Informations générales
Événement : 88e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines
Description :Pour souligner le 30e anniversaire de la réunification de l’Allemagne, ce colloque propose d’explorer les traces de l’Allemagne dans l’imaginaire canadien par une approche pluridisciplinaire s’intéressant à la fois aux origines de la présence allemande sur le territoire canadien, aux traces laissées par cette présence dans le temps, aux rapports entre le Canada et l’Allemagne et à l’influence qu’ont pu avoir certains grands changements sociopolitiques sur l’imaginaire canadien. Que ce soit par les nombreuses migrations allemandes en sol canadien, par les grands événements historiques survenus sur le territoire allemand, mais ayant eu des échos au Canada, par les échanges politiques ou simplement par l’influence d’écrivains allemands sur la littérature canadienne, le présent colloque vise à réfléchir sur les différentes traces allemandes ayant influencé la manière de se dire au Canada, principalement dans les espaces franco-canadiens.
Sur le plan littéraire, l’Allemagne apparaît souvent soit par la représentation de l’origine (comme dans les romans autobiographiques de Marguerite Andersen), soit par l’impact d’événements historiques (notamment avec la représentation de la chute du mur de Berlin chez des auteurs comme Éric Dupont ou Simon Lambert), soit par le traumatisme de la Deuxième Guerre mondiale (qu’a mis en scène le théâtre d’Emma Haché). Historiquement, on note que de nombreux Allemands ont migré au Canada au point d’y inscrire des traces visibles dans la géographie (West Berlin et East Berlin, en Nouvelle-Écosse) ou dans la culture locale (l’Oktoberfest de Kitchener, en Ontario, anciennement nommée Berlin). Sur le plan social et politique, les deux guerres mondiales, la présence militaire canadienne en Allemagne et l’image de l’effondrement du mur de Berlin ont certainement influencé la perception et l’évolution de l’autre allemand, et du même coup la perception et les mutations du soi canadien. Il ne s’agit que d’exemples proposés pour ce colloque.
Remerciements :Nous tenons à remercier les participantes et les participants de leur bonne volonté et de leur générosité dans le contexte de la pandémie de COVID-19 au profit des échanges de ce colloque de l'ICAF.
Nous remercions également l'Acfas pour leur soutien logistique et leur écoute dans l'organisation particulière des colloques 2021.
Dates :Format : Uniquement en ligne
Responsables :- Marie-Lise Auvray (Université Sainte-Anne)
- Michel Mallet (Université de Moncton)
- Emir Delic (Université Sainte-Anne)
- Jimmy Thibeault (Université Sainte-Anne)
Programme
Conférence d’ouverture
-
Communication orale
Les Allemagnes québécoises: de la "fascination à distance" à l'affiliation interculturellesLouise-Hélène Filion (University of Michigan)
La conférence proposera un survol de certaines des traces les plus développées des littératures et des cultures germanophones dans la fiction québécoise (contemporaine, surtout) tout en reconstituant les principales phases de l’intérêt pour l’Allemagne au sein du discours intellectuel québécois. Bien que des formes de fascination à l’égard des cultures germanophones soient décelables depuis longtemps dans des textes québécois, jusqu’à récemment, l’expression et l’interprétation d’une telle fascination ont souvent mis l’accent sur l’idée d’une distance plus ou moins radicale séparant ces cultures du contexte culturel québécois de réception. À rebours d’un tel discours, la conférence placera à l’avant-plan le travail d’écrivains québécois dont les textes parus à compter des années 1990 témoignent d’appropriations résolument québécoises d’œuvres de langue allemande – au premier chef, celles de Thomas Bernhard et de Peter Handke –, ou d’usages de la langue allemande qui sont fortement ancrés dans un imaginaire québécois. Le parcours proposé s’attachera notamment aux œuvres de Diane-Monique Daviau, Éric Dupont, Nicole Filion, Catherine Mavrikakis, Rober Racine et Yvon Rivard.
Séance 1
-
Communication orale
Rencontres interculturelles et publication transatlantique: Pierre Joseph Olivier Chauveau, Karl Adolf Schmid et l'essai sur l'instruction publique au CanadaHélène Destrempes (Université de Moncton)
Si les échanges littéraires et culturels avec les milieux culturels germanophones ne peuvent se mesurer à ceux entretenus avec la France, les États-Unis et la Grande-Bretagne, plusieurs exemples témoignent de sa présence, comme en font foi les adaptations de classiques allemands et la critique de ses canons, les rencontres interculturelles, consignées dans des récits de voyage et l’émergence de réseaux de sociabilité, nourris d’affinités intellectuelles et culturelles, menant à plusieurs collaborations.
L’interprétation que Joseph Lenoir fait de certaine poésie de Goethe, mérite, à cet effet, d’être mentionnée, tout comme la critique qu’Adolphe Basile Routhier portant sur Faust. Il en va de même du récit de voyage d’Ernest Gagnon, dont les trois dernières lettres racontent son séjour à Vienne et le sud de l’Allemagne. Que dire, par ailleurs, de l’importance des échanges entre Pierre Joseph Olivier Chauveau et le philologue Karl Adolf Schmid, qui ont mené à la publication d’une version préliminaire de son essai sur l’instruction publique en allemand avant même qu’il ne paraisse en français.
Dans le cadre de cette communication, je me concentrerai plus particulièrement sur la rencontre entre ces deux auteurs et le fruit de leur collaboration, à savoir l’essai sur l’instruction publique au Canada, publié dans la Encyclopädie des gesammten Erziehungs-und Unterrichtswesens, chez Rudolf Besser, en 1867, puis dans une version plus élaborée, en 1876, chez Augustin Côté, à Québec.
-
Communication orale
Le Canada français confronte le nazisme: le cas du journal L'Action catholique (1932-1939)Pierre Anctil (Université d’Ottawa)
Les francophones canadiens, qui avaient été jusque-là assez peu en contact avec la culture ou la vie politique allemande, ont bien dû se résoudre à réagir à l’apparition dans ce pays, à partir de 1933, d’un dictature d’extrême droite à forte teneur antisémite et anticommuniste. Fortement en rupture avec les valeurs du Canada français, l’hitlérisme a néanmoins suscité des discussions intenses dans certains milieux de langue française, qui ont cherché dès le départ à en percer la signification immédiate et les conséquences à long terme. Ce sont ces questionnements récurrents que le conférencier va aborder pour la période 1932-1939, en suivant les éditoriaux et la page des nouvelles d’un journal de facture idéologique traditionnaliste et anti-libérale qui paraissait à Québec : L’Action catholique. Dans ce quotidien on peut percevoir assez clairement comment le versant plus conservateur de la société québécoise a été interpelé par le nazisme et comment ce courant politique a été jugé ultimement par les Canadiens français à la veille de la Deuxième Guerre mondiale.
Séance 2
-
Communication orale
Du "Lebensborn" nazi vers l'exil canadien: Lignes de faille de Nancy HustonPhilippe Wellnitz (Université Paul Valéry Montpellier III)
Dans une trame chronologique à rebours qui joue entre Toronto, Haifa, New York et l’Allemagne nazie, ce roman de Nancy Huston évoque quatre générations, qui éclairent l’histoire de l’exil allemand au Canada à chaque fois dans la perspective d’un de ces protagonistes à l’âge de 6 ans. Si le premier personnage (l’arrière petit-fils d’une enfant volée à ses parents par les nazis) est un « Bon Canadien », cette narration nous donne autant un aperçu sur la diversité des origines au Canada que sur les difficultés à connaître sa véritable identité. Les reflets historiques volontairement naïfs sur l’Allemagne nazie et ses victimes montrent la complexité de ces identités multiples et la difficulté pour en reconstituer les traces.
-
Communication orale
La Prusse-Orientale, ou la nostalgie d’une ‘Heimat perdue’ dans "La fiancée américaine" d’Éric DupontMichel Mallet (Université de Moncton)
Dans son roman La fiancée américaine, qui se déroule à la fin des années 1990, Éric Dupont accorde une grande importance à la représentation de l’Allemagne. Plusieurs aspects culturels et linguistiques y sont décrits par le biais d’une perspective croisée, à la fois québécoise et allemande, grâce aux témoignages oraux et écrits des personnages Gabriel et Magdalena Berg, sa voisine de palier à Berlin. Or, au-delà des anecdotes sur l'Allemagne contemporaine, qui permettent au lecteur de se familiariser avec les particularités de ce pays, c'est surtout la nostalgie que ressent Magdalena Berg pour sa Heimat perdue, la Prusse orientale, qui ajoute une dimension à la fois historique, tragique et sentimentale au portrait de l'Allemagne que procure le roman de Dupont. Ce retour vers le passé de Magdalena Berg n’est d’ailleurs pas anodin, car dans le contexte allemand, s’intéresser aux ‘Heimat perdues’ permet notamment de découvrir « un type de mémoire qui est propice aux échanges avec les voisins, [ce qui] favorise la compréhension mutuelle et contribue à la réappropriation d’un passé partagé » (Perron 2017: 143). Cette communication s’intéressera donc à la Prusse-Orientale en tant que ‘Heimat perdue’; une province allemande qui certes n’existe plus depuis 1945, mais qui joue néanmoins un rôle central dans la représentation de l’Allemagne que propose Dupont dans son roman.
-
Communication orale
De la chute à l'effondrement: écrire la chute du Mur de Berlin dans l'ombre du World Trade CenterJimmy Thibeault (Université Sainte-Anne)
Dans son ouvrage Le retour de l’histoire (2016), Jennifer Welsh revient sur la notion de « la fin de l’histoire », que Francis Fukuyama avait annoncée dans la foulée de la chute du Mur de Berlin en 1989, en la replaçant dans la perspective du début du 21e siècle. Si les années qui ont suivi la chute du Mur ont pu se faire dans l’euphorie de la promesse d’universalité, la résurgence des tensions planétaires au début du présent siècle et l’état de crise constante dans laquelle nous vivons nous aura forcé, note Welsh, à repenser le tournant du siècle comme le moment d’un retour de l’histoire. Dans la littérature, plusieurs textes posent le 11 septembre 2001 comme la balise temporelle de ce tournant. Dans la présente communication, je m’intéresserai à la représentation du monde dans la relecture que propose Nicolas Dickner, dans son roman Tarmac (2009), de la période qui se situe entre les deux balises que représente la chute du Mur de Berlin et l’effondrement des tours du World Trade Center. J’examinerai plus précisément l’idée de la fin, d’une part à travers l’angoisse de l’apocalypse, qui fait dévier le sens euphorisant de la chute du Mur de Berlin, d’autre part à travers l’ambiance fin de siècle du roman, qui se termine quelques semaines avant les attentats du 11 septembre 2001.
Conférence d’ouverture
-
Communication orale
Allemagne- Québec : À la croisée de nos ombresTimo Obergoeker (Université de Chester)
Mon intervention partira d’une réflexion menée par Jean Bouthillette dans Le Canadien français et son double lorsqu’il affirme que : « Le Canadien français est un homme qui a deux ombres ». A partir de ce constat (si tant est qu’il soit correct), nous nous interrogerons sur les ombres qui hantent le Québec (et dans un contexte plus ample le Canada francophone) et l’Allemagne ainsi que sur les intersections où les ombres se sont croisées dans le passé, se croisent au présent et risquent de se croiser à l’avenir. Impossible ici de ne pas parler de La fiancée américaine d’Éric Dupont qui scrute de près les névroses collectives qui nous réunissent (et parfois nous séparent). Impossible également de ne pas parler de Catherine Mavrikakis qui, dans son roman Ça va aller, perce les non-dits de l’Allemagne et valse avec ses ombres.
Dans un deuxième temps, on va explorer les médiateurs culturels qui ont permis d’établir, en dépit et vraisemblablement en raison de ces ombres, un dialogue interculturel fructueux, beau mais ô combien fragile.
Séance 3
-
Communication orale
Canado-germanité chez Marguerite AndersenHéloïse Ducatteau (Universidade de Aveiro)
Marguerite Andersen illustre bien le concept de transculturalité à travers ses séjours dans de multiples pays allant de l'Éthiopie à la France en passant par le Canada où elle réside actuellement. L'objectif sera d'étudier sa vision de l'Allemagne dans L'homme-papier mais aussi dans De mémoire de femme, Parallèles, Le figuier sur le toit, Les Crus de l'Esplanade, La mauvaise mère à travers sa trajectoire personnelle de résidente en Allemgne jusqu'en 1945 puis d'observatrice par les médias. Nous verrons ainsi dans qu'elle mesure elle effectue sa Geschichtsbewältigung, si sa vision de l'Allemgne est archzÏque ou actualisée au fur et à mesure de son oeuvre.
-
Communication orale
Les « contre-espaces » dans « Le Figuier sur le toit » de Marguerite Andersen : des refuges au service de la quête identitaireMarie-Lise Auvray (Université Sainte-Anne)
La romancière franco-ontarienne Marguerite Andersen, née en Allemagne dans les années 20, a été spectatrice de la montée du nazisme et du funeste destin des Juifs. Établie au Canada depuis les années 70, elle cherche à exorciser ce douloureux vécu, dans son œuvre à tendance autobiographique. Ainsi, Le Figuier sur le toit, objet de cette étude, témoigne-t-il de l’Allemagne nazie, de la guerre, des bombardements et de l’exode.
À quelques jours de son 84e anniversaire, la narratrice-protagoniste Marguerite cherche, en se remémorant son passé, à répondre à la récurrente question : « Where are you from ? », question qui, parce qu’elle la « plonge […] dans le tumulte des années 1933 à 1945 », lui donne le « vertige » (Andersen 2008, 45). C’est avec courage que la vieille dame, dont la vie se confond avec celle de l’auteure, va affronter les démons de son passé, tels sa participation à la Jeunesse hitlérienne et l’antisémitisme de son grand-père.
Dans ce récit introspectif, Marguerite, accorde une place notable à des espaces qui, en lui permettant de s’échapper temporairement, de fuir la réalité, deviennent résistance et prennent la forme de « contre-espaces », au sens où l’entend Foucault : « des lieux qui s’opposent à tous les autres, qui sont destinés en quelque sorte à les effacer, à les neutraliser ou à les purifier » (Foucault 2009, 24). Dans le cadre de cette communication, je montrerai que ces espaces autres se présentent tels des refuges au service de la quête identitaire.
Séance 4
-
Communication orale
Je est un autre: la question du Doppelgänger dans le cinéma de Robert MorinSophie Boyer (Bishop’s University)
Cette communication traitera de la question du double dans le cinéma du Québécois Robert Morin, plus précisément dans trois de ses films: Yes Sir! Madame (1994), Journal d'un coopérant (2010) et Le problème d'infiltration (2017). Tandis que la première oeuvre met en scène la crise d'identité d'un personnage bilingue, métaphore vivante de la dualité et de l'ambiguïté politiques de la nation canadienne et/ou québécoise, les deux autres filmes se penchent sur l'hypocrisie de la classe bourgeoise dont l'image soignée du citoyen ordinaire cache son envers, à savoir: le monstre narcissique, pédophile et meurtrier.
Ce n'est qu'à la sortie du dernier des films analysés que Robert Morin dévoile son admiration pour le cinéma expressionniste allemand, notamment celui de Fritz Lang et de Friedrich Murnau. La critique y voit plus qu'une simple admiration, mais bien plutôt un ardent hommage qui reprend les codes et l'esthétique du cinéma de Weimar. Parmi ces nombreux codes, un "goût morbide pour la double personnalité" est souligné par la théoricienne Lotte Eisner dans son incontournable ouvrage L'écran démoniaque (1952). C'est cette figure du Doppelgänger, issue de l'héritage romantique allemand et récupérée par Morin, que cette communication tentera d'explorer dans ses dimensions esthétiques, mais surtout politiques.
-
Communication orale
Questions de regard(s) : une lecture de Pareil, mais différent/Genauso, nur anders de Jennifer DummerEmir Delic (Université Sainte-Anne)
« Occuper un point de vue face au monde, constate Alain Beltzung dans son Traité du regard (2008 [1998]), crée une réduction du champ de vision […] et une distance entre le spectateur et le spectacle. Dès lors se manifeste un désir : aimer, comprendre, c’est-à-dire, d’une certaine manière, s’approprier les choses » (p. 44). Or cet acte d’appropriation ou d’appréhension ne s’accomplit pas ex nihilo ; il se déploie en recourant aux connaissances acquises, allant des savoirs partagés aux lieux communs en passant par les intuitions, les peurs et les espoirs. N’empêche que, s’il est réellement mu par le désir de comprendre ce qui se montre devant lui, le sujet se doit d’être souple, disposé à remettre en question le déjà-vu et le déjà-connu. En outre, il a beau se placer « face » au monde qu’il observe, il n’en demeure pas moins de ce monde. Ainsi, son « regard » sur le monde, soit-il propre ou figuré, va de pair avec le regard qu’il pose ou repose sur lui-même. Dans cette communication, j’entends explorer cette dynamique heuristique entre extraspection et introspection dans Pareil, mais différent/Genauso, nur anders, recueil de nouvelles dirigé par Jennifer Dummer (2020). Mon objectif sera de montrer que le chassé-croisé de « regards » actualisé dans et par le recueil réussit tant à peindre un portait juste de la francophonie canadienne contemporaine qu'à faire valoir que les Franco-Canadiens et les Allemands ont plus en partage qu’on ne le soupçonnerait de prime abord.