Le 12 décembre 1831, le député de Nicolet, Jean-Baptiste Proulx, proposait
    qu’une somme « n’excédant pas trois cents livres courants, soit accordée à
    Sa Majesté, pour mettre la Société littéraire et historique de Québec en état
    d’obtenir et publier des documents historiques relatifs à l’histoire des temps
    reculés de cette province ». Par cette résolution bien vite suivie
    d’un projet de loi, les parlementaires du Bas-Canada se faisaient pour la
    première fois les promoteurs de l’histoire de leur société et de la Nouvelle-France.
    Mus par une conscience historique grandissante, les parlementaires du Bas-Canada
    jouèrent un rôle déterminant dans la constitution d’archives destinées à
    permettre l’écriture de l’histoire canadienne. Sous l’Union et sous l’Assemblée
    législative du Québec, c’est le secrétaire général de la province qui perpétua
    leurs efforts, et ce jusqu’à la crise économique de 1893.

    Dans le cadre de notre présentation, nous chercherons à expliquer et à souligner le rôle
    des parlementaires dans la constitution des archives historiques canadiennes et
    dans la promotion de l’écriture de l’histoire au XIXe siècle. Nous
    nous appuierons sur des sources telles que les Statuts provinciaux du Bas-Canada et les documents émanant du
    Secrétariat de la Province. Comme on le verra, la mise en valeur des archives
    et plus particulièrement celles de la Nouvelle-France, était le fait de
    certains parlementaires que l’on pourrait qualifier d’« individualités
    intellectuelles ».

  • Fermer l’université? La stratégie du gouvernement Senghor face à la mobilisation des étudiants de l’Université de Dakar (Sénégal) en 1968
    Pascal Scallon-Chouinard (UdeS - Université de Sherbrooke)

    En mai 1968 s’est amorcée, à l’Université de Dakar, la grève étudiante la plus marquante de l’histoire du Sénégal. Une analyse historique de ces événements permet de comprendre les liens qu’il peut y avoir entre différents cas de luttes étudiantes, non seulement en ce qui a trait au processus contestataire, mais également en ce qui concerne la critique et la répression auxquelles celui-ci doit souvent faire face. Pour les étudiants dakarois de 1968, « sortir des sentiers battus » signifiait de choisir la mobilisation, la contestation et « la rue », en s’opposant au « Palais » et en s’exposant aux conséquences que ce choix pouvait amener. Devant un mouvement de cette ampleur, et devant son extension vers d’autres groupes de la société, de quelle façon l’État a-t-il réagi? Plus particulièrement, quelle stratégie a été mise en œuvre par le gouvernement de l’époque, celui de Senghor, pour gérer ce bouillonnement social; quel discours en est-il ressorti? C’est à la fois au contexte et au déroulement de ces événements marquants de l’espace social et culturel du Sénégal que nous nous intéresserons.

  • Phénoménologie et herméneutique : Gadamer et le legs husserlien
    Enzo Savanier (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    Dans cette communication, nous espérons montreer que Gadamer et Husserl ne sont pas à opposer, bien que la littérature philosophique se soit efforcée de le faire. L’élève ne s’est pas distancié du professeur, il l’a plutôt lu avec intérêt et respect en s’inspirantmême de sa philosophie. Dès lors, nous espérons montrer que Gadamer est redevable à Husserl, non pas dans le sens que ce dernier est à l’origine de l’herméneutique philosophique, mais plutôt dans le sens que Husserl a réussi à semer les germes de la discipline. Pour ce faire, nous allons mettre en contexte la relation que les deux philosophes entretenaient pour ensuite voir les trois éléments de la philosophie husserlienne que nous retenons et sur lesquels Gadamer semble être en accord : l’intentionnalité, l’horizon (Horizont) et le monde de la vie (Lebenswelt). Avant de conclure, nous montrerons que les conceptions de l’intersubjectivité des deux philosophes semblent incompatibles puisqu’ils ne considèrent pas le rapport à autrui de la même manière. Enfin, nous pensons que la phénoménologie et l’herméneutique gagneraient à voir plus d’études sur les liens entre les deux pères fondateurs que sont Husserl et Gadamer. Ces études ne creuseraient pas l’écart apparent entre les deux disciplines, elles permettraient de comprendre un peu plus l’histoire de la philosophie récente en tenant compte des influences diverses qui ont contribué à la façonner.

  • George Herbert Mead : les limites de la dialectique expérimentale et de la communauté communicative
    Nicolas Bernier (UdeS - Université de Sherbrooke)

    La contribution de la pensée de George Herbert Mead a été largement négligée comparativement au traitement qu’ont reçu les correspondances et les écrits des autres auteurs classiques du pragmatisme américain. Cela a notamment eu pour effet de nous priver d’une compréhension plus riche de l’influence de l’idéalisme allemand dans le développement du pragmatisme (Hannan, 2008), phénomène que Gérard Deledalle décrivait comme « la fusion de l’idéalisme hégélien et de l’évolutionnisme darwinien ». (Deledalle, 1983, p.107). Notre objectif est de discerner et de circonscrire l’influence d’Hegel et de Kant dans la pensée de Mead tout en y posant un regard critique. Dans un premier temps, nous mettrons en lumière l’intégration de l’intersubjectivité et la dialectique d’Hegel de la part de Mead à l’intérieur même de sa conception du naturalisme et de sa méthode expérimentale (Carreira da Silva, 2007). Nous observerons ensuite comment la pensée holiste de Mead s’articulera avec l’universalisme kantien : le projet social de cette « dialectique naturaliste » doit conduire à la création d’une communauté communicative universelle. Nous terminerons ainsi ce parcours en proposant une critique sur les limites de la rationalité et de la dialectique à réconcilier les divergences et les conflits d’intérêts. Nous proposerons comme solution une intégration du pluralisme de William James, lequel vise davantage l’inclusion des différences et des tensions que de leurs résolutions (James, 1891).

  • La théorie de la valuation de John Dewey comme outil de reconstruction de la philosophie
    Nicolas Bernier (UdeS - Université de Sherbrooke)

    La pensée du philosophe pragmatiste John Dewey connaît un second souffle au sein de différents cercles universitaires un peu partout dans le monde. Alors que les projecteurs étaient jadis dirigés presque uniquement sur ses idées progressistes en éducation et ses commentaires politiques, c’est maintenant sa pensée concernant l’éthique qui suscite l’intérêt de plusieurs chercheurs en sciences humaines (Zask 2008; Lacroix, 2011). Sous cet angle, la théorie de la valuation correspond au dernier développement de John Dewey sur l'éthique vers la fin de sa vie. Plusieurs ont soulevé que le contenu et la forme des différents textes qu'a produit Dewey sur cette dernière peuvent soulever plusieurs paradoxes avec ses écrits antérieurs sur l'éthique (Williston, 1969; Boydston, 1970). Mais la théorie de la valuation n’a jamais été comparée à la lumière des problèmes philosophiques et pratiques du monde moderne que l'on retrouve dans Reconstruction en philosophie, ouvrage que plusieurs considèrent comme un tournant dans la pensée de Dewey (Cometti, 2014). Notre objectif est de dresser les points comparatifs entre ces deux ouvrages de Dewey. Cela nous mènera à jeter un nouveau regard situant la théorie de la valuation comme un instrument de reconstruction de la philosophie nécessaire à l'émancipation (growth) individuelle et collective des individus des sociétés scientifiques, industrielles et démocratiques modernes (Dewey, 1920).


Communications orales

Arts et urbanité

  • Tensions entre discours et pratique dans un lieu de culte privé de la Contre-Réforme : le cas de la chapelle du Palazzo Farnese de Caprarola
    Fannie Caron-Roy (UdeM - Université de Montréal)

    À partir du 15e siècle, sous l’influence des écrits antiques, la villégiature monte en popularité en Italie. L’établissement loin des centres urbains et de leurs églises demande néanmoins que l’on s’attarde aux pratiques cultuelles, un champ de recherche peu exploré. La chapelle privée est essentielle, particulièrement pour les cardinaux du 16e siècle qui s’établissent dans la campagne romaine. Dans le contexte de la Réforme catholique, on fixe des règles relatives aux lieux de culte privés, officialisées lors du Concile de Trente. Ainsi, nous aurions cru que la construction et la décoration des chapelles de villas romaines de cette période appliqueraient ces préceptes. Or, dans le cas de celle du cardinal Alessandro Farnese à Caprarola, bien que le programme iconographique respecte généralement les idéaux de la Contre-Réforme, contre toutes attentes, l’espace ne semble pas adhérer aux décrets concernant le culte privé. Ainsi, nous suggérons une tension entre le discours, exprimé dans les fresques, et la pratique, qui dépend en partie de l’architecture.

    Nous exposerons d’abord les recommandations réalisées à l’endroit des chapelles privées avant la Contre-Réforme et la persistance de leur influence à Caprarola. Ensuite, nous définirons les positions réformistes afin de montrer qu’elles ne sont pas entièrement mises en œuvre. Par conséquent, nous suggérons que le culte privé dans les villas se définit davantage en continuité qu’en rupture avec le passé.

  • Voyage virtuel à Québec durant la Révolution américaine : une vue d’optique bavaroise de Balthazar Frederic Leizelt.
    Marjolaine Poirier (UdeM - Université de Montréal)

    Au 18e siècle, l’expérience de la traversée atlantique fait des colonies installées sur le continent américain des lieux lointains difficiles à conceptualiser pour les Européens. Si les récits discursifs prennent part à la construction du paysage américain qui se forme alors, un rôle est aussi dévolu aux représentations figuratives. C’est dans ce contexte qu’un artisan augsbourgeois n’ayant jamais mis les pieds en Amérique, Balthazar Frederic Leizelt. (1755-1812), conçoit Vuë de Québec. Cette représentation est remarquable à plus d’un titre. C’est une vue d’optique qui est un médium biparti, comprenant des gravures et des appareils, servant à effectuer des voyages visuels imaginaires. Il s’agit également d’un des rares exemples à ne pas utiliser directement une représentation de Québec imaginée à Londres ou à Paris. Au lieu de reprendre une gravure d’après Franquelin, Short ou Smyth, Leizelt adapte un segment d’une œuvre anglaise représentant un arsenal britannique.

    Quelle est la signification de cet emprunt ? Dans le cadre de la conférence, nous proposons de démontrer que Leizelt cherche à représenter la ville comme un territoire américain qui est contrôlé par l’empire britannique grâce à sa présence militaire et au réseau d’échanges transatlantiques. Cette construction de l’identité de la ville s’effectuant dans un contexte de production marquée par l’engagement des mercenaires allemands au côté des Britanniques contre les rebelles américains.

  • De l’inventaire à l’imaginaire : la mise en récit des archives du plan Dozois
    Anne-Marie Auger (UdeM - Université de Montréal)

    Entre 1957 et 1963, Jean-Paul Gill, un photographe engagé par la ville de Montréal a parcouru les rues et les ruelles des quartiers les plus démunis de Montréal avec comme projet de faire l’inventaire des bâtiments à détruire selon le nouveau plan d’urbanisation en cours. Si ces images ont d’abord été associées à une commande du Bureau des bâtiments, leur statut (esthétique, énonciatif, historiographique) est aujourd’hui plus ambigu. L’étude du fonds du Plan Dozois pose plusieurs problèmes méthodologiques : quel imaginaire peut être tiré d’un corpus à la fois fragmentaire et vertigineux, incomplet et répétitif? Comment appréhender, du point de vue de l’histoire de l’art, des images dont ni la commande ni l’usage n’ont été pensés en termes esthétiques? Dans le cadre de cette communication, je propose de narrativiser le fonds photographique du Plan Dozois. Cette lecture permettra ultimement de mettre en récit les images documentaires, tout en questionnant les statuts et virtualités potentiels du document « insignifiant » pour la pratique historiographique. Cette méthode, déjà éprouvée par Philippe Bonnin (2006) devant des photographies d’espaces habités, fonde principalement l’hypothèse d’une potentialité dans la durée. En privilégiant une lecture sensible de l’archive, il s’agit ainsi de voir comment le théoricien peut opérer un réveil de l’histoire par l’image.

  • La sémiosphère dans la ville
    Katia ALVES (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    La sémiosphère dans la ville

    Nous proposerons une réflexion à partir des lectures et de la recherche sur le discours de la ville. Nous utiliserons des concepts tirés de la sémiologie. Nous voulons proposer quelques idées inspirées d’observations passées au filtre du concept de « sémiosphère » de Youri Lotman. À travers quelques exemples, nous appliquerons ce concept à une esquisse d’analyse sémiologique de la ville et de son environnement.

    Nous ferons l’analyse du concept tel que vu par plusieurs penseurs – sémioticiens ou sémiologues – à travers un parcours transdisciplinaire. Cette analyse se portera sur la ville comme espace-temps, comme la confluence de multiples savoirs, des sujets hybrides et dynamiques touchant aux formes urbaines et à la société.

    Nous voulons aussi considérer, comme idée-force, l’urbanisation de Paris, par Hausmann au XIXe siècle, ainsi que la « deuxième urbanisation » qui a débuté vers les années 1960, qui se poursuit, en évoquant le film de Pierre Barouh, Ça va, ça vient, à la lumière du concept précité de Youri Lotman.

    Nous finirons en nous demandant comment le modèle de la sémiosphère – qui est communicative, très large, très globale avec une dimension anthropologique et culturelle – vient à la rencontre de la culture de l’interprétant. Comment une encyclopédie absorbe-t-elle une autre encyclopédie? Comment percevoir les frontières invisibles de la ville et de son environnement?

    Mots clés:Sémiosphère, gentrification, littérature du XIX siècle.