Le Prix Acfas Léo-Pariseau, pour les sciences biologiques et les sciences de la santé, est remis à Alain Brunet, professeur titulaire au Département de psychiatrie de l’Université McGill.
Ce n’est pas tous les jours que des chercheurs ou des chercheuses arrivent à développer un traitement médical réellement nouveau. C’est pourtant ce qu’a accompli le lauréat, en mettant au point une approche curative toute dédiée aux personnes souffrant de stress post-traumatique. Cette thérapie de reconsolidation consiste littéralement à réencoder dans le cerveau un souvenir traumatique. Lors des attentats meurtriers à Paris en novembre 2015, le chercheur fut l’un des premiers scientifiques étrangers à se rendre sur place afin d’offrir aux clinicien·nes français une formation consacrée à cette approche curative, et pas seulement palliative.
Après un stage postdoctoral à l’Université de Californie à San Francisco, Alain Brunet joint les rangs de McGill, où il devient clinicien-chercheur à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas. Il développe d’abord quelques outils de mesures psychométriques dans le domaine du traumatisme psychique, qui vont faire école. L’un de ceux-là, le Perimetric Distress Inventory (PDI), évalue le degré de détresse ressenti au moment d’un événement stressant ou traumatique. Il sera beaucoup utilisé, entre autres, dans la recherche sur les effets de la COVID-19.
Le chercheur organise aussi au pays plusieurs conférences de haut niveau sur le stress post-traumatique, notamment pour le compte de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et pour le ministère des Anciens Combattants. Au sein de ce ministère, il participe à divers comités mandatés par la Chambre des communes du Canada en vue d’étudier plus précisément la problématique du stress post-traumatique dans un contexte militaire.
Le monde associatif n’est pas en reste. Alain Brunet devient tour à tour président de la section Stress traumatique à la Société canadienne de psychologie, puis éditeur du Journal international de victimologie, la première et seule revue francophone dédiée à cette thématique. Il sera aussi coéditeur pendant six ans du Journal of traumatic stress, le plus important journal scientifique dans le domaine du trauma.
Membre du comité scientifique consultatif de l’organisation Movember, active en matière de prévention du suicide, Alain Brunet s’efforcera de rendre plus marquante la problématique de la santé mentale chez les hommes. Enfin, soulignons qu’il est aussi membre de l'Académie des sciences de la santé du Canada.
Toutes ces contributions du lauréat, aussi importantes et nécessaires soient-elles à la vie scientifique, n’arrivent pas à dépasser cependant l’impact extraordinaire qu’a eu sa nouvelle approche thérapeutique. Aujourd’hui déjà, celle-ci permet de traiter avec succès les personnes aux prises avec un stress post-traumatique.
La thérapie de la reconsolidation se déroule avec l’aide d’un·e psychologue et sous l’influence d’un médicament qui bloque le ré-ancrage dans la mémoire, le propranolol; l’objectif, pour les patient·s, est de repenser activement au trauma subi. Grâce à ce bêta-bloquant, le réencodage du souvenir se voit altéré. En atténuant ainsi la force émotionnelle de l’événement en cause, on arrive à transformer le souvenir traumatique en un mauvais souvenir « ordinaire », et cela, de façon permanente.
Dans un essai clinique mené avec le recours à un placebo, les étudiant·es diplômés d’Alain Brunet – bien que possédant peu d’expérience — ont réussi à soigner des personnes souffrant de stress post-traumatique en aussi peu que six séances de 25 minutes. Normalement, un tel traitement prend des mois, voire des années, et requiert des thérapeutes de talent. Ces travaux d’Alain Brunet culmineront avec la publication en 2018 d’un article dans l’American Journal of Psychiatry : « On the Use of Memory Update Mechanisms to Treat Patients ».
À la suite des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, Alain Brunet a réussi à former en toute hâte 200 clinicien·nes qui ont assuré un suivi de 12 mois auprès de 360 patient·es. En 2020, avec l’assistance de Sami Richa, psychiatre libanais, il a offert gratuitement au Liban une formation à une cohorte de 100 clinicien·nes capables d’intervenir psychologiquement auprès des victimes de l’explosion survenue dans le port de Beyrouth.
Pour la toute première fois depuis les débuts de la psychiatrie, on entrevoit la possibilité d’une médecine « curative » en lieu et place d’une médecine strictement « palliative » qui masque le symptôme (angoisse, dépression, etc.) avec un psychotrope. Un réel changement de paradigme dans la façon même de soigner.
En vingt ans de carrière, Alain Brunet aura influencé profondément la façon dont on conçoit, évalue et traite le trouble de stress post-traumatique, ici et ailleurs, ce qui est rare.