Informations générales
Événement : 89e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :L’adhésion d’un électeur, d’un citoyen, d’un consommateur à une politique, à un projet, à un produit est d’abord une question de légitimité. Ces derniers doivent reconnaître en l’auteur de l’entreprise de persuasion le droit à la parole, évaluer comme acceptable l’enjeu ou l’innovation proposés, et souscrire aux univers de croyances et au mode de raisonnement déployés. Constamment renégociée et débattue, cette légitimité est produite dans un contexte de crise de confiance tant envers les élites, les experts que les médias.
Ce colloque interroge ainsi les formes de légitimité émergeant dans ce contexte sous une triple perspective : 1) les acteurs; 2) les objets de débat; 3) les discours.
1. Le passage de l’ombre à une légitimité sociale n’est plus fondé sur la seule reconnaissance institutionnelle, mais prend appui sur de nouvelles sources d’autorité comme l’expérience et la proximité, en lien avec la connaissance intime d’une situation, d’un produit, ou la médiatisation, selon le capital acquis sur les scènes médiatique et numérique. Cette perspective s’intéresse à la construction de la légitimité des acteurs dans l’espace public.
2. En raison de ressources limitées, les promoteurs d’un projet ou d’un produit doivent non seulement défendre la légitimité de leur proposition par rapport à des concurrents, mais aussi contrer les parties prenantes qui la contestent. Dans la suite du point précédent, cette perspective explore les stratégies de légitimation des objets débattus.
3. À la faveur de la multiplication des lieux de débat, les régimes institutionnels de rationalité – logique et scientifique – sont de plus en plus contestés par des régimes alternatifs, fondés sur les émotions, les croyances, les valeurs. Cette perspective aborde les rapports de concurrence pour la légitimation de façons de raisonner ou, à l’inverse, leur délégitimation.
Finalement, le colloque propose de réfléchir sur les enjeux éthiques et de régulation soulevés par ces formes de légitimité.
Dates :- Olivier Turbide (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Josianne Millette (Université Laval)
- Camille Alloing (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Vincent Fournier (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Stéphanie Yates (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Programme
Conférence d’ouverture
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Communication orale
Légitimité et réception publique du discours scientifique (titre préliminaire)Corinne Gendron (École des Sciences de la Gestion (ESG) - UQAM)
Expertise et science
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Communication orale
Entre expertise et expérience sensible. Les régimes de rationalité dans les controverses environnementalesVincent Carlino (Université Catholique de l'Ouest)
À partir du cas de l’enfouissement des déchets radioactifs à Bure (France), la communication propose d’inclure la conflictualité et l’expérience sensible des acteurs dans l’épistémologie des controverses environnementales. Les arènes d’expression sont souvent saisies à partir des normes qui contraignent l’expression. La compréhension de ce cadre normatif identifie les stratégies de contournement, dans le but d’inclure les publics qui ne maîtriseraient pas les règles qui fondent la légitimité des points de vue dans ces dispositifs. Pourtant, les controverses environnementales ne désignent pas seulement des désaccords sur des sujets techno-scientifiques : elles renvoient à des affects qui nécessitent d’interroger les régimes de rationalité.
La contribution s’appuie sur une analyse qualitative de la controverse sur l’enfouissement des déchets radioactifs à Bure (France). L’analyse d’un corpus de sites web d’opposants et des promoteurs montre que la critique se construit à travers des pratiques qui croisent l’expertise et l’expérience sensible, dont certaines sont reprises par la communication institutionnelle. La légitimité s’établit à l’intersection de régimes de rationalité fondés sur l’expertise et l’expérience sensible. Elle s’exprime à travers une double disqualification : celle des opposants accusés de ne pas se conformer à l’expertise et celle des promoteurs qui se voient reprochés de tenir un discours sensible stratégique pour favoriser l’acceptabilité du projet.
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Communication orale
Au risque de l’adynaton : la revendication par les think tanks de formes de scientificité en renfort de la légitimité de leur raison d’êtreStéphanie Debray (Archives Henri-Poincaré - Philosophie et Recherches sur les Sciences et les Technologies de l'Université de Lorraine), Lucile Desmoulins (Université Gustave Eiffel)
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Communication orale
Méfiance envers les pratiques invisibles d’accès à la science ouverteMariannig Le Béchec
Dîner
Légitimité et marques
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Communication orale
Dire ce qui est sain ou pas: une exploration sémiodiscursive de la construction de la légitimité d’un acteur socionumérique de l’évaluation alimentaire. Cas de l’application YukaMarie-Lise Buisson (GRIPIC Sorbonne Université)
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Communication orale
Les stratégies de légitimation de la marque Tampax dans l’espace public françaisClaire Roubaud (FRANCE)
Les tampons périodiques, et plus spécifiquement les produits de la marque Tampax, sont associés à un risque accru de syndrome du choc toxique (SCT) depuis les années 1980 et l’absence de transparence quant à leur composition est fréquemment mise en cause. En France à partir des années 2010, la composition des tampons et le SCT font partie des enjeux par lesquels la menstruation devient un objet de revendications dans l’espace public. Les marques de tampons font alors face à une défiance envers leurs produits et à la concurrence des marques de produits réutilisables comme la coupe menstruelle. A partir de ce contexte, la contribution propose une analyse des stratégies de légitimation sanitaire de la marque Tampax dans l’espace public numérique français, sur la base de l’analyse sémio-discursive d’un corpus de discours publicitaires et institutionnels. Les principaux résultats montrent que la stratégie de légitimation de Tampax repose sur la production d’un discours d’expertise appuyé sur la figure d’autorité du médecin, et sur la disqualification d’un contre-discours mettant en cause l’impact sanitaire et environnemental des tampons. Ce faisant, la marque produit en discours une conflictualité simplifiée opposant son discours, qui a les apparences de l’expertise et de la scientificité, à un contre-discours qui est disqualifié en étant présenté comme un ensemble de préjugés sans fondements scientifiques.
Légitimité publique et médiatique et controverses environnementales
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Communication orale
Confiance et défiance: les deux degrés de la communication socionumériquesStéphanie Lukasik (Université de Lorraine (CREM))
La confiance est au fondement de la question de la légitimité à l’œuvre via les réseaux socionumériques. En partant du constat que les réseaux socionumériques sont un prolongement de la communication sociale s’interroger sur le fondement même de la confiance par le prisme de l’influence personnelle permet de comprendre le mécanisme qui mène à la confiance ou à la défiance. La particularité majeure des réseaux socionumériques est d’être fondés sur la persuasion, autrement dit l’influence personnelle. Les interactions qui s’opèrent sur ces plateformes relèvent du don/contre-don. Le partage équivaut à une action en attente de reconnaissance tels que les commentaires et les réactions qui correspondent à une nouvelle forme actualisée des gratifications. Cette reconnaissance de l’autre va mener à la confiance ou à la non-confiance. Afin de saisir les deux degrés de la communication socionumérique – que sont la confiance et la défiance qui mènent à la légitimité ou à la perte de légitimité - nous avons relié l’information (qui est diffusée par les médias) à la communication de l’information (des usagers-récepteurs). A partir de nos entretiens, nous avons pu constater que le regard des médias demeure autocentré et ne s’est pas encore déplacé vers les publics d’usagers-récepteurs. Ce qui a pour conséquence chez ces derniers un manque de confiance à l’égard des médias qui peut mener à la défiance.
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Communication orale
La réinterprétation des normes journalistiques au coeur de la légitimité professionnelle des journalistes spécialisé·e·s en environnementValérie Babin (UQAM - Université du Québec à Montréal)
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Communication orale
La transition énergétique comme argument de légitimité de nouveaux projets miniers d’extraction du lithium au Québec : le cas de la mine AuthierAxelle Ferrant (UQAM), Justine Lalande (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Le lithium, ce nouvel « or blanc », occupe une place de choix dans la liste des minéraux critiques et stratégiques (MCS) au Québec. Dans un contexte de transition énergétique vers une économie faible en carbone, le lithium est un minerai particulièrement convoité pour la production de batteries de voitures électriques et le stockage d’énergie provenant de sources renouvelables. Certains auteurs estiment que la demande de lithium augmentera de 488 %, entre 2018 et 2050.
Comme le montrent des projets récents au Québec, mais aussi en France, en Serbie et au Portugal, ces projets miniers soulèvent de vives contestations citoyennes, principalement au niveau environnemental. Si les promoteurs veulent pouvoir développer ces projets, ils doivent en favoriser l’acceptabilité sociale auprès des populations. Une des stratégies utilisées par les promoteurs est d’établir la légitimité du projet, notamment en démontrant ses bienfaits en matière de transition énergétique.
Comment les promoteurs de projets miniers au Québec mobilisent-ils la transition énergétique pour construire leur légitimité auprès de la population ? Nous nous intéressons plus particulièrement au projet Authier, un projet québécois controversé acquis par Sayona Québec en 2016. À partir d’une revue de presse du projet depuis 2016 et de la documentation officielle de Sayona Québec, nous évaluons l’utilisation de la notion de transition énergétique comme agent de légitimité dans le discours de l’entreprise minière.
Légitimités professionnelles
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Communication orale
La police de concertation, une nouvelle rhétorique de légitimation du Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL)Sarah Saïdi (UQAM - Université du Québec à Montréal)
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Communication orale
Travail social : vers une hybridation des modes de légitimitéChristelle Achard (Université de CaenNormandie)
Légitimité et politique
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Communication orale
L’affaire Baupin: conditions de légitimité de la parole des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles dans les médias d’information françaisCharlotte Buisson (Université Paris Panthéon-Assas)
Un an avant l’affaire Weinstein, qui amorce une prise de conscience du caractère systémique des violences sexistes et sexuelles par le champ médiatique et politique, seize femmes dénoncent le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles commises par D. Baupin, alors vice-président de l’Assemblée Nationale et élu Europe Écologie – Les Verts. Les révélations sont publiées dans une enquête de presse menée par Mediapart et France Inter. Quatre d’entre-elles y témoignent à visage découvert. Contrairement à ce qui a été observé lors des affaires D. Strauss-Kahn, leur parole n’est pas ou peu discréditée au sein champ politique et médiatique.
Les violences sexistes et sexuelles subies par les femmes en France, et dans le monde, ont toujours fait l’objet de méfiances et de doutes. Ces témoignages exigent de la part des femmes une forte implication et précision dans leur récit afin de dépasser les mythes qui entourent et disqualifient les violences subies. Ces mythes, définis comme « préjugés, stéréotypes ou fausses croyances sur le viol, les victimes de viol et les violeurs qui servent à créer un climat hostile à l’égard des victimes de viol », se basent sur le déni des accusations, la responsabilité de la victime et l’accusation présentée comme une manipulation de l’agresseur par la victime. Dans le sillage de ces travaux, nous mettrons en évidence les facteurs qui ont pesé sur le cadrage – médiatique et politique – légitimant de la parole de celles qui témoignent contre D. Baupin.
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Communication orale
De l’usage rhétorique de la biodiversité comme source de légitimation d’un discours de la droite radicale (populiste) en France et en AllemagneMarie Reetz (UQAM - Université du Québec à Montréal), Olivier Turbide (UQAM)
Dans une visée de déradicalisation et de recherche de légitimité sociale et publique, nombre de partis de droite radicale (populiste) et d’extrême droite en Europe semblent, au cours des années 2010, avoir investi le discours écologique. L’analyse se penche sur le cas des deux partis Front National/Rassemblement National (RN) en France et AFD (l’Alternative pour l’Allemagne). Le corpus collecté sur leurs sites internet, une sélection de 14 communications, nous aidera à comprendre les mécanismes rhétoriques et linguistiques sous-jacents à l’instrumentalisation du discours écologique à des fins de légitimation. S’articulant autour de la préservation de la biodiversité, du développement durable et de la transmission d’un patrimoine naturel, cette rhétorique environnementale sert à occulter et/ou à légitimer l’exclusion de l’Autre, présenté métaphoriquement comme des espèces invasives dont il faut nous protéger, et la consolidation du Nous, garant de la biodiversité:
« Les nations sont des éco-systèmes humains qu’il nous faut protéger. Nous qui représentons le parti de la transmission, nous savons que l’écologie est fondée sur la notion de legs du patrimoine naturel: il ne peut y avoir d’écologie sans idée de la transmission. » (Le Pen, RN, 1er mai 2019)
Le recours à un vocabulaire, à des métaphores et modes de raisonnement écologiques, qui font autorité, construit ainsi un discours modéré, socialement valorisé qui réactualise, implicitement, une pensée discriminatoire et raciste.
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Communication orale
« Des mèmes jusqu’aux klaxons » : Analyse de la délégitimation des politiciens canadiens au sein du contre-discours mémétique (Simon Fitzbay, UQTR)Simon Fitzbay (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières), Mireille Lalancette (UQTR), Vincent Raynauld (Emerson College)