Renaud Boulanger
L’année 2014 est marquée par la crise humanitaire engendrée par l’épidémie du virus Ébola en Afrique de l’Ouest. Dans ces cas d’urgence, il est bien connu que les acteurs de l’aide humanitaire font face à de nombreux dilemmes éthiques. Mais qu’en est-il des chercheurs impliqués? Nous en savons très peu en fait. Et pourtant, eux aussi doivent prendre des décisions ayant de graves impacts sur des populations très vulnérables. C’est à ce manque d’attention portée à l’expérience morale des chercheurs que le lauréat compte bien remédier.
Lors d’une épidémie émergente, les chercheurs doivent-ils risquer l’étude d’un vaccin expérimental alors que les conditions pour assurer le bien-être et le suivi des participants sont loin d’être optimales? Après avoir été témoins de crimes de guerre, devraient-ils sacrifier la validité scientifique d’une étude dans l’espoir d’augmenter les chances d’arrestation des coupables? Suite à une catastrophe naturelle, doivent-ils «traumatiser» davantage les participants en leur demandant de raconter en détail leur expérience? Pendant une explosion de grippe, devrait-on arrêter d’identifier de possibles cas si l’on soupçonne que les résultats seront utilisés par le gouvernement local pour stigmatiser certaines populations?
Tels sont les type de dilemmes éthiques rencontrés par les chercheurs lors de crises de santé publique provoquées tant par des catastrophes naturelles que des conflits armés.
Contrairement aux urgentologues, par exemple, la plupart des chercheurs ne sont pas préparés à gérer ce type de pression. Jusqu’à présent, peu d’études empiriques ont cherché à comprendre la perspective des chercheurs œuvrant en situation de crise et devant prendre des décisions déchirantes. C’est pourquoi Renaud Boulanger en a fait le sujet d’étude de sa thèse de maîtrise en bioéthique, commencée en 2012 à l’Université McGill.
Les données existantes suggèrent que l’étude de Renaud Boulanger pourrait être hautement utile. Par exemple, certains travaux démontrent que les grandes directives éthiques – souvent développées par des institutions occidentales – ne répondent pas véritablement aux besoins des chercheurs œuvrant dans les pays en voie de développement. L’insistance sur l’importance du consentement éclairé individuel et écrit illustre bien que ces directives ne tiennent pas compte du contexte de terrain.
Aussi, la recherche en situation de crise bénéficie de l’attention croissante des organisations internationales non gouvernementales (ex. Médecins sans frontières), des principaux bailleurs de fonds de la recherche en santé (ex. Wellcome Trust, Instituts de recherche en santé du Canada) ainsi que des Nations Unies, particulièrement à travers l’Organisation mondiale de la santé (OMS). D’ailleurs, notre lauréat collabore en ce moment avec l’OMS en tant que coéditeur d’un manuel de formation sur le sujet.
L’engagement de ce jeune professionnel dans le domaine de l’éthique en santé mondiale ne s’arrête pas là. Du côté de la transmission des connaissances, Renaud Boulanger détient à son actif un nombre de publications assez remarquable pour un étudiant à ce stade de sa carrière. Il est non seulement coauteur d’articles publiés dans l’American Journal of Public Health, PLoS Currents et l’American Journal of Disaster Medicine, mais aussi premier auteur d’articles publiés dans le Lancet Infectious Diseases et Healthcare Quaterly. Il est aussi auteur de trois chapitres de livre qui sont sous presse. Il est également éditeur exécutif au sein du journal bilingue en ligne, BioethiqueOnline, et a participé à titre de jury aux concours pour étudiants de la Société canadienne de bioéthique.
Au cours de la dernière année, l’étudiant-chercheur a participé à des conférences dans de nombreuses villes, incluant Genève, Mexico, Istanbul, Washington et bien sûr Montréal. Il a entre autres joué un rôle clé dans l’organisation de l’atelier « Engaging Communities in Tuberculosis Research : Concepts, Value, and Practice » à la Conférence mondiale de l’Union Internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires en novembre dernier à Paris. Cet événement important, ayant eu lieu en présence de décideurs et de chercheurs d’envergure, a été, pour Renaud Boulanger, l’accomplissement de plusieurs années de travail dans le domaine de la recherche sur la tuberculose. Il a notamment participé au développement de ressources pour encourager la participation active des communautés-hôtes tout au long des essais cliniques les concernant. Ces ressources ont d’ailleurs reçu les honneurs de la Commission présidentielle de bioéthique des États-Unis et font l’objet d’un projet de recherche financé par les National Institutes of Health.