Jacques Simard
Le prix ACFAS Léo-Pariseau 2017, en sciences biologiques et sciences de la santé, est remis à Jacques Simard, professeur à la Faculté de médecine de l’Université Laval.
Entrevue vidéo avec le lauréat au 73e Gala de l'ACFAS.
La plupart des cancers ne sont pas héréditaires, mais on a longtemps soupçonné qu’une composante génétique prédispose certaines personnes à la maladie. Sur ce champ de bataille, les travaux du lauréat ont mené à la découverte des deux gènes de prédisposition aux cancers du sein et des ovaires. Soulignons que ces cancers, découlant d’une mutation génétique dans les gènes BRCA1 ou BRCA2, sont particulièrement précoces et dévastateurs et peuvent affecter plusieurs membres d’une même famille. La découverte de ces gènes de susceptibilité a permis la mise au point d’un test de dépistage de la prédisposition au cancer du sein et de l’ovaire utilisé internationalement. En plus de l’oncogénétique, soulignons les contributions du chercheur en endocrinologie moléculaire concernant l’action et la biosynthèse des hormones stéroïdiennes exerçant un rôle déterminant dans la régulation et la croissance des tissus cibles et des tumeurs du sein et de la prostate.
La riche carrière du lauréat se déploie selon un fil conducteur, soit la caractérisation des mécanismes génétiques et hormonaux du cancer, afin d’en améliorer la détection précoce et le traitement. Pour le cancer du sein, il s’emploie à rendre cette détection à la fois plus efficace et plus humaine. Dans cette optique, il fonde en 2001 une équipe internationale de recherche sur la susceptibilité génétique au cancer du sein. Depuis lors, ce programme a permis d’identifier un très grand nombre de facteurs de risque génétiques afin d’améliorer les modèles de prédiction du risque de la maladie et de mieux comprendre comment cette information peut être communiquée aux patientes, à leur famille et aux professionnels de la santé, dans le but de les assister dans leur prise de décision concernant les interventions de prévention, de réduction du risque, et de l’utilisation d’approches thérapeutiques mieux adaptées. Ultimement, l’impact de l’utilisation de ces tests de prédisposition au cancer a conduit à une réduction de la mortalité due au cancer du sein et de l’ovaire.
Afin d'accroître, la validité, ainsi que l’impact des percées scientifiques permettant de faciliter l’identification des personnes à risque accru de développer un cancer du sein, le lauréat mène une carrière riche en collaborations, ayant un rôle clé dans plusieurs consortiums internationaux regroupant des centaines d’équipes d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie. Au sein de ces consortiums, il a d’ailleurs récemment été impliqué au premier plan dans la plus vaste étude réalisée à ce jour visant à cerner les marqueurs génétiques associés à un risque de développer le cancer du sein.
Il est actuellement le chercheur principal du programme interdisciplinaire PERSPECTIVE (PErsonalised Risk Stratification for Prevention and Early deteCTIon of breast cancer) regroupant plus de 25 cochercheurs fondamentalistes et cliniciens ayant des expertises complémentaires en génomique, épidémiologie, biostatistique, économie de la santé, psychologie, transfert des connaissances, éthique et droit de la santé du Québec et de l’Ontario, des États-Unis et de plusieurs pays européens. Ses recherches portent sur le développement des outils nécessaires à la mise en œuvre d’une approche de stratification du risque qui permettra de cibler le dépistage du cancer du sein par mammographie chez les femmes les plus susceptibles de développer la maladie. Elles permettront de mieux desservir la sous-population de femmes plus jeunes, soit de 35 à 49 ans, qui sont à risque élevé d’avoir un cancer du sein et qui échappent présentement au programme de dépistage standard, principalement basé sur l’âge comme critère d’éligibilité. En raison du caractère souvent plus agressif des cancers du sein frappant ces jeunes femmes, une détection et un suivi plus précoces permettraient l’utilisation de thérapies moins invasives, de réduire les effets secondaires des traitements, d’améliorer leur survie et d’augmenter leur qualité de vie. La stratification des femmes en fonction de leur groupe de risque de cancer du sein devrait avoir des retombées importantes en santé publique, non seulement pour l’organisation des services offerts, mais aussi dans le choix des méthodes de dépistage les plus appropriées et les plus rentables.
Finalement, il faut reconnaître le rôle significatif du lauréat dans l’organisation stratégique de la recherche en santé, non seulement au sein du Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval à titre de Directeur adjoint – Recherche fondamentale, mais aussi au Québec et au Canada, à titre de membre de plusieurs conseils, dont le Conseil de recherches médicales du Canada (1998-2001), le Conseil consultatif ministériel des sciences de Santé Canada (2005-2011), le Conseil d’administration de Génome Canada (2005-2010). Il a assuré la présidence du Comité consultatif science et industrie de Génome Canada (2010-2016). Il siège actuellement à titre d’expert sur le comité des investissements secteur nouvelle économie du Fonds de solidarité FTQ, l’un des plus importants investisseurs en capital de risque dans le domaine des sciences de la vie au Canada, ainsi qu’au comité de gestion de l’Oncopole du Fonds de recherche du Québec-Santé (FRQS)-Merck, un pôle de recherche provincial de développement et d’investissement mis en place pour accélérer la lutte contre le cancer.