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Informations générales

Événement : 83e Congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines

Description :

Le « religieux », sous ses différentes figures comme la religion, le croire, les usages rituels, le sacré et bien d’autres encore, est devenu l’un des objets d’investigation les plus questionné en sciences humaines et sociales. Le bassin sémantique du religieux interroge sociologues, juristes et politologues qui les abordent notamment sous l’angle de la sécularisation, de la laïcité et du phénomène religieux, tout comme il continue de questionner philosophes, théologiens et religiologues sur le sens à lui donner. Mais le religieux est-il un « objet de recherche » comme les autres?

Plus spécifiquement, les récentes recherches sur le religieux ont été le lieu de nombreuses interrogations épistémologiques, méthodologiques et éthiques sur le positionnement du chercheur et de son sujet d’études. La distinction classique entre « expliquer » et « comprendre » a été progressivement remplacée par d’autres perspectives (transdisciplinarité, interculturalité, autoformation, etc.) et les études sur le religieux ont été des incubateurs privilégiés pour repenser, entre autres, les rapports théoriques et pratiques entre homme-femme, matérialité-spiritualité et religion-démocratie. L’approche du religieux, par la nature de son sujet, et par son caractère « inconnaissable » à une époque où la science est marquée par l’incertitude, a été le lieu de renouvellement des interactions entre le chercheur et son objet.

Ce sont ces nouvelles approches, leurs articulations novatrices et les alliances nouvelles dont elles sont porteuses qui seront l’objet premier de nos délibérations. Que ce soient les interrogations sur le positionnement axiologique du chercheur vis-à-vis le « religieux », l’imputabilité du chercheur devant la science qu’il produit ou le rôle du religieux dans l’identité du chercheur, l’objectif du colloque sera d’explorer quelques-unes des pistes originales, épistémologiques et méthodologiques, qu’ouvrent aujourd’hui les études sur le religieux.

Dates :
Responsables :

Programme

Communications orales

Axe I – Épistémologie du religieux dans les sciences sociales et humaines

  • Mot de bienvenue
  • L'étude du religieux : entre connaissance et expérience
    André Duhamel (UdeS - Université de Sherbrooke)

    C'est sur la neutralité axiologique du chercheur et l'objectivité du savoir que nous voudrions nous pencher, en nous tournant vers les approches qui, en sciences sociales, tentent de prendre en compte au mieux le point de vue et l'expérience de l'agent. Ces approches exigent du chercheur une sympathie avec son objet, en même temps qu'une distance nécessaire à la connaissance. Par exemple, Willaime (2012) soutient que l'objectivation sociohistorique ne doit pas écarter, parmi d'autres phénomènes, les entités invisibles auxquelles adhère le croyant, sous peine que « les sciences sociales ne se réduisent à l'étude du non-religieux dans le religieux ». Un « théisme méthodologique » est ainsi pertinent, pourvu dit-il qu'on le situe « dans le cadre d'un agnosticisme épistémologique » (208). La sympathie du chercheur n'implique donc aucune conversion, mais l'admission que le religieux a une réalité sui generis; ainsi, si l'expérience religieuse se situe en dehors des « exigences de la preuve » (Leiter 2014), elle n'est pas pour autant hors de portée d'un savoir.

    Pour nombre de nos contemporains, la foi du croyant ou l'expérience spirituelle ne sauraient guère faire l'objet de connaissances objectives partageables. En témoigne le fait que le programme québécois d'ÉCR aborde la religion comme fait de culture et non comme expérience de foi. L'exigence de neutralité de l'État explique ce fait, mais il reste chez beaucoup un inconfort à aborder l'expérience de la foi comme un objet du connaître.

  • La connaissance transdisciplinaire et l'étude du sacré
    Daniel Proulx (UCL - Université catholique de Louvain)

    Par une exploration du positionnement transdisciplinaire par rapport au sacré, cette conférence cherche à saisir pourquoi et comment la transdisciplinarité semble ne pas souffrir de la distinction classique entre « expliquer » et « comprendre ». En effet, pour la transdisciplinarité telle que la pense Basarab Nicolescu, il n'y a pas d'opposition entre l'objet transdisciplinaire et le sujet transdisciplinaire, car la connaissance n'est ni extérieure ni intérieure, elle est à la fois extérieure et intérieure. Une unification possible à cause d'une zone de non-résistance représentée par le sacré. La réalité dans ce contexte est constituée de l'objet, du sujet et du sacré, « [m]ais, le sacré ne s'oppose pas à la raison : dans la mesure où il assure l'harmonie entre le Sujet et l'Objet, le sacré fait partie intégrante de la nouvelle rationalité. » (Nicolescu, 1996, p. 107) Or comment cette « nouvelle rationalité » se manifeste-t-elle dans la masse des recherches touchant les religions et spiritualités? Ce sont les conditions épistémologiques permettant l'émergence et le maintien de cette nouvelle rationalité transdisciplinaire qui seront explorées.

  • Pause
  • L'invincible diversité des perceptions de connaissance en sciences humaines et sociales signifie-t-elle l'impossibilité d'un accord quant à la scientificité des travaux?
    Wael Saleh (UdeM - Université de Montréal)

    La diversité des intérêts de connaissance est au principe de la diversité des disciplines en sciences humaines et sociales. Ces intérêts de connaissance, associés à des types de sensibilité qui sont le produit des expériences sociales des chercheurs, débouchent, à l'issue d'un processus de traduction scientifique des interrogations et des problèmes originels, sur des échelles d'observation, des niveaux d'analyse et des types d'objets singuliers. Mais cette invincible diversité des perceptions de connaissance signifie-t-elle l'impossibilité d'un accord quant à la scientificité des travaux? Cette communication cherche à expliquer comment une attitude critique et pluraliste face à la problématique de la subjectivité du chercheur permet à la fois d'éviter lʼimpérialisme scientifique (c'est-à-dire de considérer qu'il existe une « interprétation universelle » en pensant, du même coup, que toutes les autres sortes d'interprétations sont des « erreurs ») et le pluralisme relativiste (c'est-à-dire de ne pas tomber dans une sorte de pacifisme radical fondé sur l'idée d'un pluralisme relativiste et indifférencié en matière d'opérations d'interprétation).

  • Éthique autorégulatoire et croyances religieuses sous la loupe des éveilleurs de conscience
    Virginie Beaudin-Houle (UQAR - Université du Québec à Rimouski)

    Cette présentation approfondira le lien entre croyances religieuses et modes de régulation des comportements selon l'approche québécoise de l'éthique. Les « éveilleurs de conscience », définis sommairement comme étant des personnes qui s'opposent à une autorité jugée malsaine et qui, par leurs actions prises de positions non-violentes et conséquentes, éveillent les consciences des témoins ou inspirent les gens longtemps après les faits, seront au centre de cette analyse. Le but de cet exposé est de tenter de définir le rôle que peuvent jouer les croyances religieuses pour ces personnes qui ont défié l'autorité tout en assumant entièrement les conséquences de leurs gestes. Obéissaient-ils à des obligations par crainte d'éventuelles sanctions divines ou avaient-elles intériorisé les valeurs agissantes de leur religion obéissant ainsi davantage à leur propre conscience ? Plusieurs cas seront abordés pour nous aider à clarifier ce rapport de l'éthique, au religieux et à l'histoire.

  • Dîner

Communications orales

Axe II – Neutraliser l'engagement ou engagement neutre? Chercheur(e)s en action (partie 1)

  • De la recherche en sciences sociales des religions : quand l'intersubjectivité touche le domaine des croyances
    Géraldine Mossière (UdeM - Université de Montréal)

    Il n'est pas rare qu'avant d'accepter de participer à son projet, les répondants questionnent le chercheur sur son identité et ses affinités religieuses avant de lui ouvrir les portes de leur intimité toutes grandes si celui-ci confie des croyances ou, mieux encore, des pratiques religieuses, quelles que soient leurs orientations. Il n'est pas rare non plus que le chercheur qui se pensait athéiste ou du moins agnostique découvre sur son terrain un univers symbolique et ésotérique qui bouleverse ses propres présupposés. À plus forte raison, ces dynamiques peuvent également intervenir au moment de la transmission du savoir, entre les enseignants en sciences sociales des religions et leurs étudiants par exemple. Dans cette communication, nous nous interrogerons sur le rôle des croyances des chercheurs dans leur pratique. Après avoir discuté la notion même de croyances, nous évaluerons leurs diverses modalités d'interférence, ainsi que leurs possibilités même d'évolution-transformation dans le dialogue nécessairement situé entre chercheur et sujet.

  • Étudier un phénomène controversé : comment jongler avec une posture scientifique dans un domaine polarisé
    Mathilde Vanasse-Pelletier (UdeM - Université de Montréal)

    Le champ d'étude des nouveaux mouvements religieux est un domaine qui suscite les passions de toutes parts, encore davantage lorsque l'on s'attarde à certaines pratiques hors de l'ordinaire de groupes particuliers. Quand une méthodologie hors du commun est employée dans une recherche touchant un sujet controversé, la position du chercheur est d'autant plus difficile à concilier. Dans mes recherches concernant la représentation des femmes mormones fondamentalistes dans la culture populaire américaine, je dois négocier avec ces enjeux importants de manière constante. Non seulement dois-je me positionner par rapport aux normes morales des communautés à l'étude et par rapport aux valeurs des auditoires à qui sont présentés mes résultats, mais il importe aussi que je justifie mon recours à des matériaux primaires non-conventionnels, soit des séries télévisées de types divers (fiction, téléréalité, talkshows).

    Cette présentation touchera les problèmes rencontrés et les stratégies développées au cours de mon parcours académique naissant. Je me pencherai pour appuyer mes réflexions sur les travaux de plusieurs auteurs ayant réfléchi sur la posture du chercheur dans le cadre de l'étude des groupes religieux minoritaires et de l'étude des médias. La recherche prendra en compte un contexte de tension entre certains académiques (sociologues, anthropologues) se penchant sur les nouveaux mouvements religieux et les organisations d'intervention anti-sectes.

  • Période de questions

Communications orales

Axe II – Neutraliser l'engagement ou engagement neutre? Chercheur(e)s en action (partie 2)

  • La neutralité s'oppose-t-elle à l'engagement axiologique?
    Élisabeth Di Lalla-Besner (UdeM - Université de Montréal)

    La neutralité et l'engagement axiologique du chercheur s'opposent-ils dans le cadre d'une recherche sur les croyances ? Cette question abordée à ce colloque, en intéresse une autre : celle de la Charte des valeurs du Québec, qui présente paradoxalement, une charte axiologique qui défend la neutralité religieuse de l'État. Neutralité et engagement s'opposent-ils ? Afin de nous aider à résoudre le problème, nous procéderons à une analyse critique de ces concepts de neutralité et d'axiologie (la théorie des valeurs) : leurs origines, leurs développements et leurs significations pour mieux saisir le rapprochement que fait Weber de ces deux schèmes en proposant la neutralité axiologique. À partir de nos conclusions, nous présenterons le dilemme entre l'engagement et la neutralité axiologique d'un chercheur dans le domaine du croire comme un faux problème issu d'une fausse conception du croire. Nous distinguerons le croire en tant que faculté neutre de la personne et la croyance sujette à objectivation. Nous présenterons le croire comme moteur de recherche et l'hypothèse comme étant une croyance. La démarche de soutenance de thèse est une démarche de validation d'une croyance. Cette croyance s'assujettit à la réfutation. Notre thèse repose sur le fait que ce n'est pas la raison qui rend objectif, mais le vrai. Le rationalisme s'oppose au fidéisme, mais la neutralité axiologique ne peut s'opposer à l'engagement axiologique.

  • L'épistémologie à l'épreuve de la foi
    Samia Amor (UdeM - Université de Montréal)

    La figure du chercheur croyant constitue-t-elle une menace à l'objectivité et à la neutralité scientifique? Cette présentation expose dans un premier temps, les tensions entre un désengagement et un engagement du chercheur face à son objet, observé de l'intérieur. Elle interroge, ensuite, la mobilisation du point de vue du chercheur comme moyen de questionner la contribution du droit à l'instauration d'une inégalité de genre. Pour finalement considérer la subjectivité comme une ressource plus qu'un obstacle dans la production d'une connaissance scientifique.


Communications orales

Axe II – Neutraliser l'engagement ou engagement neutre? Perspectives d'auteur(e)s

  • Charles Taylor et Marcel Gauchet : deux approches distinctes du religieux
    Bernard Gagnon (UQAR - Université du Québec à Rimouski), Françoise PARADIS SIMPSON (UdeM - Université de Montréal)

    Le religieux et la religion occupent une place importante dans les écrits de Charles Taylor et de Marcel Gauchet. Pour autant, les positionnements philosophiques et sociologiques de l'un et l'autre vis-à-vis de ces objets d'étude rendent difficile la construction d'un dialogue entre les deux. Sous certains aspects, l'on peut parler de mécompréhension mutuelle. L'objet de la communication sera de rechercher les bases d'un tel dialogue en jetant un regard critique sur les positionnements respectifs de Taylor et de Gauchet sur la question de la religion. Le premier insiste sur l'engagement, alors que le second conserve la réserve de la neutralité. Cette différence est-elle due aux convictions de l'un et l'autre – croyant et non-croyant – ou s'explique-t-elle uniquement par des différences épistémologiques et théoriques ? En conclusion, dans une perspective d'éthique politique, nous chercherons à démontrer que cette dichotomie entre ces deux positionnements envers le religieux, loin de produire une querelle entre croyance et laïcité, constitue plutôt un enrichissement des potentialités délibératives du dialogue démocratique.

  • Un parallèle avec le féminisme : l'identité de la personne qui fait de la recherche et son incidence sur le contenu et la reconnaissance de sa recherche
    Maria Anastasaki (Université Concordia)

    Il serait curieux de remplacer quelques mots de l'argumentaire du colloque pour illustrer la complexité et la pertinence de ses questions centrales. Remplaçons « religieux » par « féminisme ». « La chercheuse doit-elle adopter une neutralité axiologique même lorsque ses croyances et ses convictions sont interpellées? Peut-elle le faire? La recherche sur le « féminisme » requiert-elle, plus que tout autre domaine de recherche, l'engagement axiologique et même genré de la chercheuse? Est-ce que le féminisme est un objet d'étude comme un autre? ». Le féminisme, ou plutôt les féminismes, sont des positions épistémologiques, méthodologiques et éthiques nées et mûries à partir de la prémisse que les femmes sont structurellement et socialement dominées parce que femmes et autres. Ainsi, les féminismes se construisent pour les femmes et par les femmes. Par extension, est-ce que les chercheurs masculins peuvent critiquer ou faire avancer, de manière féministe, les positions épistémologiques, méthodologiques et éthiques des féminismes? Les recherches sur le féminisme requièrent-elles l'engagement genré des chercheurs? Quels impacts peuvent avoir l'identité d'une personne sur sa compréhension d'un objet de recherche ou sur la crédibilité que ses pairs lui accordent?

  • L'usage des principes fondamentaux de la démocratie libérale : d'un avantage donné à la raison séculière à l'engagement du chercheur quant à l'ontologie sociale
    Françoise Paradis Simpson (UdeM - Université de Montréal)

    En éthique et en philosophie politique, des auteurs contemporains parmi les plus influents (notamment Rawls et Habermas) ont été confrontés, devant la prégnance du religieux, à des enjeux d'adhésion, d'accessibilité, de reconnaissance et, conséquemment, de stabilité des sociétés démocratiques libérales et sécularisées. Ces auteurs évoquent alors les principes fondamentaux de ces sociétés, qui ne sont toutefois pas une réponse complète en eux-mêmes devant les pratiques sociales valorisées et représentent, de plus, un fardeau plus grand pour certains citoyens lorsque vient le moment d'endosser ces pratiques. L'objet de la communication sera d'envisager ces enjeux de la manière suivante : en rendant compte de l'usage que nous faisons de ces principes, sur des bases formelles de la pensée humaine (raison, jugement et valorisation), peut-on identifier une source qui ne se rapporte pas à une conception avantageant la raison séculière, mais au type de chose que sont ces sociétés. Une telle perspective n'est pas sans engagements axiologiques, mais ces engagements se rapportent alors à l'ontologie sociale d'une société qui se détermine et continue de se déterminer parmi des personnes humaines. Les principes fondamentaux sont alors appréhendés comme des constructions axiomatiques qui relèvent du type de chose que sont ces sociétés, indépendamment de la valeur qui leur est attribuée. Est-ce là une voie plus neutre d'appréhension des conceptions religieuses au sein de nos sociétés ?

  • Discussion
  • Dîner