Aller au contenu principal
Il y a présentement des items dans votre panier d'achat.

Informations générales

Événement : 84e Congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines

Description :

Ce colloque portera sur la représentation des identités et rapports de genre (gender) au prisme de différents types de productions télévisuelles francophones. Le genre, en tant que « rapport social » (Macé, 2015), renvoie à la construction des identités sexuées, notamment à la distinction socioculturelle centrale construite entre les hommes et les femmes, et entre le féminin et le masculin.

La question du genre revêt actuellement une importance majeure, non seulement dans l’organisation des sociétés contemporaines (Kimmel, 2000), mais aussi dans les productions médiatiques. Les différences « perçues » entre hommes et femmes, les normes de genre, le couple et ses variantes, l’orientation sexuelle en tant qu’élément identitaire central et les revendications des communautés LGBT font partie de thématiques fréquemment abordées dans les productions télévisuelles contemporaines. De nombreuses recherches anglophones portant sur les gender studies et la télévision ont d’ailleurs été publiées durant la dernière décennie en réponse à cette importance du genre en tant que thématique et classification sociale. Or, alors que ces recherches sont prolifiques dans le milieu anglo-saxon, celles-ci accusent un retard important dans le milieu francophone, notamment à cause de traditions de recherches différentes, mais aussi du caractère polysémique — et encore parfois polémique — du concept de genre au sein de la francophonie (Burch et Sellier, 2009). Ce colloque se veut ainsi l’occasion de développer les gender studies portant sur les télévisions de la francophonie en réfléchissant à la manière dont les normes représentationnelles du genre se construisent et se négocient dans différents types de productions.

Le colloque s’intéressera à la représentation des hommes, des femmes et des autres identités de genre dans diverses productions télévisuelles, le tout en réfléchissant à la fluidité et à la multiplicité des modèles médiatisés. Par ailleurs, bien que la fiction télévisuelle connaisse actuellement une grande popularité (Glevarec, 2012), le colloque se veut ouvert à une réflexion plus multidimensionnelle sur ce médium; le fait de s’intéresser conjointement à plusieurs genres télévisuels (types d’émissions) sera l’occasion de réfléchir aussi à l’effet potentiel des formats, et de leurs contraintes narratives et de production sur les modèles de genre construits.

En somme, au-delà des visions parfois monolithiques médiatisées à propos du genre, mais aussi de la télévision elle-même, cet événement souhaite mettre en lumière la diversité relative des représentations hégémoniques et contre-hégémoniques des identités et « rapports sociaux de sexe » que véhiculent les télévisions francophones par leurs différentes formes génériques et narratives.

Dates :
Responsables :

Programme

Communications orales

Ouverture du colloque et conférence plénière

  • Mot de bienvenue
    Pierre Barrette (UQAM - Université du Québec à Montréal), Stéfany Boisvert
  • Pourquoi les séries télévisées françaises sont-elles plus conformistes que les séries américaines? Représentations des héroïnes, innovations industrielles et vagues féministes depuis 1970
    Eric Maigret (Université Sorbonne-Nouvelle (Paris 3))

    Au-delà de la perception d'une supériorité des séries télévisées américaines, proche d'une doxa générationnelle pour les moins de vingt-cinq ans, et du sentiment de crise vécue par les producteurs et scénaristes français (notamment lors du creux des audiences des années 2007-2008), il est possible de défendre l'idée que la fiction française traverse ou a traversé une période de faible créativité à partir des années 1990. L'étude des rapports de genre(s) peut servir à illustrer cette thèse à condition de reposer sur une comparaison systématique entre séries américaines et françaises, à trois niveaux : 1) les représentations des héroïnes (si l'on choisit de se centrer sur ces dernières), 2) les cycles de production industrielle, 3) les interrelations avec les vagues de féminisme ayant bouleversé ou non l'épidémiologie des idées en dehors et au sein des industries. La préférence pour le non-choix ou le non-risque industriel, passant par une faible appétence pour des représentations contre-hégémoniques, ressort alors sans reposer sur une vague normativité du chercheur, même si ce conformisme ne semble en rien définitif.

  • Pause

Communications orales

Féminités contemporaines

  • Les hésitantes justifications du succès féminin : l'articulation de l'autorité professionnelle et parentale de Candice Renoir
    Barbara Dupont (IHECS- Institut des Hautes Etudes en Communication Sociale)

    L'argument selon lequel les femmes seraient détentrices de compétences particulières, telles l'empathie ou l'attention au bien-être d'autrui, s'accompagne généralement de l'affirmation d'une propension inhérente, voire naturelle, au rôle de mère et/ou d'épouse (Heine 2015). À l'inverse, les qualités largement valorisées dans le monde professionnel (l'ambition, l'autorité, l'agency) semblent, dans l'imaginaire collectif, davantage associées au masculin (Jullier et Laborde 2012). Dans cette perspective, cette communication s'intéressera à la série française Candice Renoir (France2, 2013–) dont le personnage éponyme, mère de quatre enfants et femme au foyer depuis dix ans, reprend son poste de Commandant de police. La série semble osciller entre, d'une part, une position relativement constructive (bien que maladroite), en tentant de déconstruire le trope de la mère-épouse-femme active jonglant avec les différents impératifs qui s'imposent à elle, et d'autre part, un discours pour le moins essentialiste qui prête au personnage des compétences d'attention et de care lui permettant de résoudre ses affaires avec une efficacité redoutable. Il s'agira donc d'identifier, au sein de la caractérisation des personnages et de leurs parcours narratifs, les pistes de réflexion proposées par la série afin d'évaluer dans quelle mesure elle permet ou non de déstabiliser certains stéréotypes encore largement présents dans la culture sérielle populaire francophone.

  • « Working Girls » : la figure de la femme de carrière dans Mensonges et Au secours de Béatrice
    Anne Martine Parent (UQAC - Université du Québec à Chicoutimi)

    Les séries québécoises Mensonges et Au secours de Béatrice ont toutes deux comme personnage principal une femme (Julie Beauchemin dans Mensonges et Béatrice Clément dans Au secours de Béatrice) qui a bien réussi professionnellement et dont la carrière occupe une place importante dans sa vie. Une grande partie de la série, dans les deux cas, se déroule dans leur milieu de travail où elles apparaissent compétentes et sûres d'elles. Leur compétence est reconnue par leurs pairs (hommes et femmes) et les a menées à des postes d'autorité et de pouvoir (chef d'équipe pour Julie Beauchemin et co-directrice de l'urgence pour Béatrice Clément). Toutefois, cette figure de la femme de carrière, telle qu'elle s'actualise dans les deux séries (et qu'on peut retrouver dans d'autres séries, comme les séries américaines Scandal et How to Get Away with Murder), est paradoxale : si ces femmes sont, sur le plan professionnel, compétentes, accomplies, sûres d'elles et occupant des postes de pouvoir, elles sont, sur le plan personnel, fragiles, vulnérables et soumises à une figure masculine dominante et autoritaire (le père dans les deux cas). Avec l'aide, notamment, des théories de Judith Butler et de Teresa de Lauretis, je m'intéresserai à ce paradoxe et examinerai comment s'articulent les "performances de genre" des deux personnages et les dynamiques de rapports de genre dans les domaines professionnel et privé.

  • La figure hégémonique de « bonne mère » dans les séries télévisées françaises et la conflictuelle articulation de ses identités
    Sarah Lécossais (Université Sorbonne-Nouvelle (Paris 3))

    Nous proposons d'interroger les représentations de la maternité dans un corpus de séries familiales françaises (1992-2012) en analysant les personnages depuis l'angle de leurs identités et rôles sociaux. Ces séries peinent à dépeindre des héroïnes parvenant à être à la fois "bonnes" mères, travailleuses, femmes sexuellement épanouies et épouses aimantes. Ainsi, l'articulation entre maternité, travail et sexualité demeure un "triangle impossible" (Kaplan 1990). Par ailleurs, la figure maternelle hégémonique qui émerge de ce corpus est caractérisée par un certain nombre d'impératifs plaçant le rôle de mère au cœur des identités féminines : l'identité maternelle vient phagocyter les autres dimensions identitaires des femmes qui sont mères. L'absence de ce phénomène dans la construction des personnages de pères laisse entendre que la parentalité est également affaire de genre. En ce sens, les mères ne sont pas des parents comme les autres et leur genre vient imprimer sur leur parentalité une marque spécifique. La maternité, comme le genre, colle à la peau des femmes comme une robe de soie mouillée, pour reprendre une expression bien connue (de Lauretis 2007). Nous discuterons alors des effets du genre sur la parentalité et d'une conception de la maternité comme "performance" (au double sens de performance de genre (Butler 2006) et d'accomplissement de soi).

  • Période de questions

Assemblée générale

Dîner


Communications orales

Masculinités télévisées

  • La représentation de la masculinité dans la série Ainsi soient-ils (Arte, 2012-2015) : reflet de la tension entre conservatisme et progressisme?
    Mathieu De Wasseige (IHECS- Institut des Hautes Etudes en Communication Sociale)

    Ainsi soient-ils est une série française dont le héros choral est exclusivement composé d'hommes, ce qui semble exiger une représentation de la masculinité au moins un peu nuancée. Il s'agit dans cette communication d'analyser la représentation de la masculinité dans l'ensemble de la série (2012-2015). Ce héros collectif masculin est assez rare dans le paysage audiovisuel français et dans les séries télévisées en général pour être scruté afin d'observer dans quelle mesure il s'agit d'une volonté de réflexion sur le genre ou si cette représentation est la simple conséquence d'un développement narratif d'un groupe de candidats à la prêtrise au séminaire des Capucins. Les questions d'engagement et de pouvoir qui sont très présentes et les réponses plurielles qui y sont apportées offrent des portes d'entrées intéressantes pour l'analyse de la représentation de la masculinité dans Ainsi soient-ils. Enfin, dans le contexte éminemment patriarcal et a priori conservateur de l'Eglise catholique française, il semble que la série n'articule pas volontairement la tension entre masculinité hégémonique (Connell 2002; Messerschmidt 2010) et alternative mais offre des réponses personnelles à des développements narratifs donnés dans une tension plus globale entre conservatisme et progressisme. Cela renvoie à l'importance de penser la masculinité de façon plurielle et nuancée (afin de l'intégrer dans la question du genre), en particulier dans le paysage de la culture télévisuelle française.

  • Les hommes des Pays d'en haut et les tensions narratives du genre dans les séries télévisées québécoises
    Stéfany Boisvert (Université McGill)

    Depuis 2005, plusieurs séries québécoises tentent de (re)définir l'homme et ses modalités expressives et, par le fait même, de déconstruire certains stéréotypes de genre. En m'appuyant sur deux productions récentes du diffuseur public (19-2 (2011-2015), Les pays d'en haut (2016-)), je tenterai de présenter certaines caractéristiques phares des nouvelles séries, tout en mobilisant le concept de paradoxe ou de contradiction du genre. En effet, si les masculinités télévisées se transforment, elles ne sont pas exemptes de paradoxes, à l'instar, avancerai-je, de tout discours sur le genre. Je tenterai de démontrer que les notions de paradoxe (Lorber 1994; Katz 2006) ou de contradiction sont pertinentes afin d'analyser les représentations télévisuelles genrées, y compris d'un seul personnage (Baker 2015). En tentant de proposer des résultats univoques, les gender studies concluent souvent soit au conservatisme des représentations ou, au contraire, à leur progressisme et, par le fait même, à leur remise en question évidente de l'hégémonie (Feasey 2008). Or, la construction narrative des personnages masculins québécois et des récits révèle une volonté plus complexe de déconstruire certaines normes de genre tout en en revalorisant d'autres, notamment celle du binarisme, révélant ainsi la dimension performative plutôt que simplement "constative" (Butler 2006; Dorlin 2008) du genre et, dès lors, certaines tensions narratives centrales des séries contemporaines.

  • Masculinités et féminités dans la télévision francophone : comment les antihéros redéfinissent les genres
    Mélissa Thériault (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    Au même titre que le roman et le cinéma, les séries télé présentent des archétypes dans lesquels on peut reconnaître nos craintes, espoirs et idéaux. Ces fictions peuvent ainsi être vues comme de véritables laboratoires qui offrent bien plus qu'un divertissement et constituent plutôt un outil de réflexion qui contribue au développement de notre pensée éthique ou politique (Talon-Hugon, 2011). Série Noire, diffusée en 2014 et 2016 sur la chaîne Ici-Radio-Canada, est particulièrement intéressante à ce sujet car l'intrigue fait une large place à la réflexion sur le lien entre l'écriture et la construction de l'identité genrée. Tentant en vain de reprendre leur vie en main et de faire des hommes d'eux-mêmes dans une réalité qui leur échappe, c'est dans la fiction que les protagonistes (Denis et Patrick) trouveront les éléments qui leur permettront de tenter de redéfinir, pour le meilleur et pour le pire, leur masculinité et leurs rapports aux femmes. Le recours à l'écriture leur permet de questionner, de se situer par rapport aux stéréotypes de genres dans lesquels ils ne cadrent pas et de se poser en tant que sujets agissants. Ainsi, Série noire doit être vue comme une réflexion sur l'écriture, y compris l'écriture de soi qui n'est jamais exempte d'une portée politique (Strasser 2012). Cette présentation vise à poursuivre une réflexion sur les usages de la fiction comme outil de réflexion éthique (Thériault 2014; Nussbaum 1995), sur les normes de genre et sur les rapports hommes/femmes.

  • Période de questions
  • Pause

Panel / Atelier

Rencontre d'information et de création du réseau international de chercheurs-chercheuses en études télévisuelles et de genre (ouvert à toutes et tous)


Cocktail

5 à 7 festif

Communications orales

Les nouveaux formats de fiction au prisme du genre

  • Voir dire un genre : quand Solange te parle
    Jean Chateauvert (UQAC - Université du Québec à Chicoutimi)

    Solange te parle (Ina Mihalache, 2011-) est une série web écrite et réalisée par une Québécoise d'origine, qui a adopté la France comme territoire de création. Suivie par une audience féminine francophone, mais aussi sur les réseaux sociaux et depuis quelques mois à travers les magazines féminins, la série web s'est distinguée par la qualité de ses textes et de sa réalisation (Deglise 2012; Hanne 2012; Tesquet 2012). Questionnant le quotidien d'une jeune femme célibataire, l'image sociale qui pèse sur les femmes, les rapports avec les hommes, Solange propose ses conseils très humains avec l'humour si particulier de cette série web (Boisseau, 2014). Solange nous fait découvrir une finalité particulière au vidéoblog : d'une prise de parole assumée et dirigée, nous passons à un moment d'intimité où la parole devient confidence d'une femme pour des femmes (Frobenius 2014; Châteauvert 2013). Solange te parle ajoute à l'expérience de visionnement d'un vidéoblog une dimension hypertextuelle comme une invitation à découvrir l'hypotexte d'un essai, d'une confession ou d'un journal intime de son auteure. Les échanges sur les réseaux sociaux révèlent le métatexte d'un autre récit dans lequel des internautes se reconnaissent comme les vis-à-vis de la créatrice de la série. Et la capacité d'établir ce métatexte d'un échange en miroir serait un facteur déterminant dans l'expérience spectatorielle de cette série web et de son audience genrée.

  • Le regard à la caméra : un outil pour déconstruire le mythe du parent parfait
    Audrey Bélanger (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Le Web permet aux créateurs de diffuser leurs œuvres et grâces à elles, de participer aux discours sur la parentalité. La websérie québécoise Les Chroniques d'une mère indigne (Bouchard, 2009-2010) participe activement à déconstruire les mythes entourant le statut de parents. Les créatrices montrent une mère indigne puisque cette dernière critique les stéréotypes liés à l'image des parents parfaits. Dans cette communication, nous nous intéressons à l'utilisation de l'adresse à la caméra. Cette technique, peu utilisée dans les œuvres de fiction narrative classique, brise l'univers diégétique et elle permet d'inclure le spectateur et de le rendre complice de l'action. Le Web est un dispositif au sens développé par Foucault (Raffnsoe, 1990) et celui-ci amplifie la force de l'adresse à la caméra et donne donc plus d'importance au discours en place, celui qui cherche à légitimer des pratiques parentales différentes, voire imparfaites. Il ne s'agit pas du même regard-caméra qu'à la télévision: le personnage est conscient et utilise la caméra et le dispositif Web afin de s'adresser directement à l'internaute (Châteauvert, 2012). En somme, nous cherchons à démontrer que le dispositif Web donne plus de pouvoir au regard à la caméra. Ce regard à la caméra si particulier au Web permet aux créateurs d'une websérie de tenir un discours qui déconstruit certains stéréotypes entourant la parentalité, particulièrement le rôle de la mère.

  • Switch & Bitch : un nouveau genre au service d'un nouveau public?
    Bérénice Tomb (UdeM - Université de Montréal)

    Les nouveaux créateurs ne font pas qu'inventer de nouveaux formats, ils s'approprient et transforment aussi les médias traditionnels auxquels ils sont attachés. La websérie Switch & Bitch (Belhamer et Gosselin, 2015), écrite et réalisée par deux étudiantes en cinéma à l'UQAM et produite par les fonds TV5, illustre cela. Les deux auteures admettent vouloir "faire un show pour les gens de [leur] âge", tout en s'inspirant des séries télévisées qu'elles suivent, et notamment de la télévision de qualité. D'un point de vue à la fois formel et narratif, on y trouve effectivement beaucoup d'influences diverses et un mélange de tons (à la fois satirique et sincère). Outre le format web qui limite la longueur des épisodes à huit minutes, les choix de scénarisation et de réalisation rendent la série difficile à classer dans un genre particulier. Je me propose de faire une analyse de la série Switch & Bitch en prêtant attention à la manière dont les genres sériels originels comme la sitcom ou le soap opéras sont déconstruits, et aux propriétés génériques qui sont conservées. Je ferai aussi apparaître les autres influences qui participent à façonner les particularités de la série. Cette combinaison est peut-être celle qui permet le mieux de représenter les spectatrices dans la vingtaine. En revanche, les spectateurs masculins sont peu représentés; il serait intéressant d'étudier si la formule utilisée, le choix du sujet et le discours qui est fait, permettent de les atteindre.

  • Période de questions
  • Pause

Communications orales

Représentations de genre dans la production télévisuelle française

Présidence : Sarah Sepulchre (UCL - Université catholique de Louvain)
  • De la femme au foyer à la femme émancipée : regards croisés sur Les Saintes Chéries (1965-1970) et Suivez Budart (1972)
    Séverine Barthes (Université Sorbonne-Nouvelle (Paris 3))

    Les Saintes Chéries et Suivez Budart, deux séries de l'ORTF contemporaines l'une de l'autre (le projet de Suivez Budart date de 1965 et est filmé en 1970), proposent des incarnations contrastées de la femme au foyer amenée à travailler à l'extérieur : ces feux feuilletons fantasques du quotidien, plus que d'autres genres davantage formalisés et codifiés (comme la série policière ou le feuilleton mélodramatique), proposent des représentations nuancées, oscillant entre hégémonie et contre-hégémonie, de l'identité de la femme au foyer dans les années 1960. Nous nous intéresserons à quatre personnages : Ève Lagarde, la protagoniste des Saintes Chéries ; Fanny Debois, sa meilleure amie ; Sylvaine Dornac, l'épouse du polytechnicien dans Suivez Budart ; et Thérèse Lemorel, l'épouse du contremaître. À travers les trajectoires de ces quatre personnages, nous nous interrogerons sur le glissement des représentations et les traces des mouvements féministes et des événements de mai 68 que révèlent ces programmes.

  • Des gars, des filles : genre, couple et parentalité dans la shortcom française contemporaine
    Chloé Delaporte (Université Paul-Valéry Montpellier 3)

    Cette communication porte sur un sous-genre de série audiovisuelle spécifique aux télévisions de la francophonie : la shortcom. Depuis les succès d'audience de la série Un gars, une fille (France 2, 1999- 2003), la France a beaucoup investi la production et la diffusion de shortcoms, qui se multiplient aujourd'hui sur les grandes chaînes publiques comme privées. Généralement programmées en lead-in après les journaux télévisés du soir et avant le programme en prime-time, ces shortcoms constituent une sorte de rendez-vous avec les publics et sont donc particulièrement suivies. Mettant en scène, dans un nombre souvent restreint de décors, des personnages liés par des relations familiales, de couple ou de voisinage, ces shortcoms s'appuient sur, représentent et véhiculent un certain nombre de normes sociales, notamment liées aux rapports sociaux de sexe. Je propose d'étudier la représentation de ces normes de genre à partir de l'analyse filmique d'un corpus de trois shortcoms françaises contemporaines : Scènes de ménage (M6, 2009-), Nos chers voisins (TF1, 2012-) et Parents mode d'emploi (France 2, 2013-). Je m'intéresserai successivement à la façon dont l'espace du couple, le cadre de la parentalité et l'interaction avec des tiers participent de la construction des identités de genre au sein des séries.

  • Aïcha et Clara : représentation genrée et marginalisée de la femme à la télévision française
    Annie Jouan-Westlund (Cleveland State University)

    L'appréhension de la dialectique entre médias et société est centrale à la compréhension de notre univers contemporain. Les séries télévisées populaires offrent des propositions de sens constitutives d'une réalité sociale. Clara Sheller, série créée par Nicolas Mercier et diffusée pendant plusieurs saisons entre 2005 et 2008 est une comédie dramatique relatant les aventures sentimentales d'une jeune femme journaliste de mode à Paris en co-location avec un homosexuel. Aïcha, une autre série écrite, réalisée et co-produite par Yamina Benguigui (2009-2012), est l'histoire d'une jeune femme d'origine maghrébine habitant la banlieue parisienne en quête d'émancipation familiale et dont le rêve est d'obtenir un travail "en France", de l'autre côté du périphérique. Les études ont montré que les identités de genre procèdent d'identification à des représentations collectives (Butler) au sein de rapports de pouvoir (Foucault). Les médias ont tendance à perpétuer un ordre et naturaliser les normes de genre. Bien que reflétant des questions de société d'actualité, ces deux séries donnent une représentation contrastée et caricaturale de la femme et de ses préoccupations majeures. Cette étude du genre d'approche culturaliste propose un examen de la conception et de la réception des deux propositions télévisuelles afin de mettre en évidence les différents champs de pouvoir en action (Bourdieu) dans la représentation médiatique de la femme dans le paysage télévisuel français.

  • Période de questions

Assemblée générale

Dîner


Communications orales

Conférence plénière

  • Maria Vandamme : le triomphe du féminisme à la télévision
    Isabelle Veyrat-Masson (CNRS - Centre national de la recherche scientifique)

    Maria Vandamme est une mini-série diffusée en 1989 sur TF1. Cette série a reçu trois Sept d'Or, et a réuni l'audience la plus forte pour une fiction historique.

    Le sujet : la destinée d'une jeune femme au 19ème siècle, entre le Second Empire et la Commune. Une vie, celle de Maria Vandamme, est totalement conduite par sa situation de femme. Ses combats pour la liberté, la dignité et la force des femmes forment la trame de cette fiction historique. J'aimerais analyser cette série, montrer quel type de femme est montré par cette série, quelle est la nature de son combat ? Comment expliquer son succès populaire ?

    De quel féminisme Maria Vandamme est-il le nom ?

  • Pause

Communications orales

Projection-conférence spéciale

  • Les rapports entre les sexes dans les téléfilms unitaires français
    Noël Burch (Université Lille 3)

    En France – et il n'y a pas qu'en France - les téléfilms unitaires sont virtuellement invisibles pour les adeptes de la cinéphilie "savante" - critiques, universitaires, intellectuels de toutes espèces. Avec le soutien de l'Inathèque, qui nous a ouvert sa salle de visionnage à la Bibliothèque nationale (seul lieu hélas où ces œuvres sont encore consultables!), moi et ma complice Geneviève Sellier nous sommes donc mis à étudier un corpus de quelque 400 films que nous ne connaissions point et avec pour résultat, au bout de sept ans, un ouvrage de quelque 300 pages intitulé Ignorées de tous… sauf du pubic : quinze années de fictions télévisées françaises. Or, si ce travail est pertinent pour le présent colloque, c'est que contrairement à nos "films d'auteur", y compris beaucoup faits par des femmes, et à la plupart de nos films populaires, ces téléfilms avaient pour "cahier de charges" non écrit le traitement des enjeux de la société et notamment des rapports sociaux de sexe, et n'étaient jamais pour ainsi dire misogynes, surtout en raison d'une audience chiffrée en millions et majoritairement féminine – autre source du mépris d'une critique élitiste essentiellement masculine. Hélas, le règne de la série étant advenu, cette époque précieuse semble révolue et il est d'autant plus facile d'en faire aujourd'hui le bilan, les quelques unitaires encore produits par les chaînes étant rares et désespérément anodins...

Communications orales

Nouvelles productions télé et nouvelles productions de genre

  • Dispositifs de genre et téléréalité
    Pierre Barrette (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    La série télévisée contemporaine tend à offrir une représentation des rapports de genre plus ouverte aux différences identitaires (Boisvert; Chambers 2009; de Wasseige 2014; Lotz 2014) et capable de propositions contre-hégémoniques. Parallèlement à cette transformation des représentations, on constate qu'un florilège d'émissions d'un autre type – généralement décrites comme appartenant au phénomène de la télé-réalité – propose, sous la forme de dispositifs télévisuels mettant en scène la rencontre amoureuse une vision traditionnelle, voire fortement stéréotypée, des rapports de genre. Nous nous intéresserons au dispositif d'une de ces émissions, Occupation double, ayant fréquemment occupé dans la dernière décennie le sommet des sondages Numéris au Québec. Le dispositif mis en place est en effet révélateur d'une conception extrêmement clivée des genres : hommes et femmes habitent dans des maisons séparées et ne sont appelés à interagir que dans des contextes fortement ritualisés; par ailleurs, il a maintes fois été noté combien le casting qui prévaut dans le choix des candidats est tributaire d'une pré-définition des genres nettement surdéterminée. Nous avancerons à titre d'hypothèse heuristique que la dimension ludique qui caractérise le dispositif en question ("Ce n'est qu'un jeu") sert en quelque sorte de justificatif à la normalisation d' une vision stéréotypée des rapports des genres encore bien vivante, ce qu'atteste une analyse des commentaires suscités par l'émission.

  • Genre et critique amateur en ligne : logiques d'usages et hiérarchies à l'œuvre dans l'évaluation du shortcom Un gars, une fille
    Laetitia Biscarrat (Université Toulouse - Jean Jaurès)

    Cette communication présente les premiers résultats d'une recherche en cours sur la dimension genrée de l'activité de réception des fictions télévisuelles. Dans le prolongement d'une enquête sur les mécanismes de réception genrés (Biscarrat, 2015), je m'intéresse ici aux usages numériques des publics de télévision, plus spécifiquement la critique. Si certaines pratiques d'écriture numérique s'inscrivent dans un héritage culturel féminin, notamment les fan fictions qui sont à la fois des espaces de mise en discussion des normes de genre hégémoniques (Nadaud-Albertini, 2014) et une pratique fortement féminisée (François, 2007), l'activité de jugement en ligne serait plutôt masculine (Otterbacher, 2012). Le corpus est constitué des 256 critiques du shortcom Un gars, une fille – version française - publiées sur le site Allociné entre 2005 et 2015. Il s'agit de mettre au jour la dimension genrée de l'activité critique profane sur internet. Dans une perspective critique, le genre permet ici d'étudier les hiérarchies à l'œuvre dans cet espace numérique. L'identification des contributeurs/-rices, en fonction de l'avatar (pseudonyme et visuel) et de l'orthographe, est envisagée ici comme une modalité plus ou moins délibérée de présentation de soi, prenant acte dès lors des fakes (Pailler & Casilli, 2015) et des possibles stratégies de passing qui facilitent/autorisent l'activité. La collecte des données en cours confirme pour l'instant l'existence de deux profils critiques.

  • La stratégie gender neutral dans l'animation audiovisuelle française : des représentations conçues pour plaire à tout le monde mais pas toujours équitables
    Mélanie Lallet (PRES Sorbonne Paris Cité)

    L'analyse des représentations genrées proposées par les dessins animés français depuis les années cinquante permet de mettre en lumière de nombreuses évolutions, suivant un jeu de tension entre conformisme et innovation propre aux industries culturelles (Morin 2008). Qu'en est-il des nouvelles productions, à l'heure où de nombreux diffuseurs communiquent sur leur intention de lutter contre les stéréotypes et toutes les formes de discrimination? À travers des éléments issus du travail de terrain débuté à l'automne 2015 auprès de professionnel.le.s de l'animation et l'exemple des représentations proposées dans la dernière série T'Choupi à l'école (2013, France 5), nous verrons qu'il y a parfois un grand écart entre les revendications des chaînes et la façon dont "la lutte contre les stéréotypes" est (ou n'est pas) organisée dans le cadre de la fabrique des programmes jeunesse. Nous verrons comment l'exigence du "gender neutral" qui pèse sur les instances de la création (écriture, production, animation et réalisation) permet d'éviter l'absence de femmes à l'écran puisqu'il faut "servir les filles" (voir Burch, 2000 pour le cinéma). En revanche, cette stratégie n'abolit en rien la logique différentialiste qui caractérise les représentations du féminin et du masculin. Le masculin reste perçu comme "neutre" (Cromer 2010), le féminin comme "autre" et le présupposé selon lequel les garçons se tourneront plus difficilement vers des héroïnes ou des contenus "féminins" est toujours bien ancré.

  • Période de questions
  • Pause

Communications orales

Études queer et fluidité du genre

Présidence : Eric Macé (Université de Bordeaux)
  • La fluidité des identités genrées : comment améliorer les outils d'analyse des séries télévisées?
    Sarah Sepulchre (UCL - Université catholique de Louvain)

    Le champ francophone souffre d'une double limitation quand il s'agit des représentations genrées dans les séries télévisées. D'abord, les représentations véhiculées par les séries restent encore trop traditionnellement binaires. Ensuite, les outils méthodologiques sont trop dichotomiques. Ils forcent à classer les personnages et leurs traits en deux catégories, le masculin et le féminin, généralement considérées comme opposées. À quelques exceptions près (Dupont 2014), les grilles ne permettent pas d'enregistrer les ambiguïtés et leurs évolutions de certaines figures. Dans la suite d'un article précédent (Sepulchre 2014), la communication propose de réfléchir à une amélioration des grilles d'analyse. Il s'agit de travailler à une débinarisation des catégories à partir de la littérature inspirée des Queer Studies (De Lauretis 2007, Fausto-Sterling 2013, Wittig 2007). L'outil est travaillé à partir de la série américaine Transparent qui présente des identités de genre très fluides à la fois au niveau des sexes, des genres et des orientations sexuelles. Cependant l'objectif est de proposer une grille d'analyse qui permettrait de travailler tous les personnages, y compris les plus traditionnels. La grille construite sera donc appliquée à deux séries françaises. La première, Reporter, a été examinée par une grille traditionnelle (Sepulchre 2010), nous vérifierons si le nouvel outil permet d'obtenir des résultats plus nuancés. La seconde, Hard, présente des personnages moins traditionnels.

  • Traitement de la transidentité dans le paysage audiovisuel francophone occidental (2010-2015)
    Camille Légeron (UdeM - Université de Montréal)

    Le sexe biologique assigné à la naissance des personnes s'identifiant comme transgenres ne correspond pas, ou pas entièrement, à leur identité de genre. D'après une étude réalisée en 2009-2010 en France auprès d'une vingtaine de personnes trans, la représentation des personnes transgenres dans le paysage audiovisuel actuel reste problématique. À l'aide des écrits de Karine Espineira sur la question, on propose de comparer la représentation des personnes trans au cinéma (fiction et documentaire) à celle de la télévision (reportage, documentaire, téléfilm, série) dans les cinq dernières années. Dans un premier temps, on effectuera un tour d'horizon des différents formats médiatiques où sont représentées les personnes transgenres actuellement, tant dans les médias francophones européens que québecois. On analysera certains exemples sur la forme et le fond, pour tenter de faire apparaître les stéréotypes récurrents de la représentation des personnes trans. Dans un second temps, on s'intéressera à la réception par des personnes trans, des représentations médiatiques de la transidentité. Nous conclurons en résumant les tendances de représentation d'une part, au cinéma, et d'autre part en télévision. Nous prendrons en compte le maximum de données concernant les représentations étudiées, comme le format, la zone géographique, la date de sortie, et, si possible, la réception.

  • Période de questions

Assemblée générale

Dîner


Communications orales

Conférence plénière

  • Enjeux méthodologiques d'une description fine du genre dans les médiacultures
    Eric Macé (Université de Bordeaux)

    Si on définit les médias de masse comme des arènes médiaculturelles et le genre comme un rapport social de pouvoir, alors il est possible de décrire finement les représentations de genre dans les médiacultures en termes de tensions entre conformisme et innovation, entre hégémonie et contre-hégémonie, et ceci en fonction des règles de l'art de chaque genre médiaculturel. De ce point de vue, la notion de stéréotype n'est pas suffisante: il faut tout d'abord la distinguer de celle de "cliché", puis introduire tout le jeu d'inflexions entre stéréotype, contre-stéréotype, néo-stéréotype et anti-stéréotype ainsi que les dimensions d'ambivalence et d'ambiguïté propres à la fois aux logiques de production des industries culturelles et aux cadres d'interprétations des publics. Les figures de "femmes fortes" présentent une telle ambivalence à la fois en production et en réception: d'un côté, en tant que contre-stéréotypes, elles peuvent conduire à évacuer la question du genre comme rapport de pouvoir en mettant en scène un monde irréel où seuls priment les personnalités; d'un autre côté, en réception, elles peuvent conduire à penser qu'il est en réalité impossible d'être forte comme elles ou bien que le prix à payer en est décourageant. Inversement, la mise en scène de masculinités contre-stéréotypées de manière plus complexe ne conduit pas nécessairement à problématiser le grand partage asymétrique entre un masculin défini par le projet et un féminin défini par la relation.


Panel / Atelier

Table ronde : enjeux contemporains des études de genre au sein de la francophonie

Participant·e·s : Pierre Barrette (UQAM - Université du Québec à Montréal), Laetitia Biscarrat (Université Toulouse - Jean Jaurès), Stéfany Boisvert (Université McGill), Noël Burch (Université Lille 3), Anouk Bélanger (UQAM - Université du Québec à Montréal), Eric Macé (Université de Bordeaux), Eric Maigret (Université Sorbonne-Nouvelle (Paris 3)), Sarah Sepulchre (UCL - Université catholique de Louvain), Isabelle Veyrat-Masson (CNRS - Centre national de la recherche scientifique)

Communications orales

Clôture du colloque