407 - Le nationalisme banal au Québec et au Canada

Communications orales 13 h 15 → 15 h 15

Nationalisme banal, populisme et identité au Québec et au Canada

• Communication orale 13 h 30
  Le nationalisme banal au Canada anglais en réaction aux lois 21 et 96 de l’Assemblée nationale du Québec : traits communs et variations régionales
  Félix Mathieu (The University of Winnipeg)

  Les manifestations du nationalisme majoritaire dans sa forme dite « banale » (Billig, 1995) demeurent largement sous-étudiées dans le contexte des démocraties multinationales. Pourtant, il s’agit sans doute de l’un de ses terrains de prédilection pour se déployer dans toutes ses déclinaisons. Cette communication propose une interprétation de ce phénomène au moyen d’une analyse de contenu systématique des éditoriaux et lettres d’opinion publiés dans les quotidiens anglo-canadiens (Montreal Gazette, Globe and Mail, Winnipeg Free Press, Calgary Herald) qui offrent une critique substantielle des (projets de) lois 21 (Loi sur la laïcité de l’État) et 96 (Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français) récemment adoptées par l’Assemblée nationale du Québec (n=839, pour la période mars 2018 – août 2023). À titre de modalités législatives poursuivant un objectif de construction nationale (nation-building) au Québec, on pouvait s’attendre à ce que des réactions globalement négatives en découlent dans l’espace discursif anglo-canadien. Ce qui était peut-être moins attendu, du moins de part du groupe majoritaire au Canada, c’est que ces critiques fassent ressortir un imaginaire collectif empreint de nationalisme majoritaire banal. Cette communication en offrira un tour d’horizon, tout en analysant le caractère plus ou moins régional de certaines représentations tantôt dominantes, tantôt plus marginales.

• Communication orale 13 h 50
  Nationalisme banal, populisme et néoracisme ordinaire lors des polémiques publiques sur la loi 21 et le racisme systémique
  Isabelle Le Bourdais (Université York), Frédérick Nadeau (Université du Québec à Montréal), Maryse Potvin (UQAM - Université du Québec à Montréal), Bilodeau Simeon (Université du Québec à Montréal)

  Au Québec, plusieurs débats polarisés ont mis en visibilité l’expression de plus en plus décomplexée et banalisée dans l’arène publique de discours néoracistes « ordinaires » et populistes identitaires s’appuyant sur un nationalisme banal (Billig, 1995), autant dans la presse d’opinion mainstream que dans les médias sociaux (Potvin 2008 ; 2017a). Ce phénomène est en partie attribuable à la place grandissante qu’occupent les discours d’opinion dans tous les médias – chroniques, talk-shows, blogues, plateformes – ce qui accentue la part de subjectivité et d’affects par rapport aux formes journalistiques se voulant plus « objectives ». Cette communication brosse d’abord un portrait large de la couverture médiatique et des discours d’opinion dans la presse écrite québécoise portant sur deux polémiques publiques : celle sur la Loi 21 et celle sur le racisme systémique. Afin d’illustrer ensuite les discours du « nationalisme banal » et du néoracisme ordinaire, et leur dé-marginalisation, cette communication s’intéresse à la convergence sémantique entre le discours d’un chroniqueur néoconservateur dans un média mainstream – Mathieu Bock-Côté (MBC), dans ses chroniques au Journal de Montréal (JDM) – et la rhétorique de trois groupes populistes identitaires, marginalisés par les médias eux-mêmes : La Meute, la Fédération des Québécois de souche (FQS) et Horizon Québec Actuel (HQA).

• Communication orale 14 h 10
  Un tournant vers un populisme banal chez les conservateurs fédéraux ? Continuités et ruptures sous la direction de Pierre Poilievre (2022-2024)
  Emily Laxer (Université York), Efe Peker (Université d’Ottawa), Rémi Vivès (Université York)

  Le 5 février 2022, alors que les blocages des manifestations du « Convoi de la liberté » entraient dans leur troisième semaine, le député conservateur Pierre Poilievre a lancé sa campagne à la tête du Parti conservateur du Canada (PCC). Sept mois plus tard, il a été élu à la tête du PCC et les sondages du début de 2024 indiquent une avance de 17 points pour les conservateurs de Poilievre sur leurs rivaux libéraux (Vieira, 12 janvier 2024). Tout au long de cette ascension fulgurante, l’étiquette « populiste » a été utilisée dans les sphères intellectuelles pour décrire Poilievre, accusé de banaliser une rhétorique d’extrême droite à la Trump. Ces débats manquent généralement d’accord sur la signification du populisme et de l’extrême droite. Cet article propose d’apporter de la clarté à ces discussions en étudiant le cas de Poilievre à travers les conceptions dominantes du populisme de droite dans les sciences sociales. Nous utilisons une théorie « complexe » du populisme qui mobilise ensemble les dimensions idéologique, communicationnelle et organisationnelle du phénomène pour démontrer empiriquement leurs distinctions et leurs relations (Diehl et Bargetz, 2024). Sur le plan méthodologique, nous adoptons une approche qualitative pour examiner les discours, textes et vidéos de Poilievre au cours de la période 2022-2024. Nos résultats suggèrent que la politique de Poilievre représente la banalisation des styles de communication populistes.

Communications orales 15 h 15 → 16 h 45

Discussion autour de l’ouvrage Populisme et sciences sociales

Communications orales 09 h 00 → 10 h 45

Nationalisme banal, protestations, culture et institutions

• Communication orale 09 h 00
  Convoi de la liberté: Quel nationalisme banal?
  Stéphanie Auger-Caron (UQAM - Université du Québec à Montréal), Alexis Harton (UQAM - Université du Québec à Montréal)

  Le Convoi de la liberté de janvier et février 2022 a mis en lumière un profond manque de confiance au sein d'une partie de la population envers les élites politiques, économiques et scientifiques. Il a été possible de constater une présence marquée de symboles nationaux et nationalistes canadiens, québécois et américains tout au long du convoi, mais aussi avant et après celui-ci. Ce nationalisme, loin d'être anodin, a été omniprésent pendant l'occupation. Dans cette présentation, nous amorcerons une réflexion sur le nationalisme banal au sein des différents mouvements populistes s’opposant aux mesures sanitaires. Comment celui-ci se manifeste et s’intègre au sein des différents discours conspirationnistes et populistes présents?

• Communication orale 09 h 20
  Cartographie des polémiques sur la liberté académique et le nationalisme banal : l’exemple du « mot en N »
  Simon Bilodeau (Université du Québec à Montréal), Isabelle Le Bourdais (Université York), Maryse Potvin (UQAM - Université du Québec à Montréal), Antoine Poucet (Université du Québec à Montréal), Adam Tremblay (Université du Québec à Montréal)

  Au cours des dernières années, un vaste débat sur la liberté d’expression en éducation s’est ouvert à la suite de controverses publiques et d’événements dramatiques dans différents pays. Cette communication se penche sur les enjeux touchant les libertés académique et d'expression qui affectent les milieux éducatifs. Elle présente d’abord une cartographie analytique des polémiques et des cas médiatisés et judiciarisés en lien avec les libertés académique et d’expression des enseignants au Québec et au Canada à partir de différentes bases de données ainsi que par différents rapports sur le sujet. Un portrait descriptif, comparatif et synthétique, sera présenté, à la fois sur l’évolution des débats et des cas depuis 2015, sur la nature des problèmes et des enjeux soulevés, les principaux acteurs ou interactants, l’ampleur de la couverture médiatique, et une analyse préliminaire de l’agenda setting des médias et de l’analyse lexicale et socio discursive des discours d’opinion sur le cas qui a été le plus médiatisé au Québec : le cas Lieutenant-Duval et le mot en N. Adoptant une analyse critique du discours, il s’agira de dégager brièvement le récit de la nation et le « nationalisme banal » au sein des discours de la CAQ et des chroniqueurs dans la presse écrite québécoise.

• Communication orale 09 h 40
  Le patrimoine culturel immatériel au Canada entre nationalisme banal et intimité culturelle
  Van Troi Tran (UQAM - Université du Québec à Montréal)

  Alors que le Canada n'a toujours pas signé la Convention de l'UNESCO de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (PCI), plusieurs initiatives, publiques, privées ou communautaires, émergent à travers le pays pour la protection, la transmission et la mise en valeur du PCI. La diversité de ces initiatives nous amène cependant à dépasser une opposition entre une patrimonialisation «par le haut», soit portée par les institutions étatiques auprès des instances internationales, ou «par le bas», soit émergeant organiquement des communautés. Cette communication présentera différents cas de l'initiatives patrimoniales au Canada, en explorant la tension entre la valorisation d'un nationalisme banal, et la production de ce que Herzfeld nomme l'intimité culturelle, soit des tensions souterraines propres à l'expérience vécue d'une culture qui effritent un portrait unitaire de l'identité nationale tel que mis en scène dans les discours publics.

Communications orales 10 h 45 → 12 h 00

Nationalisme banal et environnementalisme

• Communication orale 10 h 45
  Charles Berthelet, Le nationalisme minoritaire peut-il être « banal » à l’international ? Les cas de l’Écosse et du Québec à la COP28 de Dubaï
  Charles Berthelet (UQAM - Université du Québec à Montréal)

  La « paradiplomatie identitaire » correspond à l’activité et la présence extérieures d’un gouvernement non souverain, parallèles à celles de son État souverain, lorsqu’elle se fait l’occasion de l’affirmation ou de l’expression d’un nationalisme minoritaire. Sauf en de rares exceptions où une telle mutation a lieu, cette paradiplomatie identitaire ne correspond cependant pas à une « protodiplomatie », c’est-à-dire qu’elle ne vise pas la sécession. En ce sens, le nationalisme exprimé par le truchement d’une paradiplomatie fait montre d’une certaine banalité, surtout que l’exercice de cette activité internationale de la part d’un gouvernement régional comporte une bonne part d’émulation par rapport à l’activité diplomatique ordinaire ou quotidienne faisant partie de l’existence même des États souverains, laquelle se présente encore en principe comme leur apanage exclusif. Un paradoxe apparent se pose alors : comment l’émulation d’un comportement supposément exclusif peut-elle revêtir les traits de la banalité ? En observant les pratiques (para)diplomatiques de l’Écosse et du Québec à la COP28 de Dubaï en décembre 2023, cette communication entend proposer que la présence internationale du nationalisme minoritaire, en dépit de son caractère subversif inhérent, fait en réalité l’objet d’une banalisation de la part des acteurs régionaux qui la portent.

• Communication orale 11 h 05
  Le marketing du nationalisme pétromasculiniste banal pour les deux solitudes
  F. Guillaume Dufour (UQAM - Université du Québec à Montréal)

  La vague de populisme de droite contemporaine au Canada est indissociable d’une part de la dynamique politique de la fédération canadienne qui entraîne un fort sentiment d’aliénation des électeurs de l’Ouest canadien et de l’économie politique du pétrole et du gaz naturel fortement concentrée dans les provinces de l’Ouest canadien. Sur le plan des représentations socioculturelles, cette vague de populisme de droite à trois caractéristiques importantes : 1) elle mobilise plusieurs axes dimensions identifiées par la littérature comparative sur les droites radicales, comme une opposition morale entre des élites corrompues et un peuple authentique et un penchant pour un pouvoir exécutif en mesure de contrer le wokisme; 2) elle met moins l’accent sur le nativisme que d’autres formations de droite radicale; et 3) elle mobilise un pétropopulisme masculiniste. Cette communication explorera le marketing de ce pétropopulisme à travers l’étude longitudinale de deux plateformes de diffusion en ligne destinées l’une au public canadien anglophone et l’autre au public québécois.

Dîner 12 h 00 → 13 h 30

Dîner

Communications orales 13 h 30 → 15 h 00

La comparaison et le nationalisme banal au-delà du Québec et du Canada

• Communication orale 13 h 30
  Ailleurs dans le monde, la situation se dégrade" :Le nationalisme banal et les usages politiques de la comparaison au Québec au temps du COVID
  Luc Turgeon (Université d’Ottawa)

  Le recours aux comparaisons a été une constante chez les décideurs publics tout au long de la pandémie de Covid-19, en particulier pour légitimer les politiques mises en place par certains gouvernements. Cependant, malgré le nombre important de publications sur les discours politiques pendant la pandémie de COVID, la question de la comparaison n'a pas fait l'objet d'études. Dans cette présentation, nous proposons d’analyser les usages politiques de la comparaison du point de vue de la centralité des discours en tant qu'outils de production et de reproduction des nations, c’est-à-dire la comparaison comme outil central du nationalisme banal. Nous posons trois questions relativement simples concernant le recours à la comparaison dans les discours politiques dans le contexte de la pandémie de Covid : À quoi la nation est-elle comparée ? Sur quoi se fonde cette comparaison ? Et enfin, quel est l'objectif de la comparaison? Pour analyser l'utilisation de la comparaison dans les discours politiques, nous explorons le cas du Québec pendant la pandémie, en nous concentrant sur les discours politiques du premier ministre du Québec, François Legault, lors de 111 conférences de presse entre 2020 et 2022.

• Communication orale 13 h 50
  Le nationalisme ordinaire en milieu de travail à Montréal et à Bruxelles : trois modes de performance de la nation au quotidien
  Dave Poitras (UdeM - Université de Montréal)

  Les études sur le nationalisme ordinaire, en négligeant les multiples dynamiques contextuelles pouvant mener les acteurs non politiques à performer la nation, ignorent ou échouent trop souvent à rendre compte des formes diverses à travers lesquelles la nation façonne les activités quotidiennes. Cette communication tente de remédier à cette limite en examinant la manière dont s’insère cette idée de vivre dans un monde de nations au sein des tâches de travail d’individus à Montréal et à Bruxelles. Ce faisant, elle met en lumière trois modes de performance de la nation au quotidien et montre comment les milieux de travail de ces deux villes participent à la (re)production de leurs constellations biethnonationales distinctes.

• Communication orale 14 h 10
  « On n’est pas des fanatiques » : le nationalisme banal à travers la transmission familiale en France
  Florence Delmotte (Université Catholique de Louvain), Sophie Duchesne (Sciences Po Bordeaux), Katherine Throssell (Sciences Po - Bordeaux)

  Dans la France d’aujourd’hui, où la nation est invoquée de plus en plus souvent et explicitement, dans les discours politiques mais aussi concrètement, dans les réformes éducatives ou les politiques d’immigration par exemple, on pourrait penser que le nationalisme banal a cédé la place à un nationalisme beaucoup plus « chaud ». Notre communication défend qu’une telle lecture oublierait toutefois le rôle fondamental du nationalisme banal (Billig 1995) comme substrat, comme condition nécessaire à l’entretien quotidien d’un nationalisme assumé, sinon revendiqué. Il s’agira aussi d’explorer la spécificité du nationalisme banal dans le cas français, nourri du passé colonial de la France et des prétentions universalistes du modèle français. Celles-ci entrent tout particulièrement en résonance avec la dimension universelle (ou du moins globale) de l’idéologie nationaliste selon Billig (1996 ; 2023). Pour donner matière à ces discussions, et pour répondre au problème de la « preuve » soulevé par certains adeptes d’une version moins critique du nationalisme « ordinaire » (Martigny 2010) ou quotidien (Fox & Van Ginderachter 2018), nous nous nous appuierons sur la présentation de l’enquête qualitative que nous menons sur la reproduction intergénérationnelle du nationalisme banal et de l’habitus national (au sens d’Elias 2020) dans le cadre familial et dans le sud-ouest de la France (Enquête ETPAF).