Informations générales
Événement : 84e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Enjeux de la recherche
Description :En 2016, nous célébrerons le 20e anniversaire de la publication de l’essai de Bill Readings, The University in Ruins (Harvard University Press), traduit en français sous le titre Dans les ruines de l’université en 2013 (Lux Éditeur). Cet ouvrage, rédigé par un professeur de littérature comparée de l’Université de Montréal peu avant son décès dans un accident d’avion en 1994, s’intéresse au nouveau rôle de l’université dans le contexte de la mondialisation et du déclin du modèle institutionnel de l’université de la « culture » tributaire de l’État-nation. En plus d’une brillante analyse des mutations que l’institution a subies dans les deux derniers siècles, le livre de Readings met de l’avant « des propositions concrètes pour habiter ses ruines et leur donner un sens nouveau ». La lucidité et l’actualité étonnante de cet ouvrage ouvrent la voie à d’importantes pistes de réflexions sur l’avenir de l’université et les enjeux actuels de la recherche, et ce, particulièrement dans les humanités.
L’ouvrage de Bill Readings invite à la discussion, à la polémique même. Il s’agit d’un « excellent » point de départ pour aborder les grandes questions qui préoccupent nombre d’intervenants du milieu universitaire actuel. Quelle sera la place des humanités et des sciences humaines dans un modèle universitaire qui valorise de plus en plus les sciences et les domaines de la recherche appliquée (« STEM »)? Quel type de recherche devrait être admis à l’université? Sous quelles conditions? En quoi la notion d’« excellence » (ou ses dérivés) a-t-elle transformé l’activité et l’évaluation de la recherche? L’université doit-elle s’adapter aux besoins du marché? Les diplômés doivent-ils être formés de façon professionnelle en vue de remplir des fonctions précises au sein de la société ou doivent-ils plutôt bénéficier d’une formation générale vaste et solide? Les notions de « culture générale » ou de « culture nationale » ont-elles encore un sens et une utilité aujourd’hui? En quoi la mondialisation transforme-t-elle la recherche et les institutions universitaires? Comment imaginer l’université « postnationale » et « posthistorique »? Comment interpréter l’apparition de nouvelles disciplines (études culturelles, études spécifiques, humanités numériques...) et de nouvelles approches de la recherche (recherche-création)? Comment l’équilibre de la recherche et de l’enseignement a-t-il été modifié dans l’université contemporaine? Quels ont été les effets concrets des mutations récentes de l’université (sur le modèle de gouvernance, le corps professoral, les étudiants)? De quelle façon peut-on « résister » de l’intérieur aux transformations de l’institution universitaire qui paraissent plus néfastes? Est-il encore possible d’avoir une pensée libre ou même « subversive » dans l’université d’aujourd’hui?
Dates :Programme
Ouverture : retour à l'origine des ruines
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Dans les ruines de l'amitié : Bill Readings, 20 ans plus tôtJean-François Vallée (Collège de Maisonneuve)
Introduction à la vie et l'oeuvre de Bill Readings.
Rénover l'habitation : quelques propositions
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Le nerf de la guerre est une chose trop importante pour la laisser aux gestionnairesFrédérique Offredi (Collège militaire royal du Canada)
Nous n'habitons plus les ruines de l'université, ou si peu; nous n'avons guère voix au chapitre lorsqu'il s'agit de décider de ce qui doit être cassé ou construit. Si nous ne voulons pas que le produit de nos réflexions fasse seulement l'objet d'une "consultation" par un aréopage aussi lointain qu'imperméable à nos arguments, il nous faut (re)gagner notre place dans les instances qui décident. Mais il faut aussi prendre très au sérieux la dimension financière de la vie des universités. Pour qu'un siège acquis dans un conseil d'administration ne soit pas un baiser de la mort, l'élu doit être en mesure de ne pas s'en laisser compter (!) par des gestionnaires qui n'hésiteront à aucune manœuvre d'intimidation intellectuelle, à coup d'affirmations péremptoires sur les contraintes budgétaires ou de distributions de rapports financiers opaques. Il est donc absolument vital que tout un chacun se (ré)approprie le langage de l'argent, qui constitue une arme argumentative dominante. Il faut exiger que l'université rende des comptes détaillés. Il est nécessaire que des professeurs et des étudiants de toutes disciplines deviennent hautement alphabétisés en comptabilité, finance, gestion, économie. Si le monde universitaire lui-même n'est pas capable d'opposer aux rhétoriques managériales un interlocuteur compétent et armé, comment espérer que notre société face pièce aux impostures du discours économique dominant ?
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L'université (ré)interprétée selon les référentiels de politiques publiquesJean Bernatchez (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
Nous souhaitons contribuer à la discussion en utilisant comme vecteur de notre propos le concept de référentiel. Le référentiel n'est pas fondé sur un consensus mais sur un dissensus : c'est un «espace de sens» où se cristallisent les conflits qui naissent au moment des transitions entre deux visions du monde, révélant les dissensions entre les tenants du système de sens traditionnel et les partisans du changement. Les conflits dans le référentiel portent sur la répartition des ressources entre les acteurs, à l'intérieur d'un même système. Le rapport global-sectoriel s'explique par l'influence réciproque d'un référentiel global (par exemple, le régime marchand fondé sur le capitalisme financier) et d'un référentiel de secteur (par exemple, celui de l'économie du savoir, explicite de l'évolution récente du secteur de l'enseignement supérieur et fondé sur le capitalisme cognitif). Muller (2015) observe une transition d'un référentiel global à un autre, à cause d'un nouveau régime d'action publique (l'État désectorisé plutôt que l'État managérial) et d'un nouveau régime de citoyenneté (la citoyenneté en réseaux plutôt que la citoyenneté individuelle). Comment ce changement se traduira dans l'université de demain? À défaut de développer et de promouvoir une idée d'université conforme à un idéal (le nôtre est celui du développement humain caractérisé par la justice sociale, la paix et le développement durable), c'est la main invisible du marché qui conditionne notre destin collectif.
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Pour et contre Babel. L'ambiguïté de l'université prise comme institution publiqueSimon-Pier Labelle-Hogue (Université d’Ottawa)
«Je ne suis ni un savant ni un philosophe breveté. Je ne suis qu'un prolétaire qui a eu la chance de lire beaucoup (sans méthode, toutefois, faute d'argent pour “acheter” cette méthode à l'université)». Ce commentaire de Pierre Vallières révèle deux questions sur la place et le rôle de l'université. Elle nourrit le culte de l'expert que décriait déjà Chomsky au cours de la décennie 1960 etse veut aussi un tremplin pour le marché du travail, un investissement financier pour ses étudiants. C'est pourquoi il existe deux visions opposées de ce qu'est ou devrait être l'université publique. Coexistent ainsi l'image de la tour de Babel et celle, idyllique, d'une institution au service de la population. Une telle oscillation requiert un effort de médiation, en ce sens où il faut préserver la réputation et la rareté de l'expert sans pour autant s'aliéner la masse des citoyens à la base de son financement. De cette schizophrénie fondatrice de l'institution publique découle donc un enjeu de taille, celui du public.
La nécessité de défendre l'institution auprès des citoyens crée une standardisation des pratiques pour que ces derniers puissent s'approprier intellectuellement le travail des chercheurs, ce qui contraint l'institution à métamorphoser le professeur-chercheur en employé et l'étudiant en utilisateur-payeur, des catégories qui se transposent dans les autres domaines de la société. La médiatisation, voire la médiation de l'université, est une des potentielles origines de sa mécanisation.
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Pause
Repenser les fondations : ruines du passé, ruines de l'avenir
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« Participer, c'est se faire fourrer » : retour critique sur la participation en milieu universitaire québécois (1964-1976)Jaouad Laaroussi (UQAM - Université du Québec à Montréal)
La commission Parent puis la réforme de l'Éducation supérieure représentent dans la mémoire collective un des «acquis» majeurs de la Révolution tranquille. Les structures et les institutions héritées de ces réformes incarnent l'origine ainsi que l'horizon d'attente à défendre face aux fossoyeurs du temps présent. Pourtant, le mode de gouvernementalité, la «démocratie de participation» et la finalité technocratique de la réforme de l'éducation ont été contestées dès leur application par les étudiant.e.s, professeur.e.s et salarié.e.s des institutions nouvelles.
À partir du rapport conflictuel entretenu par la communauté de ces institutions nouvelles à l'égard du projet de participation, nous tisserons la trajectoire de constitution du syndicalisme étudiant et enseignant comme contre-pouvoir. L'expérience vécue par la communauté des universités nouvelles et les critique qu'elle élabore de la réforme de l'éducation marquent une rupture avec l'idéologie libérale-réformiste ayant à la fois caractérisée la réforme de l'éducation, le syndicalisme enseignant ainsi que le mouvement étudiant au moment de l'élaboration de la réforme de l'éducation. Nous repenserons l'avenir de l'université en déconstruisant la nostalgie d'une «participation» et d'une «démocratisation» de l'enseignement supérieur qui porte pourtant en elle les contradictions de la société technocratique post-Révolution tranquille.
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Dans les ruines de l'université de demain – dialogue et marche sur le territoire du Campus Outremont de l'Université de MontréalSimon Harel (UdeM - Université de Montréal), Cynthia Noury (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Par l'exploration du site Outremont qui doit accueillir un « campus urbain intégré » dès 2019, cette proposition de communication audiovisuelle interrogera le potentiel de refondation de l'Université de Montréal à travers ce chantier majeur, ainsi que ses effets symboliques pour la communauté environnante (quatre arrondissements jouxtent en effet le site du futur campus). Ce dernier devant voir le jour à l'emplacement d'une ancienne gare de triage, le statut des « ruines » sera également remis en question, qu'il s'agisse de la désignation d'un lieu industriel ruiné, désaffecté, en voie d'effacement, sans valeur patrimoniale explicite ou encore des entreprises de revalorisation du site (activités éphémères, laboratoires d'innovation sociale). Cette réflexion sera développée par le biais d'un dialogue entre les deux auteurs de la présentation, soit — pour reprendre les propos de Readings — à travers l'action de penser ensemble, dans l'aller-retour d'une question posée in situ qui appelle une réponse pour mieux cheminer. À partir de vidéos glanées et captées dans les « ruines » du site Outremont, cet échange fera ensuite l'objet d'une mise en images d'inspiration phénoménologique, ce qui traduira les zones de tension exprimées à même le site. Dans les tableaux visuels ainsi créés, les images s'insinueront dans un dialogue qui recourt aux propos des protagonistes et aux expressions imaginaires d'un campus toujours immatériel, à venir.
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Dans les ruines de l'université de demain – dialogue et marche sur le territoire du Campus Outremont de l'Université de MontréalSimon HAREL (UdeM - Université de Montréal), Cynthia Noury (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Par l'exploration du site Outremont qui doit accueillir un « campus urbain intégré » dès 2019, cette proposition de communication audiovisuelle interrogera le potentiel de refondation de l'Université de Montréal à travers ce chantier majeur, ainsi que ses effets symboliques pour la communauté environnante (quatre arrondissements jouxtent en effet le site du futur campus). Ce dernier devant voir le jour à l'emplacement d'une ancienne gare de triage, le statut des « ruines » sera également remis en question, qu'il s'agisse de la désignation d'un lieu industriel ruiné, désaffecté, en voie d'effacement, sans valeur patrimoniale explicite ou encore des entreprises de revalorisation du site (activités éphémères, laboratoires d'innovation sociale). Cette réflexion sera développée par le biais d'un dialogue entre les deux auteurs de la présentation, soit — pour reprendre les propos de Readings — à travers l'action de penser ensemble, dans l'aller-retour d'une question posée in situ qui appelle une réponse pour mieux cheminer. À partir de vidéos glanées et captées dans les « ruines » du site Outremont, cet échange fera ensuite l'objet d'une mise en images d'inspiration phénoménologique, ce qui traduira les zones de tension exprimées à même le site. Dans les tableaux visuels ainsi créés, les images s'insinueront dans un dialogue qui recourt aux propos des protagonistes et aux expressions imaginaires d'un campus toujours immatériel, à venir.
Repas du midi
Repenser la cohabitation : dialogues et différends
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Une université inclusive et audacieuse : des Humanités de l'autreFrederique Chevillot (Université de Denver)
L'université du futur devra donner aux Sciences Humaines une place encore plus prépondérante. La raison en est simple : les «nations» (au sens que leur donne Readings) qui ont historiquement eu la capacité de créer des structures d'enseignement supérieur ne pourront plus donner à celles-ci la seule apparence d'un accueil poli de l'autre. L'autre n'existe plus tant notre humanité se globalise.
L'université doit apprendre à remettre en question, reconnaître et accepter les privilèges institutionnels et humains –ainsi que les formes d'oppression qui lui sont inhérentes– sur lesquels elle a injustement établi ses fondations intellectuelles. La condescendance civilisatrice d'un certain Occident à l'égard de ses anciennes colonies et autres formes historiques d'exploitation impérialiste –pour ne pas dire esclavagiste– n'est plus soutenable à une époque où «l'homme blanc occidental», créateur hégémonique d'un savoir illusoirement universel, est en passe de devenir obsolète sur son propre terrain d'expertise intellectuelle.
L'université ne peut plus offrir de résistance au dur travail de reconnaissance et de réconciliation exigé par l'historicité de son racisme, sexisme, classisme, homophobie, islamophobie, antisémitisme et autres ségrégations institutionnalisées.
Ce sera l'audace d'une université véritablement inclusive de tous ceux et de toutes celles qui n'ont pas eu le privilège historique de contribuer à l'élaboration de la connaissance humaine qui la rendra de nouveau subversive.
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Comment ne pas vouloir la rédemption?Frédérique Bernier (Cégep de Saint-Laurent)
Le ton est donné dès les premiers mots du livre de Bill Readings : s'il est question de penser « dans les ruines de l'université », il ne s'agit pas pour autant de se joindre au chœur des « jérémiades » et lamentations crépusculaires devenues si courantes, et tentantes, quand il s'agit d'aborder l'état de l'université et de l'idée de culture qui lui est traditionnellement associée. Or, cette rupture de ton ne relève pas strictement d'un pragmatisme ou d'un refus du pessimisme ; elle est en soi un véritable geste de pensée. Avec Leo Bersani, dont il cite l'ouvrage The Culture of Redemption, Readings tire les conséquences de l'horizon philosophique qui le nourrit et, loin de se réfugier dans la nostalgie d'une unité-universalité à laquelle nous ne saurions plus vraiment croire, il nous force à envisager une « communauté désemparée» dont il s'agit d'apprendre à habiter l'inconfort. En cela, il rejoint des auteurs qui, tels Nietzsche, Benjamin, et, plus près de nous Bersani, Agamben ou Sloterdijk, savent tout à la fois prendre la mesure de la perte d'un monde et nous enjoindre de consentir à cette perte comme à ce qui doit, peut-être, fonder désormais notre pensée et notre commune appartenance. Comment renoncer à l'idée de la rédemption (nationale, culturelle, spirituelle) sans pour autant se résigner à l'inexistence et à la seule loi du capital ? Voilà peut-être ce que l'université n'a pas su nous enseigner et que nous avons encore à apprendre.
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Pour continuer d'exister. Quelques propositions pour une université de la penséePierre-Luc Landry (Collège militaire royal du Canada)
« Nous devons admettre que l'université moderne est une institution en ruine tout en réfléchissant à ce qu'implique le fait d'habiter ses décombres sans verser dans la nostalgie romantique », écrit Bill Readings dans son ouvrage. À partir de l'idée de « communauté du dissensus », je proposerai quelques repères pour l'intellectuel qui souhaite toujours habiter l'institution, contre, malgré ou à cause des ruines et des décombres. Je tenterai de suggérer quelque voie pour s'acheminer vers une posture qui emprunterait à la fois à la vigilance telle que proposée par Ethel Groffier, à la résistance théorisée par Noam Chomsky et à la transgression avancée bell hooks, par exemple, pour faire de l'université un lieu de débats, de réflexions et de dialogisme, ce que Readings suggérait d'ailleurs dans son ouvrage : « Dans les ruines de l'université, la nature inachevée et permanente de la relation pédagogique peut nous rappeler que “penser ensemble” est un processus dissensuel, lequel relève davantage du dialogisme que du dialogue. »
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Étudier dans les ruines : la figure étrange de l'étudiant-clientJean-Philipp Michaud (UdeM - Université de Montréal)
À la fin de son diagnostic de l'université contemporaine, réclamait une nouvelle manière de penser la responsabilité académique et universitaire. Revisiter aujourd'hui la typologie spécifique aux derniers chapitres de The University in Ruins, c'est tendre l'oreille au renversement politique culturel qu'opérait Readings en pensant notre rapport à l'institution universitaire. Il avançait qu'un certain pragmatisme institutionnel devrait nous contraindre à habiter sans alibi les «ruines» de l'université. Que signifie cette formule étrange, empreinte de résignation et néanmoins radicale, tenant à distance égale les logiques gestionnaires et militantes? L'hypothèse à défendre est que la culture de l'étude, qui nous engage dans des réseaux d'obligations mutuelles asymétriques et forme le substrat de ce que Readings nommait une «communauté du dissensus», répond et correspond à une dynamique dialogique. Nous identifierons les implications de l'ouvrage de Readings concernant la figure complexe de l'étudiant-e. En concentrant notre attention sur le chronotope de l'étude dans l'université «post-historique» ou «post-culture», il s'agira d'imaginer le parcours intellectuel de ce dernier au-delà du principe de la formation d'un sujet de culture défini. Nous réfléchirons aux questions de la valeur et de l'évaluation de l'enseignement supérieur du point de vue, privilégié s'il en est, de ses «clients».
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Pause
Recréer l'habitation : créer dans les ruines
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De l'axiogénèse à la résistance : la création comme modèle?Kateri Lemmens (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
Dans une communication essaysitique, je me propose de réfléchir aux possibilité qui s'offrent à nous pour habiter les ruines de l'université.
Dans un premier temps, j'aimerais évoquer le devenir l'anxiogène engendrée par l'université, à partir d'une vision restreinte de l'idée de la pensée performance (clientélisme, rat race, volonté de pouvoir) qui la range désormais dans l'axe global d'une rentabilité qui n'aurait, potentiellement, de rentable, que son immédiateté. En effet ce modèle suppose que rentable signifierait démontrable et que cette démonstration devrait advenir à l'intérieur d'un mandat gouvernemental.
D'autres avenues s'offrent-elles, dès lors, encore à nous? À ce titre, la création littéraire incarnerait-elle un modèle pour l'université?
Dans un deuxième temps, je tenterai de réintroduire la valeur du vide (Eco), de l'inutile (Ordine), de variation imaginaire (Kundera) et d'empathie et de renversement de l'attention (Foster Wallace, Nussbaum, Lorenzini & Revel).
Dans un troisième temps, c'est en tentant de penser, à partir du modèle de la parentalité (conception, création, maïeutique, souci et, surtout, nécessaire non-performance), l'espoir d'îlots de résistance qui, de l'intérieur, occuperaient les derniers retranchements, que je me demanderais s'il est encore possible, voire pensable, une aufhebung de du savoir.
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L'expérience furtive : vie et survie d'un étudiant dans une « nouvelle communauté de penseurs »?Guillaume Dufour Morin (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
Le développement à l'université d'une démarche artistique et intellectuelle multidisciplinaire suppose des transgressions qui semblent résister aux attentes de l'institution; jusqu'à quel point devient-on dupe du discours de «l'Excellence»? Pour vivre, créer, penser : quelles sont les conditions d'une meilleure habitation, en tant qu'étudiant en recherche-création, de l'université? Nous réfléchirons par cette performance aux conditions de survie et de transmission dans les ruines de l'université. Comment «la nouvelle communauté de penseurs» peut-elle, ici, maintenant, trouver son lieu? Quel est le pouvoir de résistance de l'étudiant s'initiant à communauté diffuse, quelles sont ses possibilités de créer du sens pouvant déjouer le logos de « l'Excellence »? Savoir-être, devoir-être : un art contextuel (Paul Ardennes)? Résister inconditionnellement à « un ordre nouveau » du savoir et de la vie par la création : l'anachronisme, le jeu de la trace, l'écriture de l'archive en acte à l'université sans condition (Derrida).
Pour expérimenter l'inscription à l'université d'un processus de recherche-création mettant en jeu autant ses modalités que l'expérience universitaire, une suite d'interventions furtives sera réalisée dont les archives appuieront la communication. Parce que l'université actuelle semble un ordre dans lequel il y a possible vie subreptice, pour que puisse se cultiver notre part d'humanité. Cette communication clôturera et diffusera le résultat de la création in situ.
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La faillite de l'expertiseÉtienne Beaulieu (Cégep de Drummondville)
Afin de penser la suite des ruines de l'Université selon Bill Readings, cette intervention se concentrera sur la question de l'essai littéraire et de sa transgression des frontières disciplinaires en gardant en tête l'idée d'une approche de la pensée qui soit absolument rétive à tout enfermement dans la politique de l'expertise. Bref, comment penser l'université, le savoir, la pensée selon une indiscipline créatrice.
Reconstruire : repenser la raison, repenser la culture
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Du naufrage de l'université à la barbarie?Maxime Ouellet (UQAM - Université du Québec à Montréal)
La liquidation de la pensée dialectique par le post-structuralisme a conduit à la dissolution de la pensée tout court. En ce sens, la dernière crise économique a consisté en une des manifestations les plus éclatantes de l'échec auquel a mené la disparition de la Raison comme idéal régulateur de l'université, notamment en ce que les innovations technologiques qui nourrissent le capitalisme cognitif tirent leurs origines des recherches effectuées dans les universités américaines. La pensée post-structuraliste s'est avérée impuissante face à la bêtise systémique dans laquelle nous plonge l'«économie du savoir», qui repose sur un processus de prolétarisation généralisée, au sein duquel l'être humain est dépossédé de son savoir-faire, de son savoir-être et de son savoir théorique, au profit de l'auto-valorisation illimitée et irrationnelle du capital et de la technique. Il reste que l'économie du savoir n'est pas exempte de contradictions. Le capitalisme cognitif est actuellement aux prises avec une crise dont il faut trouver la source dans «la baisse tendancielle de la valeur de l'esprit». Les contradictions de la postmodernité capitaliste se manifestent par une incapacité à édifier un monde commun, c.-à-d. un monde constitué par des êtres raisonnables. Seule une pensée de l'université en mesure de réfléchir à nouveau frais les conditions de possibilité d'un monde commun permettra d'élever les individus au-delà de leur animalité afin qu'ils ne «vivent et ne pensent pas comme des porcs».
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Repenser le commun
Ma communication portera sur la crise de l'éducation "républicaine" comme crise de l'idée même de République/État-rationnel, comme crise du commun stato-national lui-même, et sur le devenir internationalisé-globalisé de l'université bureaucratisée. J'insiterai en fin de parcours sur la nécessité de repenser le commun, notamment à partir de Dardot-Laval et de Michel Freitag.
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L'université et l'idée de la cultureChristian Nadeau (UdeM - Université de Montréal)
L'une des difficultés auxquelles a à faire face l'université, au Québec comme ailleurs, est qu'elle est surtout défendue de l'intérieur. Ce sont les étudiants, universitaires, chercheurs, professeurs, administrateurs, etc., qui se porteront à la défense du rôle essentiel de l'université lorsque la société ou l'État remettent en cause celui-ci. Le milieu universitaire serait alors coupable d'une trop grande indulgence à l'égard de lui-même, en défendant ses privilèges et en les autosacralisant. Peut-être est-ce là un des grands problèmes culturels de l'université. Celle-ci ne sait plus à qui elle parle car ses membres se parlent entre eux. Mais ils ne sont pas seuls à blâmer. Si la culture est vue comme étant un simple luxe ou un divertissement de nantis, il est inévitable que l'université soit elle aussi vue comme telle, à moins qu'elle ne se dénature en se limitant à la formation de futurs professionnels.
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Pause
Sortir de l'habitation : penser en dehors des ruines (table ronde animée par Pierre-Luc Landry)
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Posture de l'intellectuelle dropoutAnnie Dulong (Cégep Édouard-Montpetit)
Pour réfléchir à l'université honnêtement, il ne faut pas ignorer toutes les forces négatives qui y sont à l'œuvre, et le fort pouvoir de dissuasion que l'institution peut avoir. Parfois, l'université oblige à décrocher.
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Faire défectionCatherine Morency (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Quelques pistes de réflexion : présence et transmission culturelle à l'extérieur des murs de l'université; les lieux alternatifs où existe cette transmission; mon métier d'éditrice; mon rapport et mon sentiment de défection presque entier face à l'université aujourd'hui. Remettre en question la «formule» comme tout le reste du protocole universitaire d'ailleurs, de plus en plus. Y a-t-il place pour une parole libre et, pour le moins, impromptue?