Francoise Winnik
Polymères, nanoparticules et interfaces ne sont pas des mots du quotidien. Ils désignent pourtant des substances, des objets omniprésents ! Ils sont utilisés dans nos habits, nos meubles, nos médicaments, notre nourriture. Sans oublier les tablettes, les écrans dont nous ne savons nous passer. De par sa recherche, la lauréate a contribué tangiblement au mode de vie de chacun. Rien de plus normal, pourrait-on croire, compte tenu de la polyvalence des polymères, qui, si la recette est bonne et le chef adroit, peuvent se cuisiner à toutes les sauces. Mais la véritable explication de cette réussite réside dans la manière qu’a la lauréate de combiner recherche fondamentale et appliquée, dans des domaines tels que l’imagerie médicale, la thérapie génique et la nanomédecine.
En 1981, après des études supérieures puis postdoctorales à l’Université de Toronto, la lauréate entame une brillante carrière chez Xerox. Développant de nouvelles technologies relatives aux encres, elle signe 25 brevets en douze ans. Très tôt, Françoise Winnik s'intéresse à un polymère thermosensible alors peu connu, le PNIPAM. Sous la température critique de 32°C, le PNIPAM est hydrophile; au-delà, il devient hydrophobe et se recroqueville. Françoise Winnik a démontré qu’il est possible d'ajuster cette température critique en modifiant le polymère, ouvrant ainsi le chemin vers de nombreuses applications pratiques. L’article qu’elle publie à ce propos en 2010 avec experts du monde entier dans Nature Materials fait couler beaucoup d’encre, puisqu’il a été cité plus de 1150 fois.
En 1993, la lauréate fait peau neuve en regagnant le monde universitaire, comme professeure à l'Université McMaster (Hamilton, Ontario). Depuis 2000, elle enseigne à l'Université de Montréal et conduit des recherches portant sur les utilisations de polymères naturels et synthétiques en thérapie, imagerie médicale et diagnostique. Travaillant de pair avec des chirurgiens et des cardiologues, la professeure Winnik a développé des nanoparticules pour la thérapie génique. Son équipe a démontré l'utilité du groupement folate (la vitamine B9) dans les processus de transfection (l’introduction artificielle de gènes dans une cellule). La lauréate s'est aussi intéressée à la toxicité des nanoparticules, notamment les points quantiques (des assemblages d’atomes) utilisés en imagerie et certains panneaux solaires. Compromettants, les résultats de ces travaux ont incité les chercheurs à regarder de plus près les effets nocifs des nanoparticules.
L’expertise considérable de Françoise Winnik se mesure par l’ampleur de ses récompenses et engagements internationaux. Distinguée en 2006 puis en 2011 par l'Institut de chimie du Canada (ICC), elle reçoit le prix Doolittle de l’American Chemical Society en 2009. La lauréate participe à une dizaine de rassemblements chaque année, dont certains de très haut vol. Ainsi, en 2012, elle intervient au 62e Congrès annuel de la Japan Society of Polymer Science, qui lui attribue son prix international en 2013. La même année, le High Polymer Research Group de Grande-Bretagne, qui par coutume ouvre rarement ses portes aux non-Européens, invite la lauréate à donner une conférence.
Couronnant sa collaboration répétée avec des établissements japonais depuis les années 1980, Françoise Winnik est nommée chercheuse séniore par le prestigieux World Premier International Center for Materials Nanoarchitectonics (le MANA) du National Institute for Materials Science, à Tsukuba au Japon. Seule canadienne du centre, la lauréate a ouvert un laboratoire satellite du MANA à Montréal où elle accueille actuellement des chercheurs japonais. Du pays du soleil levant, nous rejoignons celui du père Noël : en 2013, Françoise Winnik obtient le titre de Distinguished University Professor de l'Université d'Helsinki, encore une première pour le Canada. Elle conduit actuellement un programme de recherche de cinq ans avec une équipe finlandaise, poursuivant ses travaux sur les nanoparticules polymères et les médicaments.