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Informations générales

Événement : 89e Congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines

Description :

Quelle place accorder à l’image dans cette reconnaissance du sujet animal? La montée en popularité des études animales au sein des sciences humaines et sociales n’a eu jusqu’à présent que trop peu d’échos dans le domaine de l’histoire de l’art et des études visuelles. Dès la fin du XIXe siècle pourtant, les organisations de défense des animaux ont recours à des représentations artistiques (Landseer, Bonheur) dans leurs campagnes de communication et de sensibilisation au bien-être animal. Aujourd’hui, les groupes animalistes misent principalement sur le pouvoir de conviction des images de l’outrage et de l’indignation. La visualité du sujet animal n’est cependant pas réductible à ces emplois caritatifs et militants. Des photographies animalières ludiques (Frees), substrats de discours pédagogiques, moraux ou encore publicitaires (Chandoha) inondent au même moment le supermarché des images. Ce fort courant qui traverse tout le XXe siècle trouve aujourd’hui son apothéose dans les vidéos ludiques de chatons qui pullulent sur la Toile. Avec ces millions de vues, cette iconographie de la mignonnerie animale occupe le premier rang parmi le répertoire des représentations animalières contemporaines. Le reportage animalier, qu’il soit diffusé sur des chaînes spécialisées ou présenté dans le cadre de concours internationaux de photographie, spectacularise pour sa part les merveilles et les périls du monde animal. Si diverses dans leurs manières d’appréhender le fait animal, les pratiques artistiques, pour plusieurs d’entre elles, redéfinissent les ambitions caritatives, ludiques et heuristiques portées par ces régimes visuels, en remettant en cause la position d’autorité du spectateur devant le sujet animal.

Qu’elles ravissent, indignent, instruisent ou émeuvent, les représentations animalières en appellent aux affects du spectateur, ainsi qu’à sa capacité d’insérer ces images dans une histoire de la visualité du sujet non humain. C’est à l’examen de ces formes de visualité que ce colloque est consacré.

Date :
Responsables :

Programme

Communications orales

Entre les espèces

Présidence : Maxime Coulombe (Université Laval)
  • Communication orale
    Bêtes d’images
    Marion Le Torrivellec (Université Toulouse 2 Jean Jaurès)

    Depuis quelques années, le marché de l’animal de compagnie se trouve sensiblement modifié par la tendance à la miniaturisation des espèces. L’homme intervient sur le vivant pour en modifier l’échelle, jouant au démiurge pour faire exister de nouvelles espèces toujours plus petites. La dénaturalisation de l’espèce, sa désanimalisation, s’entend dans le nom qu’on leur donne : mini, toy ou encore extra toy. Cependant, ce phénomène n’est pas nouveau. Au XVIIIe siècle, le pet (du français petit) prenait tout son sens lorsqu’il s’illustrait en lapdog, sur les genoux de sa maîtresse, maternante et épanouie. Nous touchons alors à ce qui fait la particularité de cette relation : en choisissant un animal miniature, le caractère de la bête s’estompe pour n’être plus que l’écran de nos projections. Nous remarquons les caractères néoténiques des petits chiens: « face plate, yeux démesurés, membres courts et arqués, démarche maladroite, voix haut perchée » (Digard, 1999/2009). Ces critères esthétiques déterminent ce qui est mignon et nous constatons que les chiens du XVIIIe siècle y correspondent tout autant que les photos de nos animaux de compagnie qui inondent aujourd’hui Instagram. L’innocence et la pureté enfantine revendiquées par le kawaï nous invitent à interroger le statut de ces images, piliers des échanges sociaux, et dont la portée s’avère assurément politique.

  • Communication orale
    Entre jeu et contrainte : l’hypothèse d’une agentivité animale dans l’œuvre de William Wegman
    Anne-Marie Lamoureux-Bolduc (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    L’artiste américain William Wegman interpelle les études animales par ses vidéos expérimentales et ses polaroids mettant en scène ses braques de Weimar. Depuis 1979, il fait participer ses chiens à la création d’œuvres ludiques sensibles à l’éthos de l’animal. Cette prise en compte du point de vue animal constituera la ligne directrice de cette présentation. J’y défendrai l’idée selon laquelle les chiens contribuent activement au projet esthétique de l’artiste. Pour ce faire, je vais m’appuyer sur un corpus photographique dans lequel un rapport de collaboration et de co-création paraît s’instituer. Je souhaiterais démontrer qu’une agentivité animale est ici à l’œuvre et critiquer l’idée voulant que le travail de Wegman ne soit que l’expression d’un anthropocentrisme. Les travaux de Donna Haraway, d’Éric Baratay, de Dominique Lestel et de Jean-Marie Schaeffer permettront de mettre à l’épreuve cette hypothèse d’une collaboration interspécifique.

  • Communication orale
    Aux confins de la rencontre interespèces : La centauresse d’Auguste Rodin
    Valérie Bienvenue (UdeM - Université de Montréal)

    Depuis des siècles, la figure du centaure, ou ici plus précisément celle de la centauresse, propose visuellement une interpénétration des corps équins et humains. Créature mythique, la centauresse est le foyer d’une limite indécise entre deux états. Philosophiquement, elle inspire les cavaliers et cavalières à atteindre les plus hautes sphères de réussite. En art, l’imaginaire romantique entourant le symbole de la centauresse est tel qu’on y « voit », entre les espèces, un attachement sans attache, sans emprise ni domination, où aucune forme de domptage n’intervient. Mais vu de plus près, la répartition des corps amalgamés de la centauresse expose certaines inégalités. Sans prétendre que cet être hybride n’est qu’une « seule chose », cette présentation mettra en exergue des avenues à explorer, et quelques précisions à apporter, sur l’idée de « communion » généralement adoptée à l’égard du symbole. La centauresse d’Auguste Rodin, sera examinée pour son caractère unique, sans toutefois être exclue de son clan d’attache, constitué de multiples versions imaginées par l’artiste. Aussi, La centauresse héberge maintes tensions, apparentes chez ses consœurs issues de la culture visuelle, et des arts modernes et même contemporains. Un examen approfondi de l’œuvre mettra à la vue la pertinence d’un questionnement rigoureux vis-à-vis de quelques idées portées sur le dos de la créature, et influençant encore aujourd’hui certaines conceptions des relations interespèces.

  • Communication orale
    L’animalité comme disqualification sexiste ? Essentialisation canine et féline de l’actrice Simone Simon (1911-2005)
    Roman Knerr (Sciences Po Paris)

    Dès le début de la carrière de l’actrice Simone Simon, les discours la comparant physiquement et psychologiquement à un chien, en particulier à un pékinois, se multiplient : commence alors une essentialisation animalisée de sa persona. Alors que sa notoriété explose en 1934 avec son interprétation de la « sauvageonne » Puck dans Lac aux dames (Marc Allégret), les processus de production, de réception et même l’historiographie cinéphile entretiennent une confusion entre les rôles qu’elle endosse et sa véritable « nature ». Au cours des années 1930, entre la France et les États-Unis, la presse propage l’idée d’une corruption morale de la vedette décrite comme vénale et volage, et on la compare de plus en plus à un chat capricieux, fragile et agressif. Après avoir (entre autres) interprété la « garce » de La Bête humaine (Jean Renoir, 1938), cette image culmine et s’ancre durablement avec le film La Féline (Jacques Tourneur, Cat People, 1942), dans lequel elle campe la descendante d’une tribu maudite craignant que ses émotions et ses désirs ne la transforment en panthère indomptée, objet de fantasme érotique androcentré et de peur. Tandis que Simone Simon se réapproprie et coconstruit partiellement cette image publique, la fétichisation d’un lien stéréotypé entre féminité et éléments naturels revêt un caractère de subordination voire d’avilissement invitant à examiner les rapports de pouvoir sous-tendant cet imaginaire.


Communications orales

Morbidités animales

  • Communication orale
    L’instrumentalisation du corps animalier dans l’art contemporain féministe
    Gabrielle Loftin (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Depuis les années 1960, le corps occupe une place importante dans l’art, à travers notamment les pratiques féministes du Body art où le corps des femmes fait l’objet d’une réappropriation politique. Le Body art d’allégeance féministe a également eu recours au corps animal (Meat Joy, 1964 de Carolee Scheeman) pour exprimer ses revendications. L’animal y est cependant majoritairement présenté sous forme de produit carné (Vanitas : robe de chair pour albinos anorexique, 1987 de Jana Sterbak), de chair violentée et d’entité objectifié. Une exploitation du corps animal serait-elle opérée par l’art féministe, soumettant ainsi l’animal à une instrumentalisation analogue à celle que la société patriarcale réserve aux corps des femmes ? L’œuvre Chicken Knickers (1997) de Sarah Lucas apparaît exemplaire de cette ambivalence. Dans ce travail photographique de Lucas, on voit le bas du corps de l’artiste portant une culotte blanche sur laquelle un poulet a été attaché et où l’orifice arrière de celui-ci est à peu près dans la position de sa vulve. C’est pourquoi celle-ci fera ici l’objet d’une analyse prenant entre autres appui sur les travaux de Carol J. Adam, théoricienne de l’intersectionnalité entre la cause féministe et la cause animale. Le but de cette présentation sera de démontrer les enjeux que comporte cette association entre le corps féminin et le corps animalier. Quel prix ce dernier paye-t-il en devenant instrument de dénonciation pour la cause féministe?

  • Communication orale
    Le corps organique (tout) contre le corps machinique
    Lison Jousten (UNIVERSITÉ DE LIÈGE)

    En 1979, Jean-Louis Le Tacon réalise Cochon qui s'en dédit, film dénonçant les conditions déplorables de l’élevage porcin industriel. Devenu le rouage d'une énorme « machine morbide » (Leboutte, 2010) dont il ne peut s'extirper, un jeune éleveur s'enfonce peu à peu dans un système au sein duquel le respect de la vie humaine ou animale est inexistant. Maxime, nouveau Sisyphe pelletant chaque jour des kilos de déjections, est emporté dans un cycle de saillies et de naissances, qui passe aussi par l’évacuation de cadavres. Le documentaire offre au fond le récit d’une lutte entre un corps – celui de l’élevage de masse – à l’organicité excessive face à celui de l’éleveur, devenu machine.

    Réinscrivant le film dans une histoire culturelle et anthropologique qui le dépasse largement, cette intervention en retracera brièvement les contours, tout en s’accordant quelques ponctuels détours par d’autres productions cinématographiques. Il s’agira ainsi d’entrevoir comment cette lutte entre le corps organique et le corps machinique renvoie à une tentative de s’extraire d’une proximité d’ordre biologique et symbolique entre l’homme et le cochon (Pastoureau, 2009 ; Fabre-Vasas, 1994).


  • Communication orale
    Peut-on rendre transparents les murs des abattoirs ?
    Anne-Laure Mathy (Université libre de Bruxelles)

    L’abattage des animaux a depuis toujours fait l’objet d’une invisibilisation. La vue du sang répugne au point qu’il faille le cacher. Actuellement, il nous est donné à voir ce qu’il se passe au sein des abattoirs par le biais d’images clandestines, collectées par des associations de défense des droits animaux qui souhaitent re-visibiliser cette activité avec l’espoir que cela puisse induire des changements de consommation. En Belgique, cela a eu pour effet de modifier les moyens de contrôles du bien-être animal, et plus précisément d’induire l’introduction de vidéosurveillance dans les abattoirs. Cet intérêt soudain pour ce qui a toujours été caché sera l’objet de ma communication qui s’attachera à démontrer que derrière une apparente transparence, la volonté de maintenir l’abattage caché se maintient. Les résultats de cette recherche s’appuient sur des observations semi-participantes en abattoir et sur des entretiens réalisés avec des acteurs du secteur de la transformation de la viande (vétérinaires, ouvriers, patrons d’abattoir, syndicats, inspecteurs du travail ou sanitaires, etc). Ma communication mobilisera des éléments théoriques de la sociologie de l’interaction, plaçant les animaux au cœur des réflexions. En assimilant l’abattoir à l’asile, et les animaux aux reclus, je montrerai que la quasi-absence de représentations d’animaux de ferme lors de leur abattage dans les médias ou dans l’art est une condition nécessaire à l’existence de telles infrastructures.


Communications orales

Missions et devoirs de la représentation animale

  • Communication orale
    Le vrai-faux vivant : oiseaux de proie naturalisés dans la photographie ornithologique de la fin du XIXe siècle au Canada.
    Alice Boisvert (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Cette communication abordera la présence d’oiseaux naturalisés dans la photographie ornithologique à la fin du XIXe siècle au Canada. Elle a pour objectif d’interroger le recours à la représentation photographique à des fins scientifiques, tout en questionnant cette pratique consistant à « faire poser » des espèces taxidermisées pour créer l’illusion du vif. Si la taxidermie, en tant que pratique, a fait objet d'études, le croisement avec la photographie reste quant à lui peu documenté. En délaissant l’illustration graphique au profit de l’enregistrement photographique, les publications consacrées au monde animal avaient misé sur l’effet de réel (Barthes) que cette technique produisait, cela afin de susciter une proximité inédite entre le spectateur et les espèces animales surprises dans leur milieu de vie. On assistait alors à la naissance de la photographie animalière. La photographie d’animaux naturalisés relève d’une toute autre stratégie figurative et semble constituer un angle mort dans l’histoire de l’illustration naturaliste. La présente communication aura pour cas d'étude le livre Our birds of prey, or the eagles, hawks and owls of Canada, with 30 photographic illustrations by Wm. Notman publié en 1876 par le scientifique canadien Henry George Vennor.

  • Communication orale
    "Her office was filled with books and pictures": visualité et droit des animaux chez la journaliste et féministe Frances Power Cobbe
    Martyna Zielinska (FRANCE)

    Au cours de sa longue carrière de journaliste, féministe et militante pour les animaux, Frances Power Cobbe (1822-1904) a manifesté une conscience aigue de la force des images pour transmettre ses arguments au public visé. Pourtant, si beaucoup de publications analysent sa carrière dans la presse britannique et son engagement pour les droits des femmes et des animaux, très peu d’études abordent les stratégies visuelles utilisées par Cobbe pour sensibiliser le public victorien. En s’appuyant sur des témoignages d’époque, diverses publications de Cobbe entre 1860-1900 ainsi que sur des productions des sociétés d’anti-vivisection qu’elle a fondées, la présente communication propose d’abord de retracer ces stratégies visuelles et d’en établir une typologie. Il s’agira ensuite d’interroger plus largement la spécificité du contexte britannique au XIXe siècle où les femmes - de la Reine Victoria aux femmes des classes populaires - et leur réappropriation de la culture visuelle victorienne ont joué un rôle sans précédent dans la lutte pour le bien-être animal entre 1850-1910. Enfin, nous verrons avec l’exemple de la création de the American Anti-Vivisection Society de Philadelphie comment les stratégies définies par Cobbe ont été adaptées et exportées aux Etats-Unis dans les années 1880, révélant une économie transatlantique, dans laquelle les femmes ont largement pris en charge l’organisation logistique de la diffusion et de la circulation des images pour la cause animale.

  • Communication orale
    Les animaux en réserve. Réflexions autour de la conservation dans le paradigme audiovisuel
    Gil Chataigner (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Cette présentation discutera des idées et des pratiques entourant la conservation animale, à l’ère de l’enregistrement d’images en mouvement. En particulier, nous proposerons l’analyse d’un corpus audiovisuel d’oeuvres contemporaines (issues des arts visuels et des cinémas du réel) dans lesquelles la présence de plans d’animaux naturalisés dans des réserves muséales est captivante et confrontante. Ces plans récurrents sont-ils des figures ou agissent-ils à titre de discours ? Nous nous concentrerons aussi sur l’étude de l’historicité de ces réserves zoologiques dans les musées d’histoire naturelle. Comment, dans l’histoire muséale, la conservation d’un spécimen, reliquat animal, a négocié sa mise en visibilité ou sa préservation muette ? Et finalement, pivot de l’émergence d’une pensée de conservation, nous documenterons l’émergence d’un type de caméra, brevetée dans les années 1910, pour combler un besoin de filmer l’animal dans son milieu naturel. Cet appareil, la Akeley Camera, fut créée par le naturaliste éponyme investi dans la sensibilisation à l’animal au American Museum of Natural History. Mettre en dialogue ces objets nous permettra de manière intermédiale de voir émerger et interroger le paradigme conservationniste des espèces animales par l’humain.

  • Communication orale
    Le spectre de l’oiseau dans la ménagerie : reflet d’une culture de l’histoire naturelle
    Genevieve Chevalier (Université Laval)

    Dans cette communication, je tracerai un parallèle entre le phénomène historique des ménageries princières de l’Angleterre des 17e et 18e siècles et les activités de collectionnement de spécimens d’oiseaux qui se tenaient au même moment en Angleterre. Les espèces animales des ménageries ont été le symbole d’un statut social – souvent royal, comme les pélicans de la reine que l’on retrouve toujours à St. James’s Park et ce, depuis le 17e siècle. Elles représentent le pouvoir de celles et ceux qui possèdent des espèces venues de loin. Elles sont perpétuellement « en démonstration » dans un espace clos (parc ou jardin). Rien ne vient en théorie perturber leur existence ni altérer leur beauté : elles demeurent continuellement disponibles aux regards et leur simple exposition constitue un témoignage de l’emprise sur les choses de ceux et celles qui les possèdent. À la fois la ménagerie et la collection d’histoire naturelle m’intéressent dans le contexte de recherches menées lors de la réalisation d’un projet artistique intitulé « Mirement/Towering » (2020-2023). Ce projet explore quelques-uns des méandres de l’épistémologie moderne à la lumière de l’effondrement actuel de la biodiversité. Sa première itération fut présentée au centre Dazibao à l’automne 2021, sous le titre « La ménagerie, L’herbier ». Il s’agira donc ici d’examiner certaines pratiques culturelles historiques tout en analysant la manière dont ces pratiques sont abordées dans une œuvre qui est toujours en chantier.