Le prix Acfas Denise-Barbeau 2019, pour la recherche au collégial, est remis à Martin Aubé, professeur de physique et chercheur au Cégep de Sherbrooke.
La compréhension des effets des aérosols sur l'environnement, la diminution des impacts de la pollution lumineuse et l'utilisation des retombées positives de l'éclairage dans une perspective de santé humaine font état de l'immense contribution du lauréat au développement des connaissances scientifiques. L'ampleur de son travail exprime sa capacité indéniable à s'appuyer sur des connaissances de pointe pour concevoir des solutions originales et novatrices. Et toujours, il a associé ses étudiantes et ses étudiants aux activités de recherche qu'il a menées au Cégep de Sherbrooke, allumant ainsi de multiples réverbères dont certains brillent déjà dans le ciel de la science.
Martin Aubé est embauché par le Cégep de Sherbrooke en 2001, alors qu'il est doctorant en télédétectionDéfinition de la télédétection par l’Université de Sherbrooke : « La télédétection est la discipline scientifique qui regroupe l'ensemble des connaissances et des techniques utilisées pour l'observation, l'analyse, l'interprétation et la gestion de l'environnement à partir de mesures et d'images obtenues à l'aide de plates-formes aéroportées, spatiales, terrestres ou maritimes ». à l'Université de Sherbrooke. Poursuivant sa pratique d'enseignement, il réalise ensuite un stage postdoctoral en télédétection et en physique des atmosphères, à la même université. Il mène depuis une carrière, où il réussit doublement, de recherche et d’enseignement.
Côté recherche, le lauréat s'est d'abord intéressé à la télédétection des aérosols dans l'atmosphère. Il s’est attaché à cerner la relation entre la pollution atmosphérique et la pollution lumineuse, mais également à ouvrir de nouveaux champs de recherche tout en concevant des applications technologiques utiles à l'étude de ces phénomènes et à la diminution de leurs effets nuisibles.
Pour ce qui est des effets des aérosols sur l'environnement, ses premiers travaux ont porté sur la détection et la mesure de ces substances, ainsi que sur la modélisation de leur comportement dans l'atmosphère nocturne. Il a alors réussi à établir une relation étroite entre la pollution lumineuse et la pollution atmosphérique créée par la présence d'aérosols, ce qui a mené à la conception d’un spectromètre pour la détection nocturne de ces derniers. D'abord testé au Québec, cet instrument peu coûteux et facile à transporter a été éprouvé aux États-Unis, en Espagne et en Chine. Martin Aubé l’a aussi testé sur des sites d'observatoires astronomiques, dont celui du mont Mégantic, et ceux du Palomar Observatory dans le Sud-Ouest américain. Au fil des ans, un groupe de recherche, formé autour du lauréat et composé d'étudiantes et d'étudiants et de collègues enseignants, a participé à la bonification du modèle.
Plus récemment, M. Aubé s'est intéressé aux effets néfastes de la lumière intrusive sur la santé humaine. Avec des chercheurs du Barcelona Global Health Research Center, il a démontré que l'exposition nocturne à la lumière bleue est associée à un risque accru de souffrir d'un cancer du sein ou de la prostate. Cette évidence a été obtenue en croisant des images provenant de la Station spatiale internationale et une étude épidémiologique espagnole. Depuis, il a mis au point deux nouveaux instruments de détection à haute sensibilité pour caractériser la couleur et l'intensité de la lumière artificielle.
Martin Aubé s’est aussi intéressé à la technologie d'éclairage au moyen de diodes électroluminescentes (DEL), riches en lumière bleue. Celle-ci perturbe le cycle circadien de plusieurs espèces biologiques, y compris celui de l'humain. Pour diminuer la perturbation, il a mis au point, avec une entreprise privée, un filtre optique pour les lampadaires de rue utilisant des DEL, filtre qui diminue considérablement la quantité de lumière bleue émise.
À l'échelle régionale et nationale, le chercheur est régulièrement sollicité pour son expertise en matière de pollution lumineuse. Sur le plan international, ses travaux l'ont amené à tisser des liens étroits avec des chercheurs provenant de l'Espagne, de la Chine, de l'Allemagne, de l'Italie, de l'Argentine et des États-Unis, et ce, dans des champs d'études allant de l'astrophysique à l'écologie marine tout en passant par la santé humaine. Martin Aubé jouit également d'une reconnaissance dans le milieu universitaire. Son expertise l'a conduit à devenir professeur associé au Département de géomatique de l'Université de Sherbrooke ainsi qu'au Département de physique de l'Université Bishop's. Par l'entremise de ces affiliations, il peut faire profiter de son expertise, par la cosupervision et l'encadrement, des étudiantes et étudiants en stage et aux cycles supérieurs.
Côté enseignement collégial, le pédagogue cohabite toujours avec le chercheur. En témoigne la création du Groupe de recherche et d'application en physique au Cégep de Sherbrooke (GRAPHYCS), devenu ensuite le Centre d'étude et de recherche transdisciplinaire étudiants-enseignants du Cégep de Sherbrooke (CERTEE). Le groupe est né à la suite d'une déclaration spontanée du lauréat devant ses élèves dans le cadre d'un cours : « Lorsque nous sommes curieux et que nous tentons d'expliquer des phénomènes qui nous entourent, nous explorons le monde de la recherche. Ainsi, nous pouvons potentiellement tous devenir des chercheurs, même vous, en tant qu'étudiants! » À la suite de cette affirmation, certains d'entre eux ont voulu connaître le sérieux de ses propos. C'est alors que l'idée d'intégrer un projet pilote d'initiation à la recherche scientifique a vu le jour et s'est développée autour du thème principal de la détection nocturne des polluants atmosphériques, dont la pollution lumineuse.
Martin Aubé a aussi joué un rôle prépondérant dans la structuration et le développement de la recherche collégiale. En 2009, il a été invité par le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies à contribuer à la conception d'un nouveau programme de subvention dédié aux chercheuses et aux chercheurs des collèges. Soulignons enfin l'apport de M. Aubé au rayonnement de la recherche collégiale sur la scène internationale. En 2015, avec sa collègue Johanne Roby, il a organisé et tenu, à Sherbrooke, deux congrès internationaux sur la pollution lumineuse. Toutes les étudiantes et tous les étudiants des deux enseignants ont présenté les travaux réalisés sous leur supervision.
Enfin, l'importance accordée à la protection de l'environnement s'illustre aussi par un engagement social important du chercheur à l'égard de la réduction de la pollution lumineuse et de ses impacts. À titre d'exemple, il a convaincu la Ville de Montréal de modifier son projet de conversion massive des systèmes d'éclairage de la ville pour que l'usage de luminaires à plus faible contenu en lumière bleue soit privilégié. Cette intervention a amené la Ville de Québec à adopter une position similaire. Enfin, avec des collèges français, il a créé la Réserve internationale de ciel étoilé du Pic-du-Midi dans les Pyrénées. Depuis, un peu partout ici et en France, nos nuits sont un peu plus noires et notre sommeil un peu plus calme…