Informations générales
Événement : 84e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines
Description :Les expressions autochtones contemporaines se caractérisent aujourd’hui par un décloisonnement des catégories artistiques et épistémologiques ainsi que par des expériences d’intermédialité et d’interdisciplinarité, qui reflètent à la fois le remodelage et le désir manifeste d’affirmer la parole autochtone. L’établissement de ponts entre les langages littéraires, artistiques et cinématographiques puise en outre dans la mémoire de certaines expressions traditionnelles telles que la harangue, la narrativité mythologique et l’articulation entre l’oralité et la performativité de certains rituels. Ces reconfigurations artistiques et littéraires, de même que le brouillage de catégories comme l’art et l’artisanat, et l’usage de technologies récentes mènent les créateurs vers de nouveaux points de rencontre disciplinaires et culturels, ouvrant ainsi la voie à des modes d’intervention et à des perceptions, des savoirs et des savoir-faire que l’on voudrait, entre autres, reconnus dans l’espace de la majorité.
Le thème du colloque permettra d'examiner la problématique de ces transferts ou reconfigurations disciplinaires, d’analyser des productions partagées entre différents modes d’expression et de mettre en question les cadres et les transformations des médiums. Il permettra également de s’interroger sur les clivages linguistiques qui ont marqué les cultures autochtones depuis l’adoption de l’écriture et des langues coloniales, ainsi que sur les carences de communication qui caractérisent aujourd’hui les groupes francophones et anglophones.
Date :Programme
Session d'avant-midi
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Mot de bienvenue
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Affirmation autochtone : contestation, représentation et espoirJonathan Lamy Beaupré (Inter, art actuel)
Plusieurs pratiques amérindiennes récentes convergent vers un même but : s'affirmer. On peut distinguer trois stratégies d'affirmation de l'amérindianité. La première relève de la contestation. Il s'agit de critiquer le discours qui donne une image erronée des Premières Nations, comme le fait Louis-Karl Picard-Sioui dans ses performances et ses textes, ou encore de s'en prendre, de manière à la fois violente et humoristique, au colonialisme de manière plus générale. La deuxième stratégie passe par l'autoreprésentation. Elle consiste à produire son propre portrait de l'amérindianité, sans qu'il y ait nécessairement une critique explicite du discours colonial. À la fois celui d'un individu et d'une culture, ce portrait se veut positif et réaliste, tel qu'on peut l'observer dans de nombreux textes, films et œuvres visuelles. La troisième stratégie se tourne quant à elle vers l'avenir et les prochaines générations, plaidant pour l'espoir. Dans leurs textes, Moe Clark et Natasha Kanapé Fontaine lancent un appel pour protection de la terre et pour la possibilité d'exister en tant qu'êtres humains souverains. Avec son ambitieux projet TimeTraveller, Skawennati nous fait voyager dans le passé et le futur des Premières Nations. Ses courts-métrages d'animation numérique réécrivant l'histoire et inventent un avenir où l'affirmation autochtone atteindra une ampleur phénoménale.
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Delegates: Chiefs of the Earth and Sky d'Arthur Renwick : images de décolonisation et remise en question de la légitimité des structures législatives dominantesGabrielle Marcoux (UdeM - Université de Montréal)
Dans sa série de photographies Delegates: Chiefs of the Earth and Sky, l'artiste de la nation Haisla Arthur Renwick s'attaque à l'histoire et à la situation législative actuelle d'un territoire du Dakota du Sud, cédé sous la contrainte au gouvernement américain par des nations autochtones lors de la signature du traité du Fort Laramie en 1868. L'artiste, qui perfore ses paysages d'éléments typographiques du langage législatif, affirme s'être inspiré de l'ouvrage Bury My Heart at Wounded Knee de Dee Brown, construit à partir de témoignages oraux d'individus autochtones. Renwick exprime la tension entre l'oralité – mode traditionnel de conceptualisation du territoire chez les nations autochtones – et l'écriture – source d'autorité et symbole de civilisation dans le système euro-américain dominant. En plus de proposer une riposte visuelle à cette dynamique hégémonique entre deux modes d'idéation, le photographe soulève le fait que la région illustrée est gérée par un traité dont la légitimité et l'intégrité sont ébranlées par de nombreux penseurs autochtones et allochtones. Le discours législatif de l'Autre, rédigé en Anglais et appliqué de façon aléatoire, dicte à ce jour la relation des nations concernées à leurs terres ancestrales, et vient chez Renwick ciseler le paysage. Dans une visée de décolonisation, le photographe revisite, par le biais des images, ce chapitre de l'histoire dans lequel les mots ont servi d'armes de colonisation et de bâillon des nations autochtones.
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Rendre manifeste : littérature et nouveaux médias autochtones
Nous assistons aujourd'hui à un engouement pour des interventions artistiques étirant la notion de « littérature » (ou de « récit »), entre autres dans la bande-dessinée, la science fiction, la fiction spéculative, le roman graphique, le roman érotique, le slam territorial, de l'animation, du film expérimental et du jeu vidéo. De fait, la prévalence des nouveaux médias, des mondes audiovisuels et numériques, offrent un point d'entrée dans des lieux et des territoires (spatiaux, discursifs ou esthétiques) qui ne sont peut-être plus disponibles pour plusieurs artistes et écrivains. L'attrait pour la nouveauté et le rythme rapide du développement dans le domaine des études médiatiques autochtones font en sorte qu'une nouvelle génération d'écrivains, de cinéastes et d'artistes contribue à un corpus qui repousse les limites nationales, génériques, linguistiques ou institutionnelles. On retrouve donc, dans ces différentes instrumentalisations du textuel et du visuel, un bouleversement entre les genres et une invitation à repenser leur champ d'application : la recherche littéraire traditionnelle dans laquelle les oeuvres ont été subsumées jusqu'à récemment aux champs d'étude des littératures américaine, canadienne ou québécoise se trouve ainsi délogée de sa zone de confort et propulsée dans une zone liminale où ces « performances littéraires » s'affirment et se distinguent comme discipline à part entière.
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L'art de raconter, le territoire et le chez-soi dans les discours critiques de Richard Wagamese et de Joséphine BaconIsabelle St-Amand (UdeM - Université de Montréal)
Les récits, qu'ils relèvent de la tradition orale, de la littérature contemporaine ou du cinéma, constituent un outil d'élaboration de la pensée et des représentations, une manière d'exercer différentes formes de souveraineté (Womack 2008; Raheja 2011). Véritables vecteurs d'adaptation, ils lient savoir et expérience, créent des liens entre l'humain et les éléments qui l'entourent. Dans cette perspective, j'examinerai les discours critiques de deux écrivains autochtones contemporains, Richard Wagamese et Joséphine Bacon, afin de mettre de l'avant quelques idées fondamentales qui en ressortent. Il s'agira plus précisément de dégager des outils conceptuels qui permettront de mieux éclairer les façons dont les créateurs autochtones envisagent les savoirs et les expériences autochtones, notamment en ce qui concerne l'art de raconter, le territoire et le chez soi, et ce, dans un contexte marqué par les politiques et les effets d'un insistant processus de colonisation de peuplement. Cette analyse nous invitera du même coup à réfléchir à certaines questions épistémologiques que pose l'étude des expressions créatrices autochtones contemporaines au Québec et ailleurs en Amérique du Nord.
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Ondinnok : une approche amérindienne de la créationYves Sioui Durand (Théâtre Ondinnok)
Cette intervention portera sur l'approche et le processus de création développés au sein d'Ondinnok. Ce que nous appelons « faire ondinnok ». Il s'agit ainsi de dresser le portrait de la démarche de 1985 jusqu'à 2016, en soulignant les découvertes, les ré-appropriations culturelles et rituelles, les rencontres marquantes tant au Nord qu'au Sud qui ont ancré notre quête que ce soit au théâtre ou au cinéma. Peut-on échapper à la dualité tradition et post-modernité? Est-il possible d'échapper aux frontières coloniales et aux théories qui nous pré-définissent ? Cet échange traduira l'engagement d'Ondinnok comme compagnie fondatrice du théâtre autochtone au Québec et présentera une réflexion sur notre perception de la fonction de l'Art au sein des cultures autochtones et de l'important rôle que les artistes peuvent jouer dans la reconstruction culturelle des Premières Nations des trois Amériques.
Dîner
Session d'après-midi
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Transmission du territoire intimeVirginia Pésémapéo Bordeleau (Éditions Mémoire d'encrier)
L'Amérindien appréhende son territoire en marchant, son corps ayant un rapport physique avec l'espace, contrairement à l'Allochtone qui le plus souvent ira en hélicoptère, prendra des photos pour ensuite faire des plans, des cartes, bref en gardant une distance face au territoire. Je tenterai de traduire le passage d'une tradition orale à celle de l'écriture comme moyen de communication, récente pour les Premiers Peuples. J'aborderai aussi ce lien du corps avec le territoire dans mes romans.
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Obligation et actualisation du sujet féminin chez l'artiste atikamekw Eruoma Awashish et la poète innue Joséphine BaconFrançois Paré (University of Waterloo)
La communication que nous proposons s'interrogera sur le statut épistémologique des signes dans les œuvres de l'artiste atikamekw Eruoma Awashish et certains textes de la poète innue Joséphine Bacon dans Bâtons à message / Tshissinuatshitakana (2009). Il est entendu ici que le signe se donnera à lire comme une imbrication active du paysage symbolique, tel qu'il est actualisé et habité par un sujet féminin se caractérisant non plus par son rôle d'observatrice marginale et marginalisée, mais plutôt par sa double fonction participative et critique dans le monde. Il ne sera d'ailleurs pas du tout sûr que le terme même de « signe », fortement lié aux conceptions conflictuelles de la représentation dans la linguistique européenne, puisse convenir entièrement au contexte des œuvres étudiées. En effet, Eruoma Awashish et Joséphine Bacon s'emploient plutôt à évoquer une autre modalité du sujet, ce que nous traduirons, à la suite de Coulthard (2014) par son « obligation » et son « actualisation » (enactment). Pour mieux comprendre sur un plan théorique cette conception particulière de l'œuvre textuelle ou visuelle, nous ferons appel, outre les écrits de Coulthard, aux travaux assez étonnants du chercheur māori Carl Mika (2013) sur l'immédiateté et la sacralité du langage dans le contexte des cultures autochtones et à certaines études du volume dirigé par Neal McLeod, Indigenous Poetics in Canada (2014).
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La parabole : objet thématisé et motif structural dans l'œuvre de Domingo CisnéroHélène Destrempes (Université de Moncton)
Artiste multidisciplinaire, Domingo Cisnéros exprime dans ses oeuvres picturales, ses installations environnementales et ses écrits ses préoccupations identitaires et écologiques. Par le biais d'une oeuvre plurielle, où la parole s'appuie sur un langage imagé et le visuel sur une structure narrative, l'artiste construit un tiers espace, au sens où l'entend Homi Bhabha, un lieu hybride, qui favorise l'émergence de nouvelles perspectives sur le réel et le développement de nouveaux modes d'expression culturels. Cet espace poétique, au sens étymologique du terme, permet en outre à l'artiste non pas de « rendre le réel, c'est-à-dire à en exposer la vérité, mais [de] rendre le réel problématique, c'est-à-dire [d']en exposer les points critiques, les failles, les apories, les désordres » (2009, 108-109), comme l'écrit Georges Didi-Huberman à propos de l'oeuvre de Bertolt Brecht. Dans le cadre de cette communication, je m'intéresserai plus particulièrement à la mise en place d'un discours parabolique dans l'oeuvre de cet artiste, ce qualificatif renvoyant tant à une thématique développée dans ses écrits (celle de la parabole), qu'à un motif structural, servant de pierre d'assise à l'élaboration de ses pratiques artistiques et scripturales hybrides.
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Connaître le passé pour comprendre le présentSylvain Rivard (Éditions Cornac)
Au cours de cette présentation, en tant qu'artiste multidisciplinaire, je dévoilerai ma démarche artistique et ses thèmes de prédilection ; tel que le jouet, le vêtement, la culture populaire et l'art ethnographique, au travers de contes, de chants, d'images et d'anecdotes. Une rencontre sonore et visuelle où se mélange art, histoire et tranche de vie.
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Discussion
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Mot de clôture