Michel Bouvier
Développer le bon médicament pour la bonne personne, c’est maintenant possible. Cette « médecine personnalisée » est basée sur la chimie médicinale, dont l’objectif est de découvrir ou de développer des molécules thérapeutiques bien ciblées. Ainsi, par l’étude du fonctionnement des médicaments à l’échelle moléculaire, le lauréat participe à la conception des thérapies du futur. Comme il s’agit d’un défi colossal, il a su miser sur l’expertise complémentaire de collaborateurs de divers pays, et tout particulièrement la France.
Depuis plus de 20 ans, des chercheurs français collaborent avec succès aux recherches de Michel Bouvier. De ces échanges scientifiques sur la signalisation cellulaire des récepteurs couplés aux protéines G (RCPG) ont émergé des résultats parfois révolutionnaires. Sur le plan fondamental, ils ont travaillé sur les mécanismes moléculaires qui contrôlent une chaîne de réactions dans les cellules, appelée communication cellulaire. Ces mécanismes ont souvent un impact sur le développement de nouveaux médicaments. Trois projets clés sont issus de cette synergie scientifique.
En collaboration avec A. Donny Strosberg et Stefano Marullo de l’Institut Cochin de génétique moléculaire de Paris, Michel Bouvier a élucidé certains des mécanismes contrôlant l’efficacité et la sélectivité de signalisation des RCPG. Comme ces récepteurs sont une cible prépondérante pour le développement de médicaments, les résultats de ces travaux sont maintenant utilisés par l’industrie pharmaceutique pour développer des thérapies plus efficaces et comportant moins d’effets secondaires, dont le développement de tolérance aux traitements.
Un autre projet collaboratif, cette fois avec Pierre Boulanger de l’Institut de biologie de Montpellier, ainsi qu’avec Stephano Marullo et A. Donny Strosberg, tous deux de l’Institut Cochin, concerne le développement d’une technique de production de masse des RCPG dans des baculovirus, soit des virus utilisés en culture de cellules. Cette méthode qui est maintenant utilisée par plusieurs laboratoires a notamment été exploitée sous licence par une entreprise japonaise pour la production d’anticorps diagnostiques.
Les chercheurs Ralf Jockers et Stephano Marullo, toujours de l’Institut Cochin, ont aussi jumelé leurs efforts à ceux du lauréat. Ils ont découvert que les RCPG pouvaient s’associer entre eux et former des complexes homo- ou hétéro-oligomériques. Cette découverte révolutionnaire a entraîné un changement de paradigme, puisqu’on pensait que les récepteurs étaient organisés en monomères. S’ouvre alors de nouvelles perspectives pour le développement de médicaments contrôlant l’état oligomérique des récepteurs.
En 2006, Michel Bouvier a remporté le prix Acfas Léo-Pariseau. On avait alors souligné son innovation méthodologique liée à la méthode du BRET, soit le transfert d’énergie par résonance de bioluminescence. Depuis, il a poursuivi ses avancées dans ce domaine : le BRET, déjà appliqué à l’étude des interactions protéine-protéine dans les cellules vivantes, a été optimisé pour l’imagerie, en collaboration avec Julie Perroy et Laurent Fagni, tous deux du CNRS de Montpellier. Le fait de pouvoir suivre en temps réel les interactions protéiques dans des cellules vivantes a propulsé le laboratoire de Michel Bouvier au sommet. Aujourd’hui, des chercheurs d’Amérique du Nord et d’Europe s’y rendent pour apprendre cette technique et l’adapter à leurs propres recherches.
Les échanges scientifiques entre Michel Bouvier et les chercheurs français ont aussi lieu hors des laboratoires. En effet, le lauréat a été conseiller scientifique en France, tant au privé qu’au public, il a été rédacteur en chef pour le Québec de la revue franco-québécoise Médecine/Sciences de 2005 à 2011, et il a formé 22 étudiants et stagiaires postdoctoraux français. Produire une science sans frontières, voilà qui résume bien la philosophie du chercheur.