516 - 5e colloque annuel du GREE - Quelle place et quels fondements pour la formation éthique d'acteurs du système éducatif?

Notre programme de recherche porte sur le travail des directions d'écoles primaires en milieu défavorisé. Nos objectifs sont de documenter ce travail dans l'optique d'alimenter le développement professionnel. Au cours de ces travaux, l'examen de la littérature a fait ressortir l'importance de l'exercice d'un leadership de justice sociale par les directions (Ayers, Quinn et Stoval, 2009), ce qui nous a amenés à nous y intéresser.
Une première étude portant sur le discours de 45 directions à propos de leur travail, a montré que la justice sociale faisait peu partie de leurs préoccupations. Nous avons voulu en savoir davantage en observant le travail de 12 directions : nous n'avons observé que très peu d'interventions reliées à la justice sociale. Une question s'est imposée : la justice sociale serait-elle absente des préoccupations des directions d'écoles ?
Nous avons ensuite interviewé 3 directions  reconnues pour leur sensibilité à la justice sociale, à propos de leur leadership en matière de justice sociale. Au contraire de nos deux premières études (Archambault et Garon, 2011), nous avons obtenu des données sur 1- les visions de la justice sociale, les attitudes et les valeurs; 2- les objets d'injustice ou d'iniquité; 3- les moments, les événements et les situations où les directions disent intervenir, et 4- les interventions que les directions disent mener. Nous présenterons ces résultats et leurs retombées sur la formation des directions et sur la recherche future.


Comme dans tous les domaines de l'administration publique, la compétence éthique n'échappe pas au monde de l'éducation. Comme le reconnaît l'UNESCO (2009), l'éthique occupe une place importante en éducation. Depuis 2008, elle fait partie du référentiel de compétences du ministère de l'Éducation, du Loisir, du Sport (MELS, 2008) sans compter que plusieurs commissions scolaires ont élaboré au cours des années 2000 leur propre code d'éthique à l'intention de leurs employés, des gestionnaires et des élus. Nous présenterons les principaux résultats d'une recherche exploratoire que le professeur Boisvert et moi avons réalisée auprès de membres de la Fédération québécoise des directeurs d'établissements d'enseignement (FQDE) en 2009-2010. En réalisant cette recherche, nous poursuivions trois objectifs : a) cerner la perception et la place donner à l'éthique en gestion scolaire ; b) cibler les enjeux et risques éthiques les plus importants; c) finalement, cibler les besoins des directions en matière d'éthique afin de voir si des outils ou dispositifs ne pourraient pas être créés pour eux. Ce faisant, nous croyons que les résultats de cette recherche exploratoire devraient ainsi faciliter le travail d'élaboration de contenu sur mesure pour cette clientèle particulière, ce qui évitera aux formateurs en éthique de rester sur le terrain des généralités théoriques. Nous croyons ainsi que le travail de transfert de connaissance ne sera que facilité.

Nombre d'organismes internationaux ‒ OIF (2005, 2009), UNESCO (2007, 2011), Conseil de l'Europe (2008, 2010) ‒ insistent sur l'importance d'une éducation à la démocratie et aux droits de l'Homme conçue à la jonction de la diversité et de l'unité. À ce sujet, nous nous intéressons à l'approche de l'OIF pour qui l'universalité et la diversité ne sauraient s'affronter, tant elles sont vouées à se nourrir, s'alimenter, s'enrichir l'une l'autre (2009). Plus spécifiquement, la formation à l'Éducation aux Droits de l'Homme (EDH) retient ici notre attention. Selon l'OIF (2000, 2009), les droits de l'Homme comme la démocratie sont des exigences éthiques auxquelles il faut sensibiliser l'ensemble des acteurs politiques et des citoyens. À cette fin, l'OIF propose un guide de formation à l'enseignement de l'EDH (2009) et contribue à son appropriation dans les pays où ce besoin se fait le plus sentir. Les premiers acteurs visés sont les responsables pédagogiques des ministères de l'éducation. Avec le concours de l'OIF, ils s'approprient le guide avant de l'implanter auprès des enseignants sur le terrain. Mais quel type de formation éthique retrouve-t-on dans ce guide? Telle est la question principale qui nous occupe et que nous proposons de traiter à travers une analyse de l'éducation éthique réalisée à partir du modèle que nous avons développé dans le cadre de nos travaux sur l'éducation éthique dans la Francophonie (Bouchard, Gendron, Desruisseaux et Daniel, 2012).

Embauché en raison de l'expertise disciplinaire, dès son insertion professionnelle le personnel enseignant des cégeps est souvent invité à s'inscrire sur une base volontaire à des formations pédagogiques axées sur le développement professionnel. Dans ce cadre, la formation à l'éthique professionnelle peut être abordée dans un cours spécifique et de manière transversale. Mais, qu'ils participent ou non aux formations formelles, l'exercice professionnel leur apporte immanquablement quantité d'expériences qui peuvent les interpeller au plan éthique et qui demandent de prendre des décisions pour agir. Les enseignants des cégeps comme ceux des autres ordres d'enseignement doivent ainsi constamment composer avec toutes sortes de situations où l'éthique est en jeu. C'est pourquoi une recherche collaborative (Gohier, Jutras et Desautels, CRSH 2010-2013) a été menée pour documenter le développement de la réflexion éthique du personnel enseignant des cégeps, à raison de six rencontres par année scolaire. Un premier groupe d'enseignants de la région montréalaise a participé à ces rencontres en 2011-2012 et un second groupe l'a fait en 2012-2013 dans la région de Québec. Nous présenterons l'apport de la participation aux rencontres de discussion sur la construction de la réflexion éthique aux plans individuel et collectif. Ces résultats peuvent contribuer à orienter le soutien au développement professionnel des enseignants des cégeps en ce qui concerne l'éthique professionnelle.

En Belgique, qu'on envisage la formation initiale ou continue des enseignants, l'éthique apparaît, au mieux, comme une compétence importante, mais peu valorisée, au pire comme une contrainte externe imposée « d'en haut » et sans réelle signification pour le professionnel.  En outre, la formation initiale des enseignants ne comprend explicitement aucun cours à caractère éthique, ce qui compromet un apprentissage à la fois significatif et cohérent de celle-ci, qui présuppose davantage une approche transversale. 

Cette communication souhaite examiner en quoi pourrait consister une telle approche.  Son caractère transversal se déclinera dans une hypothèse visant à montrer qu'un cours unique d'éthique a certainement moins de pertinence qu'une approche continue, articulant plusieurs stratégies didactiques axées sur le développement de compétences critiques, tant analytiques que synthétiques.  En privilégiant, sous la forme d'un portfolio, une articulation dialectique entre des moments individuels et collectifs d'analyse de pratiques tout au long de la formation initiale, l'apprentissage de l'éthique apparaîtrait davantage dans sa dimension problématique.  Il s'agira en effet de mettre en évidence que la formation éthique relève d'une attitude critique à intérioriser par l'enseignant et non d'une somme de connaissances à mémoriser.  Cette communication visera donc à tracer les contours d'une telle approche, fondée sur une vision intégrée de la formation éthique des enseignants.


Notre communication vise à alimenter les échanges autour de la question du colloque : «Quels fondements sont à privilégier pour orienter la formation [éthique] de ces acteurs?». À cet égard, nous nous proposons d'examiner les relations qu'il pourrait être possible, voire souhaitable, de dessiner entre la formation épistémologique et la formation éthique des enseignants et futurs enseignants. Nous nous demanderons en quoi et comment, par exemple, contribuer au raffinement de leurs croyances épistémologiques (Hofer, 2002; Schommer, 2011; Therriault, 2008) peut avoir des retombées sur le caractère éthique de leurs interventions éducatives? De quelle manière les rapports aux savoirs pourraient-ils «organiser» ces interventions, notamment sous l'angle de leurs dimensions éthiques? Quelle éthique didactique, entre autres par le truchement des rapports aux savoirs disciplinaires, est-il possible de dégager de la formation épistémologique des enseignants? Quelles responsabilités, tant du point de vue de l'enseignant que de celui des institutions, à l'égard d'une formation épistémico-éthique des apprenants? Ces questions seront examinées par le recours à une typologie des rapports aux savoirs (Gagnon, 2011) qui nous permettra de dégager des liens entre épistémologie et éthique en éducation. À la lumière des hypothèses qui émergeront de cette réflexion, notre regard sera dirigé vers les enjeux qu'elles peuvent générer quant à la formation initiale et continue des enseignants.