Informations générales
Événement : 88e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines
Description :Le droit est souvent abordé par ses règles, parfois même identifié à celles-ci. Pourtant, on le sait, le droit ne se trouve pas nécessairement dans les textes de loi. Aussi, si la loi est un lieu traditionnel du droit, il est juste de dire que le droit existe au-delà des règles, au-delà de la loi.
Mais quelle est donc l’étendue de cet au-delà? Où trouve-t-on le droit? Et quelle forme y prend-il? Mieux encore, que se passe-t-il quand on pense le droit à partir de ses lieux? Que se passe-t-il quand on trouve le droit là où l’on ne s’y attendait pas?
Ce colloque a pour objectif de repenser le droit à partir de lieux particuliers. La notion de lieux doit être comprise comme l’entendait Pierre Nora dans Les lieux de mémoire, c’est-à-dire « dans tous les sens du mot, de l’objet le plus matériel et concret […] à l’objet le plus abstrait et intellectuellement construit ». Il peut donc s’agir d’un monument, d’un personnage, d’une archive, d’un objet quotidien comme une table ou un ustensile, d’un conte pour enfants, d’une œuvre d’art, d’un symbole, d’un adage, d’un événement, d’une institution ou même d’une discipline. La liste est infinie.
Nous partons de l’hypothèse que s’attarder aux lieux du droit permettra aux juristes de devenir « étrangers à eux-mêmes » et ainsi de redécouvrir les lieux traditionnels du droit (la loi, la jurisprudence, la doctrine, mais également la prison et les codes vestimentaires) ou même de découvrir de nouveaux lieux, de nouvelles « archives », de nouveaux « terrains », de nouveaux « studios », de nouvelles « scènes » du droit, de nouveaux « récits » (contes pour enfants, poèmes), de nouvelles « sonorités » (musique), et de nouveaux « objets » (peinture, objets de musée).
En multipliant les lieux du droit, le droit et notre appréhension du droit prennent ainsi de nouvelles formes. Lire ne veut plus dire simplement reconnaître les mots du droit, mais redécouvrir ses multiples manifestations et ses multiples sens. Le droit ne se limite plus à la loi ou au texte, il devient nécessairement polymorphe. Sa matérialité, souvent oubliée, fait alors inévitablement surface. Cette multiplicité des formes et des matières force les juristes à remettre en question leurs présupposés, à réexaminer leurs habitudes et à s’ouvrir à de nouvelles sensibilités, à de nouvelles juridicités.
Ce colloque sera l’occasion de regrouper des chercheur·euse·s de disciplines diverses qui, chacun·e·s à leur manière, questionnent leur rapport au monde par l’intermédiaire d’artefacts juridiques. Il a pour objectif de contrecarrer les tendances réductionnistes dans la recherche et l’enseignement en droit qui isolent le droit et l’identifient aux règles en vigueur en oubliant leurs contextes et leurs textures.
Penser les lieux du droit permet de penser le droit de la manière la plus riche possible et, ainsi, d’en apprécier la disciplinarité, la scientificité, comme des gestes culturels et poétiques.
Penser les lieux du droit, c’est penser sa polyjuridicité.
Remerciements :Le Groupe de recherche sur les humanités juridiques remercie les conférencier·ières pour leur contribution à cette journée ainsi que le Fonds de recherche du Québec – Société et culture pour son appui financier.
Date :Format : Uniquement en ligne
Responsables :- Alexandra Popovici (UdeS - Université de Sherbrooke)
- Mark Antaki (Université McGill)
- Marie-Andrée Plante (Université McGill)
- Camille Boulianne (Université McGill)
Programme
La coupe du ruban : la matière comme lieu du droit
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Communication orale
L’indice judiciaire comme matière première : mémoire, archives et art contemporainNatascha Niederstrass (Non applicable)
Que peut-on interpréter des indices laissés dans une image photographique qu’elle soit artistique ou judiciaire ? De quoi l’image est-elle l’éclat ?
Si toute scène de crime est une scène morcelée, elle est aussi, par conséquent, une scène perdue puisque déjà jouée, rejouée, remontée par éclats, fragments, vues partielles ou morceaux d’images. Perdue du moins, jusqu’à ce qu’une enquête décide du sens et de la représentation des événements. L’œuvre d’art peut également être susceptible d’indiquer quelque chose au-delà d’elle-même, un point qui excède le regard.
La question n’est pas tant de savoir ce qu’il y a à voir dans une scène de crime ou une œuvre d’art, mais plutôt de se demander comment on les voit, du moment où nous sommes devant une image qui nous est donnée d’emblée.
La scène de crime divise l’évidence et le réel. La photographie fait de même en se laissant lire comme une allégorie de l’inconscient qui nous rappelle que ce que l’on ne voit pas, mais qui est cependant tramé dans l’image, est une scène cachée, que l’on ne peut que reconstruire ou réinventer, nous engageant sur nos propres modalités de lecture de l’image.
J’établis avec mes œuvres une esthétique de la forensique où la reconstitution devient le leitmotiv du regard. Ma posture face à l’imagerie que je cite et détourne, est celle de l’image rémanente : je la transforme en une image mentale afin d’opérer sa déconstruction et son analyse.
Séance 1 – Localiser des récits du droit
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Communication orale
Là où les idées vont pour mourir? Les mélanges dans la littérature juridiqueNoémie Gourde-Bouchard (Ecole Normale Supérieure)
Ce bref exposé vise à présenter un agenda de recherche pour une étude approfondie d’un genre précis de la littérature juridique : les recueils d’études offertes à des juristes, appelés « mélanges », liber amicorum ou Festschriften. Il s’agit certes d’un lieu commun du droit – le livre –, mais il a ceci de particulier qu’il relève d’une forme de don. Comment expliquer le geste d’un·e professeur·e d’offrir à un·e collègue un texte qui ne contribuera en rien à l’amélioration de son « facteur h », et qui passera peut-être inaperçu en raison de sa forme imprimée ainsi que des difficultés de catalogage et d’indexation que cette forme implique? À l’heure où les livres imprimés s’effacent peu à peu du quotidien des chercheuses et chercheurs dans les universités, les mélanges, que l’on a qualifiés de « cimetières de la recherche » et de « tombeaux du savoir », frappent par leur singularité.
Les mélanges se prêtent ainsi à une analyse aux angles multiples : ils permettent à la fois de réfléchir aux mutations (im)matérielles de la littérature juridique, aux « rites d’institutions » propres à la communauté savante en droit, ainsi qu’aux représentations et idéaux de cette communauté, qui ressortent de l’éloge des grandes figures qu’ils célèbrent. Il s’agit d’une source précieuse pour l’étude de l’histoire du droit, et plus généralement de la culture juridique, car à travers les mélanges, c’est la doctrine qui se raconte, et qui se construit.
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Communication orale
Les lieux de l’argumentation doctrinaleMichel Boudot (Université de Poitiers (France))
Le où ? Et le comment ?
Où ? Dans sa forme écrite, le discours doctrinal est une littérature qui a ses lieux d’expression : traités, manuels, revues, ouvrages professionnels sur support papier ou en ligne ; on y écrit du droit pour décrire ses états, ses évolutions et parfois, on rêve d’en changer. Les pages de doctrine récrivent le droit, glosent en marge, citent entre guillemets, réfèrent en bas de page, observent et commentent, et parfois imitant la loi, elles forment des sections et des articles pour exprimer un avant-projet. En parcourant les divers lieux où l’on rencontre la littérature doctrinale, on s’interroge toujours sur l’influence de la forme sur le fond. L’influence des typographes, des éditeurs, des webmestres... sur le comment ?
La littérature doctrinale s’exprime par des lieux : des lieux communs et des arguments en premier lieu, en second lieu... avec style, la rhétorique doctrinale se tend avec l’objectif de convaincre son lecteur en utilisant les ressources de l’argumentation. Mais la métalangue n’a pas la même portée que la langue. La littérature doctrinale disserte et décrit un phénomène linguistique (le droit), alors que le droit entend régir une réalité extralinguistique. Il n’y pas lieu de douter que des stratégies rhétoriques différentes opèrent, et expriment des rapports de force entre l’autorité jurislative qui dit le droit et l’écrit, et l’autorité scientifique qui commente, synthétise et divulgue.
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Communication orale
Le récit historique est-il un lieu d’expression et de création du droit ?Nicolas Laurent-Bonne (Université Clermont Auvergne)
L’histoire occupe une place théorique de premier rang dans la formation intellectuelle et le travail des juristes. Il suffit, pour s’en convaincre, d’ouvrir la plupart des ouvrages juridiques qui font de l’histoire un détour obligé du discours doctrinal. Cette autorité accordée à la recherche historique est fondée sur le postulat, théoriquement discutable, que le droit positif plonge ses racines dans un passé plus ou moins lointain.
Derrière ce consensus de façade, il existe cependant un pluralisme largement impensé dans une littérature faiblement intéressée par les questionnements épistémologiques. L’histoire du droit est en effet bien souvent manipulée par les juristes : l’idéologie préside alors à la construction d’un récit en vue de légitimer une norme juridique ou de justifier la réforme attendue. L’histoire est encore parfois commandée par la dogmatique dominante : les histoires officielles sont entonnées telle une antienne dans les introductions de manuel qui en constituent le lieu privilégié. Au fond, les juristes ne s’intéressent guère à l’histoire sans recourir à une mise en forme littéraire et narrative dont la principale finalité est de produire des normes.
Comment alors réinvestir l’histoire comme un lieu d’expression et de production du droit, sans céder aux abus de la mémoire collective et du présentisme dogmaticien ? Cette communication entend proposer quelques éléments de réponse.
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Communication orale
L’Acte de Québec : Relique du passé ou charte contemporaine?Jérémy Boulanger-Bonnelly (University of Toronto)
Au petit matin du 1er mai 1775, sur la Place d’Armes, les Montréalaises trouvent la statue de Georges III vandalisée. Les historiennes y voient l’insatisfaction des Anglaises envers l’Acte de Québec de 1774, entré en vigueur le même jour, et envers les droits qu’il accorde aux Canadiennes françaises. Au-delà de leur importance historique, ces événements ont aussi une portée juridique, puisque l’Acte est une loi impériale qui transforme le droit de la province.
Cette communication se propose d’examiner la façon dont le droit aborde ces événements de nos jours, plus de deux siècles plus tard. Si certaines juristes considèrent l’Acte de Québec comme une relique du passé qui aurait perdu toute force normative, d’autres affirment que ses articles non abrogés ont toujours force de loi. Je soutiendrai que cette dernière perspective est la bonne, en me fondant sur la jurisprudence et la doctrine pertinentes.
Plus largement, je suggèrerai que cette réalité nous force à repenser les liens entre droit et histoire. Alors que le droit est souvent conçu comme un outil ancré dans le présent, l’exemple de l’Acte de Québec nous montre qu’il peut aussi prendre sa source dans des lieux physiques et temporels parfois lointains, comme la Grande-Bretagne du 18e siècle. Le droit n’est donc pas un artéfact ponctuel et éphémère, mais plutôt un ensemble de normes qui s’accumulent et se sédimentent au fil du temps. En conséquence, l’histoire prend parfois un rôle normatif et non seulement contextuel.
Dîner
Séance 2 – Réciter des lieux du droit
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Communication orale
La prison comme objet urbain : perméabilité, échange et proximité (Paris, XVIIIe siècle)Sophie Abdela (UdeS - Université de Sherbrooke)
La prison d’Ancien Régime est généralement considérée par l’historiographie comme la « préhistoire de la prison » (Petit et al.). La raison en est simple : l’enfermement n’est pas alors une peine. La geôle sert à l’époque de dépôt pour les prévenus, de lieu de passage entre l’arrestation et la peine à venir : bannissement, galères, carcan, exécution, etc. Opérant hors du champ pénal, elle n’a pas attiré l’attention des historiens comme ont pu le faire les grands pénitenciers du XIXe siècle.
Le but de notre communication sera de sortir la prison d’Ancien Régime de la seule histoire du droit pour l’inclure plutôt dans l’histoire urbaine. Ciblant le Paris du XVIIIe siècle comme observatoire, nous tenterons d’envisager la prison comme un objet urbain dont les liens avec la ville sont multiples. Par-delà les murs circulent des individus, des objets et des mots dans un flux continu. Apparaissent alors des vies carcérale et urbaine qui, plutôt que de s’éviter et de s’exclure mutuellement, se croisent et se rencontrent sur une base quotidienne.
La prison parisienne d’Ancien Régime, prise et comprise sous l’angle de ses relations avec la ville, n’apparaît plus comme un simple dépôt de prévenus, mais comme un espace pleinement intégré dans le paysage urbain. L’inertie pluriséculaire dépeinte par l’historiographie cède ainsi le pas à tout un monde d’échanges, de circulations et de mouvements incessants qui rendent à la prison parisienne son caractère dynamique.
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Communication orale
La juridicité d’une salle d’urgence : l’exercice des droits constitutionnels des patients en contexte de soins critiquesBertrand Lavoie (UdeS - Université de Sherbrooke)
En tant qu’établissements publics soumis aux exigences en matière de protection des libertés fondamentales prévues à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, plusieurs enjeux liés à la dimension sociale des patients peuvent s’y présenter (diètes, rituels ou obligations religieuses). Comment se présentent ces enjeux dans une salle d’urgence, alors que le temps est compté et que la vitesse d’exécution des tâches est garante de la sécurité des patients ? L’objectif de cette communication est de présenter comment se matérialise, dans le quotidien d’une salle d’urgence, la gestion des droits constitutionnels des patients. Cette présentation repose sur une étude ethnographique de deux années, commencée à l’automne 2018 et terminée à l’automne 2020, en collaboration avec les équipes soignantes de quatre salles d’urgence à Montréal et en Estrie. Quarante-cinq entrevues semi-dirigées d’une durée moyenne de 45 minutes ont été réalisées, ainsi que 241 heures d’observations in situ ont permis d’avoir un accès privilégié à l’ensemble des espaces des urgences participantes, au moyen de 32 jumelages ethnographiques avec des infirmières et des médecins. Au total, 50 participants ont pris part à cette enquête inédite au Québec.
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Communication orale
La juridicité au sein des médias sociaux : vers un décloisonnement des lieux du droitAlexandra Bahary-Dionne (Université d’Ottawa)
La littérature juridique aborde généralement les mutations d’Internet sous l’angle de leurs impacts sociojuridiques, à travers une lentille spéculative et prescriptive. Mais comment les internautes utilisent-elles les outils techniques? Et quels contours de la juridicité ces usages contribuent-ils à faire émerger ou à dévoiler?
J’aborderai ces questions en présentant les résultats d’une ethnographie sur les pratiques informationnelles des personnes ayant des questionnements juridiques à travers l’analyse de leurs conversations sur deux groupes Facebook. Aux frontières du droit et de la communication, ce projet vise à éclairer un recoin de la partie immergée de l’iceberg de la juridicité, à rebours de ses lieux officiels.
Si l’on peut concevoir les médias sociaux comme des espaces en coulisse de l’activité législative et judiciaire, il s’agit surtout d’espaces de réception et de production de la juridicité puisqu’ils mettent à l’avant-scène une parole citoyenne souvent ignorée dans la recherche juridique. Or, ce que cette parole permet, c’est aussi une redécouverte des lieux officiels du droit (loi, tribunal). Puis, la méthode ethnographique met en lumière un décloisonnement croissant entre le virtuel et le matériel alors qu’ils se confondent et se transforment mutuellement. Le « terrain » juridique pourrait-il alors être un assemblage entre divers espaces virtuels et matériels (tribunal, Facebook, liens URL), à l’interface entre les lieux officiels et officieux du droit ?
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Communication orale
La rue, fabrique du droit ?Cirbaj Claudino Gildas Cokou De Souza (UNIVERSITE D'EVRY VAL D'ESSONNE)
La lecture de l’édiction des normes régissant les rapports des hommes en société sous le regard du positivisme juridique place le législateur comme l’acteur principal dans le processus de fabrication du droit. La loi y est vue comme l’instrument de cette sacralisation. La présente étude cherche à rompre avec cette « idée reçue ». Elle décrit que la conception du droit est le produit de plusieurs procédés, acteurs et aussi endroits au nombre desquels se trouve la rue. En interrogeant l’histoire de l’humanité (révolutions française de 1789 et américaine, mouvements de décolonisation ou, récemment, printemps arabe et mouvements d’émancipation démocratique des peuples) ou en se fondant sur le contexte actuel de montée de la contestation dans le monde, la rue se révèle comme une pièce maîtresse dans la fabrication du droit. Sans aller jusqu’à la qualifier de co-législateur, elle est indéniablement un lieu de plus en plus actif dans l’élaboration de la norme juridique. Elle apparaît ainsi comme étant un élément de contrainte positif dans la fabrication du droit en obligeant le législateur ou l’exécutif à prendre une norme répondant aux revendications issues de la rue ou à s’adapter à son mouvement. Elle peut se révéler également comme une construction négative du droit dans la mesure où elle empêche le débat lors de l’élaboration de la loi ou quand les pouvoirs publics prennent une loi pour encadrer et museler la rue.
Séance 3 – Déconfiner les lieux du droit
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Communication orale
Emmanuel Lévy, le droit, la poésie et le monde des espritsVictor Janin (FRANCE)
Au tournant des XIXe et XXe siècles, la doctrine civiliste française n’envisage pas le monde des esprits comme un lieu du droit. Pourtant, Emmanuel Lévy, professeur de droit civil lyonnais, surnommé « magicien de la psychologie juridique » par ses collègues, n’hésite pas à décrire le droit comme des « croyances » (pierre angulaire de son œuvre), qu’il définit comme étant « notre sommeil ».
Il réussit à dématérialiser un droit traditionnellement fondé sur le Code civil en expliquant que ce dernier réside en réalité dans les croyances du corps social.
Cette affirmation emporte trois conséquences. Premièrement, Lévy propose une vision du droit revisitée, il lui donne un caractère spirituel : la notion de croyance qu’il développe chemine entre sociologie et religion.
Deuxièmement, la transmission de cette idée ne peut se faire que selon une forme qui lui correspond : Lévy investit le registre poétique pour habiller son discours, qui devient ainsi tant sur la forme que sur le fond, spirituel.
Enfin, cela conditionne les acteurs qui ne peuvent se mouvoir dans le monde des esprits comme ils le feraient dans le monde juridique traditionnel. Le juge devient ainsi un sociologue, il doit comprendre les besoins de la société ; il devient psychologue et sonde la conscience collective ; il devient mystagogue : si le droit réside dans nos « croyances » et que ces « croyances » sont notre « sommeil », c’est à lui de lire dans nos rêves, nouveau lieu du droit.
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Communication orale
Le dedans et le dehors du droit à partir du Two-Row Wampum et du Spirit of Haida GwaiiRené Lemieux (UdeS - Université de Sherbrooke)
Nous voudrions partir de deux objets autochtones utilisés parfois dans les discussions sur la place du droit autochtone dans le droit colonial canadien pour réfléchir au droit comme lieu. Ces deux objets, le wampum à deux bandes (Two-Row Wampum) et la sculpture Spirit of Haida Gwaii de Bill Reid, sont utilisés pour comprendre les rapports juridico-politiques entre les communautés autochtones et allochtones. Alors que le wampum à deux bandes réfère au non-interventionnisme du droit autochtone sur le droit allochtone, une des interprétations possibles du Spirit of Haida Gwaii est d’y voir un Canada comme bateau inclusif dans lequel nous sommes tous embarqués. Notre point de départ pour comprendre les deux objets est une réponse de l’ancienne juge en chef Beverley McLachlin à une question sur la possibilité d’intégrer des traditions juridiques autochtones dans le droit canadien : « We have our law, as I see it, embodied in our constitution, but you know the common law, and I think the civil law too, are quite capable of absorbing and reconciling different streams ». La communication visera à décortiquer cette absorption constatée, voire espérée, par McLachlin des divers droits traditionnels autochtones par le droit canadien comme lieu. De cette analyse ressort un constat : qu’on soit en faveur ou non de cette image, il y a toujours un spectre qui hante le droit canadien dans son appréhension des ordres juridiques autochtones, le spectre du politique.
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Communication orale
Les objets culturels : des lieux de pouvoir au pouvoir du lieuAnne-Sophie Hulin (Université d’Ottawa)
Cette contribution propose de suivre les pérégrinations des biens culturels, afin d’apprécier comment leurs lieux de conservation et/ou d’exposition déterminent le régime juridique applicable. En effet, que le bien culturel soit détenu dans un lieu privé (ex : chez un particulier) ou public (ex : dans un musée), son régime juridique oscille entre une propriété dite absolue et une propriété sous contrainte pour intégrer sa destination collective ou sa seule dimension culturelle. Dans chacun de ces lieux, et au regard des tensions qu’il peut exister entre chacun d’eux, le pouvoir de la volonté des détenteurs des biens culturels irradie. En effet, en destinant le bien culturel à un lieu particulier, le détenteur du bien culturel influe sur sa valeur et conditionne sa circulation au sein des différents lieux. Toutefois, ce constat doit faire l’objet d’un tempérament au regard de l’existence de non-lieux : hypothèse dans laquelle les biens culturels ne jouissent pas de protection particulière en dépit de leur valeur culturelle évidente. Au Québec, le statut des artefacts collectés lors de fouilles archéologiques montre comment, en l’absence de lieux établis, certains biens se trouvent privés de régimes juridiques qui reconnaissent leur valeur culturelle intrinsèque et leur assurent le respect qui doit leur être accordé. Dès lors, si au travers du lieu se manifeste le pouvoir de la volonté, force est de se demander si ce n’est pas finalement le lieu qui fait le bien culturel.