Robert J. Vallerand
Le prix Acfas Thérèse-Gouin-Décarie 2019, pour les sciences sociales, est remis à Robert J. Vallerand, professeur au Département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal.
Les pairs du scientifique le dépeignent comme un être motivé par la passion. « Motivation » et « passion » sont également les deux signifiants maîtres qui cernent ses objets de recherche. Le parcours de ce lauréat? Plus de 35 ans de psychologie sociale, 35 ans à s’interroger plus précisément sur les processus motivationnels qui fondent nos actions, 35 ans à développer les outils propres à en saisir les mécanismes agissants, dans les nombreux champs de nos existences : l’éducation, le travail, la santé, les loisirs, le dépassement de soi… Pour qui se consacre, par exemple, à l’approfondissement des processus psychologiques à l'œuvre dans la radicalisation et le terrorisme, connaître les ressorts intimes et profonds des mécanismes motivationnels qui guident les individus concernés vers le passage à l’acte, constitue, il va sans dire, un enjeu majeur.
Formé aux universités McGill et de Montréal, et ensuite à l’Université de Waterloo, ce chercheur d’exception fut recruté d’abord par le Département de psychologie de l'Université de Guelph en 1982. C’est à l’UQAM, finalement, dès l’année suivante, qu’il se fixera.
Les résultats de ses travaux, essentiellement publiés dans 8 livres et 350 articles et chapitres cités à plus de 60 000 reprises, s'inscrivent dans une perspective de psychologie positive. Il s'intéresse autant à l'identification de facteurs motivationnels favorisant le dépassement de soi et le bien-être qu’à ceux pouvant leur nuire. Dans ce cadre, on lui doit le développement de deux modèles théoriques.
Le premier, dit modèle hiérarchique de la motivation intrinsèque et extrinsèque (1997), stipule que la motivation n'est pas uniquement une question de quantité (l'intensité de la motivation), mais aussi de qualité. Le chercheur a identifié chez les individus des comportements pouvant être déterminés par différentes sources : le plaisir (motivation intrinsèque), le choix (motivation extrinsèque autodéterminée), l'obligation (motivation extrinsèque non autodéterminée), ou encore, par l'absence relative de motivation. Ce modèle a été depuis entériné empiriquement par de nombreuses études menées à l’intérieur de divers contextes de vie, notamment l'éducation, le travail et le sport.
Sa seconde théorie, nommée modèle dualiste de la passion (2003), porte sur le rôle fondamental de la passion dans l'existence humaine. Ce modèle explique que le meilleur comme le pire de la passion s’inspire de la dualité décrite par des philosophes tels que René Descartes et Baruch Spinoza, et mène à des passions qualifiées d'harmonieuses et d'obsessives. Cette théorie a ouvert un champ d'investigation scientifique entièrement vierge. Les travaux à sa base, et le modèle qui les sous-tend, sont au cœur du livre The Psychology of Passion: A Dualistic Model (Oxford University Press), qui a valu au lauréat le prix William-James du meilleur livre de l'année décerné par l’American Psychological Association (2017).
C’est au fond à travers les ressorts motivationnels qui déterminent les comportements individuels que le lauréat a pu se tracer un chemin vers des nouvelles explications de problèmes de société tenaces et récurrents : décrochage scolaire, dépendance aux jeux de hasard et d'argent, ou, comme on l’a évoqué plus haut, comportements de nature terroriste.
Ses théories décrivant les processus motivationnels, sur lesquelles peuvent s’appuyer les équipes qui soutiennent les athlètes d’élite, lui ont aussi valu de recevoir, à Lausanne, des mains mêmes du président du CIO de l'époque, M. Juan Antonio Samaranch, le Prix scientifique du sport du Comité international olympique.
Aussi, le récipiendaire du prix Thérèse-Gouin-Décarie est l'un des rares chercheurs québécois à avoir reçu le prix de carrière Donald O. Hebb de la Société canadienne de psychologie pour « une contribution remarquable à la psychologie en tant que science ».
Enfin, le lauréat s’est aussi investi dans le développement et le renouvellement de sa discipline. Ainsi, il a assumé la présidence de sociétés savantes telles que la Société canadienne de psychologie et la International Positive Psychology Association, et a formé plus d’une vingtaine de professeurs universitaires d’un océan à l’autre au Canada, ainsi qu’en Europe. Cette nouvelle génération de scientifiques poursuit l’étude des processus motivationnels menant à une analyse toujours plus fine des comportements humains et à leur compréhension.