Informations générales
Événement : 85e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines
Description :Ce colloque se propose d’étudier l’évolution du rôle de l’infirmier et de l’infirmière dans la prise en charge de la santé mentale. À ce titre, il entend se pencher tant sur l’expérience du personnel infirmier en milieu psychiatrique que sur sa rencontre avec la maladie dans d’autres contextes de soin. Il vise tout particulièrement à mettre en lumière les conditions de naissance et de transformation, dans l’espace francophone, des soins infirmiers psychiatriques en tant que spécialité à part entière. Il abordera pour ce faire l’histoire de la figure de l’infirmier psychiatrique et de l’ensemble des pratiques, discours et représentations qui participent à son travail de prise en charge de la folie. Il s’attardera également sur l’évolution de l’enseignement et de la formation qui lui sont offerts, ainsi que sur les éléments contribuant à l’affirmation de son champ de compétence comme d’une spécialité infirmière à part entière (création de revues spécialisées et de sociétés professionnelles, organisation de congrès, etc.). Si les espaces canadiens, et plus particulièrement québécois, seront au centre de cette manifestation, les travaux menant à la comparaison avec d’autres pays francophones seront tout spécialement valorisés. Enfin, il souhaite réunir tant des historiens que des professionnels de la santé, et ce, afin de confronter les regards et d’ainsi faire dialoguer les perspectives de manière heuristique.
Date :- Alexandre Klein (Université d’Ottawa)
- Marie-Claude Thifault (Université d’Ottawa)
- Karine Aubin (Université d’Ottawa)
Programme
L’infirmière psychiatrique en contexte de désinstitutionnalisation
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Communication orale
IntroductionKarine Aubin (Université d'Ottawa), Alexandre Klein (Université Laval)
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Communication orale
De l’ombre à la lumière : l’infirmière psychiatrique, témoin important des réformes canadiennes en santé mentaleSandra Harrisson (IRHO - Institut de recherche de l'Hôpital d'Ottawa)
C’est dans les années 1960 que l’encadrement asilaire des patients psychiatriques a été remis en question au Canada. Une nouvelle façon de penser les soins psychiatriques a gagné les mentalités et l’idée du retour au sein de la communauté des personnes internées a fait, pendant une ou plusieurs décennies, son chemin. Depuis les cinq dernières années, l’historiographie s’intéresse à cette période, mais elle demeure toujours silencieuse au sujet du rôle d’un acteur clé de la mise en place des réformes canadiennes en santé mentale inspirées, à partir de 1963, du rapport More for the Mind. Le rôle discret, silencieux, trop souvent effacé des infirmières psychiatriques transmet en effet injustement leur contribution effective lors de la transinstitutionnalisation des soins qui s’amorce dans les années 1960 et 1970 en Ontario. Le passage entre l’hospitalisation totale et le retour hâtif au sein du foyer familial est une étape importante du processus de déshospitalisation psychiatrique dont les infirmières sont non seulement témoins, mais également partie prenante. L’ambition de cette communication est de remédier à cette invisibilité du rôle des infirmières en les faisant passer de l’ombre à la lumière, sur la scène de la déshospitalisation psychiatrique au sein de la communauté francophone est-ontarienne. Pour ce faire, nous discuterons de la spécificité des soins infirmiers psychiatriques, avant de définir le rôle des infirmières dans le cadre de la réorganisation des soins psychiatriques en Ontario.
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Communication orale
Rendre visible l’invisibilité des soins infirmiers en psychiatrie : l’hôpital Saint-Michel-Archange (Québec)Karine Aubin (Université d’Ottawa)
Francine Saillant, anthropologue, reconnaissait déjà en 1999 que l’étude des soins implique un certain nombre de difficultés, notamment leur invisibilité et leur banalisation dans le social. Les soins, l’éducation, la collaboration, la coordination et la supervision sont au coeur du travail des infirmiers contemporains, mais quelle présence ont-ils dans les soins infirmiers psychiatriques au Québec? Pour observer l’invisible, l’archive médicale demeure une trace qui documente partiellement les soins infirmiers, entre autres, lors des hospitalisations des personnes malades. Normée par un cadre législatif et une hiérarchie professionnelle de plus en plus contraignants, l’archive médicale n’en dévoile pas moins la centralité des soins infirmiers dans la vie de la personne malade, étant au coeur de la majorité des interventions thérapeutiques. Qui sont ces infirmières ? Où pratiquent-elles leurs savoirs ? Dans quelles circonstances s’exerce leur travail ? Comment a évolué leur travail ? Cette communication portera plus particulièrement sur l’étude de deux hospitalisations d’un même homme à l’Hôpital Saint-Michel-Archange de Beauport, hospitalisé pour la première fois en 1961 et décédé en 2006. L’analyse s’articulera autour des traces que les infirmières ont consignées sur ce malade lors d’une hospitalisation en 1961 et en 1985 afin de rendre l’invisibilité des soins visibles. Financé par les Instituts de recherche en santé du Canada, cette communication est l’une des
premières analyses historiques portant sur les pratiques infirmières de l’Hôpital Saint- Michel-Archange de Beauport pour la période contemporaine. -
Communication orale
De l’asile à la tribu : l’infirmière kanake, porte d’entrée de la désinstitutionalisationNathanaëlle Soler (EHESS)
Alors que la Nouvelle-Calédonie est entrée dans un processus de décolonisation qui remodèle l’ensemble des institutions, le seul hôpital psychiatrique de l’archipel questionne également ses pratiques et s’ouvre progressivement, dans une démarche proche de la sectorisation effectuée en France métropolitaine quelques décennies auparavant. Dans ce contexte où, d’une part les patients sont transférés dans leurs villages éloignés de l’hôpital, d’autre part des structures de soins décentralisées sont mises en place dans des espaces socioculturels majoritairement kanaks et ruraux, les infirmiers kanaks occupent un rôle central. Autrefois inscrits dans une institution asilaire fortement marquée par l’imaginaire répressif colonial, peu valorisés dans leurs fonctions, ce « retour à la tribu » les dote d’une compétence voire d’un prestige nouveaux. Le savoir culturel dont ils disposent vient reconfigurer les relations de savoir/pouvoir dans les structures de soins, puisque leur capital d’autochtonie est une ressource essentielle pour accéder symboliquement et pratiquement au patient.
Cette communication se propose de présenter la place nouvelle de l’infirmier kanak opérant dans ce contexte, à partir d’une enquête ethnographique menée auprès d’une « Antenne Médico-Psychologique » décentralisée sur l’île de Lifou, située à une heure d’avion de l’hôpital psychiatrique. Outre la place de l’infirmière psychiatrique kanake dans cette structure expérimentale et les interactions socioprofessionnelles avec d’autres acteurs médico-sociaux majoritairement européens (pédopsychiatre, psychomotricienne, éducatrice spécialisée), les portraits de quelques infirmiers kanaks de Lifou seront présentés, afin de montrer la place qu’occupe l’hôpital psychiatrique dans leur parcours professionnel.
L'infirmière psychiatrique en Belgique
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Communication orale
L’infirmière psychiatrique en Belgique (1850-1960) : un objet introuvable?Benoit Majerus (University of Luxembourg)
C’est seulement à la fin des années 1950 que l’infirmière psychiatrique en tant que diplôme rentre véritablement dans la législation belge. À ce moment, les infirmières formées sont minoritaires dans le personnel soignant travaillant dans les hôpitaux psychiatriques. Fortement dominé par les congrégations religieuses, masculines et féminines, le champ psychiatrique belge semble être caractérisé par un retard important en ce qui concerne la laïcisation et la professionnalisation des soins infirmiers en comparaison avec les pays limitrophes que ce soit la France, les Pays-Bas ou l’Allemagne. La communication essaiera d’interroger cette notion de retard à travers trois focales:
• dégager les principales caractéristiques du champ très hétéroclite qui assure les soins à l’intérieur des asiles psychiatriques entre 1850 et 1960 (soeurs et frères, gardiens, gardes-malades, aides…)
• décrire la volonté de la part des congrégations de formaliser les soins psychiatriques, notamment à travers deux revues professionnalisantes pour “infirmières” psychiatriques, éditées par les Soeurs et les Frères de la Charité, Caritas, créé en 1908 et Ziekenverpleging, créé en 1924
• retracer la chronologie des différentes tentatives de créer un corps d’infirmières psychiatriques laïques qui commencent à s’articuler à partir des années 1880 dans la revue des aliénistes belges, mais qui ne trouvent une traduction qu’à partir des années 1940 avec la création de formations spécifiques en soins psychiatriques infirmiers.
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Communication orale
L’infirmière en psychiatrie en Belgique (1920-1960) : un rouage indispensableVeerle Massin (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Cette communication s’articule à celle proposée par Benoît Majerus pour le même panel (en concertation avec lui). Alors qu’il pose la question de l’existence du statut d’infirmière psychiatrique en Belgique pour les 19e et 20e siècles, partant des structures, de la législation, de la formation et de la littérature, nous entendons éclairer cette question partant des pratiques, à pratique des sources disponibles au sein d’établissements à orientation psychiatrique, spécifiquement pour la période 1920-1960, à savoir : registres tenus par les infirmières, récits d’infirmières, archives administratives d’institutions éclairant le statut des infirmières, le tout étant bien entendu remis dans le contexte du développement du statut d’infirmière. Les établissements choisis pour la communication sont : les annexes psychiatriques des prisons qui sont créées à Bruxelles à partir des années 1920, un établissement hospitalier psychiatrique pour femmes dont l’espace (sections dites fermées ou ouvertes) évolue sensiblement des années 1930 aux années 1960.
Si l’infirmière psychiatrique semble un « objet introuvable » partant des discours et réglementations, la plongée dans les archives des établissements psychiatriques démontrent ainsi que l’infirmière psychiatrique est une réalité qui se construit progressivement, bien avant que celle-ci soit institutionnalisée. Dans le cadre de cette communication, nous poserons précisément la question de la collaboration de l’infirmière avec le médecin psychiatre, cette question devant mener à un éclairage de la fonction d’infirmière au sein de l’institution dite psychiatrique, de son rôle et surtout de son évolution, de la période dite d’empirisme psychiatrique (années 1920) jusqu’à la période dite de désinstitutionnalisation (années 1960).
Dîner
La profession infirmière au cœur des mutations de la santé mentale
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Communication orale
Le rôle des infirmières dans le nouveau modèle d’organisation et de prestation des soins en santé mentale au Québec : l’exemple de l’hôpital Pierre-Janet de HullDaniel Angers (Université d’Ottawa)
En 1961, le ministère des affaires sociales du Québec met sur pied la Commission d’étude des hôpitaux psychiatriques (Commission Bédard). L’année suivante, la commission dépose son rapport. On y constate l’absence d’une politique gouvernementale cohérente quant aux fonctions des hôpitaux et quant à la planification de nouveaux services psychiatriques. Suite au rapport, le modèle des énormes établissements asilaires, concentrés à Montréal et Québec, va être abandonné au profit d’une régionalisation des services et d’une accélération de la désinstitutionnalisation. La commission recommande la création d’un hôpital psychiatrique à Hull.
En 1963, l’Outaouais ne dispose pas de services psychiatriques : les patients doivent être dirigés vers Montréal ou Ottawa. Le Dr Gaston Harnois reçoit le mandat de mettre sur pied des services de psychiatrie dans l’Outaouais. L’exemple de Pierre-Janet est particulièrement pertinent puisqu’il est le seul hôpital qui est créé suite au Rapport Bédard et qui fonctionne de manière autonome jusqu’en 2011(année de sa fusion avec le CSSS de l’Outaouais). Les autres services psychiatriques régionaux sont implantés comme départements de psychiatrie dans des hôpitaux généraux.
Ma recherche sur l’Hôpital Pierre-Janet porte, en partie, sur le rôle joué par les infirmières dans ce nouveau contexte. Je cherche à mettre en évidence la place qu’occupent les infirmières dans le cadre de ce nouveau modèle d’organisation et de prestation des soins en psychiatrie. Si les infirmières religieuses jouaient un rôle central dans le modèle asilaire quelles contrôlaient, celui joué par les infirmières laïques se limitera davantage aux soins.
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Communication orale
Psychiatrie française et infirmiers : retour sur l’histoire d’un groupe professionnel contrariéFrédéric Mougeot (Centre Max Weber (UMR 5283))
Depuis l’initiation en France du processus d’ouverture des hôpitaux psychiatriques sur la ville en 1960, le travail des soignants de la psychiatrie publique hospitalière française a fait l’objet de profondes transformations. A partir d’un travail d’observation directe au long cours de la vie quotidienne des équipes de soin à l’hôpital psychiatrique et d’un matériau qualitatif complémentaire composé d’entretiens et de documents d’archives, cette communication entend décrire l’histoire du groupe professionnel des infirmiers en psychiatrie et ses implications dans la pratique infirmière en psychiatrie aujourd’hui.
L’héritage de métier des infirmiers de la psychiatrie publique hospitalière peine à s’exprimer dans la pratique des soignants. Les principes, les références et les pratiques qu’ils ont intégrés au cours de leur socialisation professionnelle sont remis en cause par un double processus de déprofessionnalisation et de déspécialisation de la psychiatrie. En 1992, le diplôme protégeant les frontières du groupe professionnel des infirmiers de la psychiatrie est supprimé au profit d’une formation associant ses membres au groupe plus large des infirmiers généraux. Dans le même temps, les réformes hospitalières récusent la spécificité de la filière de soin psychiatrique et soumettent les soignants de la psychiatrie aux mêmes injonctions que celles pesant sur les autres filières de l’hôpital public. Enfin, le passage de la psychiatrie à la santé mentale transforme le rôle de l’hospitalisation en psychiatrie.
Cette communication propose de revenir sur l’histoire contrariée du groupe professionnel des infirmiers de la psychiatrie française et d’offrir une plongée dans le quotidien des infirmiers de la psychiatrie française tributaires d’un tel héritage.
Quelle formation pour les infirmières psychiatriques?
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Communication orale
Offrir des soins de qualité en contexte de psychiatrie hospitalière : une ethnographie institutionnelle de la qualité de la formation et du travail des infirmièresMaha Dhaoui (Université de Sousse)
C’est à partir de l’exemple de la formation infirmière en Tunisie, dont le régime des études universitaires a été établi en 2006, que cette communication entend explorer les forces institutionnelles, politiques, économiques et sociales qui soutiennent l’utilisation des processus d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins qui modulent le travail des infirmières œuvrant dans un centre de psychiatrie après l’universitarisation de la formation.
Avant 2006, la formation infirmière manque de structures professionnelles d’organisation et de contrôle de la pratique au sein de la majorité des services hospitaliers. Cette absence est surtout liée à une insuffisance de la formation universitaire des infirmières qui n’arrivent pas à assurer leur rôle que requiert la qualité des prestations. Ce n'est qu'à partir des années 80 que la santé mentale figurera très nettement au rang des priorités sanitaires et amorcera un développement propre qui sera couronné par l'adoption d'un Programme National de Santé Mentale en 1990. Depuis 1981, des infirmiers polyvalents sont capables de travailler dans les structures psychiatriques. Actuellement, il s‘agit d’une nouvelle structure d’enseignement supérieur visant une organisation Licence-Master-Doctorat, des diplômes cohérents et reconnus. Les infirmiers titulaires d’une licence appliquée en sciences infirmières peuvent accéder au master professionnel en santé mentale pour une meilleure prestation des soins dans les services psychiatriques.
L’universitarisation des études et la mise en place d’un nouveau référentiel basé sur les compétences nous semblent être une opportunité pour réinterroger l’organisation de la formation infirmière et les pratiques professionnelles dans les services psychiatriques.
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Communication orale
La formation des infirmières psychiatriques au Québec : l’exemple du sanatorium Albert-Prévost (1919-1973)Alexandre Klein (Université Laval)
Le sanatorium Albert-Prévost, institution psychiatrique privée de Montréal, fut un lieu unique d’enseignement infirmier au Québec. Accueillant quelques mois seulement après son ouverture en juillet 1919 une école d’infirmière, c’est également entre ses murs que fut créée la toute première école de gardes-malades auxiliaires de la province en 1950. Mais c’est certainement dans l’enseignement du nursing psychiatrique qu’il fut le plus novateur. Après avoir ouvert, dès 1938, une formation en neurologie et psychiatrie débouchant, pour 16 infirmières de la province, sur l’obtention d’un certificat en neuropsychiatrie, sa directrice Charlotte Tassé (1893-1974) mit sur pied en 1953 des cours permanents de perfectionnement en psychiatrie – les premiers de la province – assurés par les psychiatres de l’Université de Montréal et de l’Université McGill. Si l’on ajoute à cela les multiples évènements scientifiques organisés par l’institution et faisant intervenir des psychiatres de renommée mondiale, comme le français Henri Ey (1900-1977) qui vint en 1950 donner une série de douze conférences et deux causeries, le sanatorium fut certainement l’un des principaux moteurs du développement du nursing psychiatrique au Québec. C’est sur cette histoire unique que cette communication entend revenir.
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Communication orale
Synthèse de la journéeMarie-Claude Thifault (Université d’Ottawa)