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Informations générales

Événement : 82e congrès de l'Acfas

Type : Domaine

Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines

Description :

Les communications présentées dans ce domaine de recherche et divisées en quatre thèmes proposent et engagent une réflexion sur des enjeux fondamentaux en matière de santé, d'éthique et de philosophie.

Dates :
Responsables :

Programme

Communications orales

Neurosciences, psychologie et enjeux fondamentaux

  • Le problème du scepticisme épistémique chez Quine
    Pier-Alexandre Tardif (Université Laval)

    Les échecs répétés du projet voulant conférer à la science un fondement irréprochable ont alimenté, selon Quine, une vague de scepticisme épistémique grandissante. Pour l’empirisme logique, la question épistémique a en effet perdu toute pertinence, puisqu’elle ne peut être caractérisée par un algorithme conduisant, en un nombre fini d’étapes, à un résultat valide, en l’occurrence une découverte, ce qui présuppose que la question épistémique ne peut recevoir une réponse adéquate que dans une perspective formaliste ou logico-déductive. Cependant, Quine préconise le naturalisme ou la substitution, en matière épistémique, des théories scientifiques contemporaines sur la connaissance aux spéculations philosophiques traditionnelles concernant un sujet connaissant idéal. Nous porterons ici notre attention sur un détail peu discuté dans la littérature, à savoir la reformulation de la question épistémique en termes behavioristes proposée par Quine dans From Stimulus to Science. Se voulant une réponse à l’échec de l’empirisme logique et au scepticisme épistémique actuel, nous spécifierons d’abord la signification de ce dernier aux yeux de Quine. Nous considérerons ensuite comment sa critique de la distinction analytique-synthétique le conduit à revoir cette question dans une nouvelle perspective où non seulement la distinction n’est pas éliminée, mais encore qui redonne à la question épistémique toute sa pertinence dans la caractérisation de la science en épistémologie contemporaine.

  • L’influence des idéologies philosophiques dans la formulation du problème de l’unité conceptuelle de la psychologie
    Bertrand Simard (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Dans ma thèse, je teste l'hypothèse que l'intervention des idéologies philosophiques dans la formulation du problème de l'unité conceptuelle de la psychologie empêche la reconnaissance du problème réel et bloque ainsi toutes les possibilités de le résoudre adéquatement. Le problème réel étant de trouver le concept cohérent avec nos connaissances du vivant et celle du fonctionnement du système nerveux, qui permet de rendre compte de l’ensemble des phénomènes psychologiques. Peu importe l'idéologie en cause (ex.: positiviste ou phénoménologique), son intervention produit toujours les deux mêmes effets : une réduction du concept de vie à une conception matérialiste; et le blocage de sa reconnaissance comme un principe de base de l'unité conceptuelle de la psychologie. La grande originalité de notre démarche est qu’elle est hautement falsifiable, puisqu’il existe de nombreux textes sur le problème de l’unité de la psychologie sur lesquelles nous pouvons vérifier notre hypothèse de recherche et confirmer la perpétuation des deux erreurs fondamentales et le blocage de la reconnaissance de l’unité conceptuelle de la psychologie que nous proposons. En terminant, les quatre analyses de fond que nous avons réalisées jusqu’à maintenant confirment l’intervention des idéologies dans la formulation du problème de l’unité et le blocage de la reconnaissance de la solution que nous proposons : l’activité relationnelle d’une forme de vie, comme un tout, avec son environnement.

  • Libre arbitre et neurosciences
    Krystèle Appourchaux (Jewish General Hospital)

    Le concept de libre arbitre semble aujourd’hui menacé par les récentes avancées neuroscientifiques. Les fameuses expériences de Benjamin Libet dans les années 80 ont contribué à montrer que nos intentions d’agir ne constituent pas la source ultime de nos actes : elles sont en réalité précédées par une activité cérébrale qui nous prépare à agir avant même que nous ne prenions conscience de notre décision. Les expériences plus récentes de John-Dylan Haynes vont également dans ce sens et permettent de prédire l’action que va effectuer un sujet en se basant uniquement sur son activité cérébrale. Ces résultats scientifiques ont néanmoins été longuement discutés, et nous évoquerons les critiques qui peuvent leur être adressées. Nous montrerons également que le concept de libre arbitre, s’il doit être relativisé à la lumière des résultats expérimentaux, ne doit cependant pas nécessairement être évacué. Une possible redéfinition du libre arbitre consisterait en effet dans la maîtrise accrue de nos capacités attentionnelles : à travers un apprentissage sur le long terme, il serait possible, d’une part, de prendre conscience de processus qui sont habituellement inconscients ou pré-réfléchis, et, d’autre part, d’élargir notre répertoire d’actions disponibles grâce à la flexibilité qu’offre la capacité retrouvée de moduler des processus automatiques. Cette théorie attentionnelle du libre arbitre est appuyée par les résultats issus du champ émergent des « neurosciences contemplatives ».

  • La conscience dans l’expérience émotionnelle
    Sarah Arnaud (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Dans les domaines scientifiques et philosophiques, les usages du terme «émotion» désignent «des circuits neuronaux, des systèmes de réponses, et un état ressenti ou un processus qui motive et organise la cognition et l’action» (Izard 2010). Pour expliquer le processus émotionnel, il convient donc d’examiner non seulement le substrat neuronal ou les systèmes motivationnels associés aux émotions particulières, mais également ce qui constitue l’expérience émotionnelle du sujet et la façon dont s’effectue l’accès à ses états émotionnels. C’est ce que je ferai dans ma présentation.

    M’appuyant sur la distinction entre conscience phénoménale et accès cognitif (Block 2008), et sur l’étude des théories perceptuelles de l’émotion, je soutiendrai qu’il est possible de concevoir un état des émotions pour lequel il existe une conscience phénoménale sans accès cognitif. Si l’émotion est une forme de perception (Prinz 2004 ; Tappolet 1995), il ne peut y avoir d’émotion sans un sujet qui accède au phénomène et en fait l’expérience. Cependant, que l’émotion soit ressentie n’implique pas nécessairement qu’elle soit accessible pour un traitement cognitif. Dans ce cas, le sujet ne peut ni rapporter ni analyser ce ressenti. Je développerai cette idée à la lumière des théories expérientielles (Deonna et Teroni 2009), évaluatives (Tye 2008), et de celles du «core affect» (Barrett et Russell 1999). Je rendrai ainsi compte des différentes manières dont le sujet peut se rapporter à ses états affectifs.

  • Réconcilier le cognitivisme et le non-cognitivisme moral
    Hugo Tremblay (Université Laval)

    La problématique examinée concerne l’opposition entre cognitivisme et non-cognitivisme ; une opposition au cœur de nombreux débats en métaéthique. Cette opposition se présente ainsi : les énoncés moraux peuvent soient être considérés comme des descriptions du monde – ils peuvent alors être qualifiés de croyances vraies ou fausses (la position du cognitivisme) ; ou au contraire, ces derniers sont considérés comme ne relevant pas du langage descriptif. Dans ce dernier cas, les énoncés moraux relèvent d’états conatifs et non pas de croyances. Ils ne peuvent donc pas être qualifiés de vrais ou de faux (la position du non-cognitivisme).

    À partir d'une analyse de la littérature à ce sujet, j'émets l’hypothèse que la dichotomie entre cognitivisme et non-cognitivisme est erronée et qu’elle peut être dépassée. J'exposerai l’idée selon laquelle les croyances morales impliquent à la fois un aspect motivant – elles expriment nos croyances à propos de désirs (des états conatifs) – et un aspect descriptif. Une croyance morale décrit implicitement les émotions vécues lors de certaines situations ; et cette croyance peut être dite vraie si je fais l’expérience occurrente des émotions supposées par la croyance dans les situations concernées.

    Le caractère novateur de cette position vient du fait qu’elle permet de rendre compte de deux caractéristiques des jugements moraux actuellement considérés mutuellement exclusifs : le descriptivisme et l’exigence pratique des jugements moraux.

  • Phénoménologie, psychopathologie et approches thérapeutiques : pour une réintégration du vécu de la personne humaine en clinique
    Maxwell Ramstead (UQAM - Université du Québec à Montréal), Philippe S. BLOUIN

    L’objet de notre communication est d’évaluer la pertinence de la phénoménologie pour les sciences contemporaines de la santé mentale. Le DSM-III (1980), sous prétexte d’athéoricité, chercha à opérationnaliser le désordre mental en employant des descripteurs béhavioraux objectifs. Ce projet eu pour effet d’amoindrir le rôle de l’expérience personnelle et de la trajectoire biographique du patient dans la critériologie diagnostique du désordre mental, mais aussi, et plus sérieusement encore, dans le processus thérapeutique lui-même.

    La phénoménologie est une science descriptive cherchant à dégager les structures essentielles de l’expérience humaine. Cette approche serait-elle en mesure d’ouvrir une autre voie d’accès à la compréhension et, éventuellement, à la guérison de la psychopathologie?

    Après avoir montré les insuffisances d’une conception strictement objectiviste de la santé mentale, notre exposé s’appliquera à montrer en quoi la phénoménologie, qui se voulait à l’origine une théorie de la connaissance, recèle en elle-même un potentiel éthico-thérapeutique – potentiel d’ailleurs déjà bien connu du fondateur de la phénoménologie, E. Husserl. Cette réflexion nous mènera à reconsidérer la signification du geste central à cette discipline, à savoir l’épochè transcendantale (l’abstention de tout jugement existentiel), par-delà son utilité purement méthodologique.


Communications orales

Auteurs et enjeux fondamentaux

  • Le travail positif de l’intellect ou de la raison dans une théologie négative : de Plotin à Kierkegaard
    Andrea Mercier (UdeM - Université de Montréal)

    Dès ses premiers traités inaugurant le néoplatonisme, Plotin expose son système métaphysique dont les trois hypostases culminent avec le principe de l’Un. Le Traité 9: Sur le Bien ou l’Un décrit la remontée de l’âme vers l’unité ultime, qui se situe au-delà de ce qui est ou peut être connu. L’originalité de Plotin consiste ici en ce qu’il démontre via l’intellect même son insuffisance pour s’unir à l’Un. Cette prise de conscience doit pousser l’intellect à désirer son propre dépassement vers l’unité principielle.

    Au XIXème siècle, S. Kierkegaard (alias J. Climacus) déploie une démarche similaire dans les Miettes philosophiques et dans leur Post-scriptum afin de démontrer par la raison la possibilité logique d’une vérité qui surpasse son domaine. Celle-ci correspondrait à la vérité chrétienne et c’est en parvenant depuis l’intérieur aux limites de la philosophie que Kierkegaard dessine la nécessité d’un passage dans la foi.

    La similarités entre ces textes autant que leur originalité dans l’histoire de la philosophie tient à ce qu’une démarche rationnelle négative démontrant l’insuffisance de l’intellect doit accomplir un travail positif, c’est-à-dire pousser l’âme à renoncer au domaine de la raison afin d’atteindre au niveau supérieur. Notre propos interrogera l’étendue de ce rapprochement possible entre Plotin et Kierkegaard, mais ouvrira également des pistes quant au relais de ce type d’argument au travers de la théologie négative du Moyen-Âge.

  • Les répercussions du nécessitarisme parfait et imparfait dans la philosophie morale de Joseph Priestley (1733-1804)
    Benoît Côté (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Afin de pallier au manque d’études de la philosophie morale de Joseph Priestley (1733-1804), nous proposons de montrer en quoi ses écrits métaphysiques publiés entre 1777 et 1780 compromettent son projet de défense du nécessitarisme contre ses détracteurs, qui redoutent les implications morales d’une telle doctrine.

    Priestley entame ce projet dans « The Doctrine of Philosophical Necessity Illustrated » (1777), et le poursuit dans sa volumineuse correspondance de 1778 avec Richard Price, dans laquelle il raffine sa doctrine en clarifiant sa distinction entre le nécessitariste « imparfait » et le nécessitariste « parfait », distinction qui met en évidence l’existence de deux stades dans la progression de l’individu vers une pleine compréhension de la nécessité et de ses implications morales et théologiques, dont le stade final correspond à l’identification de la perspective individuelle avec la perspective divine.

    Or, si cette distinction est indispensable afin de rendre compte de plusieurs ambiguïtés présentes dans le traité de 1777, nous montrerons qu’elle met en péril le projet initial de Priestley, en affaiblissant considérablement ses arguments en faveur des conséquences morales désirables du nécessitarisme, de l’utilité du remords, de la motivation à agir vertueusement et de la responsabilité morale de l’homme en général. Notre analyse des textes de Priestley montrera que son nécessitarisme demeure exposé aux arguments moraux antidéterministes de ses contemporains.

  • Dieu, auteur du péché : le problème de la théodicée dans la pensée de Joseph Priestley (1733-1804)
    Benoît Côté (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Le problème du mal occupe une place importante dans les écrits du pasteur, théologien et philosophe Joseph Priestley (1733-1804), de même que l’entreprise d’expliquer comment l’existence du Dieu chrétien parfaitement bon et juste est compatible avec la présence du mal dans le monde. Or, contrairement à ses contemporains, Priestley met en place une métaphysique qui l’amène à rejeter la distinction entre mal moral et mal naturel, ainsi que la distinction entre la permission du mal et la volonté divine de le produire, ce qui le mène à faire de Dieu l’auteur du péché, une conclusion étonnante pour un homme d’Église soucieux de préserver la perfection morale divine.

    Par une étude des textes philosophiques de Priestley écrits entre 1765 et 1787, nous montrerons comment il est possible de considérer son traitement inusité du problème du mal comme étant une forme de théodicée, et ce même si elle se démarque de manière importante de théodicées classiques comme celles d’Augustin et de Leibniz. Notre analyse proposera du même coup une réflexion sur ce que nous devrions considérer comme étant les éléments constitutifs essentiels d’un discours de théodicée, et la forme que ce discours peut prendre dans un système nécessitariste comme celui de Joseph Priestley.

  • Sur l’ontologie des raisons d’agir : une critique de la théorie factualiste de Maria Alvarez
    Guillaume Bard (UdeM - Université de Montréal)

    Qu’est-ce qu’une raison d’agir ? Comment doit-on concevoir sa nature et sa fonction ? Le débat quant à la nature des raisons oppose les théories mentalistes, selon lesquelles les raisons sont constituées de croyances et de désirs, aux théories factualistes, qui considèrent qu’elles sont constituées par des faits. Maria Alvarez (2010) a récemment défendu une version du factualisme qui soulève plusieurs problèmes, d’ailleurs susceptibles d’affecter les théories factualistes en général. Le débat quant à la nature des raisons soulève des questions plus spécifiques sur leur fonction. On admet généralement que les raisons peuvent jouer trois rôles : elles peuvent être motivantes, explicatives ou normatives. La conception mentaliste s’accomode plutôt bien de cette tripartition. Mais qu’advient-il, au sein d’un modèle factualiste, de cette tripartition ? Pour Alvarez, celle-ci demeure pertinente puisque les faits peuvent être à la fois motivants, explicatifs et normatifs. Or, le cas des fausses croyances, non factuelles, pose un problème majeur : celles-ci sont suspectibles de motiver et d’expliquer les gestes de l’agent, sans pour autant être des raisons. Il y a manifestement discordance entre la théorie factualiste quant à la nature des raisons et la tripartition classique quant à leur fonction. Laquelle doit céder le pas à l’autre ? J’entends suggérer que c’est l’usage fonctionnel que l’on fait des raisons qui doit guider toute théorisation métaphysique quant à leur nature.

  • L’expérience de mort imminente : Martin Buber et le Livre de Job
    Jonathan Morier (UQAM - Université du Québec à Montréal), Florence VINIT

    Par-delà le désir de s'aggriper vivement à ses récits pour statuer la preuve d'une vie psychique post-mortem, ou, à l'inverse, par-delà les tentatives pour démontrer que ses ressentis ne sont causés que par des débalancements hormonaux, l'expérience de mort imminente (EMI) demeure un moment prégnant dans l'existence du sujet l'ayant traversé et ayant été ramené à la vie.

    S'éloignant des débats tournant autour de la part de réel et d'irréel que l'on tente respectivement de lui faire endosser, l'EMI mérite d'être abordée et confrontée sur le plan de cette trace qu'elle laisse dans le quotidien de l'expérienceur. L'EMI touche au noyau de l'expérience existentielle de l'homme. Elle est à même de participer à une secousse de l'existence, de l'être, sur le plan réflexif et perceptuel. Expérience en appelant au ressort de la phénoménologie, s'il en est une, elle influe les quatre thèmes existentiaux tels que définis par le chercheur Max van Manen : l'espace vécu, le corps vécu, le temps vécu et la relation humaine vécue.

    À la lumière des 2èmes rencontres internationales sur les EMI se tenant à Marseille en mars dernier, prenant appui sur les réflexions éclairantes de Martin Buber (Confessions extatiques et Je et Tu) et la poésie bouillante, sollicitante du Livre de Job, nous entamerons un dialogue avec le sentiment de déréliction vécu par les expérienceurs, suite à leur retour au sein des vicissitudes quotidiennes, après leur rencontre intime avec une toute autre réalité psychique.

Communications orales

Institutions, politiques publiques et actions politiques

  • Le retour de la sympathie
    André Duhamel (UdeS - Université de Sherbrooke)

    L’idée de « sympathie » a connu maints déplacements
    significatifs dans son histoire. Pour Hume et Smith, elle était l’opérateur
    même de la moralité et de la bienveillance. La sympathie deviendra aux siècles
    suivants une émotion morale parmi d’autres, de nature privée ou psychologique,
    nullement garante de rationalité. La fin du 20e siècle témoigne d’un
    nouveau renversement, et nous assistons au retour de la sympathie en
    philosophie sociale et politique, à un véritable « tournant affectif »
    (Ferry 2008, Hoggett 2012, Krause 2008, Morrell 2008, Marcus 2008, Nussbaum
    2013).

    Nous voudrions montrer, en suivant ces travaux, que le statut et le rôle
    maintenant accordés à la sympathie dans la délibération et l’action publiques
    engagent le citoyen dans une nouvelle avenue. Nous clarifierons d’abord la
    notion de sympathie parmi les notions apparentées (empathie, pitié, compassion,
    souci…). Cela nous permettra de dégager ensuite deux enjeux de ce retour :
    la distribution sociale inégale de ses porteurs ou récipiendaires, et la
    modification de l’acteur, désormais reconnu autant vulnérable qu’autonome. Dans
    ce nouveau contexte, pourrait-on parler de « politique de la
    sympathie », à l’instar de Closehy 2013 ? Le libéralisme classique ferait
    valoir ici le risque de paternalisme, alors que le libéralisme social
    soulignerait que la sympathie n’est pas la solidarité. Nous tenterons de monter
    en conclusion que la catégorie renouvelée de « sympathie » est en
    mesure de rencontrer ces objections.

  • John Rawls : justice sociale comme modalité d’instauration des démocraties naissantes en Afrique
    Vincent De Paul Mutambudi (Université Laval)

    L’entrée dans l’ère de la modernité, si on peut appeler ainsi la rencontre de l’Afrique avec l’Europe industrielle et conquérante, n’a pas seulement été caractérisée par la violence. Celle-ci a aussi induit un renversement des systèmes faisant qu’à tous les tournants de l’histoire, les sociétés africaines se retrouvent obligées de changer les paradigmes de leur gestion, tout en tentant de préserver leurs cultures. Son émergence en terre africaine montre que la démocratie pluraliste constitue l’un des motifs de ce renversement et changement de paradigmes. Face aux multiples changements, plusieurs tentatives de solutions ont été proposées, en s’inspirant du modèle européen de la démocratie.

    Étant entendu que l’on cherche sur quels fondements bâtir et consolider la démocratie constitutionnelle en terre africaine, la théorie rawlsienne de la justice comme équité ne pourrait-elle pas offrir une heureuse solution?

    Pour atteindre notre objectif, dans la réalisation des indicateurs de la démocratie (justice distributive, égalité des chances, liberté d’expression et d’association, respect des droits humains, reconnaissance de la souveraineté des États…), nous articulerons la justice sociale rawlsienne avec les acquis de l’héritage traditionnel africain, source d’inspiration de l’organisation sociopolitique des États-nations postcoloniaux d’Afrique.

  • Étudier la consommation dans une perspective historique : les apports de l’étude de cas
    Cécile Retg (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Qu'est-ce qu'une étude de cas? Pourquoi faire une étude de cas en histoire de la consommation? Sur quels critères peut-on choisir le groupe, la famille ou l'individu constitutif de l'étude de cas?

    C'est à toutes ces questions que tentera de répondre ma communication.

    Et pour cause, par le biais de ma thèse sur la consommation bourgeoise canadienne-française, en milieu urbain, au XIXe siècle, j'ai recours à une étude de cas (famille d'Antoine Gérin-Lajoie). Une telle approche semble tout indiquée puisque mon objectif est de comprendre, à l'échelle humaine, et sous différents angles, les rapports existants entre les hommes et la consommation. Une telle étude, qui combine méthodes quantitatives, en documentant les pratiques de consommation, et qualitatives, à travers l'analyse du ressenti des individus vis-à-vis de la consommation et des choses qui les entourent, vise alors à redonner sa place au consommateur en dessinant une histoire humaine et intime de la consommation.

    Ainsi, à travers l'exemple de ma propre étude de cas, je soulignerais les apports théoriques et méthodologiques d'une telle approche, en même temps que je présenterais quelques résultats de recherches préliminaires, résultats qui prendront la forme d'une biographie commentée de la famille Gérin-Lajoie. Par cette association entre théorie et résultats, j'espère contribuer à l'avancement des méthodes et des connaissances dans le champ des études sur la culture matérielle, et des sciences humaines plus largement.

  • La création de la réserve innue de Nutashkuan : retour sur un processus de recherche en histoire orale en milieu autochtone
    Aude Maltais-Landry (Université Concordia)

    Mon projet de recherche porte sur la création de la réserve innue de Nutashkuan dans les années 1950. À travers des entrevues d’histoire orale réalisées avec des membres de la communauté, et à l’aide de photographies d’époque et d’archives des missionnaires et des agences fédérale et provinciale, je tente de comprendre comment une réserve s'est établie à l’embouchure de la Grande rivière Natashquan, et comment les Innus qui l’habitent se souviennent de ces événements.

    Dans le cadre de cette communication, je souhaite aborder plus spécifiquement le processus de recherche en lui-même et certaines questions méthodologiques liées à mon projet. En 2005, un protocole de recherche a été mis en place par l’APNQL pour encadrer la recherche en milieu autochtone et insister sur l’importance d'une collaboration avec les communautés. Comment cela se passe-t-il dans la réalité? Comment fait-on pour que la recherche soit réellement une «zone de convergence» entre une chercheure extérieure et une communauté? Est-ce possible?

    Mon expérience m’a montré les difficultés de s’assurer que la communauté soit en accord avec la recherche. Par ailleurs, la collaboration demande beaucoup de temps, et peut impliquer une réorientation des intérêts de recherche, un choix parfois difficile à faire. Finalement, c’est parfois à l’extérieur de la recherche principale et du cadre universitaire que naît l’espace collaboratif et, peut-être, la recherche la plus utile pour la communauté.

  • Les manifestations du pouvoir local au Québec dans la seconde moitié du 18e siècle et au début du 19e siècle
    Giselle Giral (Université Laval)

    Nous croyons que la nature du pouvoir entre la Conquête et la période qui suit l’instauration du système parlementaire, doit être saisie dans son ensemble. L’instauration du système parlementaire en 1791-1792 a fait couler beaucoup d’encre parmi les historiens, la participation politique et surtout la représentation s’identifiant généralement avec les règles de jeu du parlementarisme. Pourtant, semble-t-il qu’aucune recherche ne s’est attardée de façon approfondie aux rapports entre le pouvoir local, la participation politique, la représentation populaire, dans la période précédente inaugurée par l’établissement du gouvernement civil en 1764. L’envergure de notre questionnement tient ainsi à l’identification des relations de pouvoir des groupes à l’intérieur de la société québécoise de la seconde moitié du XVIIIe siècle et début du XIXe. La délimitation du sujet dans l’espace et dans le temps répond davantage à deux critères : l’identification dans la « Province de Québec » de plusieurs formes de participation et de représentation populaire, documentées par des sources accessibles et, d’ailleurs, le commencement d’une période riche socio politiquement parlant, qui chevauche le manque d’institutions représentatives classiques et l’instauration du système parlementaire.


Communications orales

Actes médicaux, pédagogiques et enjeux fondamentaux

  • Améliorer l’humain?
    Nicolas Le Dévédec (HEC Montréal)

    Du dopage sportif à l’usage de psychotropes pour accroître les capacités intellectuelles ou mieux contrôler les émotions, du recours aux nouvelles technologies reproductives permettant une maîtrise croissante des naissances, au développement d’une médecine anti-âge qui œuvre à l’effacement de toute trace du vieillissement, jamais il n’a été autant question d’améliorer l’être humain et ses performances par le biais des avancées technoscientifiques et biomédicales contemporaines. À la croisée de la sociologie et de l’histoire des idées, cette communication interrogera cette aspiration à un humain augmenté à la lumière de l’idéal humaniste et politique de la perfectibilité humaine systématisé par les philosophes des Lumières au 18ème siècle. À la différence du modèle humaniste de la perfectibilité, qui valorise l’amélioration de la condition humaine dans et par la société, la société de l’amélioration contemporaine paraît promouvoir un modèle de perfectibilité dépolitisé, axé sur l’adaptabilité technoscientifique de l’être humain et la transformation de la vie en elle-même. Assurément révolutionnaire, ce renversement ne l’est certainement pas au sens politique et démocratique du terme. La société de l’amélioration manifeste plutôt, pour reprendre les mots de Hannah Arendt, un « devenir-indifférent à la politique, qui équivaut à renoncer à la pensée et au jugement, à la lutte pour rendre à nouveau le monde humain. »

  • Le test de dépistage prénatal non invasif (DPNI) : optionnel ou incitatif?
    Hazar Haidar (UdeM - Université de Montréal), Vardit Ravitsky (UdeM - Université de Montréal)

    Le DPNI est une technique récente recueillant l’ADN des cellules fœtales libres, entre 8 à 10 semaines de gestation, par une prise du sang maternel afin de détecter les aneuploïdies fœtales. Sa simplicité et l'absence de risque permettent d'éliminer l'anxiété associée à la procédure et le risque de fausse couche.Il permet à la femme de se concentrer sur les résultats plutôt que sur la procédure et les risques, améliorant son autonomie reproductive. Paradoxalement, ces caractéristiques créent une menace potentielle sur cette autonomie. Pour les tests invasifs, le choix de les refuser peut être justifié par la présence d'un risque de fausse couche. Inversement, l’absence de ce risque modifie le contexte de prise de décision favorisant une pression à tester, pouvant venir de son partenaire, sa famille, d’une d’obligation morale d’être une mère responsable, des attentes de la société qui pèsent sur elle ou du risque de stigmatisation de de mener à terme une grossesse affectée. Le DPNI est une technologie révolutionnaire mais pour promouvoir l'autonomie reproductive de la femme, il devrait rester un choix. La femme devrait savoir qu'elle peut le refuser et être protégée des influences externes par un conseil génétique approprié. Pour celles qui souhaitent mener leur grossesse affectée, il faudrait créer des systèmes de soutien social pour les enfants trisomiques et favoriser le traitement de ces maladies.

  • L’imagination morale dans le cadre d’une pédagogie dialogique et éthique
    Natalie Fletcher (Université Concordia)

    Comment l’imagination morale peut-elle rehausser les capacités émergentes d’autonomie des enfants et des jeunes dans un contexte éducatif mettant l'accent sur le dialogue et l’éthique? La communication proposée s’appuie sur l’approche par les capacités développée par Amartya Sen et Martha Nussbaum—une méthodologie à la fois philosophique, politique et pédagogique—afin de justifier le rôle de l’imagination morale en tant que capacité éducative complexe qui peut élargir les critères d’évaluation morale chez les enfants/jeunes, ainsi que les modes de vie qu’ils choisissent de valoriser. L’idée développée dans cette contribution est que l’autonomie responsable chez les enfants/jeunes dépend d’un répertoire mental vaste et varié, et que ce dernier peut être agrandi par l’imagination morale pratiquée de façon délibérée dans le cadre d’une pédagogie dialogique. Comme étude de cas, le programme de Philosophie pour enfants (PPE) de Matthew Lipman et son modèle de communauté de recherche philosophique (CRP) feront l’objet d’analyse puisque leur accent sur le dialogue, le raisonnement critique et le vivre ensemble favorise l’imagination morale, et par extension, la pensée autonome. Les conclusions de recherche indiquent que l’imagination morale comme capacité éducative offre accès aux enfants/jeunes à de diverses ressources conceptuelles, à un espace dialogique et à l'expression créative, leur permettant de mieux évaluer les dimensions éthiques de leurs expériences vécues.