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Informations générales

Événement : 89e Congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines

Description :

Afin de faire écho au thème du 89e Congrès de l’Acfas, intitulé Sciences, innovations, sociétés, la Société de philosophie du Québec invite ses membres à réfléchir à la complexité et à la richesse des rapports (passés, présents et futurs) entre science, philosophie et société.

Érigées en champs de recherche autonomes, la philosophie et la science se sont développées de concert, nouant à chaque époque des rapports singuliers mais aussi changeants. Dans l’Antiquité, la philosophie s’institue en rupture avec l’opinion et coïncide avec la science en tant que quête de la vérité. À l’époque moderne, l’expression philosophie naturelle évoque encore l’idée selon laquelle la science et la philosophie relèvent d’une même entreprise intellectuelle.

Du tronc commun auquel elles appartenaient jusqu’alors, la physique, la chimie, la biologie et la psychologie s’autonomisent entre le 17e et le 19e siècle. Au 20e siècle, la phénoménologie et la philosophie analytique vont s’engager dans des voies qui opposeront frontalement science et philosophie. Néanmoins, dans le sillage du retour du naturalisme, les rapports entre la philosophie et les sciences empiriques seront une fois de plus appelés à se réinventer. Parfois envisagées comme étant « sur le même bateau », la science et la philosophie ont connu un nouveau rapprochement qui déboucha plus récemment sur l’idée d’une « philosophie expérimentale ».

Alors que la science est appelée à servir de fondement à la décision politique, réfléchir aux configurations qu’ont connues la science et la philosophie dans l’histoire de la pensée philosophique conduit à interroger de nouveau le rôle de la philosophie dans la science et dans la société plus largement. Comment et par quelles voies la philosophie peut-elle contribuer à la science? Inversement, qu’est-ce que la science peut amener à la philosophie, et comment décrire cet apport? Et comment ce dialogue pourrait-il enrichir la contribution de la philosophie aux grands débats de société?

Remerciements :

Les remerciements ont été intégrés au programme.

Dates :
Responsables :

Programme

Communications orales

La scientificité de la théologie aux 13e et 14e siècles I

Cette table ronde aborde le thème de la science et des innovations en philosophie des sciences proposé pour le Congrès 2022 de la Société de philosophie du Québec dans la perspective de la philosophie médiévale. Le problème de la scientificité de la théologie permet d’aborder une réflexion originale au cœur du Moyen Âge, méconnue, mais fondamentale pour l’avenir des réflexions en épistémologie scientifique. La présente table ronde sera l’occasion de discuter des définitions de la théologie et de la science, puis de la potentielle scientificité de la théologie. Alors que théologie et science sont généralement opposées pour les modernes, nous verrons comment elles peuvent concorder pour les médiévaux, et ce suivant un argumentaire rigoureux de leur part, visant à montrer comment la théologie suit le modèle hypothético-déductif. Le lien entre la théologie et la science de Dieu permettra enfin de voir comment, pour les auteurs abordés, des déductions logiques voire certaines peuvent être tirées de la révélation, généralement considérée de nos jours comme relevant de l’acte de foi (et non d’un procédé scientifique). Alors que les liens entre science et philosophie sont souvent explorés chez les penseurs de l’Antiquité ou de la Modernité, la présente table ronde sera l’occasion de souligner les apports de la pensée médiévale concernant cette problématique.

  • Communication orale
    Contrepoints et compléments d’une présentation récente de la théologie comme science chez Thomas d’Aquin
    Claude Lafleur (Université Laval)

    La théologie scientifique, appelée (science ou philosophie) « théologique », est née au IVe siècle av. J.-C. chez Aristote – Métaphysique, Epsilon, 1 et Lambda 7-9 principalement –, alors que sa jumelle, la théologie (censément) révélée, a vu le jour au XIIIe siècle apr. J.-C. chez Thomas d’Aquin – dans le Scripton sur les Sentences, l’Exposé sur Boèce De la Trinité et la Somme de théologie –, par le truchement d’un dédoublement de la théologie permettant d’inférioriser la « théologique » aristotélicienne et de justifier la putative supériorité épistémologique de la théologie révélée grâce à la subalternation, une doctrine (ironiquement) inspirée d’Aristote (Seconds Analytiques, I, chapitres 2, 7, 9-10 et 12-13 surtout). Cette théologie soi-disant scientifique chrétienne se distingue de la supposée théologie scientifique néoplatonicienne des IVe-Ve siècles apr. J.-C. chez Jamblique et Proclus justement par son dit recours à la subalternation, qui a au moins le mérite d’affronter explicitement le problème du statut scientifique d’une théologie appuyée sur un donné révélé. Voilà ce que Joanne Carrier et moi avancions dans une étude récente. En revenant sur cette étude, la présente communication a pour but d’en offrir des compléments, voire des contrepoints, provenant d’autres contributions comprises dans le volume collectif, encore à paraître, où elle est destinée à s’intégrer.

  • Communication orale
    Per speculum in aenigmate : philosophie, theó logie et connaissance inteŕ ieure de Dieu chez Maître Eckhart
    Pierre-Luc Desjardins (UdeM - Université de Montréal)

    Dans Raison et foi, Alain de Libera affirme la « symphonie », chez Maître Eckhart, de la théologie et de la philosophie. Pourtant, dans leur accord, la théologie (réduite à la vérité métaphysique de la Révélation néotestamentaire) demeure l’expression la plus aboutie d’une vérité unique que les sciences philosophiques ne peuvent connaître que de manière imparfaite. Telle que la conçoit Eckhart, la relation entre théologie et philosophie s’ancre dans un cadre épistémique construit autour de l’opposition de l’intérieur et de l’extérieur. Cette opposition reflète la tension existant au sein de l’être même, entre nature et surnature, entre le mouvement et son achèvement. De fait, toute tentative de connaissance du vrai ne peut s’accomplir que dans l’union intérieure avec le Verbe divin, n’atteignant son objet qu’en dépassant l’extériorité et la matérialité naturelles qui sont encore celles du langage. Paradoxalement, un discours ne se constitue comme discours pleinement vrai que dans la mesure où il cesse d’être discours – que dans la mesure où il cesse d’être rationnel. Ce qu’il s’agira d’interroger est la manière dont ce cadre épistémique, renversant les termes traditionnellement conçus de l’opposition entre raison et foi, place la vraie connaissance du côté de l’intériorité vécue, renvoyant tous les discours traditionnellement conçus comme rationnels au domaine de la foi et donc à celui d’une connaissance imparfaite.


Communications orales

Récit et politique

La question du récit semble être un angle mort de la philosophie politique. Bien qu’elle paraisse toujours présente en filigrane des réflexions entourant, par exemple, l’irrationalité, le mythe ou encore l’idéologie, cette question ne paraît pas pour autant avoir en elle-même été thématisée. Dans les faits, bien que quelques philosophes, comme Paul Ricoeur, aient consacré une part importante de leur réflexion aux notions de « récit », de « narrativité » ou encore « d’identité narrative », peu semblent avoir abordé de front la question du récit en tant que question proprement politique. Pourtant, il semble de plus en plus clair aujourd’hui que la philosophie politique ne saurait faire l’économie d’une telle question. Notre vie politique semble en effet traversée de toute part de récits implicites ou explicites. Il s’agit alors de se demander quelles sont les conséquences, pour la philosophie politique, de ce penchant que nous avons pour la fiction et le récit : notre tendance à la narration est- elle un obstacle à la vie démocratique ou au contraire y contribue-t-elle ? Nuit-elle à l’exercice de la rationalité dans la sphère publique ou le favorise-t-elle ? Faut-il combattre cette tendance, l’embrasser ou même l’instrumentaliser ? Quelle importance encore a le récit pour le vivre-ensemble ?

Présidence : Olivier Provencher (Université Laval)
  • Communication orale
    Que faut-il faire d’homo fictus ?
    Olivier Provencher (Université Laval)

    Dans le cadre de cette table ronde, je m’intéresserai aux implications politiques de la thèse selon laquelle l’appétence humaine pour le récit aurait des origines évolutionnaires. Plus précisément, je tâcherai de répondre à la question : « que faut-il faire d’homo fictus ? » Je présenterai, dans un premier temps, les principales raisons qu’ont les psychologues évolutionnistes de penser que l’appétence humaine pour le récit est le produit de l’évolution, le domaine de la psychologie ayant, depuis quelques années, mis en lumière le caractère naturel de la tendance humaine à la narration. Puis, dans un deuxième temps, je discuterai des implications politiques de cette thèse telles qu’elles sont présentées par certains auteurs, notamment le sociologue Gérald Bronner. Je défendrai que la thèse des origines évolutionnaires du récit pose à nouveaux frais le problème, classique en philosophie politique, de la fonction des mythes, c’est-à-dire la question de savoir ce qu’il est souhaitable de faire, moralement et politiquement parlant, de notre attrait pour le récit sous toutes ses formes.

  • Communication orale
    Quelle place pour le récit national en philosophie politique appliquée ?
    Jérôme Gosselin-Tapp (Université Laval)

    L’objectif de cette communication est de réfléchir à la place du récit, et surtout du récit national, dans le coffre à outils des chercheurs en philosophie politique appliquée. Il sera plus précisément question de deux de ses fonctions potentielles au niveau de la théorisation politique. D’une part, le récit national pourrait intervenir lors de l’opérationnalisation d’un modèle abstrait, comme paramètre de la stabilité politique. La validité d’un modèle en philosophie politique contemporaine est souvent considérée comme tributaire de sa capacité à garantir une certaine stabilité politique. Il n’y a toutefois pas de consensus quant à ce sur quoi peut légitimement reposer la paix sociale. Notamment, on peut se demander dans quelle mesure le récit national doit être pris en charge comme dimension de la stabilité motivationnelle (au niveau de la relation entre des principes politiques et le sentiment de justice qu’ils suscitent). D’autre part, le récit national pourrait aussi servir à justifier normativement certaines dispositions particulières d’un modèle. Ceci soulève, par exemple, la question à savoir si les spécificités des différentes trajectoires nationales sont pertinentes pour penser la portée et la nature des droits collectifs. Cette communication consiste ultimement en une analyse et une comparaison des implications, sur le plan méthodologique et normatif, de ces deux usages potentiels du récit national en philosophie politique.

  • Communication orale
    Le récit comme outil de représentation de l’adversaire
    Maud Brunet-Fontaine (Université d’Ottawa)

    Dans son livre Les Éloges de l’injustice (2016), Céline Spector défend que la philosophie politique contemporaine a perdu ce qui a longtemps été une force de la philosophie : le souci et la capacité de donner une voix à son adversaire à travers la mise en scène du personnage de l’Insensé. Platon, Hobbes, Diderot, Rousseau, ces philosophes ont tous pris l’opposant le plus redoutable qui soit pour leurs propres positions : celui qui refuse la raison elle-même. Ils le représentaient dans toute la puissance qui lui revenait et la philosophie s’en trouvait fortifiée du même coup. À partir de textes du XVIIIe siècle (Diderot, Graffigny, Condillac, Rousseau), nous reprendrons l’impulsion de Spector et tâcherons de montrer comment certains outils narratifs permettent non seulement de rendre sa force à l’adversaire, mais aussi de le critiquer plus vivement. Nous tâcherons de voir quelles critiques s’opèrent dans la seule représentation de l’adversaire, parfois personnifié comme un être d’excès, de contradictions, d’amour-propre, ou même d’inhumanité. Nous nous intéresserons aux figures du fanatique, de l’insensible et du mauvais philosophe.

  • Communication orale
    Y a-t-il des processus d’apprentissage historiques ? Légitimité politique et récit du progrès chez Jürgen Habermas
    Philippe-Antoine Hoyeck (Université Carleton)

    Une question centrale de la tradition libérale-républicaine est celle de la légitimité des normes dans les sociétés pluralistes. Une position minoritaire, notamment défendue par Habermas, soutient que les normes juridiques doivent leur légitimité à des raisons mutuellement convaincantes. Elles dépendent donc d’un consensus rationnellement motivé, un consensus virtuel de tous les citoyens pour les mêmes raisons. En revanche, la position majoritaire associée à Rawls et à Taylor rejette l’idée de consensus rationnel comme inutile, voire impossible dans les conditions du pluralisme. Elle fait donc reposer la légitimité des normes sur un consensus par recoupement, ou un consensus pour des raisons différentes. Ainsi, les chrétiens acceptent les normes juridiques pour des raisons chrétiennes, les musulmans pour des raisons musulmanes, les humanistes athées pour des raisons humanistes, et ainsi de suite. Nous chercherons à attirer l’attention sur une dimension souvent négligée de la pensée de Habermas, à savoir le lien étroit entre son critère de consensus rationnellement motivé et sa théorie de l’évolution sociale. Dans un premier temps, nous soutiendrons que la possibilité d’un consensus rationnel repose souvent sur celle de reconstruire un processusd’apprentissage historique sous la forme d’un récit du progrès. Dans un deuxième temps, nous montrerons que la position de Rawls et de Taylor dépend elle-même de récits historiques.

  • Communication orale
    Nécessité et légitimité du récit en philosophie politique et morale
    David Robichaud (Université d’Ottawa)

    Nous avons une tendance à croire les « faits » qui sont cohérents à l’intérieur d’un récit vraisemblable plutôt que les faits qui résistent à une analyse objective et critique. Nous avons aussi tendance à interpréter les faits en les mettant en relation avec d’autres en créant des récits. Inconsciemment, nous avons un récit qui accompagne notre représentation des différents acteurs de nos théories de la justice : le pauvre, le riche, l’immigrant, le criminel, etc. Le récit offre un certain effet de cadrage qui influence grandement le caractère intuitif et acceptable d’une théorie morale. Je me propose dans cette conférence d’explorer deux questions liées à ce phénomène : est-ce nécessaire de recourir au récit, et est-ce légitime de le faire ?


Communications orales

Épistémologie politique de la désinformation

Cette table ronde propose de contribuer aux recherches récentes en épistémologie, épistémologie sociale et philosophie politique autour de la désinformation et des fausses nouvelles, en particulier sur les réseaux sociaux. Issues de différents champs de la philosophie, les interventions qu’elle réunit s’interrogent de façon complémentaire sur le type de réponses épistémiques, morales et politiques qu’il convient d’opposer, au niveau individuel et institutionnel, à la prolifération des fausses nouvelles et aux progrès de la désinformation. D’un côté, quelle attitude les internautes doivent-ils adopter face à ce qui se présente comme de l’information en ligne, quel type de responsabilité leur incombe? Dans quelle mesure les compétences épistémiques des individus sont-elles affectées par les algorithmes d’intelligence artificielle qui œuvrent sur les réseaux sociaux? Le cas échéant, des formes de paternalisme épistémique sont-elles justifiables pour éclairer les internautes égarés et restaurer leur liberté, comprise comme autonomie intellectuelle? D’un autre côté, le partage des fausses nouvelles par les internautes ne doit-il pas dans certains cas s’interpréter comme une forme d’expression politique plutôt que comme une assertion erronée? Et, si la désinformation a partie liée avec les discours idéologiques, quel type de régulation institutionnelle est alors le plus adapté?

  • Communication orale
    “Partager/re-twitter, est-ce endosser?”: quelle responsabilité dans le partage de fausses nouvelles?
    Aude Bandini (UdeM - Université de Montréal)

    Dans article récent consacré au phénomène de la prolifération des fausses nouvelles sur les réseaux sociaux, Regina Rini (2017) porte l'attention sur le caractère encore indéterminé des règles qui gouvernent des pratiques comme celles du partage de contenu sur internet. À première vue, il semble clair que l'on n'a pas affaire dans ce cas à un acte de discours qui relèverait de l'assertion: publier ou republier une photo, un article, une vidéo, n'implique pas nécessairement qu'on en endosse le contenu, même si cela peut aussi être le cas. À moins que ce partage soit lui-même assorti d'un commentaire ou d'un marqueur (par exemple un émoji) qui explicitent l'intention de la personne qui le réalise (informer, critiquer, provoquer, divertir, etc.), le type d'acte de discours auquel on a affaire, ses conditions de félicité, et le type de responsabilité à la fois épistémique, morale et politique qu'il implique, demeurent obscurs. Ce sont précisément ces points, et le type d'imputabilité qu'on pourrait concevoir à partir de là, qui nous intéresseront ici, en lien avec l'émergence de nouvelles formes de (auto- )régulation du discours, qui sont parfois instaurées par les plate-formes de diffusion, les pouvoirs publics, ou encore les groupes d'utilisateurs eux-mêmes ("netiquette", charte HONcode).

  • Communication orale
    Désinformation et responsabilité épistémique en ligne
    Charles Côté-Bouchard (UdeM - Université de Montréal)

    Comment devrions-nous réagir à la prolifération d’informations trompeuses en ligne? Je distingue et rejette deux approches pour répondre à cette question: l’approche subjectiviste et l’approche objectiviste. La première s’inspire des théories épistémologiques internalistes et de l’épistémologie responsabiliste des vertus. Selon elle, notre devoir est d’être aussi épistémiquement responsables que possible; de faire de notre mieux pour suivre nos données probantes de façon rigoureuse, courageuse et ouverte. L’approche objectiviste s’inspire plutôt des théories externalistes en épistémologie. Selon elle, notre devoir est plutôt de nous fier uniquement aux sources et méthodes qui sont réellement fiables. Le problème avec l’approche objectiviste est qu’elle est peu adaptée à la question qui nous préoccupe. Le problème auquel nous faisons face nécessite un niveau de guidance que l’approche objectiviste ne fournit pas. L’approche subjectiviste, quant à elle, est mal adaptée au type de problème posé par la désinformation en ligne. Je soutiens qu’étant donné les particularités de ce problème, une personne faisant vraiment de son mieux pour être épistémiquement responsable sera menée à une forme plus ou moins forte de pyrrhonisme digital faisant primer la suspension du jugement. Cela rend le remède subjectiviste pire que le mal. En ligne, il est épistémiquement préférable de ne pas chercher à être épistémiquement admirable.

  • Communication orale
    Vaccination et paternalisme épistémique justifiable : Comment combattre la désinformation sur la vaccination?
    Andreanne Veillette (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Ceux qui refusent de se faire vacciner sont souvent dépeints comme des personnes désinformées et irrationnelles avec qui il est impossible d’entrer en dialogue. Ce faisant, les peurs et les objections de ces personnes sont souvent ignorées. Or, celles-ci ne sont généralement pas loufoques; ce sont des craintes tout à fait légitimes, même si elles s’avèrent habituellement infondées. Plusieurs campagnes ont été organisées pour convaincre les personnes hostiles à la vaccination de changer leur position. Ces campagnes emploient souvent des méthodes qu’on peut rattacher au paternalisme épistémique. Dans ma présentation, j’évaluerai la justifiabilité de deux méthodes employées par ces campagnes à l’aide d’un cadre conceptuel qui vise à juger de la justifiabilité du paternalisme épistémique dans des contextes qui opposent des groupes sociaux distincts. D’abord, j’évaluerai la méthode la plus communément adoptée pour faire face à ce défi, celle qui consiste à présenter des faits sous forme de vulgarisation scientifique. Ensuite, j’évaluerai une méthode alternative, la stratégie des entretiens motivationnels. À la lumière de données récoltées sur l’efficacité des deux méthodes ainsi que d’analyses portant sur le bris de confiance engendré par le sentiment d’être méprisé, j’argumenterai que nous devrions privilégier des méthodes inspirées des entretiens motivationnels en plus de la méthode de vulgarisation scientifique.

  • Communication orale
    Les fausses nouvelles nous rendent-elles moins libres?
    Étienne Brown (San José State University)

    L’une des thèses fréquemment défendues par les critiques des réseaux sociaux consiste en l’affirmation qu’ils nous rendent moins libres. Dans son livre Stand Out of Our Light, James Williams (2018) soutient par exemple que les réseaux sociaux créent une nouvelle forme de dépendance. Selon Shoshana Zuboff (2019), c’est plutôt la transformation des internautes en matériau extrait par les géants du capitalisme de surveillance qui contribue à l’érosion de notre liberté. Or, malgré la popularité croissante de ce discours, la conception de la liberté humaine qui le sous-tend demeure foncièrement floue. Mon propre objectif sera ici de contribuer à la réflexion philosophique sur le rapport entre réseaux sociaux et liberté en analysant plus particulièrement le cas des fausses nouvelles. Pour ce faire, j’argumenterai tout d’abord la thèse que les conceptions dominantes de la liberté – à savoir la liberté négative et la liberté comme non-domination – ne nous permettent pas de concevoir la désinformation comme une véritable menace. Or, il existe une troisième conception de la liberté – la liberté entendue comme autonomie – qui corrobore l’hypothèse selon laquelle les fausses nouvelles nous rendent moins libres. Si « être libre » signifie avoir les moyens d’atteindre les objectifs que notre volonté se fixe, alors les croyances erronées induites par les fausses nouvelles font réellement obstacle à la liberté humaine.

  • Communication orale
    Fausses nouvelles et fiction
    Juliette Roussin (Université Laval)

    On présume souvent que les personnes qui partagent et commentent positivement des fausses nouvelles sur les réseaux sociaux y croient. Vues sous cet angle, les fausses nouvelles constitueraient une menace pour la démocratie en privant chacun·e des informations nécessaires à la formulation d’un jugement politique adéquat. Cette présentation vise à interroger ce postulat de croyance dans les fausses nouvelles, à partir d’une comparaison avec la fiction. En reprenant l’analyse de la fiction comme « feintise ludique partagée » (Schaeffer 1999), je montre que, suivant les définitions courantes des fausses nouvelles, il existe a priori une différence fondamentale entre fausses nouvelles et fiction : les premières se caractériseraient par une intention de tromper qui a réussi (elles font passer le faux pour le vrai), alors que la fiction fait appel à la coopération du récepteur, conscient d’être face à un contenu non assertif (sans valeur de vérité). Je montre ensuite que la réception positive des fausses nouvelles par une partie du public a en réalité certains traits communs avec l’attitude des personnes engagées dans le pacte fictionnel, notamment la mise entre parenthèses de la vérité du contenu et le plaisir partagé de s’y immerger. Ce rapprochement invite à mettre à distance le postulat de croyance dans les fausses nouvelles.


Communications orales

Communications libres : Émergence et intuitionnisme en philosophie des sciences et en philosophie des mathématiques

  • Communication orale
    L’émergence méthodologique
    Laurent Jodoin (UdeM - Université de Montréal)

    Le concept d'émergence se présente comme un concept compromissoire (entre deux ontologies opposées) et relationnel (entre relata à divers « niveaux »). Il se veut également une alternative au réductionnisme ainsi qu’au dualisme et se présente donc sous des versions épistémologiques et ontologiques. Ses deux formes ont fait l’objet de nombreuses discussions qui n’ont pourtant pas apporté de réponses satisfaisantes. Ainsi, par exemple, la première version mise généralement sur l’échec d’explication réductive alors que cette notion est mal définie ou jamais exemplifiée, tandis que la seconde peine à définir la relation entre niveaux d’organisation de même que le statut métaphysique de ces mêmes niveaux. C’est pourquoi est proposée une solution mitoyenne, un compromis (supplémentaire), avec l’émergence méthodologique, laquelle permet d’éviter les écueils précédents. Ce concept se veut ainsi un principe méthodologique, lequel s’appuie sur l’approche des niveaux d’organisation et des modes d’accès (Wimsatt), reconnaît l’utilité heuristique des programmes réductionnistes (sans adhérer au physicalisme) mais aussi celle de la métaphysique dans la systématisation de nos connaissances (sans adopter ses prétentions épistémiques).

  • Communication orale
    L'intuitionnisme brouwérien face au problème de l'existence en mathématiques
    Francis Proulx (Cégep régional de Lanaudière à Joliette)

    S’il y a bien un temps où le dialogue philosophie-science est appelé à être des plus fructueux, c’est certainement lorsque l’histoire en vient à imposer à une discipline scientifique l’interrogation épistémique de ses propres fondations. En mathématiques, cette opportunité d’une rencontre féconde entre philosophie et science a été occasionnée, entre la fin du XIXe s. et le début des années 1930, par le grand débat fondationnel qu’a suscité la Grundlagenkrise. Ce qu’a révélé cette crise des fondements, c’est qu’à la question épistémologique « quels raisonnements peuvent légitimement mener à des connaissances en mathématiques ? » aucune réponse ne pourrait être donnée si préalablement aucune conception philosophique n’est à même de résoudre, avec satisfaction, le problème de l’existence mathématique. Or, face à ce problème ontologique, deux solutions antagonistes, aujourd’hui devenues classiques, sont parvenues à faire tradition aux XXe et XXIe s. Il s’agit de celle logico-formelle, défendue par Hilbert et Poincaré, ainsi que de celle intuitionniste, imputable à Brouwer. Cependant, le criterium brouwérien d’existence, qui définit la vérité en mathématiques par sa constructivité, est-il seulement ontologiquement justifiable ? À en croire l’ontologie aristotélico-thomiste, non ! Cet impair commis par l’intuitionisme reposerait sur une confusion entre deux types de questions distinctes (quæstio an sit vs la quæstio quid sit) et mettrait ultimement à mal le programme brouwérien.


Communications orales

La scientificité de la théologie aux 13e et 14e siècles II

Cette table ronde aborde le thème de la science et des innovations en philosophie des sciences proposé pour le Congrès 2022 de la Société de philosophie du Québec dans la perspective de la philosophie médiévale. Le problème de la scientificité de la théologie permet d’aborder une réflexion originale au cœur du Moyen Âge, méconnue, mais fondamentale pour l’avenir des réflexions en épistémologie scientifique. La présente table ronde sera l’occasion de discuter des définitions de la théologie et de la science, puis de la potentielle scientificité de la théologie. Alors que théologie et science sont généralement opposées pour les modernes, nous verrons comment elles peuvent concorder pour les médiévaux, et ce suivant un argumentaire rigoureux de leur part, visant à montrer comment la théologie suit le modèle hypothético-déductif. Le lien entre la théologie et la science de Dieu permettra enfin de voir comment, pour les auteurs abordés, des déductions logiques voire certaines peuvent être tirées de la révélation, généralement considérée de nos jours comme relevant de l’acte de foi (et non d’un procédé scientifique). Alors que les liens entre science et philosophie sont souvent explorés chez les penseurs de l’Antiquité ou de la Modernité, la présente table ronde sera l’occasion de souligner les apports de la pensée médiévale concernant cette problématique.

  • Communication orale
    Hervé de Nédellec sur la scientificité de la théologie : rejet de la subalternation thomasienne
    Geneviève Barrette (Collège Ahuntsic)

    Hervé de Nédellec prend activement part, au début du 14e siècle, à l’entreprise dominicaine de valorisation de la pensée de Thomas d’Aquin. Il diverge pourtant de son confrère sur certains points doctrinaux d’importance, notamment – c’est que je défendrai ici – sur la question de la scientificité de la théologie.

    Pour Thomas et Hervé, la science au sens strict est une science démonstrative, c’est-à-dire une science qui procède de façon rigoureuse à partir de prémisses connues de façon évidente. Comme Dieu a une connaissance évidente de lui-même et que les prémisses de la théologie proviennent de la connaissance que Dieu a de lui-même (thèse de la subalternation de la théologie), Thomas conclut, dans la plupart des textes où il se prononce sur ce point, que la théologie est une science démonstrative. Hervé soutient au contraire que, puisqu’elle procède de prémisses qui ne nous sont pas connues de façon évidente, mais par la foi, la théologie ne saurait être considérée comme une science démonstrative.

    Bien qu’Hervé admette que la théologie est une science dans un sens large et qu’elle est subalternée dans un certain sens, je ferai valoir que ces vraisemblables concessions ne l’empêchent pas de rejeter de façon ferme et répétée ce qui se présente comme l’élément central de la position thomasienne, soit le statut de science au sens propre de la théologie.

  • Communication orale
    Le statut controversé de la théologie à l’aune du débat entre Hervé de Nédellec et Durand de Saint-Pourçain (vers 1305-1315)
    Alexis Lafleur-Paiement (UdeM - Université de Montréal)

    Le statut de la théologie et sa potentielle scientificité sont traditionnellement traités par les penseurs médiévaux dans leur Prologue au Commentaire des Sentences de Pierre Lombard. Cet enjeu épistémologique a été renouvelé suite au Prologue de Thomas d’Aquin, qui non seulement démontre que la théologie est une science en vertu de son caractère hypothético-déductif, mais avance aussi que celle-ci est strictement subalternée à la science de Dieu dont elle dépend quant à ses « premiers principes ». Au début du XIVe siècle, Hervé de Nédellec affirme défendre cette position thomasienne, tout en faisant preuve d’une certaine originalité conceptuelle que nous présenterons. Dans son débat avec Durand de Saint-Pourçain, il parle de la théologie « comme d’une science » et en un sens analogique, la présente « comme subalternée » à la science de Dieu, tempérant la position de Thomas. Son adversaire, Durand, nie simplement le caractère scientifique de la théologie, contre la position thomasienne. Nous voyons donc une certaine convergence de vue entre les deux philosophes qui s’affrontent et que l’historiographie oppose généralement : les deux dénient plus ou moins fortement le caractère strictement scientifique de la théologie. C’est cette proximité entre Hervé et Durand concernant le statut de la théologie que nous explorerons, ainsi que les conséquences de leurs idées sur le statut subalterné ou pas qu’ils accordent à la théologie.


Dîner

Conférence plénière

Présidence : Mélanie Turmel-Huot (Cegep Limoilou)

Communications orales

Communications libres : Épistémologie

  • Communication orale
    La praxis de la philosophie pour enfants au renfort de la lutte épistémique, éthique et politique contre la crise climatique
    Alexandra Guité (UdeM - Université de Montréal)

    En prenant comme postulat que la crise climatique est un enjeu éthique, mon objectif dans cet article est de montrer que les racines d’une solution pourraient se trouver dans un entrainement, dès l’enfance, à corriger, en communauté, ses propres raisonnements défectueux. À cette fin, j’avance que la philosophie pour enfants (PPE) est une avenue pédagogique prometteuse afin de lutter contre les « vices épistémiques » et la corruption morale. À travers une lecture croisée des concepts de la rigueur et de la « flexibilité épistémique » (Fletcher) ainsi que l’analyse politique de la communauté ouverte, pluraliste et curieuse (Dewey), je démontre que la crise climatique et environnementale pose des problèmes épistémologiques et éthiques que la PPE peut combattre en offrant des outils qui encouragent la flexibilité épistémique et les vertus épistémiques.

  • Communication orale
    Vers une analyse des désaccords épistémiques en sciences de l'éducation
    Olivier Grenier (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    De nombreux désaccords ont lieu entre experts en sciences de l'éducation à propos des stratégies pédagogiques à privilégier dans les écoles. En surface, ces désaccords semblent être à propos de questions factuelles, mais ils sont en fait à propos des méthodes à utiliser pour produire des connaissances dans ce domaine, c'est-à-dire de désaccords à propos des principes normatifs qui guident l'acquisition de connaissances. En effet, les experts en éducation adoptent des perspectives scientifiques différentes. Une perspective scientifique est caractérisée par des recommandations concernant des ressources expérimentales, théoriques et technologiques à utiliser et des principes méthodologiques et épistémiques à adopter afin d'étayer et de justifier des revendications de connaissance. La littérature en méthodologie des sciences de l'éducation fait déjà état de différentes perspectives scientifiques adoptées dans le domaine, par exemple les méthodes quantitatives, les méthodes qualitatives, les méthodes mixtes et l'éducation basée sur les données probantes. Toutefois, les éléments qui caractérisent les perspectives scientifiques adoptées en éducation sont présentées de manière quelque peu caricaturale ou ils demeurent tacites. Une enquête empirique s'avère ainsi nécessaire pour expliciter ces éléments et clarifier le statut des désaccords épistémiques dans le domaine des sciences de l'éducation.

  • Communication orale
    Plaidoyer pour un évidentialisme minimal
    Guillaume St-Laurent (UdeM - Université de Montréal)

    La présente communication comporte un double objectif. Le premier est de clarifier, en prenant appui notamment sur les analyses récentes de Larmore (2020), sous quelles conditions l’éthique de la croyance peut rendre justice au phénomène du désaccord raisonnable, comme il se manifeste dans la plupart des débats en philosophie ainsi que dans les sciences humaines. Le second objectif est de soutenir ce qu’on appellera un « évidentialisme minimal », expurgé du présupposé fautif – qui caractérisait l’évidentialisme classique – selon lequel la pleine croyance n’est légitime que lorsque celle-ci peut être démontrée. Comme on l’aura montré dans la première partie, il est au contraire moralement acceptable de croire pleinement à tout ce qu’on tient d’emblée pour vrai pourvu qu’on ne voie aucune raison positive d’en douter à la lumière de l’ensemble de nos croyances d’arrière-plan. Toutefois, plus ce qu’on croit est désirable et se rattache à des bénéfices psychologiques évidents, plus il convient de traiter cette croyance avec suspicion, c’est-à-dire comme le fruit d’un jugement possiblement altéré, sinon « vicié », et de s’ouvrir aux objections qui pourraient lui êtreopposées. En d’autres termes, le caractère désirable de ce qu’on croit vrai est en soi une raison positive d’en douter, de le considérer avec suspicion et de chercher à l’infirmer, si tant est qu’il ne soit pas possible d’en démontrer la vérité


Communications orales

Les nouveaux regards des phénoménologies féministes et critiques

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  • Communication orale
    Le corps comme Autre : une phénoménologie de l’anorexie mentale
    Cecile Gagnon (UdeM - Université de Montréal)

    Dans cette communication, je suggérai que les personnes anorexiques s’infligent une forme particulière de violence épistémique lorsqu’elles ignorent volontairement les symptômes de leur maladie. Pour ce faire, dans une démarche inspirée par la phénoménologie de la maladie de Havi Carel, je présenterai d’abord le rapport particulier qu’entretiennent les filles et les femmes anorexiques avec leur corps à l’aide de trois axes d’analyse empruntés à Susan Bordo, soit le dualisme corps/esprit, les idéaux de contrôle et d’autonomie, et les rapports de genre. Je proposerai ensuite le concept de violence épistémique auto-infligée en montrant que l’ignorance volontaire de la faim a pour objectif de préserver l’identité des filles et des femmes anorexiques comme étant en contrôle et autonomes ; autrement dit, comme n’étant pas « malades » selon la définition de la maladie de Carel et Toombs.

  • Communication orale
    Qu'est-ce-que la phénoménologie 'crip' ?
    Corinne Lajoie (UdeM - Université de Montréal)

    Cette présentation introduira une distinction méthodologique entre la phénoménologie du handicap et la phénoménologie crip. En m'inspirant des travaux de Kim Q. Hall (2021) et Joel Michael Reynolds (2017), je proposerai que la phénoménologie crip s'intéresse au handicap non pas comme un phénomène pathologique individuel et circonscrit, mais plutôt comme une réalité sociale vécue au sein de systèmes d'oppression capacitistes, racistes, colonialistes, et hétérosexistes. Pour analyser l'expérience vécue du handicap dans ses dimensions sociales et politiques, la phénoménologie crip conteste et désoriente certains des principes, méthodes et concepts de la phénoménologie classique.

  • Communication orale
    La spatialité genrée, entre la contrainte et la liberté
    Marie-Anne Casselot-Legros (Université Laval)

    Est-ce qu’il existe une façon genrée de se déplacer dans l’espace ? Je développerai la notion de déploiement spatial genré pour décrire deux intentionnalités spatiales. Comment se construit un rapport genré aux lieux ? Et quels effets les espaces genrés ont sur les subjectivités ? À partir d’un cadre théorique phénoménologique et sociologique, j’étudierai les aspects politiques des liens entre les subjectivités et les lieux. Les éléments de réponse se trouveront au travers de plusieurs œuvres étudiant des problématiques assez spécifiques entourant la condition féminine – que ce soit dans la motilité féminine des habitudes incarnées (Iris Marion Young), la réaction aux pratiques intrusives et violentes des hommes dans l’espace public (Fiona Vera-Gray et Marylène Lieber) ou bien la vigilance mentale requise pour les prévenir (Elsa Dorlin). J’examinerai le concept d’intentionnalité entravée chez Iris Marion Young pour ensuite développer la notion contraire d’intentionnalité appropriatrice. J’argumenterai qu’une socialisation « féminine » encourage une intentionnalité entravée et un développement moteur contraint tandis qu’une socialisation « masculine » encourage plutôt une intentionnalité appropriatrice. Ce faisant, les intentionnalités spatiales sont différenciées selon le genre et influencent corrélativement la prise d’espace par les sujets géographiques et incarnés.

  • Communication orale
    Une pratique philosophique de la désorientation chez Sara Ahmed
    Elizabeth Jutras (Université Laval)

    Partant de la phénoménologie merleau-pontienne et se prolongeant dans les théories féministes, l'exposé aura pour but de poser l’expérience de désorientation comme détenant une potentialité positive dans la restructuration du sujet moral. La désorientation, sœur de l’étonnement, s’avère déjà thématisée en phénoménologie dès Husserl et Heidegger. Or, la pertinence réelle de cette expérience ne pourra prendre toute son ampleur qu’avec Merleau-Ponty qui, dans son œuvre Phénoménologie de la perception, permettra de penser l’orientation du corps dans l’espace non comme un simple fait physique, mais plutôt comme donné existentiel. Cette idée sera reprise en phénoménologie critique par Sara Ahmed afin de proposer une pratique philosophique de la désorientation qui s’intéresse à cette dernière en dehors de la tendance normative à la réorientation, c’est-à-dire qui pense la désorientation sans postuler un retour à une orientation première ou nouvelle. De cette pratique émergerait une responsabilité renouvelée du sujet dans le monde.

  • Communication orale
    Se faire (in)visible : Phénoménologie de l’être-au-monde féminin
    Marie-Anne Perreault (UdeM - Université de Montréal)

    En me penchant sur les notions de comportement et de motilité, je développerai une analyse de l’être-au-monde féminin dans la tendance à « se faire invisible », au sens d’éviter d’interrompre le cours des choses quotidiennes. Cette tendance s’observe particulièrement dans des comportements typiquement féminins tels que l’écoute, le care, le travail ménager, le travail émotionnel, etc. et contraste avec le déploiement spatial masculin qui s’impose au monde. Je définis cette attitude en lien avec le concept d’immanence selon Simone de Beauvoir (Beauvoir, 1947), qui identifie la « passivité » comme un trait de la négation de l’agentivité des femmes. Afin d’expliquer cette tendance, je mettrai en relation la notion d’intentionnalité entravée (Young, 1980) et la notion d’intrusion masculine (Vera-Gray, 2017) comme complémentaires et déterminantes de l’être-au-monde féminin. La motilité féminine est ainsi influencée par l’oppression patriarcale : le comportement révèle un rapport de genre inégal, mais il révèle aussi que les personnes qui se rendent visibles – c’est-à-dire qui ne cadrent pas dans le rôle de genre traditionnel féminin ou masculin dans leur motilité et leur déploiement spatial – s’exposent à une violence patriarcale accrue. Ces motilités sont sédimentées en des habitudes comportementales, ce qui signifie qu’il peut être modifié, d’où l’intérêt de réfléchir à nos manières d’occuper l’espace dans notre être-avec-autrui.


Communications orales

Philosophie, écologie et justice : repenser les relations humains-nature

Cette table ronde mettra en discussion les perspectives de l’éthique environnementale, la philosophie de l’écologie, les études féministes et décoloniales, et les théories de la justice environnementale sur les enjeux suscités par les crises climatique, écologique et humanitaire auxquels notre époque fait face. Notre visée sera de mettre en relief les divers angles sous lesquels ces diverses approches théoriques abordent ces enjeux, les conceptions des relations humains-nature qui leur sont sous-jacentes, et leurs manières d’envisager les interactions entre science, philosophie et société. Si l’éthique environnementale offre un fructueux point de départ pour penser la refonte des relations humains- nature, celle-ci semble, du moins en ce qui concerne certains aspects de cette refonte, devoir faire sienne certains apports d’autres champs d'investigation, comme la science écologique, la philosophie de la biologie, l'éthique fondamentale et les études féministes et décoloniales. Il subsiste toutefois un flou et certaines controverses quant à ce qui constitue la bonne manière de mettre une telle interdisciplinarité en pratique. Cette table ronde vise à amorcer une discussion sur la forme que doit prendre cette interdisciplinarité et à identifier certains des enjeux et défis qu’elle pose.

  • Communication orale
    La nature sauvage et sa valeur d’altérité
    Antoine C. Dussault (Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie)

    Dans cette présentation, je me pencherai sur la proposition de Simon Hailwood (1999; 2000) selon laquelle la nature sauvage pourrait se voir attribuer une valeur non-instrumentale en vertu de son altérité par rapport à l’être humain. Je tenterai de voir dans quelle mesure cette proposition fournit une réponse aux critiques de la préservation de la nature sauvage faisant valoir que celle-ci repose sur un dualisme humain-nature peu compatible avec la perspective darwinienne (Callicott [1991] 2010; Vogel 2003). L’enjeu sera de déterminer si le caractère relationnel de la valeur d’altérité, et en particulier le fait que l’altérité dont il est question se définit en relation à l’être humain, compromet son aptitude à constituer une valeur non-instrumentale. Je chercherai en d’autres termes à voir si la valeur d’altérité de la nature sauvage est anthropocentrée en un sens qui la rend en définitive instrumentale. J’analyserai cette question en introduisant certaines distinctions élaborées en éthique fondamentale quant aux diverses manières selon lesquelles une valeur peut être conçue comme relationnelle et/ou instrumentale (Korsgaard 1983; Rabinowicz et Rønnow-Rasmussen 1999; Bradley 2001; Rønnow-Rasmussen 2002). Je soutiendrai que, lorsque ces distinctions sont adéquatement prises en compte, l’idée d’attribuer une valeur non-instrumentale à la nature sauvage en vertu de son altérité ne pose pas problème.

  • Communication orale
    Le fondement relationnel des éthiques environnementales
    Hugo Cardinal (UdeM - Université de Montréal)

    L’origine anthropique de la crise environnementale requiert un changement du rapport délétère que nous entretenons à l’égard de la nature. Face à l’urgence, les éthiques environnementales cherchent à repenser dans un cadre normatif les relations présentes entre les êtres humains et leur environnement naturel. Or, repenser ces relations exige de connaitre au préalable quelle est la nature de celles-ci. Par le passé, la prédominance du modèle mécaniste en biologie a mené à assimiler les organismes à des machines et à concevoir les relations comme leur étant extérieures. Contre cette vision réductrice, des philosophes se sont tournés vers des travaux en écologie reconnaissant l’interconnectivité du vivant en raison de relations internes affectant la nature même des êtres vivants. Malgré l’opposition entre ces conceptions, on retrouve chez plusieurs philosophes élaborant une éthique environnementale à partir de l’interconnectivité du vivant le recours aux relations externes dans leurs explications. Le but de cette communication sera d’offrir une explication à cette apparente contradiction. En reprenant la distinction formulée par Arne Næss entre écologie superficielle et profonde, je soutiendrai que la reconduction de positions philosophiques retrouvées en biologie à la sphère des éthiques environnementales permet à la fois d’expliciter le rôle fondamental des relations et de résoudre la contradiction que l’on y retrouve.

  • Communication orale
    Interventionnisme : doit-on sauver les diables de Tasmanie?
    Marie-Pier Ladouceur (UdeM - Université de Montréal)

    En 1996, le premier cas de tumeur faciale contagieuse a été détecté chez un diable de Tasmanie. Cette tumeur faciale se transmet rapidement lors des interactions sociales et son taux de mortalité frôle le 100% (Harrington 2011). Depuis ce premier cas, la population de diables de l’est de la Tasmanie a connu un déclin de plus de 90% (Hamede et al. 2015). Cette présentation propose de réfléchir aux enjeux éthiques et environnementaux tels que le risque d’extinction et de déséquilibre écosystémique qui découlent du déclin de la population de diables de Tasmanie. Plus précisément, la légitimité des interventions humaines sera remise en question.Dans le cas de maladies comme le cancer, les interventions possibles afin de venir en aide à une population animale sont l’isolement, l’abattage, la modification génétique et la vaccination. Les principaux arguments servant à justifier ce type d’interventionnisme sont le devoir d’assistance et le désir de réduire la souffrance. Pour ce qui est des objections à cette pratique, l’argument de la faillibilité de Peter Singer et les objections au devoir d’assistance de Gary Francione et de Tom Regan seront examinés.


  • Communication orale
    Le droit planétaire originel
    Allen Habib (University of Calgary)

    Ma présentation portera sur l'idée de durabilité environnementale. Je tenterai de fonder les droits et les devoirs de justice entre les générations dans ce que j'appelle un droit planétaire originel. Je proposerai que ce droit peut être conçu comme un « devoir de partager » avec d’autres et mon but sera d’éclaircir cette idée. En continuité avec ce que j’ai soutenu dans mon essai de 2013, je proposerai une base nouvelle pour le droit planétaire, laquelle s’appuie sur certaines propositions biologiques radicales de Richard Lewontin (2001). Lewontin critique la distinction ontologique faite habituellement entre animal et environnement. Selon lui, il vaut mieux poser un seul objet, « l'animal dans l'environnement », et prendre ainsi acte des influences mutuelles entre génotype, environnement et phénotype. M’appuyant sur la proposition de Lewontin, je proposerai que le droit à l’environnement peut être fondé sur des bases ontologiques : comme l’environnement fait partie de l’animal, l’animal a un droit à l’environnement découlant de son intégrité ontologique. Si l'environnement fait partie de l'animal, alors il a un droit sur lui tout comme il a un droit sur toute autre partie de son corps. Ainsi, dans le cas des humains et de la terre, si la terre est notre environnement, le fait que nous y ayons droit est tout aussi ontologique - il n’est pas le nôtre, il est nous-mêmes.


Panel / Atelier

Table ronde autour du livre de Sophie Marcotte-Chénard, Devant l’Histoire en crise : Raymond Aron et Leo Strauss

Que nous apprend l’histoire? Est-il vrai que trop d’histoire empêche d’agir et de juger? Ne serait-elle qu’un bric-à-brac d’exemples et d’alibis? Quels rapports la philosophie politique peut-elle entretenir avec le passé? Ces questions vitales sont au cœur de la discussion que nouent Raymond Aron (1905-1983) et Leo Strauss (1899-1973) et qui prend pour point de départ les réflexions de Max Weber sur les limites de l’historicisme et le polythéisme des valeurs. Suivant des directions à la fois opposées et complémentaires, Aron et Strauss jettent les bases d’une véritable philosophie du jugement politique, à l’épreuve de la crise des années 1930, de la Seconde Guerre mondiale et des affrontements idéologiques subséquents. Au croisement de l’épistémologie de l’histoire et de la théorie politique, Sophie Marcotte Chénard reconstruit dans cet ouvrage le dialogue qu’ont entretenu ces deux figures majeures du XXe siècle. Elle montre surtout la subtilité de leurs positions respectives et explore les leçons qu’il faut aujourd’hui en tirer.

Communications orales

Jacques Roger et l’histoire de la pensée scientifique (partie 1)

De la philosophie moderne à la biologie du dix-huitième siècle et de la médecine de la Renaissance à la théorie synthétique de l’évolution, l’expertise et les champs d’intérêts de l’historien Jacques Roger couvrent plus de quatre siècles de découvertes et de découvertes scientifiques. Alors que les barrières disciplinaires entre histoire, philosophie et biologie restent parfois infranchissables, comment Roger – qui n’était ni scientifique, ni philosophe, ni historien de formation – en est-il venu à occuper une place à part dans le paysage français et international en histoire et épistémologie des sciences de la vie ? Sur le plan de la biographie, genre littéraire qu’il pratiqua, quelles ont été les modèles et les influences sur son itinéraire intellectuel, ses objets de recherche et sa démarche méthodologique ? A-t-il lui-même mis en œuvre les principes méthodologiques qu’il a énoncés et si oui, dans quelle mesure ? Baignant dans l’écosystème parisien, quelles furent les raisons de ses relations parfois tendues avec les épistémologues de la rue du Four ? Et, que reste-t-il aujourd’hui de ses travaux sur l’histoire de la pensée biologique et médicale ? Réunissant des chercheurs en histoire et en philosophie des sciences de la vie, cette journée se propose, trente ans après la disparition de l'historien des sciences, de réfléchir collectivement à la postérité de ses travaux ainsi qu’à l’originalité de la méthode de travail du grand spécialiste de Buffon.

  • Communication orale
    Jacques Roger, un historien présentiste ?
    Laurent Loison (CNRS)

    La professionnalisation du champ de l’histoire des sciences, au cours des années 1960-1970, a conduit à l’exacerbation de la critique Whig : toute bonne histoire des sciences devait se garder de juger la science du passé à la lumière de l’état présent. Dans le contexte français, J. Roger, contre les épistémologues, et particulièrement contre l’histoire « jugée » de Bachelard, s’est régulièrement fait le porte-voix de cette perspective « historienne », et aimait à répéter la formule de Lucien Febvre qui affirmait que le seul péché capital en histoire, c’est l’anachronisme. Quelques années après le décès de Roger, Jean Gayon nous avertissait cependant qu’on « ne peut […] prendre pour argent comptant les déclarations fréquentes de Jacques Roger selon lesquelles l’historien « doit s’abstenir de juger » ». Cette présentation entend creuser le même sillon : jusqu’à quel point Roger a-t-il lui-même suivi le positionnement méthodologique anti-rétrospectif qu’il affichait explicitement ? Notre hypothèse est que, loin d’y avoir souscrit, Roger a constamment interrogé « les sciences de la vie » à la lumière de la biologie du XXe siècle. En ce sens, nous souhaitons montrer que, au moins dans une certaine mesure, Roger fut un historien présentiste et que c’est précisément son présentisme qui lui a permis d’écrire une histoire problématisée qui soit autre chose que l’enregistrement d’une mémoire ou sa restitution au travers des catégories d’analyse utilisés par les acteurs eux-mêmes.

  • Communication orale
    De l'usage raisonné de l'anachronisme en histoire des sciences
    Cécilia Bognon (Université de Paris (Labex Who am I?))

    Si Jacques Roger se réclamait explicitement d’une « histoire historienne des sciences » prenant ses distances avec d’une part l’histoire épistémologique de Canguilhem, l’épistémologie historique de Bachelard ou l’archéologie foucaldienne, et d’autre part la microhistoire et l’histoire sociale des sciences, il nous semble, pour reprendre un mot de Jean Gayon, que sa « manière d’aborder l’histoire des sciences » était cependant intrinsèquement philosophique. Nous examinons ici le jeu, ou la tension non résolue, entre histoire et philosophie à partir de l’étude de l’usage raisonné de l’anachronisme dans les écrits de Jacques Roger. Paradoxalement, l’anachronisme n’est pas l’indice d’un présentisme dans la méthode de Roger ou d’un primat de la théorie sur le fait, mais une manière de faire droit à la processualité de l’histoire des sciences.

  • Communication orale
    L’historien Roger et les modèles théoriques de la génération : le cas Needham
    François Duchesneau (UdeM - Université de Montréal)

    À l’instar de Maupertuis et de Buffon, John Turberville Needham figure parmi les restaurateurs de l’épigenèse au milieu du xviiie siècle. Dans Les sciences de la vie dans la pensée française du xviiie siècle, Jacques Roger a donné de sa théorie de la génération une interprétation qui diffère des exposés et critiques traditionnels dont elle a fait l’objet. Trois questions sollicitent ici l’analyse : sur quelles données repose l’interprétation de Needham par Roger ? 2) que nous révèle-t-elle sur la philosophie naturelle de Needham ? 3) que nous apprend-elle sur le modèle épistémologique sous-tendant le travail historique de Roger ?

  • Communication orale
    Les Époques de la nature de Buffon par Jacques Roger, le prisme de l’édition critique
    Stéphane Tirard (Nantes Université)

    En 1962, Jacques Roger publie dans les Mémoires du Muséum national d’Histoire naturelle un volume consacré à une édition critique des Époques de la Nature de Buffon*. Cet ouvrage du naturaliste français, paru en 1778, tome cinquième des suppléments de son Histoire naturelle générale et particulière**, est souvent considéré comme l’une des parties cruciales de son œuvre, car décrivant le processus irréversible de la transformation de la Terre depuis son origine, ainsi que le développement de la vie à sa surface jusqu’à l’apparition de l’homme. L’édition critique réalisée par Roger révèle toute la complexité de la genèse de cette œuvre. Elle offre une présentation comparée du texte publié et de ses versions manuscrites successives, ainsi que les notes de Buffon. En outre, en mobilisant sa connaissance approfondie du XVIIIe siècle, Roger ajoute à l’écrit du naturaliste un ensemble de notes et de chapitres thématiques et analytiques. L’objectif de cette intervention est double. Il s’agit d’une part, après avoir rapidement situé et décrit Les époques de la Nature, de présenter la méthode de Roger dans l’élaboration complexe de cette édition critique et d’autre part d’analyser la portée épistémologique d’un tel travail quant à la compréhension de l’œuvre de Buffon.


Panel / Atelier

Les revues étudiantes en philosophie au Québec

Quelle place occupent les revues étudiantes en philosophie au Québec? Forment-elles d’abord un espace permettant la réflexion et l’échange d’idées entre étudiant.e.s ou bien sont-elles surtout un lieu de formation des futur.e.s chercheur.e.s en philosophie? Qui peut publier dans celles-ci et quel est le niveau de rigueur attendu des travaux des personnes désirant publier dans ce type de revues? La Société de philosophie du Québec accueille des éditeurs et éditrices étudiant.e.s qui viendront répondre à ces questions et présenter leur revue ainsi que leurs pratiques éditoriales respectives. Le public aura ainsi une meilleure connaissance de la nature d’une partie de la recherche étudiante faite au Québec. Cette table ronde rendra également possible un échange d’idées constructif de bonnes pratiques éditoriales entre les diverses revues.

William-Philippe Girard : présentation des différentes revues étudiantes en philosophie au Québec et des conférenciers et conférencières du panel (10-15 minutes)

Morgane Delorme : présentation de la revue Ithaque (20-30 minutes)

Arnaud Dufour et Myriam Coté : présentation de la revue Phares (20-30 minutes)

Léonard Bédard : présentation de la revue Le Banquet (20-30 minutes)

Période de discussion en groupe afin de répondre entre autres aux questions de la description du projet : 30-45 minutes

Présidence : William-Philippe Girard (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
Discutant·e·s : Léonard Bédard (Université Laval), Myriam Coté (Université Laval), Morgane Delorme (UdeM - Université de Montréal), Arnaud Dufour (Université Laval), William-Philippe Girard (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

Communications orales

Partage de réflexions et pratiques en enseignement de la philosophie au collégial

Professeur·e·s de philosophie au collégial, nous sommes seul·e·s devant des centaines d’étudiant·es chaque semaine et tâchons de les éveiller, de les surprendre, de leur transmettre culture et goût du savoir. Notre public est exigeant. Les mois de classes virtuelles l’ont bien démontré : nous ne pouvons être un simple robot sans âme répétant un contenu désincarné. Nous sommes alertes aux moindres signaux d’incompréhension. Nous recréons nos cours à la lumière des nouvelles préoccupations sociétales. Nous relisons les classiques et modifions nos présentations au fil des nouvelles connaissances et publications sur ceux-ci. Bref, l’enseignement de la philosophie au collégial se nourrit constamment de lectures et d’expériences qui viennent questionner nos enseignements et pratiques.Cette table-ronde a pour objectif de donner un moment à différents professeur·e·s de philosophie au collégial pour partager et échanger sur de telles expériences et œuvres.

Présidence : Valérie Cayouette-Guilloteau (Cegep Limoilou)
  • Communication orale
    Humour et philosophie au collégial
    Pascale Aubin (Cégep Lévis-Lauzon)

    Dans la perspective platonicienne, le comique n’a pas bonne presse. Lorsque je présente l’Apologie de Socrate, j’aime faire un tour par Aristophane pour visiter les « anciennes accusations » et montrer un Socrate suspendu dans un panier, qui n’aime pas fricoter avec les gens du commun et qui vend volontiers son argument qui sert « à ne pas payer ». Même si elles ne rient pas vraiment, les personnes étudiantes dans la classe finissent bien par comprendre le rôle qu’a pu avoir le comique dans la condamnation de Socrate et la puissance politique du comique en général. Ce détour en Philosophie et rationalité m’a amené à poser plusieurs questions en lien avec l’humour, à le prendre comme perspective pédagogique et philosophique, puis éventuellement à penser un cours complémentaire pour répondre à ces questions. Qu’est-ce que l’humour? Que peut-il faire? Que devrait-il faire? Je vous propose ici de me suivre dans mes réflexions en lien avec ce vaste sujet et, plus particulièrement, d’aller explorer ses aspects existentiels en puisant dans les thèses développées par Lydia Amir dans son ouvrage publié en 2021 « Philosophie, humour, et condition humaine » afin de prendre pour quelques instants, comme elle le propose, le « ridicule au sérieux ».

  • Communication orale
    Présenter Socrate autrement (partie 1)
    Sophie Williamson (Cegep Limoilou)

    Lorsque nous présentons la philosophie grecque, plus particulièrement celle de Platon, nous brossons un portrait de Socrate comme un « héros » de la philosophie. D'une part, ce portrait est légitime, puisque nous cherchons à valoriser la figure du philosophe pour pouvoir prendre au sérieux son geste proprement critique, soit la remise en question radicale des opinions. En présentant l'idéal philosophique comme un amour de la sagesse, nous donnons une portée morale convaincante à la recherche de la vérité. Toutefois, ce faisant, nous déformons l'enseignement socratique. En effet, c'est en lisant le court ouvrage « Le bluff éthique » de Frédéric Schiffter que m'a apparu évident le défaut de la démarche de Platon que nous reprenons à notre tour ; soit la valorisation excessive d'un intellectualisme moral. Schiffter met en lumière une perversion de la figure de Socrate lorsque Platon lui donne l'air d'un « donneur de leçon » et d'un « raisonneur ». Pour reprendre les termes de Schiffter, nous tombons à notre tour dans de telles « gesticulations spirituelles ». On laisse de côté le Socrate de Xénophon, une figure davantage tragique, presque amorale ou même nihiliste. J'aimerais donc présenter cette hypothèse d'un « Socrate antisocratique » comme ayant dominé l'histoire de la philosophie. On pourrait opposer à cette figure idéale un modèle alternatif présent chez Xénophon, ce que j'aimerais aussi abordé par le biais du livre de Schiffter.

  • Communication orale
    Présenter Socrate autrement (partie 2)
    Valérie Cayouette-Guilloteau (Cegep Limoilou)

    La mort de Socrate est sans conteste l’un des événements le plus commentés en philosophie et prend place comme l’un moment fondateur de la pensée occidentale. Dans le premier cours Philosophie et rationalité, j’avais pour habitude de faire analyser l’Apologie de Socrate de Platon. En raison de certains biais personnels ainsi que de ma sympathie envers l’interprétation arendtienne de Socrate comme philosophe appartenant au monde commun (en opposition à la tradition de Platon jusqu’à Heidegger d’une philosophie désirant s’élever au-dessus des affaires humaines), j’occultais le penchant oligarchique du personnage et le présentais plutôt comme une sorte de martyr de la libre-pensée, victime de l’intolérance et de la répression de la liberté de conscience de l’intellectuel. Cette interprétation inspirée de la philosophie des Lumières ne m’est plus permise depuis que j’ai pris connaissance de l’ouvrage l’Évènement Socrate de Paulin Ismard. Ce sont seront donc les propos de cet historien que je présenterai, ainsi que ma nouvelle façon de faire lire ce célèbre texte de Platon. Quels étaient les véritables accusations portées contre lui ? Sur quelles bases peut-on vraiment opposer Socrate et les Sophistes? Quelle incidence aura cette nouvelle lecture sur la place faite au savoir dans la démocratie ?

  • Communication orale
    Le recours à l’autobiographie
    Benoit D'amours (Cégep Lévis-Lauzon)

    En écrivant son autobiographie intitulée Retour à Reims, le biographe, philosophe et sociologue Didier Eribon s’inscrit dans le sillage d’auteurs et d’autrices transfuges de classes tels que John Edgar Wideman et Annie Ernaux. Loin de faire le récit d’un self-made man qui s'élève et améliore son sort grâce à la culture, le texte d’Eribon est plutôt une analyse des différents mécanismes d’exclusions et d’autoexclusion sociale (l’école, l’orientation sexuelle, la classe, etc.). Il qualifie d’ailleurs cette entreprise d’auto-analyse et d’ethnologie de soi. Ayant consacré une majeure partie de son œuvre à réfléchir à la question de l’identité sexuelle et de la construction d’une subjectivité homosexuelle, Eribon réalise, en écrivant sur sa vie, qu’il a négligé la notion de “classe” dans son analyse des rapports sociaux. C’est en comparant son sentiment de honte initial face à son orientation sexuelle à sa gêne (encore présente) d’être issu du milieu ouvrier qu’il décide de réfléchir aux raisons qui le poussèrent à renier son origine. Ce point de départ mène à une enquête portant sur les transformations de la gauche politique et sa déconnexion croissante avec les “masses” qu’elle croit représenter. Après avoir présenté les grandes thèses de l’ouvrage, je me questionnerai sur les avantages et les limites de ce recours à l’autobiographie pour la discipline philosophique.


Communications orales

Communications libres : Philosophie politique

  • Communication orale
    La démocratie comme Grande communauté de recherche chez John Dewey
    Mathieu Gagnon (Université Laval)
  • Communication orale
    Égalité relationnelle et justice globale : de l’importance de dépasser l’approche déontique
    Hugo Cossette-Lefebvre (Université McGill)

    Les égalitaristes relationnels considèrent que la justice se définit par l’obligation de considérer et de traiter les autres personnes comme des égales. Toutefois, ils ont tendance à adopter une conception déontique de la justice : ils présupposent d’ordinaire que ces obligations surgissent seulement lorsque deux personnes sont connectées socialement. Ainsi, ils se distinguent des
    égalitaristes distributifs étant donné que l’égalitarisme relationnel semble nécessairement limité à un contexte social ou politique donné alors que l’égalité distributive peut plus facilement être étendue au niveau global. Néanmoins, dans cette présentation, je montre que même si l’on accepte la définition de la justice proposée par les égalitaristes relationnels, on peut tout de même
    adopter une conception cosmopolite de la justice. De cette manière, je maintiens que l’égalitarisme relationnel est plus proche de l’égalitarisme distributif qu’il n’y paraît. Je soutiens cet argument en montrant que l’approche déontique mène à des conclusions indésirables lorsqu’elle est appliquée à des injustices structurelles transnationales.


Dîner

Conférence plénière

  • Communication orale
    Démocratie et vérité
    Jocelyn Maclure (Université McGill)

Communications orales

Jacques Roger et l’histoire de la pensée scientifique (partie 2)

De la philosophie moderne à la biologie du dix-huitième siècle et de la médecine de la Renaissance à la théorie synthétique de l’évolution, l’expertise et les champs d’intérêts de l’historien Jacques Roger couvrent plus de quatre siècles de découvertes et de découvertes scientifiques. Alors que les barrières disciplinaires entre histoire, philosophie et biologie restent parfois infranchissables, comment Roger – qui n’était ni scientifique, ni philosophe, ni historien de formation – en est-il venu à occuper une place à part dans le paysage français et international en histoire et épistémologie des sciences de la vie ? Sur le plan de la biographie, genre littéraire qu’il pratiqua, quelles ont été les modèles et les influences sur son itinéraire intellectuel, ses objets de recherche et sa démarche méthodologique ? A-t-il lui-même mis en œuvre les principes méthodologiques qu’il a énoncés et si oui, dans quelle mesure ? Baignant dans l’écosystème parisien, quelles furent les raisons de ses relations parfois tendues avec les épistémologues de la rue du Four ? Et, que reste-t-il aujourd’hui de ses travaux sur l’histoire de la pensée biologique et médicale ? Réunissant des chercheurs en histoire et en philosophie des sciences de la vie, cette journée se propose, trente ans après la disparition de l'historien des sciences, de réfléchir collectivement à la postérité de ses travaux ainsi qu’à l’originalité de la méthode de travail du grand spécialiste de Buffon.

  • Communication orale
    Sur l’intérêt de Roger pour Malebranche
    Angela Ferraro (Université Laval)

    Nous nous proposons d’explorer le lien qui existe entre la formation littéraire de Jacques Roger et sa carrière d’historien des sciences de la vie. Pour atteindre cet objectif, nous nous pencherons sur les pages qu’il a consacrées à Nicolas Malebranche, notamment dans son article L’expression littéraire chez Malebranche (1967) et dans son célèbre ouvrage Les sciences de la vie dans la pensée française du XVIIIe siècle (1963). À la fois maître de style et savant de premier ordre, l’oratorien réunit dans son profil intellectuel deux des principaux objets d’intérêt de Roger. Y a-t-il de bonnes raisons de supposer que ce dernier entretint un rapport privilégié avec l’œuvre malebranchiste ? Dans notre communication, nous essayerons de donner une réponse à cette interrogation.

  • Communication orale
    La place de la philosophie dans la pensée historique de Jacques Roger
    Marianne Guyard (Université Laval)

    Plaidant en faveur d’une « histoire historienne des sciences », Jacques Roger souhaite désannexer l’histoire des sciences du domaine philosophique pour en faire une discipline à part entière. Ne relevant ni de la science, ni de la philosophie, ni de la sociologie, il prétend octroyer à l’histoire des sciences une identité propre. Selon sa vision, l’historien aurait lui aussi un rôle précis à jouer qui permettrait, entre autres, de le distinguer du scientifique et du philosophe. Son rejet pour l’histoire épistémologique des sciences telle qu’écrite par Canguilhem et Foucault traduit cette prise de distance par rapport à la philosophie. Pour Roger, l’histoire des sciences n’est pas une science auxiliaire, un simple outil intellectuel; elle appartient au domaine plus large des sciences historiques, qui, en contrepartie, a souvent délaissé l’histoire des sciences. Toutefois, Roger estime que la philosophie a contribué, dans le passé, à l’interprétation historique des découvertes et demeure, en ce sens, indissociable de la pensée des savants du XVIIe et XVIIIe siècle. À la lecture de ses écrits, on peut se demander si la narration de Roger parvient effectivement à écarter la dimension philosophique, ou si, malgré les aspirations de l’auteur, celle-ci demeure incontestablement présente. Car, comme le suggère Gayon en faisant référence à l’œuvre de Roger, « la philosophie n’apparait pas moins comme un élément de première importance dans l’histoire intellectuelle de la science ».

  • Communication orale
    Jacques Roger et l’histoire de la théorie de l'évolution
    Pierre-Olivier Méthot (Université Laval)

    Méfiant face aux théories abstraites du changement scientifique, l’œuvre de l’historien des sciences Jacques Roger (1920-1990) s’attache à restituer les idées du passé dans leur contexte historique et culturel. Nous voudrions ici explorer une ligne de force peu remarquée dans la pensée de Roger : l’histoire et l’historiographie de la théorie de l’évolution. Nous proposerons une lecture croisée des critiques avancées par Roger face au travaux d’Yvette Conry, une ancienne élève de Canguilhem, et du biologiste et architecte de la synthèse moderne, Ernst Mayr, en histoire de la biologie. Si Conry incarne à ses yeux les défauts de l’épistémologie historique, Roger se montre beaucoup plus charitable à l’égard de « l’histoire des problèmes » de Mayr, dont il admire l’œuvre au point, peut-être, d’être incapable de porter sur elle un regard historique et critique. Nous verrons qu’en faisant ainsi l’éloge du travail de Mayr et en se portant à sa défense, Roger se place en porte-à-faux en regard des principes méthodologiques qu’il avait énoncé vingt ans plus tôt à propos du travail des « scientifiques-historiens ». En conclusion, nous reviendrons brièvement sur la situation de l’œuvre de Roger dans le contexte français et anglo-saxon.


Communications orales

Communications libres : Bergson et Derrida à propos du langage

Présidence : Mélanie Turmel-Huot (Cegep Limoilou)
  • Communication orale
    Henri Bergson sur l’insuffisance du langage
    Roxanne Deschesnes (Université Laval)

    Tout au long de son œuvre, Henri Bergson porte une attention particulière aux problèmes causés par le langage dans la recherche philosophique. Encrées dans sa métaphysique, ses réflexions offrent néanmoins un éclairage important sur la manière dont le langage camoufle le réel. En effet, outil de l’intelligence pour faciliter son action sur le monde, le langage sélectionne les éléments utiles du réel en fonction des exigences pratiques rencontrées. Cette sélection est la source de la généralité des concepts et le langage est condamné à l’insuffisance pour exprimer le réel. La nature symbolique du langage le rend incapable de saisir l’individualité propre d’une chose, particulièrement l’individualité d’une conscience humaine.

  • Communication orale
    Jacques Derrida et la question du rapport entre science et la philosophie : vers la grammatologie
    Herve Toussaint Ondoua (Ecole Normale Supérieure de Bertoua)

Communications orales

La philosophie transcendantale peut-elle encore prétendre être un discours scientifique?

La philosophie et la science ont toujours évolué ensemble, se sont nourries l’une l’autre et, à ce titre, l’apport kantien constitue une étape décisive dans l’histoire de la science. Les communications que nous proposons viseront à éclairer les différents régimes des relations entre science et philosophie transcendantale : sur le plan de la méthode, des catégories du savoir et de l’histoire des idées. La philosophie transcendantale a évolué au fil de ses illustrations, et l’on sait que l’idéalisme et le positivisme s’affrontèrent autour d’elle. Il semble toutefois que l’idéalisme était mal interprété et qu’on l’a réduit à certaines de ses limites. La rupture identifiée par les positivistes à la fin du XIXe siècle ne serait peut-être pas aussi radicale que l’histoire lelaisse penser. On pourrait observer et démontrer une continuité méthodologique, notamment dans le mode de probation apagogique et l’inférentialisme, entre les postures scientifiques de l’idéalisme et la science contemporaine, de telle sorte que les ruptures historiques ou conceptuelles avec le transcendantalisme demanderaient qu’elles soient à nouveau évaluées.

  • Communication orale
    La face cachée de l’analyse dans la preuve transcendantale kantienne
    Marin Clouet-Langelier (Université Laval)

    À partir du XVIIesiècle, la notion d’analyse se transforme en suivant l’élaboration de la méthode d’expérimentation des sciences modernes dont le plan a été esquissé par Bacon et Descartes. Elle s’est alors nettement opposée aux preuves ostensives de la scolastique, afin de proposer un modèle qui suive l’ordre des raisons plutôt que l’ordre des matières. L’analyse est devenue une méthode visant la connaissance de la vérité par preuves indirectes, intégrant notamment l’apagogie. Après avoir présenté cette transmission à partir de Descartes, nous chercherons à thématiser l’édification de ce procédé chez Kant dans la première Critique et soutenir l’idée suivant laquelle la structure apagogique de la preuve transcendantale se situe en continuité avec la méthode d’analyse de l’âge classique. Si l’apagogie permet à Kant de fonder la philosophie comme science c’est en excluant toute référence à un principe inconditionné, car elle prend pour point de départ une hypothèse. Ainsi, l’analyse a imposé l’exigence d’immanentiser le discours contre toute référence extérieure, et trouverait dans la preuve transcendantale l’une de ses dernières élaborations. Cette continuité permettrait dès lors d’interroger la pertinence de la rupture des positivistes avec le kantisme, et de réévaluer leur définition de la scientificité, sachant qu’ils trouvent eux aussi leur origine dans l’analyse qui préfigure le faillibilisme de Popper.


  • Communication orale
    Les limites de la limitation : A. W. Moore critique du discours transcendantal
    Vincent Marcotte (Université Laval)

    Cette contribution à la table ronde s’intéresse à la critique de la philosophie transcendantale faite par Adrian William Moore, professeur de philosophie au St. Hugh’s College d’Oxford, dans son ouvrage Points of View. Sa thèse, à caractère épistémologique, est qu’une représentation absolue, c’est-à-dire objective, est possible et il la soutient à l’aide d’une preuve apagogique qui consiste à réfuter le plus grand contre-argument jamais avancé contre celle-ci, la philosophie transcendantale elle-même. Pour ce faire, il montre que le discours transcendantal est le résultat dénué de sens de notre tentative d’exprimer certaines connaissances ineffables. La contribution à la table ronde apportée par une étude du texte de Moore serait de tenter de déterminer si, dans le cadre de sa pensée, la philosophie transcendantale serait capable malgré tout d’échapper à cette critique et de se tailler une place dans le domaine du savoir contemporain. Autrement dit, il s’agirait, dans un premier moment négatif, de déterminer si le discours transcendantal échappe à la preuve apagogique que lui oppose Moore, puis, dans un second moment positif, de rendre compte de la force de sa scientificité face à certains problèmes philosophiques contemporains, à commencer par le retour d’une exigence d’absolu.

  • Communication orale
    L’actualité de Hegel face au positivisme logique selon Robert Brandom
    Raphaël Tossings (Université d’Ottawa)

    Le positivisme logique est connu pour s’être efforcé d’élaborer un système philosophique normatif rendant compte de l’objectivité de la connaissance scientifique en fournissant des critères de justification de ses énoncés. L’un des problèmes centraux auquel se sont heurtés ses partisans, notamment Carnap, est celui de la distinction entre les termes théoriques et les termes observationnels. La science, à l’image de la physique théorique, produit des explications qui présupposent en effet de nombreux termes dont les référents sont inobservables. L’empirisme strict de certains positivistes logiques se voyait ainsi mis en cause. Nous aimerions montrer que cette question était déjà au centre des interrogations de Hegel dans le chapitre « Force et entendement : phénomène et monde suprasensible » de la Phénoménologie de l’Esprit, tel qu’il est interprété par Robert Brandom dans A Spirit of Trust. La distinction serait de nature purement méthodologique (et non ontologique) : il convient dès lors de comprendre que les termes théoriques servent à situer les objets dans un réseau inférentiel d’implication et d’exclusion. Les termes théoriques et les termes observationnels se distinguent seulement en raison de leur rôle spécifique dans le raisonnement, mais ils sont comme tout concept soumis au logiciel inférentialiste prôné par Brandom et qu’il estime retrouver chez des auteurs comme Kant ou Hegel.


Communications orales

Pratiques savantes, éducation et société

Alors que le congrès offre l’occasion de discuter des liens entre la science et la philosophie et de ses influences sur la société, cette table ronde se propose de faire une place à la philosophie de l’éducation, qui se retrouve à la croisée des chemins avec les sciences de l’éducation et qui, par la nature même du travail éducatif, porte une attention soutenue à son public et à la société. Prenant la forme d’un colloque avec des espaces de discussions entre les conférencier·ère·s et avec les participant·e·s, cette table ronde offre une pluralité de perspectives en philosophie de l’éducation autour d’un thème commun. Intitulée Pratiques savantes, éducation et société, elle examine l’influence des pratiques savantes sur l’accessibilité, la diffusion, la transmission et la circulation du savoir universitaire dans la société civile. Par « pratiques savantes », on entend l’ensemble des pratiques courantes (exigences explicites et implicites, langue d’usage, divisions institutionnelles, modes de fonctionnement, etc.) au sein des institutions d’enseignement supérieur et dans la recherche. Ainsi, cette table ronde veut entamer le dialogue et la réflexion critique sur l’influence de ce qui est tenu pour acquis dans les institutions universitaires et le milieu académique sur les sociétés dans lesquelles elles s’inscrivent.

  • Communication orale
    L’homme de Platon et le coq de Diogène
    Mathilde Cambron-Goulet (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    L’image de la tour d’ivoire est une manière récurrente de reprocher aux intellectuels leur incapacité à entrer en dialogue avec le reste de la société. Quand le dialogue n’est pas simplement absent, ce sont les raisonnements abstrus, le vocabulaire ésotérique, voire l’objet même de la recherche qui minent les rapports entre l’intellectuel et le simple citoyen (on peut songer ici aux fameux Ig Nobels). L’ampleur du fossé qui sépare d’une part la quête de savoir ésotérique qui colore encore de nos jours la recherche académique, et d’autre part l’idéal de l’intellectuel citoyen, peut être mesurée à partir des rapports entre l’Académie platonicienne et les Cyniques. En effet, Diogène questionne la capacité de Platon à mener une recherche accessible, qu’il réfute sans passer par le raisonnement (e. g. DL VI 38 sur l’argument du Cornu et VI 40 sur l’homme qui est un bipède sans plumes), faisant fi de la méthode de recherche platonicienne qui se caractérise par la division et dont la pertinence est évaluée à l’aune de son résultat (El Murr 2005). Ces anecdotes qui font sourire témoignent d’une critique des rapports entre l’académicien et le non-initié – ce qui ne signifie pas que les rapports des Cyniques avec leurs concitoyens sont plus faciles (Goulet-Cazé 2010). L’humour cynique fait-il partie de la solution ? Jusqu’à quel point l’esprit de bottine peut-il ramener le philosophe dans la cité ? C’est ce que nous souhaitons examiner ici.

  • Communication orale
    Valider la création éducationnelle : le travail scolaire comme travail de connaissance créatif
    Kevin Naimi (Université Laval)

    Dans cette présentation, j'argumente qu’il est nécessaire de reconceptualiser les pratiques de connaissance dans la salle de classe comme essentiellement créatives, fondamentales pour la production et la reproduction de la réalité sociale. La compréhension conventionnelle traite la salle de classe comme un lieu formatif ou les jeunes, traités comme des objets de formation sont individualisés et séparés du contexte social dans lequel leur apprentissage a lieu. Cette vision formative de la scolarité, bien qu'elle saisisse une dimension essentielle de l'apprentissage, sert également à obscurcir le réel travail créatif fondamental qui a lieu dans la scolarité quotidienne. Dans cette présentation, j'explorerai la nature de la créativité et du travail de connaissance dans la salle de classe dans le but d'avancer une compréhension située de l'apprentissage créatif (Tanggaard, 2014) qui peut nous aider à reconceptualiser les possibilités créatives du travail éducatif quotidien. Pour formuler cet argument, je m'appuierai sur des figures clés dans la sociologie et philosophie de l'éducation (Bourdieu, 2000, Dewey, 2007, Freire, 2000) qui peuvent nous aider à reconceptualiser l'espace d'apprentissage en tant qu'espace de création et « worldmaking » (Goodman, 1978). En soutenant la créativité de l'apprentissage en classe, cette présentation soutiendra également la nécessité de valider le travail de connaissance des jeunes comme sérieux et ayant un impact.

  • Communication orale
    Où est passée la philosophie de l’éducation ? Histoire d’une migration institutionnelle et disciplinaire
    Christophe Point (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Notre proposition a pour l’objet l’histoire institutionnelle et disciplinaire de la philosophie de l’éducation aux États-Unis, du milieu du XXe siècle à nos jours, ainsi que les conséquences de cette migration sur la production et circulation des connaissances de ce champ d’études. Nous proposons ici un récit de l’évolution de ce champ d’étude, avec pour point de départ l’opposition au sein des départements de philosophie entre les partisans de la philosophie analytique et les partisans du pragmatisme. En effet, John Dewey était vu, dès les années 40, par les philosophes analytiques comme un représentant d’une philosophie dite « continentale » surchargée de métaphysique, d’approximations et d’obscurité. Ainsi, le premier geste de la philosophie analytique pour « gagner » ce sous-champ de la philosophie a été de « briser les chaînes » dans lequel l’emprisonnait « le fantôme de Dewey ». Robin Barrow, Richard Stanley Peters ou encore John Mc Peck s’illustrèrent alors dans une critique précise et radicale de la philosophie de l’éducation pragmatiste. Mais, ce faisant, c’est la philosophie de l’éducation elle-même qui dut peu à peu s’exiler hors des départements de philosophie pour se chercher une place au sein des nouveaux départements d’éducation. Ainsi, nous souhaitons rendre compte rétrospectivement des effets de cette migration de la philosophie de l’éducation sur la recherche et la circulation des connaissances reconnues comme appartenant à la philosophie de l’éducation.

Communications orales

Agentivité, identité et normes et de genre

Cette table ronde propose de discuter des normes et de l’identité de genre à partir de réflexions sur l’agentivité des sujets féminins et les possibilités de contestation et de subversion des normes qui entourent cette agentivité. Nous verrons que la tension entre autonomie et normes sociales est au cœur de la construction de l’agentivité et de l’identité de genre; que la conception des femmes comme être-pour-autrui, inhérente au concept de dérivatisation, affecte négativement l’agentivité des femmes et les activités typiquement féminines; que le milieu académique, comme lieu d’agentivité épistémique, aurait avantage à repenser les critères d’excellence qui marginalisent certains groupes, notamment les femmes; enfin que la mobilisation des mouvements féministes autour de l’identité de genre peut faire obstacle à l’agentivité de groupe dans la lutte contre les violences sexuelles genrées. La philosophie féministe montre que la structuration de groupes ou d’identités autour de la différenciation genrée peut produire des effets de solidarité, tout comme elle peut engendrer des injustices; elle invite en tous les cas à s’interroger sur les conditions de l’agentivité et du choix. Les interventions auront ainsi aussi pour but d’imaginer de nouveaux critères de solidarité et d’équité, qu’il s’agisse de repenser la solidarité féministe, ou de réexaminer les critères d’excellence académique en vue d’une plus grande équité.

Présidence : Juliette Roussin (Université Laval)
  • Communication orale
    Injustice épistémique, EDI, et critères d’excellence
    Amandine Catala (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Cette présentation problématise les liens entre injustice épistémique, EDI (Équité, Diversité, Inclusion) et critères d'excellence. Une personne subit une injustice épistémique si elle n’est pas adéquatement crue ou comprise parce qu’elle appartient à un groupe social non-dominant, notamment les groupes visés par les initiatives d’EDI (p.ex. femmes, personnes en situation de handicap, Autochtones, personnes racisées, personnes LGBTQIA2+). L’injustice épistémique affecte l’agentivité épistémique d’une personne, soit sa capacité à produire, transmettre, ou utiliser de la connaissance. La sphère académique étant un site majeur d’agentivité épistémique, la possibilité qu’elle génère de l’injustice épistémique est un enjeu important. Or, certains critères d’excellence académique peuvent précisément générer et perpétuer certaines formes d’injustice épistémique, nuisant ainsi aux membres des groupes visés par l’EDI. Cette présentation identifie ces problèmes et propose plusieurs ressources et pistes de solutions possibles.

  • Communication orale
    Suivre le courant : Solidarités féministes et #MeToo
    Marie-Pier Lemay (University of Pittsburgh)

    Dans cette communication, j’offre une réinterprétation des débats philosophiques entourant la solidarité féministe à travers le prisme du récent renouveau de l'activisme politique mondial contre la violence basée sur le genre. Je soutiens que cet élan d'activisme offre aux théoriciennes féministes une occasion de réimaginer de manière normative les solidarités féministes au-delà des récits des précédentes vagues ayant fait appel à des notions problématiques d'identité de genre et de contexte partagé. Ce renouveau de solidarités demande que les philosophes féministes soient attentives au lien entre la solidarité féministe et la résistance à la violence basée sur le genre. Je soutiens que le courant actuel de mobilisations féministes contre les violences genrées (#MeToo, #NiUnaMenos) s'oriente vers un compte rendu partiel de ce que j'appelle la solidarité réactive. Par solidarité réactive, j'entends que la solidarité est conceptualisée comme une relation dynamique et en cours de développement, qui répond à la fois aux multiples et complexes structures de pouvoir. Pour m'aider à développer ma conception partielle de la solidarité réactive, je survole les débats de la théorie de la solidarité féministe ainsi que ceux liés à l'ontologie sociale des groupes. J'évalue la manière dont les luttes mondiales contre la violence basée sur le genre embrassent les féminismes basés sur l'identité, tout en s'en distanciant.

  • Communication orale
    Normes de genre, soumission et consentement sexuel
    Manon Garcia (Yale University)

    Dans cette intervention, je montrerai le rôle que joue les normes de genre dans On ne naît pas soumise, on le devient (Paris, Flammarion, 2018) et La Conversation des sexes (Paris, Flammarion, 2021). Plus précisément, je montrerai comment la tension entre autonomie et normes sociales appelle une analyse épaisse du choix et de l’agentivité qui diffère des théories de l’autonomie relationnelle.

  • Communication orale
    Marchés controversés, objectification et inégalités relationnelles. Réfuter la thèse de l’asymétrie à la lumière du concept de dérivatisation
    Naïma Hamrouni (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    Quelle est la différence entre le travail du sexe et le travail de secrétariat ou de soins? Pourquoi le premier est-il moralement répréhensible aux yeux de plusieurs et souvent législativement réprimé, alors que le deuxième ne soulève généralement pas de débats éthiques houleux? Pour les partisan.e.s de «la thèse de l’asymétrie», c’est qu’il y a une différence moralement significative entre les deux. Après avoir examiné les 4 principales défenses de cette thèse de l’asymétrie, soit les analyses en termes de (a) corruption (Radin, 1996 et Anderson, 1995), (b) objectification (Nussbaum, 1995 et 1998), (c) inégalités relationnelles (Satz, 2010), (d) vulnérabilité (Phillips, 2013), je soutiens que cette thèse flirte avec le perfectionnisme, qu’elle nous pousse à l’incohérence et qu’elle est, en définitive, intenable. Je suggère que le problème de justice, commun à l’ensemble des marchés à prédominance féminine, peut être mieux saisi par le concept de «dérivatisation» développé par Ann Cahill, dans ses écrits sur la pornographie et la violence sexuelle (2011). La «dérivatisation» se produit lorsqu’une personne est traitée comme une extension de quelqu’un d’autre, comme un appendice, existant-pour-autrui, et non pour elle-même. Elle est aussi inextricablement liée aux normes de genre sexistes qui façonnent aussi bien nos subjectivités que nos interactions inter-sexes et notre environnement social.


Communications orales

Communications libres : Histoire de la philosophie

  • Communication orale
    Certitude et salut chez Spinoza
    Syliane Malinowski-Charles (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    Le concept de certitude (certitudo) ne fait pas l’objet d’une définition spécifique dans l’Éthique, mais Spinoza lui attribue néanmoins une valeur extrêmement importante. Dans le Traité de la réforme de l’entendement, la certitude incluse dans toute idée vraie est même le fondement de la méthode décrite par Spinoza pour progresser sur le chemin de la connaissance et, au final, parvenir à la béatitude du sage. Dans ce texte, j’entends analyser le concept de certitude en lien avec la notion de salut dans les deux usages que Spinoza nous en propose : le salut philosophique, relié à la dimension rationnelle de la certitude et de la vérité, et le salut moral, relié à la dimension théologique et présenté dans le Traité théologico-politique.

    Au terme de cette analyse, nous serons conduits à réévaluer la dépréciation habituelle du salut théologique par rapport au salut philosophique, telle qu’on la trouve en particulier dans l’ouvrage-phare sur la question d’Alexandre Matheron, Le Christ et le salut des ignorants (1971). À la distinction introduite par Spinoza entre certitude mathématique (qu’il attribue à l’idée vraie saisie intellectuellement) et certitude morale des vérités de religion, nous proposerons de substituer le vocabulaire d’un salut intellectuel et d’un salut moral pour, au final, conclure à l’équivalence des deux saluts, et donc à la réalité du salut par la religion chez Spinoza.

  • Communication orale
    L’interprétation comme « coincidentia oppositorum » : quelques remarques sur la défense hadotienne de l’objectivité en histoire
    Nicolas Comtois (Université de Montréal)

    Pierre Hadot est réputé, à bon droit, avoir renouvelé notre approche des textes anciens et nous avoir permis de les aborder comme des exercices spirituels capables de susciter une conversion chez leur lecteur. Il a aussi contribué plus largement à la réflexion herméneutique, notamment à travers des textes plus courts et que l’on pourrait qualifier de mineurs. La présente communication s’arrêtera à l’un de ces textes, une préface que Hadot a écrite pour la réédition du Nietzsche d’Ernst Bertram en 1990. Nous montrerons comment Hadot, dans ce texte, critique ce qui lui semble être les excès de l’herméneutique philosophique et propose une solution aux apories dans lesquelles celle-ci lui paraît enfermer la pratique de l’histoire. Cette solution, qui peut être qualifiée de paradoxale en tant qu’elle cherche à préserver à la fois l’interprétation objective du texte et la possibilité de son appropriation subjective, se révélera situer Hadot dans la filiation du critique littéraire américain Eric Donald Hirsch, lui-même un important critique de Gadamer, et ainsi en faire un représentant original de la « réaction » (trop rarement prise en compte dans l’érudition de langue française) qu’a suscitée chez des interprètes attachés à l’idéal scientifique du XIXe siècle l’herméneutique d’inspiration heideggérienne.

  • Communication orale
    Théorie critique, sociologie et société chez Theodor W. Adorno
    François Champagne-Tremblay (Université Laval)

    Cette communication entreprend d'examiner la place que revêt la sociologie dans la théorie critique de la société que formule Theodor W. Adorno. Pour ce faire, elle retrace d'abord les prémisses philosophiques de la conception adornienne de l'objet de la sociologie et explique ensuite pourquoi cet objet doit correspondre, aux yeux d'Adorno, à la totalité sociale. À partir de là, il devient possible de donner une définition de la sociologie, d'expliciter son lien avec la philosophie et de déterminer sa tâche dans le contexte d'une théorie critique de la société.


Panel / Atelier

Les agents moraux artificiels

Dans leur livre Moral machines (2009), les philosophes Wendall Wallach et Colin Allen ont choisi de nommer agents moraux artificiels (AMA) les systèmes d’intelligence artificielle devant être programmés pour prendre des décisions éthiquement significatives. Ils doivent prendre des décisions qu’ils en soient ou non imputables moralement.

Dans cette table ronde, il sera question de la nature et de l’éthique des AMAs. Qu’est-ce que regroupe cette catégorie? On peut bien-sûr penser aux robots militaires (système d’armes létaux autonomes) ou aux véhicules autonomes (notamment en situation de dilemme du tramway). Mais les agents conversationnels comme celle présentée dans le film Her, ou des algorithmes de recommandation comme ceux de Facebook ou de Youtube ne sont-ils pas, eux aussi, des agents moraux artificiels? Du point de vue normatif, la discussion portera sur les principes qui devraient présider à la programmation de ces AMAs - ce qui revient peu ou prou à se demander avec quel genre de robots nous voulons vivre. Faut-il s’en tenir aux approches traditionnelles en éthique normative, à savoir le déontologisme, l’utilitarisme et l’éthique de la vertu?

Participant·e·s : Gauvain Bourgne (Sorbonne Université), Paul Dumouchel (UQAM - Université du Québec à Montréal), Martin Gibert (UdeM - Université de Montréal), Dominic Martin (UQAM - Université du Québec à Montréal)

Communications orales

Philosophie de l’économie II (partie 1)

L’objectif principal de ce colloque est de créer un lieu de rassemblement et de discussion pour les forces vives de la philosophie de l’économie au Québec, où ce champ est entendu en son sens le plus large. Cet événement fait suite à un premier symposium organisé l’an dernier également dans le cadre des activités de ce réseau de chercheur.

Pour les membres de ce réseau, la philosophie de l’économie couvre quatre vastes champs : histoire de la pensée économique comme branche de l’histoire de la philosophie; théories de l’agir rationnel; l’éthique et la philosophie politique du système économique; philosophie de la science et de l’expertise économiques.

  • Communication orale
    Témoignages médiés : Think tanks, médias d'information et excellence épistémique
    François Claveau (UdeS - Université de Sherbrooke)

    L’épistémologie récente souligne que nous apprenons énormément par témoignage, que ce soit quand autrui nous communique sa connaissance non testimoniale (témoignage direct) ou sa connaissance du témoignage d’un agent tiers (témoignage médié). Les vertus épistémiques des agents émetteurs et récepteurs sont relativement bien comprises dans le cas de témoignages directs. Qu’en est-il de l’excellence épistémique de l’agent médiateur dans un témoignage médié? En particulier, dans quelles circonstances devrait-il ajouter des marqueurs de crédibilité pour contextualiser les propos de l’agent émetteur? Cette recherche propose et utilise un cadre d’évaluation de l’excellence épistémique de l’agent médiateur.

    Le cadre est utilisé pour évaluer un cas emblématique de témoignages médiés : les façons dont les médias d’information canadiens relaient les propos de think tanks à leur lectorat. Les normes journalistiques qui balisent le travail des médias d’information ont peu d’implications concrètes claires pour le cas de témoignages médiés impliquant un émetteur avec un profil contesté d’expert. Notre analyse d’un corpus d’environ 20 000 mentions de think tanks dans les médias canadiens confirme une forte hétérogénéité dans l’utilisation de marqueurs de crédibilité d’un média à l’autre et pour mentionner différents think tanks. Ce résultat suggère qu’un balisage normatif plus serré du témoignage médié permettrait à certains médias d’information de se rapprocher de l’excellence épistémique.

  • Communication orale
    Expliquer les systèmes d’intelligence artificielle: comment la diversité peut contribuer au bien-être
    Philippe Verreault-Julien (Eindhoven University of Technology)

    Les systèmes d’intelligence artificielle (SIA) sont souvent jugés comme étant opaques. Considérant certaines données d’entrée, nous ne savons pas toujours pourquoi ou comment les systèmes arrivent aux résultats qu’ils produisent. L’opacité des SIA soulève de multiples enjeux épistémologiques et éthiques dans la mesure où ils sont utilisés dans des contextes ayant des conséquences sur le bien-être des personnes. Une solution proposée pour réduire l’opacité consiste à générer des explications contrefactuelles (e.g. Wachter, Mittelstadt, et Russell 2018). Ces explications arrivent à des résultats différents en utilisant des données d’entrée contrefactuelles. On considère généralement que la diversité des explications est souhaitable (e.g. Mothilal, Sharma, et Tan 2020). Or, les justifications morales en faveur de la diversité sont actuellement manquantes. Cet article fournit deux justifications se basant sur des approches contemporaines du bien-être, soit la satisfaction des préférences et l’approche par les capabilités. Je montre que la diversité des explications contrefactuelles est souhaitable selon ces deux approches, appuyant ainsi sa pertinence. En bref, je montre que la diversité des explications permet aux utilisatrices des SIA de mieux satisfaire leurs préférences ou d’exercer leurs capabilités. Par conséquence, celle-ci peut contribuer à la promotion du bien-être.


Dîner

Conférence plénière

  • Communication orale
    Vers une science plus inclusive : nouveaux enjeux épistémologiques et politiques
    Stéphanie Ruphy (Ecole normale supérieure - Université PSL)

Communications orales

L’impact des sciences sur la politique : perspectives historiques et philosophiques

Nous nous proposons de réfléchir sur des questions qui concernent ces deux axes : l’essor moderne des sciences et l’impact que ces sciences, sous l’influence de la philosophie parfois, ont eu sur les institutions et le pouvoir. Les problématiques que nous souhaitons aborder ici sont donc propres à l’interdisciplinarité ; plus précisément, la pensée déborde le champ de notre discipline et se nourrit à l’intersection de la philosophie et du non-philosophique -- que ce dernier soit celui de la science ou celui du politique. À titre d’exemple : comment la philosophie a-t-elle théorisé plusieurs concepts essentiels aux sciences et comment le champ des sciences a-t-il, de son côté, influencé la philosophie, eu égard à la réflexion sur les objets du politique ? Tel que déjà l’indique le titre de notre projet, ces problématiques concernent l’influence réciproque entre ces champs disciplinaires et la philosophie. Nous ne devons pas perdre de vue que, dans ces domaines, les rapports de causalité sont circulaires ; autrement dit, l’impact des sciences sur le politique ouvre la porte à des effets en retour du politique et de la politique sur les sciences.

  • Communication orale
    Francis Bacon et Benjamin Franklin : le savoir en révolution
    Jacques G. Ruelland (UdeM - Université de Montréal)

    Cette conférence met en lumière les ressemblances et les différences qui caractérisent les conceptions que Sir Francis Bacon (1561-1626) et Benjamin Franklin (1717-1790) se font de la science de leur époque respective. Elle examine le rôle joué par ces deux libres-penseurs : le premier, plutôt théoricien et fondateur de l’induction et de l’empirisme (quoique fasciné par l’utopie) ; le second, résolument praticien et expérimentateur parfois téméraire (attiré par la foudre), dans l’élaboration – avec beaucoup d’autres – de la science moderne des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. Les implications de la pensée scientifique baconienne et de la praxis expérimentale de Franklin, très diversifiées, sont également abordées dans cette conférence, qui fait finalement le point sur l’héritage actuel de ces deux personnages.

  • Communication orale
    Le darwinisme social et l’eugénisme, deux déviations de l’évolutionnisme darwinien
    Jean-Claude Simard (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Les années 1859-1871 constituent un point tournant dans l’histoire de la biologie, mais aussi dans l’histoire des idées politiques et sociales en Occident. C’est en effet durant cette décennie cruciale, celle qui court de L’Origine des espèces(1859) à La Filiation de l’Homme (1871), que naissent deux doctrines sulfureuses : le darwinisme social et l’eugénisme. Toutes deux issues de l’évolutionnisme, leur impact sur le XXe siècle sera déterminant. Nous exposerons d’abord les circonstances de leur naissance chez Spencer et Galton. Nous montrerons ensuite pourquoi elles constituent des déviations de la biologie darwinienne. Nous terminerons en esquissant la façon dont elles se sont développées au XXe siècle, et rappellerons en particulier comment une forme officielle d’eugénisme a alors été appliquée à la question autochtone dans trois provinces canadiennes.

  • Communication orale
    L’impact de la biologie sur la politique dans l’Europe du XXe siècle
    Andre Mineau (UQAR - Université du Québec à Rimouski)

    Durant le dernier tiers du XIXe siècle, les valeurs biologiques ont envahi peu à peu la culture politique de l’Europe, en s’insérant dans l’esprit des gens et en influençant les perceptions des sociétés et de l’humanité. Sur cette base, le XXe siècle deviendrait l’ère de l’efficacité politique de la biologie, autrement dit, de la politique comme biocybernétique. Il verrait l’avènement de l’ingénierie politique des vérités et des valeurs biologiques, dogmatisées à travers le biologisme. Ainsi, en Allemagne plus que n’importe où ailleurs en Europe, le biologisme deviendrait une puissante idéologie d’État, qui intégrerait et articulerait plusieurs notions autour de l’eugénisme, de la stérilisation des êtres jugés génétiquement inadéquats, de l’euthanasie des vies prétendument indignes d’être vécues et de la promotion de la santé collective à tout prix. En pareil contexte s’est développé le pouvoir des médecins qui ont réclamé l’accomplissement politique des lois de la biologie. Le généticien Otmar von Verschuer, de l’Institut Kaiser-Wilhelm, représente un exemple intéressant.

  • Communication orale
    Les rapports entre science, philosophie et politique. L’exemple de la bioéthique et le défi de l’interdisciplinarité
    Jocelyne Saint-Arnaud (UdeM - Université de Montréal)

    La science expérimentale est née grâce, entre autres, à des philosophes comme Francis Bacon pour qui l’observation de la nature et l’approche inductive étaient primordiales et René Descartes qui, en considérant le corps comme une machine, a levé le tabou sur la dissection humaine favorisant ainsi l’observation directe de l’anatomie humaine. Plusieurs siècles plus tard, le développement des sciences et des techniques fera croire à une maîtrise de la nature. Cependant, les avancées scientifiques et technologiques dans le domaine des sciences médicales au XXème siècle ont suscité de nombreux enjeux éthiques en imposant à l’humain des choix qu’il n’avait jamais eu à faire auparavant. Dans cette présentation, nous décrivons les origines de la bioéthique, issue des publications de théologiens et de philosophes portant sur les enjeux éthiques liés à l’utilisation des techniques de prolongation de la fin de vie et des Commissions nationales états-uniennes qui ont réuni des experts des disciplines concernées dans le but de formuler des balises pour encadrer la recherche et les pratiques en santé. Les difficultés de l’interdisciplinarité sont illustrées par les critiques adressées aux auteurs du principisme, Beauchamp et Childress, ainsi que les réponses qu’ils y apportent. L’analyse montre que les objections soulevées sont principalement de nature épistémologique.

  • Communication orale
    La participation au savoir qu’offre le Commun. Que faut-il consolider et que faut-il rectifier ?
    France Giroux (Cégep Montmorency)

    Le Commun est un principe de coordination de diverses dynamiques produites par l’engagement dans une voie qui n’est pas façonnée et contrainte par les logiques de l’État et du Marché. En tant qu’interlocutrice des sciences et de la politique, la philosophie a inspiré la création de l’une de ces dynamiques durant la première modernité : il s’agit de la recherche subventionnée et des instituts qui s’y consacrent en s’inscrivant dans le processus de mise en commun des connaissances scientifiques. Toutefois devant la difficile conciliation entre savoir, institutions et pouvoir, des thèmes liés aux exigences intellectuelles s’imposeront comme points de repères pour des évolutions majeures dans les institutions de recherche et d’enseignement (E. Picavet, B. Latour, M. Le Dœuff, J.-J. Salomon). Malgré cela, subsiste l’impact des atteintes qui sont portées périodiquement à la « liberté académique » et à l’« intégrité scientifique » ; aujourd’hui, ces atteintes nous obligent à mieux formuler les problématiques du débat sur les controverses (décolonialisme, crises sanitaires, dérèglement climatique). Que faut-il pour que les sciences, chargées de l’examen de ces controverses, influencent à leur tour la philosophie eu égard à la réflexion sur les objets du politique ? Comment s’entendre sur une manière nouvelle de délibérer autour des faits et des valeurs ou, des alternatives et des choix ?


Communications orales

Communications libres : Normativité et métaéthique

  • Communication orale
    Symétrie entre esthétique et moralité : pour une approche constructiviste méta-normative
    Guillaume Soucy (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Bien que l’idée puisse être considérée comme marginale, plusieurs auteurs affirment que pratiquement les mêmes considérations ontologiques et épistémologiques s'appliquent aux domaines moraux et esthétiques (Ayer 1936; Mackie 1977; McDowell 1983, Pettit 1983; Goldman 1995). Louise Hanson est à l’heure actuelle la principale défenseure de cette idée. Elle soutient ainsi que les deux domaines normatifs de l’esthétique et de la moralité devraient se concevoir sous un paradigme réaliste (Hanson 2013; 2017; 2018). Toutefois, l’expression populaire « la beauté est dans le regard » semble bien exprimer l’idée commune selon laquelle les propriétés esthétiques sont le produit de l’attitude de valorisation d’un individu et non pas des qualités objectives des objets. Mon hypothèse est qu’il existe effectivement une symétrie entre valeur morale et valeur esthétique, mais je m’oppose toutefois au réalisme de Hanson. En fait, je crois plutôt que la manière la plus satisfaisante d’expliquer la nature des propriétés esthétiques et morales réside dans une approche constructiviste inspirée des travaux de Sharon Street. Dans cette présentation, je soutiendrai qu’un tel paradigme métanormatif permet de répondre de manière positive aux trois principaux problèmes auxquels fait face une conception symétrique de la moralité et de l’esthétique selon Hanson.

  • Communication orale
    Plaidoyer pour une métaéthique phénoménologique
    Etienne Groleau (Cégep Beauce-Appalaches)

    Celui qui commence à s’intéresser à la métaéthique peut être frappé de constater la domination de la philosophie analytique dans ce domaine. Cette domination est si marquée qu’elle va jusqu’à obscurcir l’apport d’autres approches, notamment de la phénoménologie. En effet, on reproche à la phénoménologie son manque de rigueur et l’on craint parfois qu’elle ne conduise au relativisme. Mais peut-elle conduire à une réflexion pertinente sur les problèmes contemporains de métaéthique ? Dans cette présentation, je vais remettre en question le rejet de cette approche afin de proposer un plaidoyer en faveur d’une métaéthique phénoménologique. L’objectif ne sera pas de formuler des thèses métaéthiques, mais de leur ouvrir la voie. Je vais d’abord répondre aux différentes critiques que l’on peut soulever contre la phénoménologie pour ensuite présenter les avantages et les possibilités qu’offre une approche phénoménologique prudente de la métaéthique.


Communications orales

La quête de la vertu et du bonheur : stratégies anciennes et modernes

Par leurs définitions aussi riches que différentes de la vertu et du bonheur, les paradigmes épicurien et stoïcien sont parmi les plus marquants et les plus persistants dans l’histoire de la réflexion philosophique occidentale. Comme le signalait déjà Robert Mauzi dans sa célèbre fresque intitulé L’idée du bonheur dans la littérature et la pensée françaises au XVIIIe siècle (1979), ces références de l’antiquité rejaillissent sous la plume de nombreux auteurs et reviennent sans cesse dans les traités de l’époque moderne, partagée entre « la querelle de l’épicurisme » et « le grand rêve stoïcien ».

Si certains aspects de la réflexion stoïcienne et épicurienne méritent d’être davantage considérés par eux-mêmes, il convient également de se pencher à nouveau sur les circonstances de la résurgence qu’ont connu ces modèles, notamment au siècle des Lumières. C’est dans cette direction que les contributions prévues dans le cadre de la table ronde La quête de la vertu et du bonheur : stratégies anciennes et modernes souhaitent se diriger. Chaque participant se propose d’y apporter sa contribution en présentant ses propres recherches en cours sur des sujets reliés à la thématique commune.

  • Communication orale
    Le rôle de la sublimation dans les tragédies de Sénèque : exemple d’Hercule sur l’Oeta
    William Rioux (Université Laval)

    Les penseurs du Portique utilisent plusieurs expressions pour parler du souverain bien de l’être humain. Certains affirment que la vie heureuse est une vie conforme à la vertu, une vie conforme à la nature, ou encore une vie conforme à la raison. Bien qu’il y ait plusieurs manières de le dire, toutes ces expressions réfèrent à une seule signification : le bien suprême de l’être humain est la vertu. Une fois le souverain bien identifié, toute la difficulté est d’y parvenir. Si vivre conformément à la vertu n’est pas impossible, le chemin pour s’y rendre demande beaucoup d’exercice et une certaine éducation. Dans ma présentation, je m’interrogerai sur les mécanismes employés par le philosophe Sénèque pour éduquer son lectorat à la vertu. Il est déjà attesté que les Lettres à Lucilius sont soutenues par un projet parénétique et psychagogique dans lesquelles Sénèque accompagne Lucilius. J’aimerais me tourner vers les tragédies de Sénèque, plus précisément vers la pièce Hercule sur l’Oeta, pour montrer que la sublimation a une fonction parénétique. Il apparaît que la tragédie de Sénèque est un autre moyen de présenter ses idées et doit être rapprochée de son œuvre philosophique. Pour ce faire, je présenterai une analyse de la pièce tout en m’appuyant sur certains passages de ses autres écrits.

  • Communication orale
    Des grandes machines du bonheur et de ses adresses de détail : une présentation du Discours sur le bonheur d’Émilie du Châtelet
    Francesca Francoeur (Université Laval)

    Selon Robert Mauzi (1979), un seul des traités consacrés à la question du bonheur au XVIIIe siècle reste émouvant et mérite d’être lu de nos jours : le Discours sur le bonheur (1744-1746) d’Émilie du Châtelet (1706-1749). Ce traité, en partie autobiographique, résolument épicurien, quoiqu’ayant des relents stoïciens, dresse une liste de maximes favorisant l’atteinte du bonheur. Nonobstant certains éléments portant la marque de son siècle (l’importance des goûts et des passions ainsi que de l’absence de préjugés) et s’inspirant de la tradition (l’accent placé sur la santé et la vertu), le Discours sur le bonheur demeure original par sa préconisation de l’illusion comme condition essentielle pour être heureux, et ce, tout particulièrement en amour. Cette communication se propose d’analyser et de commenter le Discours sur le bonheur de du Châtelet. Il s’agira d’abord de restituer le contexte, les fondements et les enjeux qui sous-tendent ce texte. Ensuite, les différentes thèses et maximes proposées par du Châtelet seront présentées. Enfin, certaines limites et paradoxes qui jaillissent du discours seront abordés, notamment le rôle inconstant de la raison dans la quête de la félicité et la présence d’une conception antinomique du bonheur reposant, d’une part, sur le repos de l’âme et, d’autre part, sur l’exaltation de l’âme.

  • Communication orale
    Le bonheur par l’illusion ? Autour de l’Anti-Sénèque (1750) de La Mettrie
    Angela Ferraro (Université Laval)

    Julien Offray de La Mettrie (1709-1751) est l’un des philosophes du XVIIIe siècle qui a le plus dialogué avec les modèles philosophiques du passé, souvent en adoptant une attitude opportuniste envers eux : si dans son l’Histoire naturelle de l’âme (1745), il reprend le modèle psychologique aristotélicien contre le dualisme cartésien, dans l’Homme machine(1748) il conteste la conception du rapport esprit-corps propre à Descartes plutôt en appliquant à l’être humain le paradigme, tout aussi cartésien, de l’animal-machine. Dans d’autre textes, comme l’Anti-Sénèque ou le souverain bien (1750), il reprend le modèle épicurien et lucrétien dans une optique anti-stoïcienne. C’est justement ce dernier texte, connu aussi sous le titre de Discours sur le bonheur, qui va retenir notre attention dans le cadre de cette communication. Nous nous proposons tout d’abord de mettre au jours la relation que La Mettrie y entretient avec les philosophes de l’antiquité et la manière dont il mobilise leurs arguments dans les buts qui sont les siens. Il s’agira ensuite de s’interroger sur la définition que le philosophe donne du bonheur à travers l’analyse des causes de celui-ci. La mise en valeur de l’illusion dans le cadre du rapport qu’il établit entre sentiment-raison retiendra enfin notre attention afin de dégager l’originalité de la perspective adoptée par l’auteur de l’Anti-Sénèque.


Communications orales

Philosophie de l’économie II (partie 2)

L’objectif principal de ce colloque est de créer un lieu de rassemblement et de discussion pour les forces vives de la philosophie de l’économie au Québec, où ce champ est entendu en son sens le plus large. Cet événement fait suite à un premier symposium organisé l’an dernier également dans le cadre des activités de ce réseau de chercheur.

Pour les membres de ce réseau, la philosophie de l’économie couvre quatre vastes champs : histoire de la pensée économique comme branche de l’histoire de la philosophie; théories de l’agir rationnel; l’éthique et la philosophie politique du système économique; philosophie de la science et de l’expertise économiques.

  • Communication orale
    Exploitations croisées : pour éthique écoféministe du care
    Cecile Gagnon (UdeM - Université de Montréal)

    Le système capitaliste repose sur deux conditions de possibilité invisibilisées et conséquemment exploitées : le travail de care (majoritairement féminin et racisé) et les ressources naturelles, la nature. Dans cette communication, il sera proposé de développer une éthique écoféministe du care afin de critiquer les dynamiques d’exploitation sur lesquelles repose le système économique capitaliste et de proposer une réponse capable à la fois de répondre aux enjeux distributifs et symboliques que ces dynamiques produisent et cristallisent. Seront principalement mobilisés les travaux de Tronto qui mettent en lumière les injustices matérielles que (re)produisent la marginalisation théorique et politique du travail de care ainsi que de ses principales prestataires et bénéficiaires, et les travaux de l’écoféministe Plumwood qui mettent en lumière les injustices culturelles que (re)produisent plusieurs dualismes classiques de la pensée occidentale. Pourra alors être articulée une théorie en mesure d’éviter les dangers d’apories de ces deux théories lorsqu’elles sont mobilisées seules, en cristallisant des rapports de domination économique, ou des conceptions essentialisantes de la féminité et de la nature. Une éthique écoféministe de care ouvre sur une ontologie relationnelle au cœur de laquelle les concepts de vulnérabilité et d’incarnation permettent de repenser les rapports économiques et culturels autant envers le care que la nature pour mettre fin à leur exploitation.

  • Communication orale
    La théorie des optima de second rang et ses applications en épistémologie
    Marc-Kevin Daoust (ÉTS - École de technologie supérieure)

    Les théories idéales sont populaires en épistémologie. Dans ces théories, on se concentre sur les attitudes et les méthodes d’un agent logiquement omniscient, parfaitement libre de choisir tout ce qu’il croit et ayant des capacités cognitives illimitées. Plusieurs épistémologues doutent de la pertinence de des théories trop idéalisées. Ils font l’hypothèse que la théorie économique des optima de second rang, développée par Lipsey et Lancaster (1956), milite contre le recours aux idéaux en épistémologie (voir par exemple Egan (2008), Titelbaum (2015), DiPaolo (2019), Staffel (2019, 112) et Karlan (2020)). Qu’en est-il vraiment? Quel est l’apport de la théorie des optima de second rang à l’épistémologie? Dans cette présentation, je présenterai deux applications concluantes de la théorie des optima de second rang à l’épistémologie. Cependant, ces applications ont des limites claires. Si l’on étudie attentivement la théorie des optima de second rang, on réalise que plusieurs philosophes ont exagéré son importance pour l’épistémologie.

  • Communication orale
    C'est le pouvoir, idiot ! Ou pourquoi devons-nous traiter le marché du travail plus comme la politique
    Peter Dietsch (University of Victoria)

    Selon une opinion largement répandue, les marchés sont très différents de la politique sur un point important. Cette dernière est considérée comme un domaine vulnérable à l'oppression et à la domination. Pour se prémunir contre ces menaces, l'idéal de l'égalité politique est inscrit dans la doctrine "une personne, un vote", et dans un certain nombre d'autres mesures d'efficacité variable, comme la protection de la politique contre les intérêts particuliers par la réglementation du financement des campagnes électorales. En revanche, les marchés sont présentés comme une institution qui soit préserve les inégalités antérieures au marché, soit, grâce à l'impact bénéfique de la concurrence, promeut réellement l'égalité. Cet article soutient que cette vision dichotomique est trompeuse, du moins en ce qui concerne le marché du travail. Le point de vue standard nous amène à penser que les résultats inégaux sur le marché du travail peuvent être corrigés par une redistribution sous forme d'impôts ou en promouvant l'égalité des chances et en garantissant ainsi que les individus entrent sur le marché du travail sur un pied d'égalité. En revanche, je suggère que même en cas d'égalité parfaite des chances, le marché du travail souffre d'inégalités dans le pouvoir de négociation qui génèrent des rentes économiques pour certains individus. Si cela est vrai, une réponse politique plus robuste, semblable à celle que nous utilisons dans le domaine de la politique, peut être justifiée.

  • Communication orale
    Peut-on défendre l’impôt progressif avec Rawls ?
    Patrick Turmel (Université Laval)

    Cette question a quelque chose de paradoxal en apparence. Aujourd’hui, la plupart des philosophes politiques travaillant dans le sillon de l’héritage rawlsien sont généralement favorables à cet outil fiscal, même s’ils ne le discutent pas directement. On présume souvent qu’une fois les principes de justice distributive défendus, la question de savoir comment réaliser les principes en pratique devient secondaire, mais la progressivité apparaît aussi souvent comme une évidence démocratique. Pour cette raison, très nombreux sont les philosophes politiques qui n’ont même pas conscience que Rawls prend notamment position dans la Théorie de la justice, à la section 43, pour un impôt proportionnel (plutôt que progressif) sur la consommation (plutôt que sur le revenu), deux thèses très surprenantes. Pourquoi Rawls l’égalitariste défend-il une forme d’imposition fiscale dont les deux composantes – la consommation comme base fiscale et la proportionnalité comme mode d’imposition – ont tendances à voir des effets régressifs ? Je veux suggérer pourtant que l’on peut retrouver dans ce passage – si on l’interprète suivant le bon esprit – des raisons de principe en appui à la progressivité. Et donc, il y a de quoi s’appuyer aujourd’hui chez Rawls pour défendre des impôts fortement progressifs – un impôt sur l’héritage, un impôt sur le revenu, mais éventuellement aussi – ce qu’il ne discute pas – un impôt sur le capital.

Communications orales

Philosophie de l’économie II (partie 3)

L’objectif principal de ce colloque est de créer un lieu de rassemblement et de discussion pour les forces vives de la philosophie de l’économie au Québec, où ce champ est entendu en son sens le plus large. Cet événement fait suite à un premier symposium organisé l’an dernier également dans le cadre des activités de ce réseau de chercheur.

Pour les membres de ce réseau, la philosophie de l’économie couvre quatre vastes champs : histoire de la pensée économique comme branche de l’histoire de la philosophie; théories de l’agir rationnel; l’éthique et la philosophie politique du système économique; philosophie de la science et de l’expertise économiques.

  • Communication orale
    Les risques philosophico-économiques de vivre parmi les voisins gonflables
    David Robichaud (Université d’Ottawa)

    Cette conférence vise à explorer le potentiel d’un concept économique, celui des externalités positionnelles, dans différents débats portant sur la justice sociale. Comme l’a mis en lumière Robert H. Frank, investir davantage dans des biens positionnels crée des externalités positionnelles qui ont le potentiel de déstabiliser des marchés. Cette idée nous semble particulièrement pertinente et éclairante pour prendre position dans deux débats de justice sociale dans lesquels nous sommes engagés : le débat sur la justification de taux d’impositions élevés, et celui sur la légitimité de limiter les salaires pouvant être offerts dans certains secteurs d’activité. L’argument présenté vise essentiellement à retourner l’argument libertarien en faveur du libre marché contre lui-même.

  • Communication orale
    Le marché accorde-t-il à chacun ce qu’il mérite ?
    Christian Jobin (Cégep Beauce-Appalaches)

    Dans Sphères de justice, Michael Walzer (1997, p. 160) remarque que l’un des arguments mis couramment en avant chez les défenseurs du capitalisme est que « le marché, s’il est libre, donne exactement à chacun ce qu’il mérite ». Dans la mesure où la justice consiste, pour la majorité des gens, à recevoir ce que l’on mérite, il n’est dès lors pas étonnant que certains puissent considérer que la distribution de la richesse générée par un libre marché est juste. Pourtant, le libre marché génère actuellement de très fortes inégalités économiques en raison notamment de l’émergence de ce que Robert H. Frank (2010, p. 71) appelle des « marchés où le gagnant rafle la mise » qui sont, selon lui, des marchés où « des différences mineures en termes de performances se traduisent par des différences gigantesques en termes de revenus ». Les marchés où le gagnant rafle la mise accordent-ils à chacun ce qu’il mérite ? Dans cette communication, je me propose donc de répondre à cette question tout en interrogeant ses diverses implications, notamment à l’égard de la fiscalité.

  • Communication orale
    Psychologie cognitive et philosophie politique : mieux fonder le revenu d’existence
    Guillaume Mathelier (Haute Ecole de Gestion (Genève))

    La philosophie politique aurait tort de se priver des nouveaux apports de la psychologie pour confirmer le bien-fondé de ses ambitions morales. Une politique publique gagne en légitimité quand elle repose sur des principes moraux forts. Comme un effet miroir, la philosophie prend aussi tout son sens quand elle comprend et s’inspire du monde qu’elle entend transformer. La contribution de psychologues cognitifs comme Eldar Shafir nous invite à convoquer la psychologie dans notre travail en faveur de l’instauration d’un revenu d’existence. Loin de faire perdre de la force à la proposition théorique, cet apport permet de préciser dans la réalité ce que nous fondons dans notre théorie de la justice. Selon Shafir, la pauvreté entrave les fonctions cognitives des individus en difficulté. En somme, être pauvre entraine de mauvais choix et handicape la capacité à prendre de bonnes décisions. La pauvreté focalise l’énergie des pauvres sur l’essentiel en les empêchant d’accomplir d’autres tâches en parallèle. Le revenu d’existence entend quant à lui répondre à la satisfaction optimale des besoins essentiels et offrir un socle inconditionnel pour vivre décemment. Il nous apparaît alors tout à fait pertinent de convoquer ces analyses cognitives dans le cadre de notre justification morale.

  • Communication orale
    Du voile de la monnaie à la politique monétaire derrière le voile d’ignorance
    Morgane Delorme (Université de Montréal), Åsbjørn Melkevik (UdeM - Université de Montréal)

    La monnaie reste à ce jour notoirement absente des théories contemporaines de la justice. Classiquement, un large pan des travaux fondateurs en philosophie de la monnaie en a théorisé la « neutralité », soit l’idée selon laquelle les modalités d’émission ne modifieraient le prix des biens que de façon nominale, en « apparence », sans toutefois intervenir sur les prix relatifs, ces derniers s’ajustant dans le temps. Plusieurs économistes classiques comme John Stuart Mill contestent les effets distributifs de l’émission monétaire conventionnelle. Pourtant, la modernisation et la diversification accrue des instruments monétaires ont transformé la politique monétaire d’une façon qui en sape la supposée neutralité. En proposant une analogie entre le « voile de la monnaie » issu des théories monétaires classiques, et l’expérience du voile d’ignorance telle que développée par John Rawls, cet article offre une solution à deux écueils majeurs en philosophie de l’économie. Premièrement, en distinguant cinq scénarios d’émission monétaire distincts, l’article illustre la pluralité des enjeux distributifs adossés à l’émission monétaire. Deuxièmement, l’article comble une absence majeure de l’œuvre rawlsienne en déduisant le type de politique monétaire qui correspond le mieux aux exigences de justice telles qu’elles se découvrent derrière le voile d’ignorance.


Panel / Atelier

Variété des parcours professionnels en philosophie I

Pour les diplômé.e.s en philosophie, un plan de carrière courant est l'enseignement dans les réseaux collégial et universitaire. Or, certaines personnes ne sont pas attirées par le monde académique, ou ne trouvent pas un poste convenant à leurs attentes (fluctuation de la quantité de postes disponibles, précarité, éloignement, etc.). Quelles sont les opportunités professionnelles pertinentes s'offrant à ces personnes? Cette table ronde vise à présenter différentes avenues professionnelles pertinentes s'offrant aux diplômé.e.s en philosophie. L'objectif est d'en faire un événement récurrent lors du congrès de la SPQ (avec un panel renouvelé à chaque année). Cette table ronde permettra de faire circuler l'information quant aux occasions professionnelles pour les membres de notre communauté. Elle permettra aussi de tisser des liens entre les étudiant.e.s, les professeur.e.s et les professionnel.le.s.

Finalement, elle nous permettra de collecter des informations entourant les trois questions suivantes : 1-Outre l'enseignement dans les réseaux collégial et universitaire, quelles sont les avenues professionnelles pertinentes pour les membres de notre communauté? 2- Comment les membres de notre communauté peuvent-ils s'y prendre pour bien s'intégrer à ces domaines professionnels? 3- Comment les départements de philosophie peuvent-ils s'y prendre pour bien préparer leurs étudiant.e.s au monde professionnel?


Communications orales

Les femmes philosophes de la fin du XVIe siècle à la première moitié du XIXe siècle : panorama d’un discours philosophique en marge de l’histoire de la philosophie

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  • Communication orale
    L'égalité des sexes dans la morale de Gournay. Enjeux et paradoxes
    Marie-Frédérique Pellegrin (université Lyon3)
  • Communication orale
    Matérialisme et panpsychisme dans le 17e siècle : le cas de Margaret Cavendish
    Oberto Marrama (Oulun Yliopisto - University of Oulu)

    Dans cette présentation je me concentrerai sur la théorie de l’esprit élaborée par Margaret Cavendish (1623-1673). Elle soutient que l’univers doit être conçu comme entièrement matériel et, au même temps, comme entièrement pensant. En effet, Cavendish affirme que toute la matière est capable de « connaissance de soi » et de « perception » (OEP, 138), car chaque partie dans laquelle on peut diviser la matière « doit avoir sa propre connaissance et perception, selon sa propre nature particulière » (OEP, 141). Dans cette communication, je m’emploierai à déterminer si l’on peut trouver des éléments s’approchant d’une conception de la conscience de soi chez Cavendish. Ensuite, je mettrai la théorie de l’esprit de Cavendish en relation avec deux autres doctrines philosophiques monistes élaborées dans la même période : à savoir, le panpsychisme paralléliste de Spinoza et le matérialisme de Hobbes. Par une telle mise en relation, je chercherai à montrer l’originalité de la position de Cavendish dans son contexte historique, pour l’inscrire dans le cadre des débats sur la nature de la pensée du 17e siècle

  • Communication orale
    La réception du spinozisme par Élise Reimarus sur la question de la révélation
    Anaïs Delambre (UdeM - Université de Montréal)

    Élise Reimarus (1735-1805) est principalement connue pour être celle qui annonce à Mendelssohn l’accusation de spinozisme dont fait l’objet Lessing par Jacobi. Elle lance ainsi la Querelle du Spinozisme lorsqu’elle lui transmet la lettre dans laquelle Jacobi fait cette information. Elle est aussi connue à travers son père, Hermann Samuel Reimarus et son frère, Johann A. H. Reimarus. Présentée par Almut Spalding comme une libre penseuse déiste et prenant activement part à l’Aufklärung, elle joue notamment un rôle dans les querelles dans lesquelles Lessing est engagé. Cette participation discrète nous donne un aperçu de sa réception du spinozisme, entre revendication déiste et désir de préserver sa réputation. À travers ses lettres et ses propres écrits philosophiques, nous allons tenter de brosser le portrait d’une réception féminine de Spinoza. Nous souhaitons en effet mettre en avant une nouvelle lecture de sa philosophie souvent circonscrite aux domaines institutionnels, académiques ou religieux. N’oublions pas qu’à cette époque, les femmes étaient souvent réduites à une éducation bourgeoise, limitée au domaine privé, et aux salons qu’elles accueillaient et animaient. Ainsi, ce travail s’ajoute à ceux, récents, d’une mise en avant de la participation des femmes à la pensée de l’Aufklärunget espère montrer que le spinozisme n’a cessé d’irriguer la vie intellectuelle dans des sphères intellectuelles auxquelles les femmes avaient également accès.


Communications orales

Communications libres : Philosophie féministe et pensée décoloniale

Présidence : Mélanie Turmel-Huot (Cegep Limoilou)
  • Communication orale
    Ce que Merleau-Ponty peut pour la philosophie féministe
    Marie-Anne Perreault (UdeM - Université de Montréal)

    Dans cette communication, j’entends développer un argumentaire qui justifie l’utilisation de la phénoménologie de Maurice Merleau-Ponty pour la philosophie féministe et critique. En effet, bien que Merleau-Ponty ait été l’objet de nombreuses lectures explicitant son biais masculin et les lacunes épistémologiques du neutre phénoménologique, il a été largement repris dans la littérature féministe : ses concepts ont été transformés pour servir une pensée ouverte du corps genré. On retrouve ainsi, par exemple, le concept d’orientation spatiale appliqué à l’orientation sexuelle dans les ouvrages de Sara Ahmed Queer Phenomenology (2016) et de Gayle Salamon Assuming a Body (2015). Dans cette communication, je vise montrer que (i) malgré les critiques et les mises en garde à puiser dans la phénoménologie classique pour développer un propos féministe, l’« ouverture » de la pensée de Merleau-Ponty est toute désignée pour penser le corps féminin et (ii) qu’elle sert même un objectif doublement critique. Dans ce contexte, la problématique de ma communication est la suivante : en même temps que Merleau-Ponty est un auteur central pour la phénoménologie féministe, il est loin d’être lui-même un auteur féministe; le féminin n’est pas considéré comme une donnée significative dans sa conception du corps et de l’expérience vécue ; je défendrai que cette tension peut être résolue par l’exemple de la méthodologie utilisée par Butler dans son ouvrage Bodies That Matter (1993).

  • Communication orale
    Georges Sioui et le concept d’américisation : piste pour une révision de l’histoire de la philosophie dans une perspective décoloniale
    Olivier Samson (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Dans tous les domaines de l’enseignement au Canada, la révision de notre histoire est aujourd’hui requise afin que justice soit rendue aux appels autochtones à la décolonisation. Dans cette communication, j’aborderai deux obstacles importants qui apparaissent lorsqu’on tente de penser l’intégration des perspectives philosophiques autochtones à une histoire révisée de la philosophie. Pour ce faire, je puiserai dans les contributions d’autrices féministes (Sarah Hutton et Lisa Shapiro) s’étant intéressées dans les dernières années à la révision du corpus philosophique. Cela me permettra de montrer qu’un risque de re-marginalisation des philosophies autochtones plane sur les deux voies d’intégration qui s’offrent le plus spontanément à nous, ce qui nous place dans une certaine impasse. Je tenterai ensuite de montrer que le concept d’américisation développé par l’historien wendat Georges E. Sioui offre une piste de solution originale à ces problèmes. En nous faisant envisager d’un point de vue autochtone la rencontre civilisationnelle entre Autochtones et Européens, ce concept nous met sur le chemin d’une transformation radicale de la trame de fond de l’histoire canonique de la philosophie.


Dîner

Conférence plénière

Présidence : Juliette Roussin (Université Laval)
  • Communication orale
    La soumission comme choix rationnel
    Manon Garcia (Yale University)

    La soumission des femmes est traditionnellement attribuée à une disposition morale qu’auraient les femmes et qui serait propre à leur nature. Contre cette vision, je développerai la thèse selon laquelle la soumission des femmes n’est pas le résultat d’une disposition irrationnelle mais le résultat de choix rationnels, au sens le plus restrictif du terme, à savoir celui utilisé par les théories du choix rationnel (TCR). Étant donné l’androcentrisme et les effets pervers des TCR à l’endroit des femmes mis en évidence par les théoriciennes féministes, utiliser le cadre des TCR pour démontrer que la soumission des femmes en contexte patriarcal est une réfutation maximaliste de l’hypothèse de l’irrationalité de la soumission féminine. Cette démonstration me permet de montrer que comprendre la soumission des femmes comme un choix rationnel est nécessaire pour l’identifier comme un problème de justice et non comme un comportement individuel à décrire et évaluer.


Communications orales

Les femmes philosophes de la fin du XVIe siècle à la première moitié du XIXe siècle : panorama d’un discours philosophique en marge de l’histoire de la philosophie

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  • Communication orale
    Les manuscrits d’Émilie Du Châtelet et l’originalité d’une pensée
    Eszter Kovács (NKE)

    De l’œuvre d’Émilie Du Châtelet, la recherche dispose d’un ensemble d’ouvrages imprimés (comme les Institutions de physique, l’édition de 1740 et celle de 1742) et des manuscrits, autographes ou copies. Ces manuscrits sont dispersés dans plusieurs bibliothèques et collections, voire dans différents pays au monde. Les spécialistes n’ont pas facilement accès à ces documents et doivent souvent se servir de sources intermédiaires, telles que les transcriptions d’Ira O. Wade de l’essai De la liberté, faites dans les années 1940. Les jeunes chercheurs peuvent préférer les ouvrages imprimés, normalisés, modernisés. Cependant, les manuscrits dispersés et les informations qu’ils fournissent permettent d’argumenter en faveur de l’originalité de la pensée de Mme Du Châtelet, longtemps qualifiée de traductrice et de passeur scientifique. Dans ma communication, je cherche à examiner les passages manuscrits autographes qui permettent ce travail de remise en valeur. A titre d’exemples, je tiens à mentionner un fragment manuscrit qui renforce l’hypothèse selon laquelle Mme Du Châtelet était l’autrice du texte De la liberté et un autre qui témoigne de sa réflexion sur le changement de paradigmes scientifiques.

  • Communication orale
    La vie de B. Pascal, par G. Périer : quels enjeux philosophiques ?
    Aurélien Chukurian (Université de Genève)

    La vie de Monsieur Pascal, écrite par la sœur de Blaise Pascal (1623-1662) en 1662, est souvent perçue comme un document important du corpus pascalien. Pour autant, force est de constater que ce texte fait surtout l’objet d’un usage historique. Or, quelle lecture critique pouvons-nous faire de ce document, non pas en nous situant sur un plan historiographique ou historique, mais en l’appréhendant d’un point de vue philosophique ? Ainsi, en nous inscrivant dans le sillage d’études faisant crédit à la richesse de ce texte (P. Sellier, A. Bord, etc.), nous nous emploierons à restituer sa fécondité philosophique, à l’aune de la présence de concepts ou encore d’éléments témoignant d’un dialogue avec Pascal, entre adhésion et prise de distance. Ce procédé de lecture sera aussi mis à l’épreuve en considérant un autre document, consistant dans La vie de Jacqueline Pascal, également composée par Gilberte Périer : cette pièce, datée de 1663, nous informe-t-elle uniquement sur la biographie de sa sœur (1625-1661), ou au contraire nous met-elle sur la voie d’éléments proprement philosophiques, que ce soit concernant la lecture des évènements opérée par Gilberte ou la mise au jour de conceptions émises par Jacqueline ? Dès lors, le fil rouge de cette intervention consistera à faire la lumière sur les figures féminines entourant Blaise Pascal, en tête Gilberte Périer, en restituant les enjeux philosophiques attachés à leurs écrits.


Communications orales

Philosophie de l’économie II (partie 4)

L’objectif principal de ce colloque est de créer un lieu de rassemblement et de discussion pour les forces vives de la philosophie de l’économie au Québec, où ce champ est entendu en son sens le plus large. Cet événement fait suite à un premier symposium organisé l’an dernier également dans le cadre des activités de ce réseau de chercheur.

Pour les membres de ce réseau, la philosophie de l’économie couvre quatre vastes champs : histoire de la pensée économique comme branche de l’histoire de la philosophie; théories de l’agir rationnel; l’éthique et la philosophie politique du système économique; philosophie de la science et de l’expertise économiques.

Présidence : Åsbjørn Melkevik (UdeM - Université de Montréal)
  • Communication orale
    Entreprises et leadership climatique de deuxième ordre
    Antoine Verret-Hamelin (Université Laval)

    La lutte aux changements climatiques exigera certaines formes de leadership de la part d’acteurs variés. Cet article offre une nouvelle conceptualisation du leadership climatique et environnemental des entreprises privées. Nous commençons par présenter le leadership éthique et la responsabilité sociale des entreprises tels qu’ils sont traditionnellement conçus, pour ensuite montrer leur insuffisance : le fait de « montrer l’exemple » en adoptant des pratiques moralement désirables ne peut suffire quand les entreprises sont coincées dans des « problèmes d’action collective ». Pour pallier cette insuffisance, nous développons la notion de leadership éthique de deuxième ordre, caractérisant l’attitude visant à modifier le contexte structurel de manière à faciliter, pour toutes les entreprises concernées, le respect d’exigences de premier ordre. Enfin, nous appliquons cette notion au cas spécifique du leadership climatique et environnemental que pourraient exercer les entreprises privées.

  • Communication orale
    L’écofiscalité : une solution à trois problèmes ?
    Alexis Ouellet-Simard (Université d’Ottawa)

    Les liens étroits et avérés entre inégalités économiques et inégalités environnementales (Chancel, 2017) nous amènent à considérer leur réduction d’une manière conjointe. En prenant au sérieux la situation environnementale précaire dans laquelle nous vivons, la réduction de ces inégalités ne devrait pas être faite aux dépens de l’environnement. Dans le cadre de cette présentation, nous défendrons l’idée qu’une écofiscalité soigneusement élaborée pourrait être un outil privilégié contribuant à la justice socioéconomique et environnementale en réduisant à la fois les inégalités de richesses, les inégalités environnementales et les émissions totales de pollution. Nous expliquerons le défi majeur que constitue le fait de ne pas sacrifier un de ces objectifs aux dépens des autres. Par ailleurs, nous justifierons le recours à l’écofiscalité en soulignant que la situation actuelle est injuste, car elle permet à certains de consommer en imposant une partie des coûts environnementaux à l’ensemble de la société. L’écofiscalité ne vise alors pas à pénaliser le consommateur d’une manière arbitraire, mais plutôt à faire en sorte qu’il paie le juste prix de ses décisions, en d’autres mots à rendre le principe du « pollueur-payeur » effectif.

  • Communication orale
    Philosophie de l'exnovation
    Rafael Ziegler (HEC Montréal)

    Au début des années 1980, J. Kimberly introduisait le concept d’exnovation comme une activité « se produisant quand une organisation se désinvestit d'une innovation dans laquelle elle avait précédemment investi ». Il suggérait que l'exnovation est négligée en raison d'un préjugé favorable à l'innovation (pro-innovation bias), c'est-à-dire que plus il y a d’innovation, mieux c’est. Il avait raison : aujourd'hui encore, beaucoup d’économistes et même les spécialistes dans l’innovation ignorent l’exnovation. Il existe toutefois une littérature de niche émergente sur l’exnovation qui est intéressante pour la philosophie de l'économie et la philosophie politique. Cet article explore donc l'exnovation d'un point de vue philosophique, qui examine la littérature sur l’exnovation autour de trois questions : 1) Ontologie : Qu'est-ce que l'exnovation (et comment est-elle liée à la déstabilisation, discontinuation, et la résiliation (« termination »), mais aussi la routinision) ? 2) Épistémologie : Est-ce qu’une prise en compte symétrique de l'exnovation et de l'innovation est nécessaire en réponse au préjugé favorable à l’innovation ? 3) Éthique : Pourquoi l'exnovation compte-t-elle pour la justice et la durabilité? Quels sont les enjeux éthiques ?


Panel / Atelier

Remerciements

La Société de philosophie du Québec remercie ses partenaires pour l'organisation du Congrès annuel.

  • Chaire de recherche du Canada en antiquité critique et modernité émergente
  • Chaire de recherche du Canada sur l’injustice et l’agentivité épistémiques
  • Chaire de recherche du Canada en épistémologie pratique
  • Chaire de recherche du Canada en philosophie des sciences de la vie
  • Chaire de recherche du Canada en humanités médicales et histoire de la pensée biologique
  • Centre de Recherche en Éthique Publique et Gouvernance (CRÉPuG)
  • Institut d’éthique appliquée (IDÉA)
  • Centre de recherche en éthique (CRÉ)
  • Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (CIRST)
  • Groupe de recherche interuniversitaire sur la normativité (GRIN)
  • Groupe de recherche interuniversitaire en philosophie politique (GRIPP)
  • Centre de recherche interdisciplinaire sur la diversité et la démocratie (CRIDAQ)
  • Chaire Stephen A. Jarislowsky sur la nature humaine et la technologie
  • Chaire Katharine A. Pearson en société civile et politiques publiques

Assemblée générale

Assemblée générale des membres de la SPQ