Alexis Pinsonnault-Skvarenina
Le prix Acfas IRSST – Santé et sécurité du travail - Doctorat est remis à Alexis Pinsonnault-Skvarenina, candidat au doctorat en sciences de l’orthophonie et de l’audiologie, à l’Université de Montréal.
Usines, chantiers de construction, discothèques, trafic aérien : il faut se méfier du bruit qui peut mettre à mal nos sensibles oreilles. Une exposition au bruit élevé peut de fait provoquer une destruction des synapses des cellules sensorielles de l’oreille interne et de certaines fibres du nerf auditif. Cette condition appelée synaptopathie auditive serait un précurseur de la surdité et serait associée à des problèmes de compréhension dans le bruit. Des chercheurs l’ont ainsi nommée « perte auditive cachée », puisqu’elle ne peut être détectée par les outils cliniques habituels. Très peu d’études se sont intéressées à ce type de dégradation chez des individus exposés au bruit en milieu de travail. C’est à cette intersection que se situent les recherches du lauréat qui vise à mettre en place une approche de prévention et de sécurité de l’audition en milieu de travail.
Avec ce projet de recherche, le lauréat souhaite déterminer si des méthodes avancées d’évaluation du système auditif permettraient d’identifier des altérations compatibles avec une synaptopathie auditive. Spécifiquement, le projet cherche à documenter si ces altérations se manifestent chez des individus exposés au bruit en milieu de travail, avant l’apparition d’une surdité professionnelle. À titre indicatif, de 287 000 à 359 000 travailleurs seraient exposés à des niveaux de bruit nocifs au Québec.
Des mesures psychoacoustiques et électrophysiologiques ont été réalisées dans le cadre de deux études cliniques. Quatre groupes de jeunes adultes ont été formés; deux d’entre eux étaient exposés au bruit en milieu de travail, alors que les deux autres groupes n’étaient pas exposés à ces environnements nocifs. Les données analysées jusqu’à présent montrent que les travailleurs exposés au bruit présentent des signes de synaptopathie auditive, que l’on ne retrouve pas chez les participants du groupe contrôle sans exposition au bruit. Ces signes se manifestent malgré la présence d’une acuité auditive normale, et ne peuvent donc pas être détectés par les outils actuellement utilisés en milieu clinique.
Ce projet contribue à l’avancée des connaissances dans l’identification de la synaptopathie auditive chez l’humain, en démontrant l’utilité des deux tests cliniques réalisés par le lauréat. Les résultats contribueraient ainsi à révolutionner la pratique de l’audiologie en proposant des outils pour mesurer les premiers signes d’un dommage au système auditif, bien avant l’apparition de la surdité professionnelle. Ce projet pourrait aussi avoir des retombées pour la réadaptation des travailleurs atteints de surdité puisqu'il permettrait de comprendre une pathologie expliquant les acouphènes et les difficultés de compréhension dans le bruit. De nouvelles données à cet égard mèneraient à une meilleure prise en charge des personnes rencontrant ces troubles auditifs. Finalement, les données recueillies orienteraient ultimement les chercheurs et chercheuses vers de nouvelles limites d'exposition au bruit en milieu de travail prenant en compte le risque de synaptopathie auditive.
C’est cette approche de prévention et de sécurité de l’audition en milieu de travail que vient encourager le présent prix.