Informations générales
Événement : 82e congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Au cours du 20e siècle, l’antisémitisme a revêtu différentes formes qui sont autant de manières, de la part de la société québécoise, de résister à la montée du pluralisme religieux. Ce thème a beaucoup été débattu et a fait couler beaucoup d’encre dans différents forums au cours des années. De nouvelles recherches et de nouvelles approches ont toutefois mis en lumière une interprétation plus globale et plus nuancée de ce phénomène, que les organisateurs du colloque veulent maintenant présenter au public scientifique. Une attention particulière sera portée à l’étude des médias et au rôle de la presse écrite et électronique.
Date :Programme
Perspectives avant 1945
-
Adrien Arcand, journaliste antisémite canadien-français (1899-1967)Hugues Théorêt (Université d’Ottawa)
Adrien Arcand a été la figure de proue de l'antisémitisme au Canada au XXe siècle. Né à Montréal en 1899, Arcand fait d'abord carrière dans le journalisme. Sa croisade antisémite débute en 1929 lorsque le gouvernement libéral de Louis-Alexandre Taschereau introduit à l'Assemblée législative à Québec le projet de loi 208, qui accorde des écoles confessionnelles aux Juifs à Montréal. Cette polémique est amplifiée par la concurrence économique que se livrent Juifs et Canadiens français dans le contexte de la crise des années 1930. En 1934, Adrien Arcand fonde le Parti national social-chrétien (PNSC). Ses membres, appelés les Chemises bleues, portent l'uniforme militaire et arborent fièrement la croix gammée. Adrien Arcand participe activement à la diffusion des Protocoles des Sages de Sion au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Arrêté en 1940 puis emprisonné durant toute la Deuxième Guerre mondiale, Adrien Arcand recouvre la liberté en 1945. Il profite du contexte de la vague anticommuniste issue de la Guerre froide pour poursuivre sa campagne de propagande haineuse contre les Juifs. Mais son mouvement ne réussira jamais à gagner la faveur d'un large public. Écarté du pouvoir, il se limitera jusqu'à son décès en 1967 à prononcer des discours, à publier sa propagande anticommuniste et, surtout, à déverser son fiel sur les Juifs.
-
Le Devoir et les Juifs : complexités d'une relation sans cesse changeante (1910-1963)Pierre Anctil (Université d’Ottawa)
Dans l'historiographie, Le Devoir apparaît souvent comme le paradigme même de l'antisémitisme au Canada français. Ces perceptions, en partie fondées, tiennent aux circonstances dans lequel le journal a été fondé par Henri Bourassa au début du XXe siècle, et aux propos tenus par Georges Pelletier dans ses pages à la fin des années trente. Une étude détaillée de tous les éditoriaux publiés dans Le Devoir sur une période d'un demi-siècle révèle toutefois un portrait plus nuancé et plus complexe de la situation. Au cours de ces années -pendant lesquelles trois directeurs se sont succédés à la tête du quotidien - il existe une grande variation dans le discours sur les Juifs et en particulier sur le judaïsme montréalais. Qui plus est, seulement la moitié des mentions répertoriées présentent une image négative des Juifs. Dans plusieurs cas, les propos sur les Juifs servent en fait de déclencheur pour discourir sur le Canada français, comme si l'exemple d'une autre minorité apportait un enseignement éclairant la position des francophones montréalais. Cette relecture plus à fond des éditoriaux du Devoir ouvre de nouvelles perspectives qu'il convient d'aborder avec discernement et équilibre.
-
La grève des internes en 1934 : un épisode antisémitique québécois revisitéIra Robinson (Université Concordia)
La grève des internes de l'hôpital Notre Dame en 1934 contre la présence d'un juif, Dr. Samuel Rabinovitch, comme interne à l'hôpital, était un des événements les plus iconiques dans l'histoire de l'antisémitisme au Québec. Cette présentation revisitera les sources d'archives et journalistiques de l'épisode pour arriver a une meilleure compréhension des événements des perspectives multiples : la communauté juive, les « autorités » canadien française (l'hôpital, l'Universite de Montréal, et l'église catholique), la communauté canadien française, et le Canada anglophone.
Perspectives après 1945
-
Le problème d'OutremontSteven Lapidus (Université Concordia)
-
Migrations des Juifs orphelins rescapés de la Shoah (1947-1952) et des Juifs d'Afrique du Nord (1956-1970) à Montréal : perceptions de l'antisémitismeAntoine Burgard (UQAM - Université du Québec à Montréal), Yolande Cohen (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Deux populations juives très différentes se sont établis à Montréal, à la suite de l'Holocauste et de persécutions antisémites, réelles ou présumées, en Afrique du Nord. Les premiers, des orphelins juifs rescapés de la Shoah, sont arrivés à Montréal entre 1947 et 1952 et les seconds, Juifs d'Afrique du Nord, sont arrivés au Québec entre 1956 et 1970. Ces deux groupes ont en commun d'avoir été aidés par la Jewish Immigrant Aid Services et le Congrès Juif Canadien. L'ambition de cette présentation est de mettre en dialogue les conceptions de l'antisémitisme de ces organisations au moment de l'arrivée de ces deux groupes. Les politiques d'accueil des organisations témoignent également de perceptions spécifiques de l'antisémitisme.
Dans l'immédiat après-guerre, la politique menée par le CJC et par l'ensemble des organisations mobilisées dans ce projet est particulièrement complexe. L'antisémitisme est reconnu et combattu. Pourtant, l'ambiguïté des rapports avec Ottawa et le souvenir récent de l'antisémitisme latent au sein de l'administration canadienne, qui s'est manifesté par la fermeture des frontières aux rescapés de la Shoah, amène à la prudence.
Ccette étude propose une mise en comparaison originale et permet de jeter un regard nouveau sur les conceptions de l'antisémitisme dans la société québécoise à des moments clés de son histoire.
-
René Lévesque : la haine du préjugé racial et de l'antisémitismeJean-François Beaudet (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Fortement marqué par son expérience de chroniqueur lors de la 2e Guerre mondiale et à travers diverses relations entretenues avec la minorité juive québécoise, René Lévesque fera preuve d'une sensibilité et d'une compréhension particulières des réalités juives. Un regard qui fera en sorte que le futur premier ministre du Québec dénoncera vertement toutes manifestations et relents d'antisémitisme et de préjugés raciaux tant sur la scène internationale que sur la scène québécoise. En nous basant sur le contenu de chroniques journalistiques et d'allocutions faites devant des auditoires juifs par René Lévesque, nous sommes à même d'en dégager les principales réflexions et critiques de l'antisémitisme portées par un des plus importants porte-étendard du nationalisme canadien-français de la deuxième moitié du 20e siècle. En effet, durant l'incontournable période de la Révolution tranquille, Lévesque cherchera à réconcilier le nationalisme québécois avec une communauté juive québécoise qui se montre craintive des dérives potentielles pouvant accompagner toutes manifestations nationalistes.