Informations générales
Événement : 84e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Depuis quelques années, diverses initiatives visant à proposer des solutions de remplacement au système alimentaire industriel se développent au Québec. Elles sont souvent portées par des organismes issus du milieu associatif. L’accent est mis sur le rapprochement entre consommateurs et producteurs, l’aspect solidaire de la démarche grâce à une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre les acteurs, le soutien à l’économie locale, la qualité des produits ou encore les avantages environnementaux d’une agriculture de proximité. Parallèlement, de nouveaux champs d’investigation s’ouvrent relativement aux bénéfices d’une gouvernance alimentaire plus locale en termes de santé et de nutrition, d’éducation au goût, d’aménagement du territoire et de réduction des kilomètres des circuits alimentaires. Ces propositions différentes recueillent l’adhésion d’une partie des consommateurs soucieux d’avoir accès à des produits sains et de qualité, et dont les conditions de production sont socialement responsables. Devant les crises que connaissent ponctuellement les principales filières agricoles, une proportion croissante d’agriculteurs cherchent à accroître la valeur ajoutée de leurs produits en les distinguant par des signes de qualité et en faisant évoluer leurs modes de commercialisation. Ces initiatives novatrices suscitent enfin l’intérêt des pouvoirs publics et en particulier des collectivités territoriales, dans la mesure où celles-ci sont susceptibles de soutenir une agriculture locale multifonctionnelle tout en offrant des produits de proximité différenciés aux citoyens.
L’objectif de ce colloque est de faire le point sur les recherches en cours au Québec portant sur ces initiatives dans leur diversité : développement des circuits alimentaires de proximité, rôle vivrier de l’agriculture urbaine, labellisations territoriales, représentations québécoises de la notion de terroir, etc. Une place sera offerte à quelques intervenants étrangers dans une perspective comparative.
Dates :Programme
Ouverture du colloque
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Mot d'introductionManon Boulianne (Université Laval), Patrick Mundler (Université Laval)
Gouvernance alimentaire et territoires
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Création d'une structure de gouvernance alimentaire pour Montréal : apprentissages issus d'une perspective comparativeClaudia Atomei (UdeM - Université de Montréal), Valérie FORTIN (UdeM - Université de Montréal), Karim HAMMOUDA (UdeM - Université de Montréal), Jules LAURENT-ALLARD (UdeM - Université de Montréal)
Les processus d'urbanisation et d'industrialisation des villes ont progressivement entraîné l'affaiblissement du lien entre les régions urbaines et leurs environs ruraux. Malgré ses objectifs initiaux d'accessibilité et de sécurité alimentaire à l'échelle mondiale, le système alimentaire conventionnel a progressivement engendré une multitude d'effets néfastes que l'on mesure aujourd'hui concrètement. C'est en réponse à ce système et à ses impacts que se développent des initiatives de gouvernance alimentaire à l'échelle urbaine – qui apparaissent dans ce contexte comme une volonté de transformer les dynamiques entre les différents acteurs du système alimentaire afin de favoriser notamment la durabilité environnementale, la santé publique, la qualité de vie, l'équité sociale et le développement économique.
Suite à la mise en place par la Ville de Montréal d'un processus de consultation publique dans le but de définir la possibilité de créer un Conseil de politiques alimentaires pour la région métropolitaine, nous avons examiné les conditions et modalités selon lesquelles une telle structure devrait être créée. Nous avons utilisé une méthode comparative non exhaustive en étudiant cinq cas exposant des structures de gouvernance alimentaire en Amérique du Nord, en Europe et en Amérique du Sud. Ces exemples permettent de faire ressortir des caractéristiques structurelles et normatives favorisant la réussite ou nuisant à l'efficacité d'une structure de gouvernance alimentaire territoriale.
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Cadre conceptuel de la gouvernance alimentaire territoriale : approche comparative à partir de trois démarches en FranceCamille Billion (AgroParisTech)
La notion de gouvernance alimentaire territoriale tire son origine des dysfonctionnements du système alimentaire agro-industriel et s'inscrit dans un contexte de recherche de modèles alimentaires plus durables. Un premier cadre d'analyse de la gouvernance alimentaire territoriale, proposé par Wiskerke (2009), donne à voir la diversité des acteurs – parfois émergents – impliqués en matière d'alimentation : acteurs du marché, société civile et acteurs publics (État et gouvernements locaux), ainsi que l'évolution des relations entre ces acteurs.
Nous faisons l'hypothèse que du fait de leur position centrale au sein des systèmes alimentaires, et des savoir-faire spécifiques qu'ils possèdent en matière d'alimentation (identification et regroupement de l'offre locale, transport et logistique, commercialisation, etc.) les acteurs de la distribution sont particulièrement à même de favoriser l'accès des consommateurs à une alimentation de proximité sur les territoires. Cependant, de tels acteurs sont traditionnellement associés aux circuits alimentaires conventionnels (longs) et peu pris en compte dans les réflexions sur l'évolution des processus de gouvernance alimentaire.
Sur la base de l'analyse de trois démarches conduites par des villes françaises (Nantes, Lyon et Figeac), la communication examinera la place que les acteurs de la distribution peuvent occuper dans la gouvernance alimentaire et posera les premières bases d'un cadre conceptuel de la gouvernance alimentaire territoriale.
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Pause
Le terroir au Québec : définitions et appropriations
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Le terroir québécois : création d'une définitionNathalie Lachance (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Au Québec, nous assistons à une effervescence de création de produits alimentaires qualifiés de produits du terroir. Le Québec a une courte histoire en lien avec son terroir alimentaire (quelques dizaines d'années). Le Québec s'est doté d'une définition de produit du terroir reprenant les grandes lignes de ce que la France a fait pour son propre terroir. Recherche de sens, d'identité et de son propre territoire, le Québec a fait de cette définition une quête de son histoire et de son savoir-faire. Selon A. Desjardins (présidente du Groupe de travail sur les appellations réservées), un produit du terroir est un produit qui provient - ou dont les principales composantes proviennent - d'un territoire délimité et homogène et dont les caractéristiques qui le distinguent de façon significative des produits de même nature reposent sur la spécificité de ce territoire. Ses caractéristiques dépendent à la fois des particularités du milieu, comme la géologie, le climat, le relief, la culture, l'histoire ainsi que du savoir et du savoir-faire, traditionnels ou émergents, et de ses habitants.
Notre communication a pour objectif de présenter un portrait sociohistorique de la création du terroir au Québec. Ici, le patrimoine ne se compte pas en siècles mais en représentation emblématique et en tant que créateur de valeurs et d'imaginaire. Cette recherche de terroir dans le milieu agroalimentaire se construit en utilisant l'imaginaire du consommateur québécois.
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L'émergence du terroir comme catégorie de l'action publique au QuébecCharles AUDET (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières), Stephane Castonguay (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
La notion de terroir apparaît dans l'espace public au Québec dans les années 1990 dans un contexte de marginalisation économique des zones rurales, alors que le monde rural recherche de nouveaux modèles de développement. Voyant dans la notion de terroir un levier pour insuffler de nouvelles dynamiques, l'État québécois s'inspire alors du modèle européen pour adopter une loi sur les appellations réservées et faire la promotion des produits du terroir québécois. La mise en œuvre de cette politique se heurte toutefois à l'absence de consensus autour de la notion de terroir, les différents acteurs du monde rural font valoir diverses définitions et lui assignent des objectifs variés.
Notre communication éclaire le processus de négociation qui s'opère dans la mise en forme et en pratique de la notion de terroir au Québec. Nous cherchons à comprendre comment les acteurs : pouvoirs publics, associations de développement, producteurs spécialisés et consommateurs tentent de s'approprier cette notion et de la mettre en action. Il ressort que la notion de terroir se révèle nécessairement à travers un système de certification. L'appellation réservée fournit une reconnaissance officielle de l'authenticité du produit et de son ancrage territorial, ce qui contribue à sa renommée et à sa notoriété. Plus encore, elle protège cette réputation contre les possibles usurpations en assurant que le produit certifié réponde à des critères de qualité et d'authenticité reconnues par un organisme indépendant.
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Cuisine et gastronomie québécoises à travers les guides de voyage 1970-2010Michel Morisset (Université Laval)
Si la cuisine et l'alimentation ont été depuis longtemps l'objet de préoccupations et de fierté de la population québécoise d'origine francophone, en particulier, ces sujets ont pris une importance encore plus considérable au cours des dernières décennies avec l'intérêt porté aux expériences culinaires, maintenant promues et prisées. Le bien manger, les produits locaux, la fierté de la cuisine québécoise haussée au rang de gastronomie sont des thèmes de l'heure. Certains produits alimentaires ont même acquis une valeur identitaire, au risque d'une réécriture de l'histoire d'où ils sortent enracinés et magnifiés. Ainsi les fromages fins, le cidre de glace, la poutine et les viandes de gibier viennent rejoindre les produits de l'érable dans ce qui « est vraiment québécois », fondement de notre âme et notre estomac.
Cette contribution vise à comprendre la montée de la question culinaire dans la représentation et l'identité québécoises. Il prend comme objet d'analyse l'importance donnée et la représentation de l'alimentation du Québec dans un type de littérature propice à la démonstration de qui nous sommes, ou à l'observation par une tierce partie : le guide de voyage. Ce dernier met en effet en exergue ce qui distingue un pays visité ou proposé, qu'il s'agisse de ses paysages, de ses monuments, de son peuple, de sa culture ou de ses habitudes. L'analyse de plus de 100 guides nous permet de montrer comment ont évolué les notions de cuisine et de gastronomie québécoises.
Dîner
Innovations, action collective et dynamiques sociales
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La logistique des circuits courts alimentaires : analyse des dynamiques d'innovation en région Nord–Pas-de-CalaisCorinne BLANQUART (IFSTTAR-SPLOTT), Amélie GONÇALVES (Université de Toulouse / INRA UMR AGIR), Gwenaëlle RATON (IFSTTAR-SPLOTT), Ludovic Vaillant (Cerema)
Les circuits courts alimentaires (CCA) s'invitent de plus en plus dans nos assiettes et dans les politiques publiques, pourtant leurs enjeux logistiques restent souvent l'angle mort des stratégies des producteurs comme des acteurs publics. Les travaux engagés sur la performance des CCA montrent tout l'intérêt d'une optimisation logistique, passant par l'introduction de solutions innovantes à l'échelle individuelle (organisations de tournées, recours à la prestation de transport, calcul des coûts logistiques) mais également par de nouvelles pratiques logistiques collaboratives (mutualisation du transport, point de vente collectif, plateforme …).
Cette communication montre que des pratiques logistiques collaboratives peuvent venir renforcer la dimension sociale déjà présente au sein des CCA. Elle s'appuie sur des enquêtes menées dans la région Nord – Pas-de-Calais auprès de 79 producteurs et de plusieurs grossistes, opérateurs de transport et commerçants de la grande distribution. Notre recherche montre la faible propension des producteurs à collaborer et la faible prise de recul sur les pratiques et les coûts logistiques. La propension à adopter des formes de logistique collaborative est souvent liée au contexte territorial et au réseau relationnel. En résumé, notre communication met en évidence les freins et moteurs de l'engagement dans l'innovation logistique dans les circuits courts et montre que le champ d'innovations en matière d'organisation logistique dans les CCA reste ouvert.
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Action collective en circuits de proximité : motivations, attitudes et viabilitéSophie Laughrea (Université Laval), Patrick MUNDLER (Université Laval), Annie ROYER (Université Laval)
Si les circuits alimentaires de proximité (CAP) ont connu un développement croissant ces dernières années, la pérennité de ces initiatives reste en question. Bien qu'ils puissent être valorisants et rémunérateurs pour les producteurs, les CAP amènent aussi leur lot de défis. Ils exigent une double diversification : agricole (diversification des productions), et structurelle, (transformation et de commercialisation des produits). Le producteur en CAP internalise donc différents métiers ce qui complexifie l'organisation de son travail et exige le développement de compétences et des connaissances particulières.
En réponse à ces défis, la mise en place de démarches collectives est souvent évoquée. En favorisant la mutualisation de ressources, l'action collective est serait un levier pour l'exploitation en facilitant la commercialisation en CAP et en permettant l'accès à des opportunités dont elle ne pourrait bénéficier seule. Fréquentes en France (points de vente collectifs, ateliers de transformation collectifs, ...), ces démarches restent rares au Québec et restent innovantes, au sens où elles développent de nouveaux modèles de collaboration.
Considérant que les pouvoirs publics incitent de plus en plus les producteurs à s'organiser collectivement, notre communication va chercher à explorer ce qui motive les producteurs en circuits de proximité à se regrouper, les attitudes adoptées envers leur collectif et l'impact de leurs motivations et attitudes sur la viabilité de leurs collectifs.
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Les fabriques sociales du consomm'acteur : analyse croisée de parcours d'adhérents dans les circuits courts alternatifs à LyonGabriel Montrieux (Université Lyon 2)
En raison de leur rapide diffusion et institutionnalisation depuis le début des années 2000, les circuits-courts alimentaires alternatifs sont l'objet d'appropriations, d'investissements et de projections multiples. Alors que le mouvement des AMAP, figure centrale des circuits-courts en France, tend à établir un ensemble de normes formelles de fonctionnement, les logiques de participation des consommateurs ou de traduction militante restent très variables et le recrutement des consommateurs s'est diversifié et ouvert à un espace social plus hétérogène.
Cette communication propose, en présentant une analyse détaillée du parcours de 5 enquêtés centraux à partir d'un chapitre d'une thèse en cours de rédaction portant sur les dynamiques sociales de diffusion des circuits-courts alimentaires dans l'agglomération de la ville de Lyon, de répondre à la question suivante : de quelle manière l'insertion dans les différentes composantes des structures sociales, militantes et associatives locales conditionne ou oriente le regard posé sur les circuits-courts alimentaires ? C'est en somme la fabrique sociale plurielle du consom'acteur qu'il s'agit ici d'interroger, en replaçant d'une part les pratiques et les parcours d'engagement dans le contexte national d'institutionnalisation des circuits-courts alimentaires, et d'autre part dans le contexte des réseaux qui structurent l'espace social local.
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Au pays des géants : les réseaux alimentaires alternatifs en Australie occidentaleManon BOULIANNE (Université Laval), Claudia Laviolette (Université Laval)
En Australie comme ailleurs, des initiatives pouvant être qualifiées de réseaux alimentaires alternatifs (RSA) ont émergé au cours des dernières années : marchés publics, marques régionales, agriculture soutenue par la communauté, coopératives de commercialisation d'aliments biologiques, ... Parler d'alternative soulève d'emblée les questions suivantes : en quoi les réseaux en question diffèrent-ils de la norme ? Dans quel contexte émergent-ils et comment les influence-t-il ?
Les politiques rurales et agricoles australiennes, s'inscrivent dans un agenda néolibéral et le gouvernement australien s'applique à faire la promotion d'un modèle d'agriculture tourné vers l'exportation caractérisé par la spécialisation, l'intensification et la concentration. Dans le secteur de la distribution, trois chaînes contrôlent 70% des ventes en épicerie et près de 60% des parts du marché des aliments frais.
C'est dans ce contexte qu'ont émergé des initiatives de RSA. Pour mieux saisir les particularités du cas australien, nous présenterons celles de la région de Perth, capitale de l'Australie occidentale. Centrée sur la production céréalière et l'élevage, l'activité agricole y est fortement concentrée. Un certain nombre de cas, abordés à partir de l'ethnographie, permettront d'identifier les logiques d'action qu'on y retrouve, de même que les contraintes que posent l'environnement politique ainsi que les cultures économiques et alimentaires locales et nationales sur leur capacité d'innovation.
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Pause
Conférence
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Composer des territoires alimentaires : quelles régulations économiques d'une problématique politique?Jean-Baptiste Traversac (INRA - Institut national de la recherche agronomique)
Au cœur de la construction politique des États et de l'Union Européenne, la question alimentaire croise de façon croissante celle de l'organisation territoriale. Cette rencontre de deux thématiques différentes se déroule en élargissant la portée des enjeux dont l'alimentation porte traditionnellement l'apanage. On assiste à un glissement progressif des attendus sociaux de sécuritaire alimentaire vers un tryptique qualité, transition agroécologique, aménagements urbain et rural.
Notre communication abordera d'abord la chronologie des changements d'inflexion de la question alimentaire. Nous reviendrons ensuite sur les indices, de plus en plus prégnants, de la convergence entre des questions liées à la gouvernance territoriale des espaces ruraux et urbains, directement liées à la valorisation des aménités de l'agriculture, et des questions d'organisation des systèmes alimentaires dans leur diversité. Les dispositifs économiques en émergence conduisent à un renouvellement différencié des modèles de production et de distribution alimentaires et à reconsidérer les logiques d'action, le redécoupage des fonctions et le rapport au territoire de ces systèmes alimentaires. Nous les illustrerons à partir des résultats de projets en cours dans deux territoires du bassin parisien et de la région Rhône-Alpes, avant de terminer par un examen des perspectives de renouvellement de la gouvernance alimentaire dans ces territoires, au niveau national et au niveau européen.
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Discussion
Cocktail
Les produits de qualité spécifique au Québec : émergence et enjeux de reconnaissance
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À notre terroir! Le cas du cidre de glace dans la formation du système alimentaire québécoisAnais Detolle (Université Concordia)
En Europe, le terme « produit du terroir » désigne une production alimentaire issue d'un espace géographique restreint qui combine trois facteurs : (1) les caractéristiques pédoclimatiques (sol et climat) du lieu de production, (2) les savoir-faire humains qui ont forgé sa spécificité et (3) l'ancrage historique du produit.
Au Québec, ce triptyque est difficilement transférable. Les personnes impliquées cherchent à s'approprier la sémantique du terme, alors qu'ici, entre autre, l'innovation et la créativité éclipsent la nécessité d'un ancrage historique.
Le cas du cidre de glace, fier représentant gastronomique québécois, illustre cette problématique. Issu non pas du hasard mais de l'inventivité, le cidre de glace n'a « que » 20 ans. Il a néanmoins obtenu une indication géographique protégée qui officialise son lien au terroir. Face à l'absence d'historicité pour ce produit, notre communication répondra à la question : Qu'est-ce qui fait du cidre de glace un produit du terroir québécois ?
En analysant le vécu des différentes personnes et institutions qui gravitent autour du cidre de glace, nos résultats montrent que la définition académique du terroir est incomplète et parcellaire et occulte les compétences sociopolitiques (le savoir-être) des acteurs. Car si le cidre de glace, malgré son invention, est effectivement un produit du terroir, il est surtout un produit politique qui a contribué à changer le système alimentaire québécois dans son ensemble.
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Des vendredis maigres aux produits fins : les « migrations » de l'anguille et de l'esturgeon noir du fleuve Saint-LaurentSabrina Doyon (Université Laval)
L'anguille et l'esturgeon noir sont des espèces importantes du patrimoine alimentaire du Québec. Elles ont pourtant été délaissées pendant quelques décennies. Poissons mal aimés, ils ont été associés aux prescriptions catholiques des jeûnes du vendredi ainsi qu'aux difficultés économiques liées notamment à la guerre. Après la guerre, ces poissons ont petit à petit été vendus en Europe et en Asie, où se trouvait un marché important. Cependant, depuis quelques décennies, leur exportation n'est plus possible. C'est dans ce contexte que les pêcheurs d'anguilles et d'esturgeons tentent de construire un nouveau marché québécois pour cette production locale. Le déploiement de ce marché s'inscrit dans les actions qui valorisent le patrimoine naturel et culturel de la pêche à l'anguille et à l'esturgeon ainsi que l'importance des réseaux d'approvisionnement locaux. Ces poissons, transformés par les pêcheurs eux-mêmes, ont acquis une forte valeur ajoutée et représentent désormais un produit fin et de niche. Plus encore, l'Association des pêcheurs d'anguilles et d'esturgeons noirs du St-Laurent a entamé des démarches pour faire reconnaître ces espèces en tant qu' Indications géographiques protégées (IGP). Notre présentation retrace l'évolution de la production et de la mise en marché de l'anguille et de l'esturgeon noir et questionne à la fois les enjeux de différentiation socio-économique qu'elles supposent et le processus de patrimonialisation au cœur de la « redécouverte » de ces poissons.
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La distinction des entrepreneurs fromagers québécois et de leurs fromages ou pourquoi les conceptions et signes de reconnaissance de la qualité ne passent pas par la certification publiqueStéphanie Dubé (UQAR - Université du Québec à Rimouski), Marie-José FORTIN (UQAR - Université du Québec à Rimouski), Mario HANDFIELD (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
Les produits de terroir, artisanaux, biologiques, ou encore régionaux, suscitent, depuis le début des années 1990, un intérêt grandissant de la part des consommateurs au Québec. Ces produits, qui se distinguent par leur « qualité », se trouvent au cœur des stratégies des entreprises qui les fabriquent et représentent pour le gouvernement du Québec un levier intéressant afin de dynamiser les milieux ruraux. D'ailleurs, le Québec est le premier territoire en Amérique du Nord à s'être doté d'une loi qui encadre la certification publique de la qualité. Or, 20 ans après la mise en place de cette loi, l'heure est au constat : très peu de produits québécois se distinguent sur le marché par un « label » public. Pourtant, les produits de spécialité n'ont jamais été aussi populaires. Quels sont donc les moyens utilisés par les entreprises pour faire reconnaître la qualité de leurs produits auprès des consommateurs ? Notre communication a pour but d'apporter un éclairage nouveau à la notion de la qualité des produits agroalimentaires en présentant les résultats d'une recherche menée auprès de fromagers québécois. La qualité est une notion subjective qui varie en fonction du temps, du lieu et des acteurs. Les résultats de notre recherche permettent de faire le point sur les perceptions des fromagers à l'égard de la qualité de leurs produits et de réfléchir aux perspectives qu'offrent les différentes stratégies de reconnaissance de qualité privées ou publiques dans le contexte québécois.
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Pause
Acteurs des systèmes alimentaires alternatifs : perspectives urbaines
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La transformation alimentaire alternative : un atout pour la sécurité alimentaire?Béatrice Lefebvre (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Les recherches sur les systèmes alimentaires alternatifs (SAA) ont particulièrement porté sur la distribution alternative et, en milieu urbain, sur l'agriculture urbaine. En revanche, doit-on considérer d'autres dimensions pour analyser ces SAA selon leur contribution potentielle à la sécurité alimentaire ? Dans cette communication, nous nous intéressons au rôle que peuvent jouer certaines activités de transformation.
Dans le système agro-industriel, la transformation alimentaire occupe une place importante et les repas pré-cuisinés ainsi que la restauration intègrent de plus en plus le menu des citoyens. Au niveau de la nourriture transformée, une étude récente montre que la proportion des calories provenant des aliments transformés et ultra-transformés était de 61,7% en 2001 et le % du budget alimentaire consacré à cette catégorie était de 54,4% en 2011. Malgré ses limites, cette étude vient rappeler que les Canadiens achètent de moins en moins de produits frais tels que les fruits et légumes, ce qui entraîne des impacts négatifs sur la santé. Nous allons réfléchir dans cette communication au rôle que pourraient jouer les cuisines collectives et les popotes roulantes sur certaines facettes de la sécurité alimentaire et tester l'hypothèse que ces activités de «transformation alternative» améliorent l'accès économique et géographique à des aliments sains tout en remplissant d'autres objectifs tels que l'éducation à une saine alimentaire et le développement de compétences culinaires.
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Petits commerces de bouche et réseaux alimentaires alternatifs : un regard montréalaisAlexandre Maltais (INRS - Institut national de la recherche scientifique)
Les travaux sur les réseaux alimentaires alternatifs ont généralement mis l'accent sur la vente directe et les circuits courts de distribution, laissant souvent en plan des formes de vente sans doute moins nouvelles mais tout aussi importantes dans le développement de filières agroalimentaires non industrielles : les petits commerces de bouche. Après des décennies de déclin, ces derniers se sont multipliés ces dernières années, d'abord dans les grands centres, puis dans plusieurs régions du Québec.
Incapables de concurrencer la grande distribution sur les prix, les boulangeries, épiceries, fromageries et autres boucheries « fines », « artisanales » ou « spécialisées » cherchent à se constituer une niche distinctive. Ce travail de distinction implique notamment la constitution d'un assortiment original de produits locaux, artisanaux, authentiques, traditionnels, responsables, etc.
Sur la base d'une enquête de terrain auprès de 29 propriétaires de commerces de bouche et de restaurants de deux quartiers centraux montréalais, je discuterai du rôle structurant que sont appelés à jouer les commerçants dans la mise en place et la pérennité des réseaux de production alimentaires alternatifs. Sur la base de deux événements marquants, je montrerai comment la visibilité de certains commerçants leur permet d'agir pour devenir imprésarios, non seulement de leur marchandise, mais aussi de toute une filière productrice dont ils constituent le maillon le plus visible et souvent le mieux « réseauté ».
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Réseaux alimentaires alternatifs à Montréal : évolution et perspectivesDavid MARSHALL (directeur générale de Revitalisation St Pierre), Hugo Martorell (Université Concordia), Marie-Ève VOGHEL-ROBERT (chargée de projet, Revitalisation St Pierre)
La région montréalaise est au cœur d'une diversité de réseaux alimentaires alternatifs (RAA) au Québec. Outre la longue histoire des coopératives de consommation parmi les classes ouvrières dans la première moitié du 20e siècle, les RAA ont surtout émergé dans les années 1980. Alors que la fédération des magasins coopératifs faisait faillite, le réseau de dépannage alimentaire a été le premier à se consolider, devenant le pôle principal de distribution d'aide alimentaire au Québec. Depuis, une vague d'initiatives ont émergé, se dotant d'une identité propre davantage axée sur l'autonomie alimentaire, visant à favoriser un accès à une alimentation saine et de proximité, offrant une redécouverte progressive du patrimoine agricole urbain et périurbain. En parallèle, citoyens et organismes explorent de nouvelles pratiques d'éducation, de verdissement et de production agricole en milieu urbain. Ces acteurs sont aussi animés par la volonté de réconcilier l'approvisionnement écoresponsable en circuits courts avec la lutte contre l'insécurité alimentaire.
Notre communication vise, en premier lieu, à dresser de manière succincte le contexte socio-historique d'émergence des innovations en cours. Dans un second temps, nous partagerons les résultats d'un portrait élaboré au cours d'un plan d'action régional, permettant à la fois d'identifier les apprentissages de ces expériences, les pistes d'actions possibles pour une démarche de mutualisation, et leurs conditions de succès respectives.
Dîner
Les systèmes alimentaires territorialisés en actes
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Un portrait du système agroalimentaire alternatif montréalaisRené AUDET (UQAM - Université du Québec à Montréal), Éliane Brisebois (UQAM - Université du Québec à Montréal), Sylvain A. Lefèvre (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Devant la multiplicité et la complexité des enjeux de l'agroalimentaire dans une ville comme Montréal, développer les connaissances sur les réseaux alimentaires dans ce milieu urbain est nécessaire. Sur la base de diverses recherches conduites depuis 2012, notre contribution dressera un portrait du système agroalimentaire alternatif montréalais. Montréal s'inscrit en effet dans un mouvement qui touche un nombre grandissant de territoires urbanisés où se tissent des réseaux agroalimentaires alternatifs, portés par des initiatives qui veulent rendre le système alimentaire plus durable. Les transformations vers la durabilité touchent toutes les étapes de la chaîne et non seulement la production agricole, ces initiatives remplissent pour la plupart des rôles et fonctions multiples.
À Montréal, plus de 300 démarches innovatrices ont été repérées. Elles sont portées par des acteurs du milieu communautaire, du milieu de l'entreprenariat social, d'institutions ou de citoyens engagés. Elles visent à réduire l'impact environnemental de l'agroalimentaire et à en faire un vecteur de justice sociale. Outre l'agriculture urbaine, ces initiatives comprennent, l'agriculture soutenue par la communauté (ASC), les marchés de quartier, des groupes d'échanges de surplus de récoltes, des programmes à caractère éducatif, etc. À l'aide d'une typologie servant à classer les initiatives dans des catégories de « type » et de « fonction, nous présenterons les rôles joués par ces initiatives dans le système.
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Les systèmes alimentaires territorialisés et les projets « 100 initiatives d'alimentation responsable et durable » en France, au Québec et au Costa RicaMarlen LEON (Instituto de Investigaciones Jurídicas, Faculté de droit, Université du Costa Rica), Geneviève Parent (Université Laval), Henri ROUILLÉ D’ORFEUIL (Association Resolis), Jean-Louis Rastoin (Chaire UNESCO en Alimentations du monde, Montpellier SupAgro, UMR 1110 Moisa)
Malgré le développement hégémonique d'un système agroindustriel spécialisé, concentré, globalisé, structuré par de très grandes firmes industrielles et commerciales, les systèmes alimentaires présents dans le monde restent nombreux et hétérogènes. Ce modèle, s'il a contribué à la réduction du coût des aliments, à leur accessibilité et à l'amélioration de leur qualité bactériologique, génère diverses externalités négatives qui incitent à innover pour construire un nouveau type de système alimentaire plus durable, fondé sur la diversité, la proximité et la solidarité.
C'est dans cette optique que le concept émergent de « système alimentaire territorialisé » (SAT) mérite d'être approfondi. Un SAT est défini comme un « ensemble de filières agroalimentaires inter-actives répondant aux critères du développement durable, localisées dans un espace géographique de dimension régionale et coordonnées par une gouvernance territoriale ». Sur la base de ce concept, l'association RESOLIS en France a lancé un programme « Alimentation responsable et durable », qui consiste à repérer et analyser 100 initiatives d'alimentation responsable et durable (IARD) sur un territoire donné. Cette communication livrera les résultats de ces enquêtes en mettant l'accent sur la typologie des acteurs des IARD répertoriées, sur la nature des externalités positives de ces dernières et sur les principaux défis stratégiques et juridiques que les SAT - considérés comme des espaces de déploiement des IARD - sous-tendent.
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Pause