Le Québec est irrigué par plus de 400 bassins versants majeurs. Impossible pour les scientifiques d’installer leur matériel de mesure dans chacun d’eux ! En fait, la majorité sont « non jaugés ». Comment alors prévoir leur comportement ? En se rendant dans un monde virtuel, celui du Modèle régional canadien du climat (MRCC). Ce simulateur de climat haute résolution recrée très précisément les conditions climatiques avec une résolution de 15 km. C’est dans ce laboratoire géant et fictif que le lauréat effectue des analyses hydrologiques très rigoureuses!
Avec une résolution de 15 km, le MRCC est l’un des modèles les plus précis au monde. Il effectue des calculs complexes en tenant compte d’un très grand nombre de variables : précipitations, radiation solaire, composition chimique de l’air, débit des rivières, etc. Ces données, les stations météorologiques n’ont pas la capacité de les produire, et pourtant elles sont essentielles au travail des hydrologues chargés de prévoir le comportement des cours d’eau. L’utilisation du MRCC devrait combler leurs besoins.
Le MRCC donne accès à des données climatiques dans le temps et dans l’espace, établissant ainsi les scénarios les plus probables pour l’évolution du climat. Le chercheur, à partir de ces scénarios, peut donc estimer la température de l’air moyenne d’un bassin, la quantité de précipitations et le débit d’eau, c’est-à-dire son volume d’écoulement.
Richard Arsenault utilise ces informations pour ajuster les paramètres d’un autre outil numérique, appelé modèle hydrologique. Cet « art » d’ajustement des paramètres d’un modèle hydrologique afin qu’il représente le plus fidèlement la réalité s’appelle le « calage ». Le chercheur s’appliquera donc à « caler » les paramètres du modèle hydrologique de manière à obtenir le même débit que celui simulé par le modèle climatique. En se rapprochant de la réalité, les calculs pour prédire le comportement du bassin seront plus précis, et les risques d’erreur réduits.
Le lauréat fait ensuite appel à différentes approches de régionalisation pour classifier les bassins selon leurs ressemblances. En fait, trois approches sont analysées afin de bien saisir leurs forces et faiblesses. À terme, elles permettront de classifier les bassins.
- 1) La méthode de proximité spatiale utilise certains paramètres d’un bassin pour les transposer au bassin voisin dans le même espace géographique.
- 2) La méthode de similitude physique applique les paramètres d’un bassin X à un autre bassin physiquement semblable.
- 3) La méthode de régression linéaire utilise les liens qui existent entre les paramètres des modèles hydrologiques (pourcentage d’évaporation des précipitations, vitesse de ruissellement, etc.) et les caractéristiques physiques des bassins versants (pente, superficie, altitude, couverture du sol, etc.). Il s’agit de déterminer si une corrélation existe entre ces données.
Richard Arsenault utilise ensuite ces trois approches pour « forcer » le modèle hydrologique à prévoir les bons apports en eau des bassins non jaugés, et ce, grâce aux informations disponibles pour les bassins jaugés. Pour cela, il cale les paramètres du modèle hydrologique pour simuler le débit d’eau des bassins non jaugés aussi précisément que possible. Étant donné que les approches de régionalisation regroupent différents bassins selon leurs similarités, le calage doit s’appliquer à plusieurs bassins en même temps. C’est donc un calage multi-objectif. Cela signifie qu’il faut ajuster les paramètres du modèle hydrologique régionalement, et non plus à un seul bassin, afin que l’ensemble des paramètres soit le plus représentatif de la réalité lorsque plusieurs bassins sont étudiés.
Au total, le chercheur a l’intention de simuler le comportement de 306 bassins versants du Québec. Ce grand nombre améliorera l’efficacité de la méthode parce que la grande hétérogénéité des caractéristiques des bassins favorisera le développement de règles spécifiques à certains types de bassins, limitant ainsi l’incertitude liée à la sélection d’une approche de régionalisation.
L’étudiant-chercheur compte aussi appliquer ces simulations en contexte de changement climatique. Dans cette perspective, un voyage dans le temps s’imposera, car le passé renseigne sur le futur. Il s’agit de comparer un bassin à un autre dont les paramètres ont été similaires dans le passé. En observant comment ce dernier a évolué, le chercheur pourra prédire le comportement du bassin qui l’intéresse. C’est la méthode Trading Space for Time, car elle compare dans le temps et non dans l’espace.
En transposant les études en hydrologie dans un monde virtuel, Richard Arsenault élargit le potentiel de son domaine de recherche. La qualité des données fournies par le MRCC permet de prédire plus précisément les comportements des rivières. L’impact d’une telle innovation se fera ressentir dans notre environnement quotidien. L’énergie hydraulique pourrait être plus productive, la gestion de l’eau plus efficace, les municipalités plus à même de se préparer aux inondations qui les menacent… Une pluie d’effets positifs est donc à prévoir. D’autant plus que la relève en hydrologie pourra compter sur l’expertise du lauréat. Auxiliaire d’enseignement et chargé de cours depuis trois ans, il envisage une carrière académique à l’issue de son doctorat.
Rédactrice : Solène Maillet