Ce prix est inséparable de sa présidence d’Éduc’alcool et de la campagne récente sur la consommation à faible risque d’alcool. C’est une des campagnes de santé publique les plus réussies qu’ait connues le Québec, et elle n’est pas terminée. De plus, on ne peut faire abstraction de son engagement au niveau local, national et international pour des questions reliées aux addictions – alcool, drogues et, plus récemment, les jeux de hasard et d’argent...
Ouverture de rideauAh, qu’il paraît loin le temps où Louise Nadeau écumait les scènes canadiennes avec la troupe du Théâtre des Pissenlits, multipliant les représentations face à une nuée d’enfants enthousiastes! Enthousiasme qu’elle avait elle-même à revendre. Cependant ce n’est pas l’univers de la comédie mais bien celui des sciences qui va en profiter. Allégrement, même. Car cela fait désormais 40 ans que Louise Nadeau se consacre au champ des addictions. 40 années à « ausculter » la santé mentale et toutes ses formes de dépendance. Avec toujours la même vigueur, la même passion. Et guidée par une démarche immuable : œuvrer pour la collectivité.
Les femmes au centre du débatSa voie, Louise Nadeau la trouve durant sa maîtrise en psychologie, au cours de son passage comme intervenante psychologue-clinicienne au programme Portage, en 1972. Une expérience marquante, qui détermine, naturellement, la suite de sa vie professionnelle. Au sein de ce centre de traitement pour toxicomanes de Montréal, elle entre pour la première fois en contact avec le monde des addictions, s’appliquant à comprendre ses mécanismes. Par l’écoute attentive des récits des résidents, Louise Nadeau constate que les contextes familiaux et sociaux, dont les actes de négligence et d’agression, sont des facteurs récurrents à la survenue de la toxicomanie.
Devenue responsable du Certificat en toxicomanies à l’Université de Montréal, Louise Nadeau commence à faire parler d’elle. En effet, son activisme féministe, assumé, débouche sur des travaux retentissants, sur les femmes et la santé mentale. En 1981, la publication du livre Va te faire soigner, t’es malade — fruit d’une collaboration avec Louise Guyon, anthropologue, et Roxanne Simard, psychologue — est son premier fait d’armes. Ce succès de librairie met, pour la première fois, en relation les « contraintes » du rôle féminin et la stigmatisation dont s’avèrent victimes les femmes alcooliques et toxicomanes. S’en suit, dès 1984, sa thèse de doctorat sur les facteurs psychologiques de la survenue de l’alcoolisme chez les femmes ainsi que des autres pathologies mentales associées à ce trouble. Enfin, toujours dans cette mouvance, elle accède au statut, en 1989, de coprésidente de la Table de concertation des femmes du Conseil international sur les problèmes d’alcoolisme et de toxicomanie.
Des dépendances ancestrales aux addictions modernesTout au long de la carrière professionnelle de la lauréate, le domaine de l’alcoolisme tient une place centrale. C’est donc tout logiquement qu’elle s’engage avec l’organisme canadien Éduc’alcool en 1990, y occupant d’ailleurs le siège de présidente depuis 2007. Un engagement qui résulte en l’accroissement de l’organisation sur le plan national et international, et ce, entre autres, à travers des campagnes de prévention d’envergure. « L’effet Louise Nadeau » y joue un rôle déterminant. En effet, lors des consultations des organisations non gouvernementales de l’OMS en 2010, elle signe l’avis d’Éduc’Alcool pour la Stratégie mondiale pour réduire l’usage nocif de l’alcool ou assiste — avec la direction d’Éduc’Alcool – à la réunion préliminaire sur la politique canadienne en matière d’alcool, convoquée à l’automne 2005 par Santé Canada.
Récemment, ses travaux sur la prédiction de la récidive chez les conducteurs condamnés pour conduite avec capacités affaiblies par l’alcool — en collaboration avec l’équipe de T.G. Brown, de l’Université McGill — provoquent un vif intérêt. En effet, l’ensemble de ces recherches sont prises en compte dans le nouveau règlement de la Société d’assurance automobile de 2012. La qualité de son expertise et sa riche expérience en matière de soins et d’interventions sur le terrain sont telles que Louise Nadeau s’impose comme une référence. Ainsi, les cercles français qui s’occupent d’alcoolisme — comme, par exemple, la Société Française d’Alcoologie ou l’Association Nationale de Prévention de l’Alcoolisme et des Addictions — la considèrent comme incontournable.
À l’heure actuelle, Louise Nadeau se penche sur de nouveaux domaines d’addictions, notamment avec une analyse rigoureuse de la numérisation de notre société à travers les jeux de hasard et d’argent en ligne. La prochaine publication de la traduction du latin au français d’un traité sur le jeu pathologique datant XVIe siècle s’inscrit dans cette démarche. Réalisée conjointement avec les docteurs Sébastien Kairouz et Marc Valleur, cette recherche devrait d’ailleurs révolutionner les conceptions historiques en matière d’addictions. Effectivement, elle met nettement en évidence le rôle spécifique des processus psychologiques dans les addictions, alors que la tradition a surtout attribué la dépendance aux effets des produits.
Enfin, la lauréate dirige également un Groupe de travail sur le jeu en ligne afin de développer des politiques de jeu responsable et de prévoir des mesures pour protéger les plus vulnérables. La démonstration, saisissante, que les années s’écoulent, mais qu’elles n’ont aucune emprise sur la motivation de Louise Nadeau.
Rédacteur : Thomas Belin