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Informations générales

Événement : 82e congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines

Description :

Ce colloque réunira des chercheurs qui s’intéressent aux investissements sémantiques dans les représentations narratives et esthétiques des violences découlant de l’exercice du « pouvoir absolu », par référence aux deux principaux régimes totalitaires ayant vu le jour au 20e siècle : le nazisme et le communisme. Pour chaque corpus choisi, on cherchera ainsi à cerner les modalités particulières à travers lesquelles ces figures de l??’??extrême sont données à voir. Parallèlement, on pourra envisager la place et les configurations propres aux forces contestataires de ce pouvoir absolu. Notamment, les participantes et participants s??’??interrogeront sur ce paradoxe qui veut que tout principe de résistance à la violence totalitaire puisse être intimement lié à celle-ci, ne serait-ce que dans son mode d??’??action. Pour chaque objet d??’??étude circonscrit, il s??’??agira également de convoquer – en évaluant leur portée – les théories du totalitarisme qui ont vu le jour au siècle passé (cf. Hannah Arendt, Tzvetan Todorov, etc.). Une attention toute particulière sera accordée à Todorov qui, dans Le siècle des totalitarismes, propose entre autres une définition du totalitarisme en référence aux victimes confrontées à la force absolue (crainte de la liberté et participation à la mise en application de la terreur)??.

À chacune des sessions correspond un angle d??’??approche différent explorant les enjeux et les dilemmes liés à la représentation des violences totalitaires. La première, centrée sur la mémoire, se focalisera sur la représentation des rapports entre nos usages du passé et le pouvoir totalitaire. Notamment, dans quelle mesure la question de la terreur se laisse-t-elle appréhender à travers la mise en récit du passé? Sous quels modes envisage-t-on le rapport entre manipulation du passé et résistance mémorielle? La deuxième session portera plus particulièrement sur le dispositif esthétique comme principe d??’??exploration de la violence totalitaire. Plusieurs médiums seront abordés dans les communications et feront l??’??objet d??’??une discussion : l??’??architecture, la photographie, la musique et la bande dessinée – afin de comprendre comment ils structurent la question du totalitarisme et quels enjeux ils soulèvent. Quant à la troisième session, elle sera axée sur les rapports entre langage et despotisme. On se demandera ainsi ce que les corpus disent des « pouvoirs de la parole », entre instrument au service d??’??une idéologie extrême et principe de contestation. Enfin, la dernière session portera sur des enjeux plus modernes. Ainsi, comment les récits se saisissent-ils du problème posé par la pensée totalitaire quand elle concerne des événements actuels ou à venir?

Date :
Responsables :

Programme

Communications orales

Accueil des participants et participantes

  • Mot de bienvenue
  • Présentation des thèmes du colloque et informations sur le déroulement des sessions
    Christiane Kègle (Université Laval)
  • Présentation des conférenciers et conférencières
    Pierre Vaucher (Université Laval)

Communications orales

La mémoire : entre résistance et dépossession

  • Goethe à Buchenwald : culture et barbarie dans l'œuvre de Jorge Semprun
    David Desrosiers (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Construit en 1937 dans les environs de Weimar, Buchenwald fut le plus important camp de concentration situé sur le territoire du Reich. Si le régime hitlérien pouvait assassiner en masse à Buchenwald et célébrer simultanément la mémoire de Goethe et de Schiller à Weimar, c'est que la culture et la barbarie ne sont pas forcément en contradiction pour les régimes totalitaires. Des témoignages sur Buchenwald montrent que les détenus ont tenté de conserver leurs facultés mentales grâces à des activités intellectuelles et artistiques, parfois même en rapport avec le classicisme de Weimar. Cette participation des bourreaux et des victimes à l'univers de la culture, riche en paradoxes, se trouve au cœur de l'œuvre et de la pensée de Jorge Semprun, lui-même rescapé de Buchenwald.

    Du Grand voyage (1963) aux Exercices de survie (2012), l'écriture de Semprun sur la déportation vise à interroger le passé en fonction des questions posées par le présent et à éclairer le présent au moyen des leçons que nous pouvons tirer du passé. Elle répond ainsi à l'idéal de la mémoire exemplaire défini par Todorov, à savoir la construction d'un récit véridique, basé sur des faits réels. Bien que produite et assumée par un individu singulier, celle-ci possède toutefois une portée universelle. Ma conférence portera sur la construction de cette exemplarité chez Semprun à travers l'entrelacement entre la mémoire culturelle et le souvenir de la barbarie.

  • Les pièges de la mémoire : Reine Pokou de Véronique Tadjo
    Pierre Vaucher (Université Laval)

    Dans Le siècle des totalitarismes, Tzvetan Todorov rappelle que la mémoire, pour être effective, doit devenir un instrument informant notre capacité d'analyser le présent. Pour cela, au lieu de dire simplement l'événement, il nous faudrait être en mesure de le relier à d'autres faits dans le présent ou le passé. Une telle conception de la mémoire n'est pas sans suggérer, a contrario, l'immixtion de la pensée totalitaire au sein même de nos « usages du passé » (selon l'expression de Todorov), lorsque nous ne prenons pas garde à la manière dont ce passé, qu'il soit réel ou imaginé, reflue dans le présent. Il apparaît que Véronique Tadjo, auteure ivoirienne, fait de ce questionnement sur le passé remémoré et ses rapports avec la violence totalitaire l'enjeu central de son récit Reine Pokou (Paris, Actes Sud, 2004). Elle attire l'attention sur les facilités de la mémoire quand celle-ci n'est pas soutenue par une aspiration profonde à la compréhension et à la vérité; mémoire qui, de ce fait, peut rapidement devenir un « miroir aux alouettes ». Nous souhaitons ainsi questionner comment l'auteure modalise, par la fiction, ce rapport à une mémoire préjudiciable. Nous verrons en particulier comment Tadjo réinterroge perpétuellement la légende d'Abraha Pokou, et surtout l'idée de sacrifice qui s'y trouve véhiculée, s'opposant ainsi à une lecture figée du conte, devenue très pernicieuse dans le contexte du conflit ivoirien, notamment.

  • Écrire contre l'anéantissement totalitaire des subjectivités, écrire autour du gouffre de la disparition forcée
    Alice Verstraeten (Université de Lyon)

    En Argentine, l'écriture est présente des deux côtés du gouffre de la disparition forcée. Les proches de disparus ont récupéré leurs textes : poèmes de disparus vivant, militant, rêvant. Lourds d'indignations et d'utopies, ils apparaissent comme la trace de l'existence intime des disparus et comme preuve de leur « subversion » : cette étiquette de criminalité apposée par le pouvoir est alors renversée. La « subversion » apparaît comme la créativité, bousculant l'ordre et les normes, stimulant l'imagination. Une fois la disparition forcée advenue (poussant l'horreur totalitaire à son paroxysme), aux bords de la brèche désormais ouverte dans le réel et le symbolique, les « Mères de la Place de Mai » elles aussi convoquent l'écriture. Les recoratorios en sont un exemple. Publiés dans la presse aux dates anniversaires des disparus, de leurs disparitions ou de leurs assassinats, ces textes courts, elliptiques, citent ces poèmes récupérés, citent des poèmes connus ou se lancent, eux-mêmes, dans l'exploration des mots. Nous y trouvons, en quelques lignes, les thématiques récurrentes de l'écriture de ces mères de disparus : il y est toujours question d'un anéantissement des valeurs culturelles. Les recordatorios apparaissent comme autant de formes poétiques de résistance à la pétrification face à l'horreur, résistance politique des disparus et de celle de leurs survivants, au point de confluence des subjectivités pour lutter contre l'anéantissement des différences.

  • Période de questions
  • Pause

Communications orales

Art et pouvoir absolu : l'esthétique comme principe d'exploration du réel

Présidence : Pierre Vaucher (Université Laval)
  • Sur les ruines du totalitarisme : l'architecture des camps nazis photographiée par Karl P. Koenig
    Chanelle Reinhardt (UdeM - Université de Montréal)

    Nous nous pencherons sur le travail de l'artiste Karl P. Koenig, qui situe au cœur de sa pratique la photographie de l'architecture des camps de concentration. Pour son projet intitulé Fragments : Architecture of the Holocaust. An Artist's Journey Through the Camps (2011), Koenig photographie ce qu'il nomme « les résidus architecturaux » de dix camps répartis sur six pays visités entre 1994 et 2004. Constatant la détérioration de ces sites de mémoire et leur disparition future, Koenig semble vouloir créer un document répertoriant les différents dispositifs architecturaux et leurs détails. L'architecture des camps se trouve ainsi mise en récit à travers une soixantaine de photographies hautement manipulées, manipulations dont le but est de restituer le camp tel qu'il aurait été durant la guerre. Nous croyons que l'œuvre de Koenig trouve son intérêt dans ce paradoxe: une quête d'authenticité (restituer le lieu des camps) passant par une manipulation esthétique de l'image. Nous creuserons les implications d'un tel paradoxe pour l'épineuse question de la représentation de la Shoah tout en nous interrogeant sur le sujet photographique choisi par Koenig pour témoigner et restituer l'horreur, soit l'architecture.

  • Le goulag soviétique en bande dessinée
    Emilie Patrie (Université Laval)

    Danzig Baldaev, gardien de prison entre 1948 et 1981, a traduit sa connaissance de l'univers concentrationnaire dans une bande dessinée originale et subversive. Dans cette œuvre hybride, composée de quatre parties distinctes ayant une visée scientifique et esthétique, il représente l'enfer de la captivité, les sévices terribles que l'on faisait subir aux prisonniers, et ce à partir de sa propre expérience en tant que fonctionnaire de l'administration pénitentiaire soviétique, de ses diverses observations, des témoignages des prisonniers et des employés du goulag. Danzig Baldaev met en scène le quotidien dans le goulag, relatant les tortures faites aux prisonniers, reprenant des slogans politiques, caricaturant, retranscrivant des images décoratives de propagande, intégrant des cartes postales, etc. Par la mise en image des discours de l'intoxication idéologique, par la mise en récit du quotidien du goulag, s'opère donc un processus dialogique. Dès lors, quel système de représentations caractérise l'entreprise clandestine de Danzig Baldaev ? Ce microcosme qu'est le goulag, régi par une organisation institutionnelle bien définie, est clairement représentatif de la macro histoire totalitaire. La rareté des témoignages iconographiques sur le sujet rend cet album unique. À partir de l'ouvrage de Luba Jurgenson, Gardien de camp. Tatouages et dessins du goulag, nous interrogerons les modalités de représentation de la violence qui sévissait dans les camps soviétiques au XXèmesiècle.

  • Totalitarisme et esthétisation
    Erwan Geffroy (UdeM - Université de Montréal)

    Richard Wagner imagina, dans une perspective esthétique, la création d'une œuvre d'art totale par combinaison de diverses formes identifiées d'expressions artistiques dans un essai paru en 1859. Il étendra sa réflexion au champ social et envisagera une société idéale mondiale, qu'un peuple éveillé à venir ferait émerger. Mais Wagner mettra de côté cet idéal total lors de la création du IIe Reich, en 1871, en y reconnaissant la possible réalisation d'une société idéale, non plus mondiale, mais allemande, non plus émergente, mais volontaire. Ainsi, selon Éric Michaud dans « Œuvre d'art totale et totalitarisme », les horreurs et la terreur qu'engendra l'Allemagne nazie pourraient avoir comme dynamique une recherche d'esthétisation du réel, de réalisation d'un idéal, totalitaire, dans le champ social, au mépris de l'altérité.

    Nous opposerons au principe d'esthétisation du réel, celui inverse d'intégration du réel en art grâce au mouvement artistique à ambition sociale de la seconde moitié du XXème siècle : Fluxus. Car ses principaux acteurs intégreront, au travers des performances et des happenings, ce que le système totalitaire évacuait : l'indéterminisme et l'altérité.

    L'opposition des deux dynamiques aura pour ambition d'ouvrir des débats tels que : tout désir politique d'appliquer une volonté à une réalité engendre-t-il inévitablement un système totalitaire ? Comme l'envisageait Wagner en 1859, puis Fluxus pour l'art, une société idéale peut-elle émerger par auto-organisation ?

  • Période de questions
  • Dîner

Communications orales

Le langage, instrument de violence ou principe de révolte?

Présidence : Diego-Alejandro Aguilar Beauregard (Université Laval)
  • Témoigner selon le modèle imposé en URSS
    Assia Kovrigina-Kreidich (Université Paris Diderot (Paris 7))

    L'évocation de l'expérience de l'extrême en URSS se réfère à l'immensité du Goulag qui, avec Soljenitsyne puis Chalamov, est entré définitivement dans la littérature. Tandis qu'on a écrit également sur d'autres violences qui ont bouleversées les territoires soviétiques au cours de XX siècle. Je me propose d'analyser des textes publiés pendant la dictature soviétique, en évoquant surtout les témoignages sur la Grande Famine et sur le génocide des juifs. Retouchés par l'auteur lui-même ou par le censeur, ces textes mutilés sont des exemples passionnants de l'altération progressive que l'orchestration politique fait subir au discours testimonial. L'acte de témoignage ne peut être perçu en URSS comme spontané, comme intérieur, ou comme une sortie de « soi », car il n'y a pas de « soi ». Le « je » du témoin s'efface sous le « nous » imposé par l'État qui crée une histoire collective en confisquant la voix individuelle. Le témoin devient une figure équivoque : son témoignage garde les traces de l'écriture à deux mains et se transforme en un « témoignage trompeur ». Ces textes ne ressemblent en rien à la littérature de témoignage, conçus et rédigés dans des circonstances singulières, ils requièrent des modes de lecture ou d'interprétation propres. Ils montrent de quelle manière la terreur soviétique a grevé la conscience des témoins. Ils permettent de réfléchir aux formes de censure et au type d'idéologie qui ont pesé sur la mémoire et l'écriture testimoniale.

  • Le système linguistique totalitaire et sa négation par les témoignages concentrationnaires
    Ariane Santerre (UdeM - Université de Montréal)

    Dans Le siècle des totalitarismes, Tzvetan Todorov explique que l'État totalitaire met en place une grammaire qui se pose comme l'envers de la grammaire humaniste. Les pronoms « nous » et « eux » supplantent les « je », « tu », « ils », formant un véritable système grammatical dichotomique. Quelle est donc la grammaire des « eux », ces « ennemis » (ST, 2010, 457-458) de l'État totalitaire ?

    Cette communication se propose une visée en deux temps : la première se penchera sur l'expression linguistique du système totalitaire nazi; la seconde, qui sera son pendant, examinera comment les témoignages des survivants des camps s'efforcent de contrer ce système linguistique et d'en créer un nouveau qui leur est propre.

    Il sera question du système pronominal des récits concentrationnaires, produits d'un « je » véritablement personnel, ainsi que de la présence et de la signification du « nous », bien différent du « nous » de la grammaire totalitaire. La communication illustrera aussi comment, outre la grammaire, l'État totalitaire impose l'usage d'euphémismes pour contrôler la mémoire (ST, 2010, 653). Par opposition, les témoignages, dont les buts consistent à décrire l'expérience vécue et à contrer l'oubli, sont-ils exempts d'euphémismes ? S'éloignant des figures d'atténuation, laissent-ils plutôt place à des figures de style plus proches de l'analogie, telle que la comparaison ? Il s'agit de questions auxquelles cette présentation s'efforcera de répondre.

  • La parole manipulée comme fondement du totalitarisme moderne dans le roman africain francophone
    Jonathan Russel Nsangou (Université Laval)

    La chute du mur de Berlin (1989) et le discours de la Baule (1990) ont favorisé dans la plupart des pays de l'Afrique francophone un vent de liberté. Au début des années 1990, les régimes dictatoriaux du Parti unique se sont effondrés pour céder la place à des gouvernements dits démocratiques. On constate cependant qu'il s'agissait de démocraties de façade, les États mis en place ayant continué à régenter la vie des citoyens en les enfermant dans une sorte de nasse. Dans Trop de soleil tue l'amour de Mongo Beti et La Folie et la Mort de Ken Bugul, le « Grand chef » et le « Timonier à vie » exercent sur ceux qui manifestent la moindre liberté de pensée une violence physique et symbolique. Ils se réclament de la démocratie, simulent des élections libres et transparentes tout en maintenant un climat de terreur. Ainsi, Zam, le héros de Mongo Beti, subit de multiples avanies. Mom Dioum, le personnage principal de La Folie et la Mort, devient quant à elle le bouc émissaire de l'appareil d'État. Nous montrerons, à la lumière des deux romans, comment les systèmes totalitaires de l'Afrique post discours de la Baule instrumentalisent la vie publique en s'appuyant sur une rhétorique de manipulation et une logique de simulacre, et que les rapports entre le pouvoir et le peuple reposent sur un système de néopatrimonalisme. Les dirigeants font valoir un pouvoir de parole qui se transforme finalement en pouvoir de vie et de mort sur les individus.

  • Période de questions
  • Pause

Communications orales

Enjeux contemporains et figures de la violence

Présidence : Jonathan Russel Nsangou (Université Laval)
  • Des totalitarismes à venir
    David Boucher (UdeM - Université de Montréal)

    Héritière des dérives politiques de l'Allemagne nazie et de la Russie de Staline, la littérature dystopique apparaît au XXe siècle et s'impose rapidement dans la tradition anglo-saxonne avec les œuvres d'Aldous Huxley (Brave New World), George Orwell (1984), Ray Bradbury (Fahrenheit 451), entre autres. Depuis quelques années, un phénomène littéraire semblable – avec d'autres implications symboliques – émerge du côté francophone, comme pour annoncer une possible résurgence des violences totalitaires. En effet, certains romans de Michel Houellebecq, Antoine Volodine et Nelly Arcan forment une constellation littéraire contemporaine, dont l'enjeu principal est de mettre en lumière les nouvelles formes de totalitarisme qui guettent un Occident plus ou moins lointain. La sociocritique aide à prouver l'hypothèse qu'ils diagnostiquent une crise de l'histoire actuelle et que leur anticipation dystopique de l'évolution historique est certes liée à des ruptures fortes de la longue tradition humaniste (Auschwitz, Hiroshima, etc.), mais aussi à l'échec des grandes utopies révolutionnaires de la deuxième moitié du XXe siècle et au capitalisme triomphant. Grâce aux écrits d'Arendt et de Todorov, il est possible, par association ou par contraste, de dégager la forme spécifique des totalitarismes proposée par cette nouvelle littérature d'anticipation, et ce, selon trois grands axes : interdiscursif, intertextuel et narratologique / poétique.

  • La guerre d'Irak et les vétérans américains : « totalitarisme » de l'héroïsme militaire dans Billy Lynn's Long Halftime Walk de Ben Fountain?
    Diego-Alejandro Aguilar Beauregard (Université Laval)

    ??Dans une entrevue récente, l'auteur Karl Marlantes constate une différence importante entre l'expérience contemporaine des soldats américains qui reviennent de la guerre d'Irak et sa propre expérience de vétéran lors de la guerre du Vietnam. Auparavant, la population américaine accueillait les vétérans avec hostilité pour manifester son profond désaccord vis-à-vis de la guerre (du Vietnam); aujourd'hui, sous l'égide du fameux slogan « Support our troops » – qui prend en fait souvent les allures d'une injonction (morale) – on se livre plutôt à un engouement collectif pour les nouveaux héros que sont devenus les vétérans de la guerre d'Irak. Pourtant, devant cette attitude dorénavant favorable, Marlantes émet une mise en garde : les soldats n'ont pas tant besoin d'encouragements que de reconnaissance.

    Dans le roman Billy Lynn's Long Halftime Walk, qui se déroule lors du Super Bowl, Ben Fountain parvient justement à illustrer avec brio les failles d'un héroïsme militaire soumis aux modalités de représentation stéréotypées propres au spectacle de masse. Derrière l'effervescence (surfaite) de la bienveillance populaire se dissimule une violence « totalitariste », terme que nous employons au sens figuré et que nous proposons d'étudier à partir du roman de Fountain.

  • Paroles croisées victimes-terroristes sur la violence politique en Algérie
    Latéfa Belarouci (Université de Picardie)

    Une grande partie de la population algérienne se trouve confrontée à une véritable « catastrophe narcissique », car soumise pendant des décennies à la violence terroriste islamiste, à un déni d'altérité, au hors sens. L'aspect délibéré, construit, intentionnel de cette violence, la nature des actes, le choix des armes ont en effet produit une véritable psychopathologie collective, car ils ont provoqué de l'effroi, de la terreur, un sentiment d'impuissance et de honte tout comme ils ont modifié la nature des liens intra et intersubjectifs. Ainsi, à la honte d'avoir été confrontés à l'inhumanité d'autres humains, s'ajoute la honte de n'avoir pas pu protéger les siens, la honte de sa propre incapacité à s'opposer à l'humiliation et surtout la honte d'avoir cédé à l'instinct de survie. Les capacités intégratives des individus et des groupes sont submergées, dépassées, mises en échec non seulement parce que ce qui a été mis en œuvre est une véritable déshumanisation des victimes mais aussi et surtout parce que le pouvoir en place a promulgué, au nom d'une paix sociale, des lois amnistiantes en faveur des agresseurs. Cette politique de réconciliation déstructure encore plus l'appareil psychique des victimes, car elles sont condamnées au silence et au non-savoir.

    Un regard croisé victimes/terroristes permet d'apporter un éclairage édifiant sur les processus de déshumanisation mis en œuvre par cette appartenance idéologique extrémiste.

  • Période de questions
  • Plénière
  • Mot de clôture

Cocktail

Lancement du livre d'Alice Verstraeten : Disparition et témoignage : Réinventer la résistance dans l'Argentine des « Mères de la Place de Mai ». Québec, Presses de l'Université Laval, 2013 (colle