Informations générales
Événement : 82e congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines
Description :Que ce soit par les souffrances qu’elle génère ou par les actes de bravoure qu’elle suscite, la guerre marque profondément l’imaginaire collectif. Sous la plume des écrivains d’Ancien Régime, ces événements sont sans cesse repris, mis en fiction, réécrits et réinterprétés. Les guerres servent de toile de fond aussi bien aux œuvres dramatiques, aux nouvelles galantes et historiques qu'aux récits de voyage, tandis que la poésie et les journaux en font la propagande, et que les traités et essais l’exploitent à des fins philosophiques ou pédagogiques. Par le biais de l’écriture et de la mise en récit, le discours sur la guerre se construit, se transforme, se transmet.
Dans le cadre de cette séance, les communications porteront sur les liens qu’entretiennent guerre et texte sous l’Ancien Régime. Quels sont les procédés de réécriture privilégiés par les auteurs? Quels enjeux entourent la mise en fiction de la guerre? À quelle fin y a-t-on recours dans les textes? Quels en sont les moyens de diffusion et de circulation? Telles sont quelques-unes des questions qui retiendront notre attention.
Date :- Roxanne Roy (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
- Marie-Ange Croft (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
Programme
Guerre et texte en France
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Mot de bienvenueRoxanne Roy (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
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Le culte paradoxal du génie militaire chez MontaigneLuc Vaillancourt (UQAC - Université du Québec à Chicoutimi)
On connaît l'aversion que les guerres civiles inspirent à Montaigne, mais on sait aussi à quel point il aime cultiver les paradoxes. Aussi ne faut-il pas s'étonner de le voir porter aux nues, parmi toutes les figures de l'antiquité, celle de Jules César en tant que génie militaire, allant jusqu'à écrire sur la page de garde de son exemplaire des Commentaires sur la guerre des Gaules : « Somme, c'est César un des plus grands miracles de Nature […] le plus disert, le plus net et le plus sincère des historiens qui fut jamais […] et le chef de guerre en toutes considérations des plus grands qu'elle fit jamais » pour se lancer ensuite dans un éloge bien senti et assez peu critique de l'homme comme du livre, lequel « un général d'armée devrait continuellement avoir devant les yeux ». Mais Montaigne a composé ses Essais sur près de deux décennies et l'on peut observer, quantitativement, un déclin dans les occurrences de César du livre I, où il est omniprésent, au livre III dans lequel il intervient beaucoup moins souvent. Que doit-on penser de cette éclipse partielle? Ma communication se propose de vérifier, à travers l'analyse rhétorique des exempla, anecdotes et citations, si un changement s'opère dans la représentation de César du premier livre au dernier afin de déterminer si l'on peut expliquer, en regard du registre délibératif par exemple et au terme d'une résolution pro et contra, l'occultation apparemment progressive d'une figure aussi exemplaire.
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La pédagogie du roi guerrier dans La véritable étude des souverains de BoursaultMarie-Ange Croft (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
Edme Boursault (1638-1701), auteur polygraphe du XVIIe siècle très peu étudié à ce jour, est surtout connu pour ses comédies (Les fables d'Ésope, 1690) et ses nouvelles (Le Prince de Condé, 1675). En 1670, alors qu'il convoite la charge de sous-précepteur du Dauphin, il rédige à l'intention du jeune prince La véritable étude des souverains, un ouvrage à vocation pédagogique dans lequel il présente les caractéristiques d'un bon monarque. À grand renfort d'exempla et d'anecdotes puisés dans l'histoire de la royauté française des XVIe et XVIIe siècles et narrés à la fois pour divertir et instruire, Boursault véhicule un idéal guerrier qu'il invite le prince à imiter. De François Ier à Louis XIV, en passant par Henri IV, l'écrivain réécrit, agrémente, travestit et amplifie certains des conflits qui ont marqué l'histoire française. Cette communication propose d'étudier la manière dont Boursault réécrit à des fins pédagogiques ces guerres de la France d'Ancien Régime, et d'analyser l'image guerrière qu'il construit autour de ces rois illustres.
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Guerre et dentelles : la réécriture galante de la guerre de Hollande dans L'Héroïne mousquetaire de PréchacRoxanne Roy (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
L'héroïne mousquetaire, histoire véritable (1677-1678) de Préchac met en scène une « femme qui a oublié toute la faiblesse de son sexe pour prendre la vigueur et la générosité des hommes », et qui participe aux exploits guerriers de la famille de Bourbon au cours de la période allant de 1675 à 1678 : prise de Limbourg (1675), prise de Valenciennes, de Cambrai et de Saint-Omer par la France, bataille de Cassel et victoire de Monsieur sur Guillaume d'Orange (1677), prise de Gand et d'Ypres par la France, signature du traité de Nimègue (1678). Dans le cadre de cette communication, nous nous attarderons principalement aux particularités de la représentation de la guerre dans la nouvelle galante, à ses dispositifs, à ses usages et à ses fonctions afin de dégager une possible « scénographie galante des récits de guerre ». L'hypothèse qui sous-tend notre analyse est la suivante : Préchac s'ingénie à renouveler sans cesse le genre de la nouvelle. Pour ce faire, l'une de ses stratégies d'écriture consiste à adapter la forme et les caractéristiques des récits de guerre à l'esthétique de la nouvelle galante. Le but recherché par le nouvelliste serait d'obtenir l'assentiment de ses lecteurs et de se conformer à leur goût en ménageant des effets de nouveauté.
Guerre et texte en Nouvelle-France
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Guerre, conquête et devenir historique de la Nouvelle-France chez Marc LescarbotIsabelle Lachance (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
Dans La defaite des Sauvages (1607) de Lescarbot, l'epos participe à la même stratégie de maîtrise de l'Autre que le Livre III de son Histoire de la Nouvelle France (1609), en assigne aux mœurs sauvages la fonction de repoussoir pour celles, à venir, d'hommes nouveaux, « reform[és] de leur incivilité ». Un chapitre de ce livre intitulé « Des Lettres », singulier parce qu'il ne se rapporte aucunement aux « mœurs et façons de vivre » des peuples du Nouveau Monde – au lecteur qui l'ignorerait, l'historien y précise que « ces peuples Occidentaux n'ont point l'usage des lettres » –, mais bien à la fonction que Lescarbot entend donner à l'éloquence dans le projet colonial, permet de lire sous un angle nouveau La defaite. En effet, s'il y a un chaos originel dont l'épopée extrairait la colonie en devenir, il ne serait pas tant événementiel qu'imaginaire. D'une part, le poème marie canoniquement Mars et les Muses tout en dissociant commodément la pratique concrète de la guerre de la France d'Amérique (à une époque où la métropole se remet des guerres de religion et des troubles). D'autre part, comme le veut « Des Lettres » en forçant l'inscription de la Nouvelle-France dans l'ordre spécifique de l'historiographie humaniste (qui commandait la présence de ce thème), La défaite représente l'écriture comme instrument de domination symbolique et confère ainsi dans l'ordre des mots un devenir historique convenable à cette Nouvelle-France qui n'était encore, selon Lescarbot, qu'« un nom en l'air ».
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Guerre, commerce et administration en Nouvelle-France (1682) : paroles aiguisées, textes émoussésCatherine Broué (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
Historiquement et littérairement parlant, l'année 1682 est une année charnière pour la Nouvelle-France : tandis que Louis Hennepin, missionnaire récollet, rédige à l'intention de Louis XIV un récit de son voyage vers le Mississipi à titre d'aumônier des troupes de Cavelier de La Salle, Description de la Louisiane (1693), récit qui fera date dans la littérature viatique, Louis Buade de Frontenac met en place une pratique administrative inédite qui consiste à consigner, sous forme de procès-verbal, ses pourparlers avec diverses nations autochtones. Si pour Louis Hennepin l'Iroquois est la nation « la plus cruelle et la plus barbare de toute l'Amérique », les procès-verbaux envoyés à la métropole par Frontenac estompent le sens des paroles iroquoises au profit de la forme du discours diplomatique amérindien. Ces rapports au roi à la rhétorique complexe et retorse, servant des intérêts partisans et personnels, auront ainsi sans doute contribué à envenimer la crise politique grave suscitée notamment par l'expansion territoriale entreprise par Cavelier de La Salle en concourant à une représentation de l'Iroquois-barbare qui débouchera, en 1684, sur une guerre déclarée entre Iroquois et Français.
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Mot de clôtureMarie-Ange Croft (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)