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Informations générales

Événement : 83e Congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Section 600 - Colloques multisectoriels

Description :

Ni tout à fait récit de fiction ni récit historique (tous deux étudiés par Paul Ricœur dans son ouvrage Temps et récit), le récit de prospective semble proposer un rapport particulier à la vérité, de l’ordre de la plausibilité, ainsi qu’au processus de réception des œuvres, au moyen d’une intensification délibérée et organisée de la dialectique expansive entre l’imagination et l’action, entre horizons d’attente et espaces d’expérience, ou encore entre utopies et idéologies.

Dans son ouvrage La culture au pluriel, Michel de Certeau souligne pour sa part qu’avec la prospective « le futur entre dans le présent sur le mode d’altérités », et que « la confrontation avec d’autres est le principe de toutes prospectives ». La prospective comme pratique discursive trouverait là son épistémologie : non pas celle de la prévision vérifiable, mais celle d’une interrogation critique et créative du présent médiatisée par des récits utopiques, étranges, ambigus ou surprenants, dont la force serait de nous inviter à penser et à agir autrement dans le monde. Cette approche rejoint par ailleurs ce que Michel Foucault définit dans son texte Qu’est-ce que les lumières comme une « ontologie historique de nous-mêmes » visant à diagnostiquer le présent de manière généalogique et expérimentale « pour saisir les points où le changement est possible et souhaitable ».

Le présent colloque se propose de réfléchir aux manières d’écrire et d’utiliser les récits de prospective, ces « futurs-rendus-présents tournés vers le pas encore » selon la belle formule de Ricœur, en invitant des chercheurs de différents horizons à confronter leurs démarches. Les récits de prospectives rendent-ils possible une refiguration originale de notre expérience du temps? Quels sont les effets de médiation recherchés par un « bon » récit de prospective? Comment, de quelles manières et selon quels styles des mises en récit littéraires, artistiques, d’expériences de design ou d’aménagement jouent-elles un rôle de prospective en ouvrant des voies inédites pour l’action collective? Par-delà la variété formelle des pratiques exploratoires et prospectives dans ces disciplines, peut-on repérer des points de convergence, ou même un noyau d’identité commune?

Date :
Responsables :

Programme

Communications orales

L'imagination prospective

  • Mot de bienvenue
  • Fabuler la ville : cinéma et urbanisme
    Eleonora Diamanti (Université Victoria), Alanna Thain (Université McGill)

    Dans L'image-temps, Gilles Deleuze écrit : la fabulation « c'est une parole en acte, un acte de parole par lequel le personnage ne cesse de franchir la frontière qui séparerait son affaire privée de la politique, et produit lui-même des énoncés collectifs ». Fabuler, c'est créer des possibilités, de nouvelles vérités en falsifiant d'autres, c'est un récit de prospective. Dans cette communication nous nous pencherons sur le pouvoir de fabulation des images et des expérimentations cinématographiques dans la trame urbaine de la ville. En particulier, nous ferons référence au projet de recherche-création Cinema Out of the Box (Moving Image Research Laboratory, McGill University), cinéma mobile alimenté par une bicyclette qui anime les espaces publics, les friches urbaines et les terrains vagues de Montréal depuis l'été 2014. La fabulation se mélange alors avec l'imaginaire et la mémoire collective de la ville en créant des écologies urbaines et médiales.

  • Objectivement plausible, subjectivement imaginable : la prospective dans des œuvres littéraires et visuelles contemporaines (Murakami, Butler, Blum, Sansour, Prévieux)
    Magali Uhl (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Partant des analyses de Michel de Certeau sur la prospective (La culture au pluriel, 1993), cette communication se propose d'interroger le modèle probabiliste, techniciste et l'optique futuriste des récits de science-fiction en les confrontant à d'autres grilles d'analyse, notamment à « l'imagination du désastre », exercice intellectuel proposé par le sociologue et urbaniste Mike Davies pour concevoir le Los Angeles du futur (Au-delà de Blade Runner, 2010).

    C'est notamment à partir de deux récits littéraires, The Parable of the Sower d'Olivia E. Butler (1993) et 1Q84 de Haruki Murakami (2009-10) et de trois œuvres d'arts visuels, Nation Estate (Larissa Sansour, 2012), Exodus 2048 (Michael Blum, 2009) et What Shall We Do Next ? (Julien Prévieux, 2006-14) que sera illustrée une visée prospective qui prône subtilement l'appel à l'imaginaire et la nécessité de la fiction pour inventer, par le décalage retenu et l'amplification raisonnée, des futurs possibles.

  • Discussion
  • Pause

Communications orales

Récits innovants, récits déroutants 

  • Le cheminement du récit de fiction dans les méthodes de prospective territoriale en France : retour sur un engouement paradoxal
    Franck Scherrer (UdeM - Université de Montréal)

    Les méthodes de prospective ont été un instrument relativement privilégiées de l'action publique et de la culture technocratique française des années 70 à aujourd'hui, d'abord auprès d'administration de mission de l'Etat aménageur (Datar, Commissariat au Plan…), puis des grandes entreprises publiques (RATP, SNCF…), et enfin des grandes collectivités locales, notamment régionales, en lien avec le développement de la planification stratégique urbaine des années 90-00. Au cœur de la diffusion de cet instrument, la méthode des scénarios, presque toujours accompagnée par la pratique des récits de mise en fiction des futurs possibles, a joué une place prééminente. Il y a une dimension réellement paradoxale à voir que l'on a accordé un statut performatif à une modalité d'énonciation du réel même futur, dont le rapport à la véridicité est très ambiguë, au coeur des rationalités technocratiques de la décision publique en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire. La communication tentera de baliser les étapes de ce cheminement paradoxal qui permet d'éclairer le rôle du récit de prospective dans ses perspectives formelles et procédurales.

  • Le critical design : une prospective par les objets?
    Christophe Abrassart (UdeM - Université de Montréal)

    Le design des objets est souvent associé à la production d'un ordre esthétique dominant (Lipovetsky et Serroy, L'esthétisation du monde, 2013), préfigurant les récits que nous faisons de nous-mêmes et nos efforts de stylisation. Face à ce capitalisme artiste, « délire officiel d'une grande ville fait pour troubler le cerveau du solitaire le plus fort » (Baudelaire, Un plaisant), des auteurs comme De Certeau (L'invention du quotidien, 1990) ou plus récemment Macé (Extension du domaine du style, 2010), Bon (Autobiographie des objets, 2012) ou Jenny (La vie esthétique, 2013), soulignent la possibilité de résistances créatives, productrices d'autres expériences stylistiques, formelles et rythmiques, passant par des usages désordonnés ou détournées des objets ordinaires. D'un autre côté, des designers explorent la possibilité de concevoir délibérément des objets à l'identité étrange ou inconnue avec l'objectif de déclencher une désorientation critique et une prise de conscience politique des usagers : c'est le cas du Critical design (ex. Dunne & Raby) ou du mouvement Droog. Or dans cette approche jouant sur la forme, la matérialité, la sémantique et la rhétorique des objets, la médiation prospective s'appuie moins sur un récit imaginaire que sur une expérience d'usage non verbale. Nous essaierons de voir comment le paradigme du « style en acte » (Jenny, 2011) permet de rapprocher ces deux voies.

  • Discussion
  • Dîner

Communications orales

Ateliers de prospective urbaine 

  • La ville accueillante : les interventions du Welcoming City Design Studio dans l'espace public à Beyrouth
    Carole Lévesque (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    La construction temporaire réside dans une zone grise de l'architecture. Par sa nature, elle dispute le rôle dominant que l'on attribue à la discipline, soit la promesse de solutions permanentes et définitives : la construction temporaire appelle aux possibilités alternatives. Dans le contexte actuel où les impacts sociaux, économiques, écologiques, ou plus largement éthiques des projets à grand déploiement sont souvent questionnables, la petite architecture temporaire permet d'explorer ces grandes préoccupations par un engagement direct avec la ville et ses habitants. En tant que méthode de conception prospective dans laquelle les idées provocatrices prennent la place de la solution de problème, l'architecture temporaire élargi l'éventail du plausible tout en participant activement dans le faire de la ville.

    À la lumière d'actions menées sur l'espace public de Beyrouth, le Welcoming City Design Studio démontre que la construction temporaire est un outil appropriépour investiguer et engager l'imaginaire d'une ville qui soit porteuse d'un paysage ouvert et accueillant.

  • Le Triangle 2025 : récits d'une promenade dans les parcs
    Nicolas Lavoie (UdeM - Université de Montréal)

    Le secteur Le Triangle, dans l'arrondissement de Côte-des-Neiges/Notre-Dame-de-Grâce à Montréal, fait l'objet d'une densification et d'une diversification de ses activités. Plusieurs nouveaux citoyens sont venus rejoindre des milliers d'autres et un véritable quartier est en train de naître. La création de nouveaux espaces publics, notamment de parcs et d'espaces verts revêt dès lors une importance primordiale pour la ville et ses occupants. La Ville de Montréal aurait pu se contenter de meubler ces espaces avec les traditionnels jeux pour enfants, les espaces gazonnés et quelques bancs, mais elle a choisi d'identifier les besoins des futurs utilisateurs de ces espaces en demandant aux citoyens de se projeter en 2025 lors de deux forums pour imaginer et décrire, sous forme de récits prospectifs, l'expérience qu'ils aimeraient vivre lors d'une promenade dans ce nouveau quartier. Cette expérience participative, qui sera brièvement décrite, constitue une opportunité pour analyser la fécondité et les effets du récit prospectif dans une démarche de planification urbaine, notamment sous l'angle de l'appropriation par tous de la fabrique de la ville.

  • Écrire le scénario de prospective comme une phrase expansive : l'atelier de prospective urbaine « Lachine 2040 : ville de l'économie circulaire »
    Christophe Abrassart (UdeM - Université de Montréal), Nicolas LAVOIE, Franck SCHERRER

    En prospective, la construction des scénarios s'appuie couramment sur un travail d'analyse morphologique (Godet, 2007) : sélection de variables susceptibles de façonner l'avenir (ex. démographique, de gouvernance), formulation d'hypothèses d'évolution contrastées, et enfin écriture de scénarios par une combinaison particulière entre ces hypothèses. Ce raisonnement a servi de point de référence pour l'atelier 2015 de prospective stratégique de l'Institut d'Urbanisme sur le thème « Lachine 2040 : ville de l'économie circulaire ». Mais il a été enrichi par la théorie de la conception C-K (Hatchuel et Weil, 2002) : les hypothèses d'évolution de la variable principale, Les formes urbaines de l'économie circulaire, ont effet résulté d'un travail de conception innovante et les scénarios ont été écrits comme des phrases expansives à partir de concepts projecteurs (ex. « Les cités jardins des circulations organiques »), avec l'objectif de revisiter le référentiel cognitif de l'urbanisme. Écrites par ajouts successifs d'attributs selon certaines règles (série d'oxymores, co-expansion entre l'imaginaire et le connu, cadrage de champs d'innovation), ces phrases expansives ouvrent ainsi un autre modèle d'écriture du scénario de prospective. De plus, ce positionnement au niveau de la phrase, permettra d'établir un lien avec des analyses littéraires comme celle de Ricœur (1975) sur l'innovation sémantique et la référence métaphorique, ou celle de Jenny (1990) sur l'évènement figural.

  • Discussion
  • Pause

Communications orales

Fictions technologiques 

  • De la personne en situation de handicap à l'« homme augmenté » : pistes prospectives au cinéma
    Mouloud Boukala (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Cette communication vise à interroger le présent des personnes en situation de handicap à partir de récits filmiques prospectifs (Automata, Avatar, Space Pirate Captain Harlock, 2081, etc.) mettant en scène des « hommes augmentés », des « corps-machines », des « hybrides ». Alors qu'il n'existe à l'heure actuelle, parmi les prothèses corporelles disponibles aucune qui ne soient greffées à l'os ou contrôlables par la pensée, le septième art recèle de nombreux récits prospectifs offrant aux personnes en situation de handicap des possibilités techniques et des virtualités dynamiques inédites. Cette exploration de l'avenir – non pas d'un avenir, mais d'une pluralité d'avenirs ima(gin)és - sera l'occasion d'interroger la singularité anthropologique de personnes appareillées (leur indépendance, leur auto-détermination, leur auto-suffisance) par-delà leur singularité technologique. Comment ces récits explorent des dimensions ontologiques, physiques et sociales nouvelles ? Les mondes crées par l'imagination humaine sont-ils beaucoup plus inclusifs que les systèmes sociaux réels dans lesquels nous vivons ? Fort de ces interrogations, chaque film sera envisagé comme une proposition sociale en sons et en images susceptibles d'enrichir les « capabilités » (Amratya Sen et Martha Nussbaum) de l' « homme à venir » et, plus précisément, des personnes en situation de handicap.

  • Simuler la crise : l'art hypermédiatique en temps réel
    Gina Cortopassi (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    L'œuvre hypermédiatique de Salvador Barajas, Tech-Illa Sunrise : Un/A Remix (2009), met en scène un récit ironique de science-fiction sur l'effondrement imminent de l'Internet. Rejouant les codes du genre cyberpunk à outrance, l'œuvre plonge l'internaute dans une crise du système informatique entraînée par l'infiltration et l'assaut concerté de pirates chicanos.

    Pour ce colloque, nous explorerons en quoi la forme du remix hypermédiatique permet à Barajas de rendre sa critique opératoire en précipitant une expérience de l'immédiateté chez l'internaute. Piégé dans le présent, il fait l'expérience d'une menace de contamination rendue tangible par le dispositif hypertextuel, et ce, tout en contemplant les multiples contradictions et les anachronismes que révèle cet écroulement temporaire du Web. Les rapports de pouvoir propre au cyberdiscours, ses promesses d'émancipation et ses figures posthumaines sont alors interrogés. Le remix et son esthétique du rasquache performent ainsi une rébellion des laissés-pour-compte du WWW et témoignent des potentialités d'une insurrection de l'intérieur.

  • Discussion
  • Pause

Communications orales

Table ronde in situ : sampling universitaire  

  • L'itinéraire-narrateur : témoignage, expérimentation et théorisation d'un voyage universitaire
    Frédéric DALLAIRE (UQAM - Université du Québec à Montréal), Simon Harel (UdeM - Université de Montréal), Mathieu LI-GOYETTE (UdeM - Université de Montréal)

    Dans le cadre des activités de recherche et de création du Laboratoire sur les récits du soi mobile (FCI) de l'Université de Montréal, nous ferons de notre itinéraire en direction de Rimouski une expérience de mobilité narrative où l'expérimentation audiovisuelle du récit de prospective comme ouverture d'un futur proche sera colligée avec celle du voyage académique. Dans la logique d'une communication utopique qui sera réalisée lors du trajet vers Rimouski (fait en deux journées), nous bricolerons une théorie portative nous permettant de produire du réel à force de désir et d'écriture. Ce récit de prospective sera en quelque sorte une utopie théorique s'interrogeant sur sa propre nature, comme une réflexion entreprise au risque de la mobilité. Elle cherchera à repérer, en deçà de sa propre méthodologie, les horizons axiologiques d'une réflexion pragmatique où le littéraire approcherait le réel de biais, c'est-à-dire par l'intermédiaire d'instances médiatiques scripturales, orales et visuelles.

  • Discussion
  • Mot de clôture

Cocktail

Vin d'honneur