Le Prix Acfas Jeanne-Lapointe, pour les sciences de l’éducation, est remis à Isabelle Archambault, professeure titulaire à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal.
La lauréate est investie d’une mission qui inspire l’ensemble de ses travaux : favoriser le plein potentiel de tous les jeunes, quelles que soient leurs caractéristiques. Comment mieux répondre aux besoins de jeunes en situation de vulnérabilité? Comment le contexte socioculturel affecte-t-il leur engagement scolaire? Voilà des enjeux mobilisant cette chercheuse, qui conçoit des outils et des ateliers de formation ou d’accompagnement soutenant le développement de toutes les ressources que possèdent chacun et chacune. Se démarquant par leur pertinence et leur rigueur, ses travaux guident aussi les politiques publiques et génèrent de meilleures pratiques éducatives.
Isabelle Archambault, pendant son doctorat à l’Université de Montréal, étudie la question de l’engagement des élèves dans leur parcours. Sa thèse, déposée en 2007, s’intitule Continuité et discontinuité dans le développement de l'engagement scolaire chez les élèves du secondaire : une approche centrée sur la personne pour prédire le décrochage. Après un séjour postdoctoral à l’Université du Michigan, elle rejoint le corps professoral de l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal.
Ses travaux, à la fois théoriques et pratiques, abordent deux principaux volets. D’une part, elle cherche à comprendre comment l’école peut contribuer à l'engagement, au bien-être et à la réussite éducative des jeunes. Elle porte une attention toute particulière aux élèves en situation de vulnérabilité issus de milieux défavorisés, de l’immigration, appartenant à des minorités sexuelles ou de genre, ou encore, présentant des difficultés scolaires ou des enjeux de santé mentale. D’autre part, elle se penche sur le développement, l’implantation et l’évaluation de pratiques équitables visant l’inclusion de tous les jeunes.
Dès 2010, Isabelle Archambault signe comme auteure principale « Ability self-concepts and subjective task value in literacy: Joint trajectories from grade one through twelve » [traduction d’Isabelle Archambault : « Conception de soi et valeur accordée à la tâche en littéracie : trajectoires conjointes de la première à la douzième année »], un article publié dans le Journal of Educational Psychology. Elle y expose une méthode d’analyse des trajectoires motivationnelles des élèves au cours de leur parcours scolaire. Cet article servira de modèle pour les approches quantitatives théoriques et avancées visant à comprendre le développement humain dans le contexte de l'éducation.
Ses travaux sur les trajectoires de désengagement scolaire seront parmi les premiers à décrire les facteurs et les conditions environnementales (école-famille-communauté) favorisant la prévention du décrochage scolaire. Ils démontreront l’importance d’investir dans les sphères affective et cognitive de l’engagement des élèves, autant que dans leurs comportements. La chercheuse collaborera aux plus importants ouvrages collectifs internationaux portant sur l’engagement scolaire et l’équité en éducation. Plus récemment, par exemple, elle a participé à la rédaction de Sociocultural Perspectives on Student Engagement: Theory, Research, and Practice [à paraître au cours des prochains mois]. Dans le cadre de cette publication internationale, elle a développé un modèle théorique expliquant, en combinant les connaissances de différents champs d’études, les trajectoires associées à la persévérance et au décrochage scolaires des élèves issus de l’immigration.
Isabelle Archambault a aussi contribué à l’International Study of City Youth (ISCY). Cette vaste étude compare l'efficacité des systèmes scolaires dans une quinzaine de métropoles à travers le monde. Les résultats montréalais ont mis en évidence un écart important entre les compétences des élèves des écoles publiques et ceux des écoles privées : la proportion de redoublant·es, beaucoup plus élevée dans les écoles publiques à faible statut socio-économique, s’avère le principal facteur expliquant cet écart. Dans l'ensemble, l’étude souligne la nécessité d'accroître la mixité sociale dans les écoles afin de réduire les inégalités. Elle stipule également que celles-ci persisteront tant que le système scolaire privé ne se verra pas imposer de directives d'admission incluant les élèves en situation de vulnérabilité.
En 2018, la lauréate devient titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’école, le bien-être et la réussite éducative des jeunes et, en 2019, cotitulaire de la Chaire Myriagone McConnell-Université de Montréal en mobilisation des connaissances jeunesse. Dans les mêmes années, Isabelle Archambault dirige le Groupe de recherche sur les environnements scolaires (GRES), qui a pour mission de comprendre l’influence de l’école sur le développement des enfants et des adolescent·es. Elle sera également nommée directrice adjointe du Centre interdisciplinaire de recherche sur le cerveau et l’apprentissage (CIRCA). Ce dernier cherche à accélérer la recherche interdisciplinaire et ses applications par un renforcement bidirectionnel entre les sciences du cerveau et les domaines évoluant dans les milieux de pratique.
Isabelle Archambault réalise par ailleurs, depuis 2020, une étude axée sur le bien-être des adolescent·es qui fréquentent les classes d’accueil peu après leur arrivée au Canada. Les résultats préliminaires indiquent qu’en dépit des traumatismes et de l’isolement qui peuvent affliger ces jeunes, leur taux de réussite est en général élevé. Les travaux démontrent également que plusieurs pratiques peuvent être mises en place pour mieux soutenir le bien-être de ces élèves à plus long terme. Dans ce sens, la chercheuse travaille actuellement avec la Direction de l’intégration linguistique et de l’éducation interculturelle (ministère de l’Éducation du Québec) et trois centres de services scolaires au développement de guides exposant ces résultats, de manière à mieux soutenir les classes d’accueil.
Forte de son leadership et de son engagement, Isabelle Archambault a par ailleurs reçu le mandat de développer et de codiriger le Centre de recherche interdisciplinaire sur la justice intersectionnelle, la décolonisation et l’équité (CRI-JaDE) de l’Université de Montréal, lancé en 2022. La mission du CRI-JaDE est de promouvoir la recherche et la mobilisation des connaissances, et d’outiller des partenaires de différents milieux, dont ceux de l’éducation, en vue de développer et d’adopter des pratiques novatrices visant l’équité.
Depuis janvier 2023, cette grande rassembleuse est à la tête de l’évaluation du projet CAR (Collaborer, Apprendre, Réussir), qui vise le déploiement de communautés d'apprentissage professionnelles dans plus de 50 centres de services scolaires et impliquant cadres supérieur·es, directions d'école et personnel enseignant. Parallèlement, elle travaille avec la Fondation Laurent Duvernay-Tardif à l’évaluation du programme parascolaire « La 6e période », qui soutient le développement positif de jeunes ayant moins accès à des activités physiques ou des ateliers en art visuel, par exemple.
En plus du rayonnement de ses travaux, Isabelle Archambault se distingue par son engagement à rejoindre les acteur·trices directement concernés par sa recherche. Elle s’implique notamment dans des établissements d’enseignement, des centres de services scolaires, des organismes à but non lucratif, au sein d’équipes qui relèvent du ministère de l’Éducation, de décideurs politiques, mais aussi, auprès du grand public grâce à sa présence dans les médias.
En conclusion, soulignons que, pour la lauréate, favoriser le bien-être et la réussite éducative est, encore et toujours, un engagement fondamental. Ses recherches rendent compte des besoins des élèves en situation de vulnérabilité et génèrent de meilleures pratiques, plus inclusives, dans les milieux éducatifs. En travaillant sans relâche à favoriser le plein potentiel de tous les jeunes, elle contribue à former des citoyen·nes épanouis et actifs dans la société.
Publié en novembre 2024.