Anne-Marie Mes-Masson
Le prix Acfas Léo-Pariseau 2020, pour les sciences biologiques et les sciences de la santé, est remis à Anne-Marie Mes-Masson, professeure au Département de médecine de l’Université de Montréal.
La lauréate est une pionnière dans l'élaboration de systèmes modèles illustrant les différents types de cancer. Elle est également à l’origine de plusieurs découvertes fondamentales en oncologie, qui portent en particulier sur le caractère héréditaire de certaines formes de cancer et sur le développement de nouvelles approches thérapeutiques. Elle a établi, avec ses collaborateurs, la première biobanque de tumeurs de cancer de l'ovaire. Par l’expérience ainsi acquise, elle est devenue une chef de file dans le prélèvement et la préservation des échantillons biologiques de divers types de tumeurs. Ce faisant, elle a veillé à ce que soient mises en place des normes précises de pratique éthique de la recherche dans son domaine.
Après avoir obtenu en 1984 un doctorat en virologie et biologie moléculaire à l’Université McGill, intitulé « Analyse génétique de la transformation oncogénique cellulaire liée au virus de polyome », Anne-Marie Mes-Masson a poursuivi des études postdoctorales à l’Université de la Californie, Los Angeles. Durant cette période, elle sera la première à cloner la forme complète de la protéine tyrosine kinase de fusion BRC/Abl, un élément clé dans le développement de la leucémie myéloïde chronique (LMC). Elle a ainsi établi, par ses travaux, les fondements génomiques qui ont permis, par la suite, le développement du médicament Imatinib (Gleevec), dont l'importance pour la survie et pour la qualité de vie des patients atteints de LMC est reconnue. En 1989, elle a rejoint l'Université de Montréal et l'Institut du cancer de Montréal pour s’orienter vers une carrière d’enseignement et de recherche. Aujourd’hui professeure titulaire au Département de médecine de l'Université de Montréal, elle est aussi chercheuse dans l’axe Cancer au Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM).
La Pre Mes-Masson a compris très tôt la nécessité d'étudier la dynamique fondamentale et les mécanismes moléculaires du cancer sur des échantillons de tumeurs de patients. En initiant avec la Dre Diane Provencher la création de la première biobanque de cancers de l'ovaire au début des années 1990 et, avec le Dr Fred Saad, de la première biobanque de cancer de la prostate en 1993, elle a assuré la mise en place, de façon systématique et structurée, non seulement des premiers répertoires majeurs d'échantillons biologiques, mais aussi des cadres de gestion et d'accès pour une utilisation rigoureuse et respectueuse de toutes les règles éthiques. Réalisant rapidement l'importance d'établir de nouvelles lignées cellulaires cancéreuses à partir d’échantillons de patientes atteintes de cancer de l'ovaire, elle a initié la mise en culture d’échantillons de tumeurs en parallèle de leur mise en biobanque. Cette initiative a conduit à la production de plus de 30 lignées cellulaires qui alimentent aujourd’hui les travaux de nombreux chercheurs nationaux et internationaux dans le domaine du cancer de l’ovaire, un des plus meurtrier pour la femmeCe rôle de pionnière dans le développement des modèles in vitro pour l'étude du cancer de l'ovaire est reconnu internationalement.
Parmi ses nombreuses autres découvertes, évoquons celles issues d’une collaboration, à la fin des années 1990, avec plusieurs chercheurs, dont la Dre Patricia Tonin. Il s’agissait alors d’identifier, dans la population canadienne-française, les mutations à l'origine des formes héréditaires des cancers du sein et de l'ovaire. La recherche de ces mutations est désormais une procédure standard dans les laboratoires du Québec pour identifier rapidement les patientes qui en sont porteuses et pour ainsi adapter les traitements en conséquence. Anne-Marie Mes-Masson a aussi contribué aux développements de nouveaux outils de médecine personnalisée permettant d’associer à chaque patient le meilleur traitement possible. Ces outils développés en partenariat avec le Dr Thomas Gervais de Polytechnique Montréal, s'appuient sur un système de criblage empirique complétant avantageusement les approches plus traditionnelles de caractérisation de biomarqueurs et de sélection de molécules candidates.
La source principale de motivation du Pre Mes-Masson a toujours été, et est encore, que ces travaux de recherche aient un impact direct sur les soins aux patientes. Ceci explique pourquoi elle a été une des premières à adopter une approche s’articulant tout à la fois sur la science médicale fondamentale et sur la pratique clinique de terrain. Elle est, de ce fait, à l'origine de la découverte d’une nouvelle cible thérapeutique prometteuse pour le cancer de l'ovaire : la GTPase RAN. Cette découverte est le point central de la mise en place en 2016, avec ses collaborateurs, d'un programme de développement de médicaments financé, entre autres, par les Instituts de recherche en santé du Canada. Tout récemment la découverte de l’importance de la GTPase RAN dans certaines formes de cancer du sein lui ont permis d’obtenir, avec ses collaborateurs, un financement par IRICoR et la Fondation du cancer du sein du Québec pour le développent de nouveau médicament pour cette maladie.
Au cours de son parcours académique professionnel, la lauréate a également exercé plusieurs mandats en administration de la recherche, tels que la direction du Réseau de recherche sur le cancer du Fonds de recherche Québec – Santé (RRCancer), la direction de l'Institut du cancer de Montréal, la co-direction du Réseau canadien des banques de tissues (CTRNet) et la direction du pôle Québec de l’Institut de recherche Terry Fox. Grace à sa carrière qui passe du laboratoire à la clinique elle fut récemment nommé directrice scientifique adjointe, recherche fondamental et translationnelle au CRCHUM. Grâce à plusieurs de ces mandats elle assure le développement de nombreuses biobanques de cancers de haute qualité à travers le Québec et le Canada, et plus spécifiquement au sein de l’axe cancer du CRCHUM.
Notons enfin que son approche centrée sur le patient et son travail au sein du RRCancer lui confère une compréhension fine des enjeux éthiques liés à l'utilisation du matériel biologique humain. Elle intègre la notion du patient partenaire dans sa propre recherche, ainsi que dans plusieurs des comités auxquels elle participe. En matière de service public, la lauréate contribue ainsi à plusieurs groupes consultatifs qui ont produit des rapports provinciaux et nationaux, incluant le Rapport final du groupe consultatif sur la gestion des bases de données et des biobanques à des fins de recherche en santé, l'Enquête sur la recherche sur le cancer au Canada et le Rapport sur l'état des essais cliniques sur le cancer au Canada. Anne-Marie Mes-Masson fait ainsi preuve d’une implication complète et concrète dans la recherche contre le cancer, tant au niveau médical qu’éthique.