Guy Lemay
Ennemis devenus alliés : un virus orphelin contre le cancer
La nature des virus
La nature des virus, c’est de se comporter comme des parasites à l’intérieur de cellules qu’ils exploitent et dont ils tirent leur énergie. L’exploitation par les virus des ressources de la cellule infectée entraîne le plus souvent la mort de celle-ci. Cependant, un virus à l’extérieur d’une cellule n’est guère plus vivant qu’un caillou!Les virus ont la capacité de se reproduire, tout en formant une constellation de variantes, mutants et chimères pouvant être sélectionnés par les virologistes. Dans le présent cas, ils cherchent à trouver des virus qui reconnaissent et attaquent les cellules cancéreuses en laissant intactes les cellules « normales » de notre corps.Des études ont permis de réaliser que les virus et les cellules co-évoluent au fil du temps afin de s’adapter les uns aux autres. Les cellules développent des mécanismes de protection contre les virus pendant que ceux-ci évoluent pour contrecarrer ces mécanismes et continuer à se multiplier. Par contre, les cellules cancéreuses, obsédées par la prolifération à tout prix, voyagent avec peu de bagages; elles sont mal équipées pour faire face aux infections virales. Alors qu’un affaiblissement bien calculé peut rendre un virus incapable d'infecter une cellule normale, les cellules cancéreuses demeurent sensibles. Des chercheurs à travers le monde travaillent à transformer ainsi leur virus favori en agent thérapeutique contre le cancer.
Un orphelin à la rescousse
Dans une scène du film de science-fiction « Je suis une légende », une scientifique explique l'utilisation d'une forme modifiée du virus de la rougeole comme remède à tous les cancers. La scène suivante montre une terre dévastée, peuplée d'une poignée de survivants harcelés par des hordes de zombies, résultat d'une pandémie causée par cette panacée miracle! Ce scénario, qui fait bien sûr sourire les virologistes, reflète tout de même les craintes de la population concernant les manipulations génétiques.
Au sein de l'armada de virus à notre disposition, certains pourraient toutefois se révéler plus facilement acceptables pour le grand public. Parmi ceux-ci, on retrouve un virus respiratoire et entérique « orphelin ». Le réovirus de mammifères fut nommé orphelin lors de sa découverte au milieu du 20e siècle, en ce sens qu'aucune maladie ne peut être associée à l'infection par ce virus. Cette absence apparente de pouvoir pathogène représente évidemment un atout important pour l'utilisation en virothérapie.Des mutations fréquemment retrouvées dans les cancers humains favorisent la multiplication du réovirus ou rendent à tout le moins les cellules cancéreuses plus susceptibles d'être détruites, lorsqu'infectées. Néanmoins, beaucoup de travail reste à faire afin d'élucider les mécanismes responsables de la capacité du virus à « discriminer » les cellules cancéreuses des autres cellules de l’organisme.
Nos amis les virus
L'incidence des cas de cancer au sein des populations humaines semble augmenter depuis les dernières décennies. Compte tenu de l'effet destructeur de plusieurs virus contre les cellules cancéreuses, des scientifiques ont émis l’hypothèse que l’amélioration des conditions d’hygiène et de prévention des infections pourrait y être pour quelque chose. Les humains devront-ils choisir entre les maladies infectieuses et le cancer? « Certainement pas! », répondront les chercheurs, qui souhaitent plutôt redoubler d'efforts pour accroître notre compréhension des deux fléaux afin de les traiter adéquatement, quitte à utiliser les virus contre cet ennemi plus insidieux que représente le cancer sous toutes ses formes. Des virus amicaux, pourquoi pas!