Informations générales
Événement : 80e Congrès de l’Acfas
Type : Domaine
Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines
Description :Penser l’œuvre / L’œuvre pense-t-elle ?
La création, qu’il s’agisse d’arts visuels, de musique, de
cinéma, de création numérique ou autre, est un lieu de réflexion particulier
qui permet, à travers l’œuvre, de penser autrement. Suivant cette intuition, en
1985, Georges Didi-Huberman écrivait : « La peinture pense. Comment ? C’est
une question infernale. Peut-être inabordable pour la pensée. » Penser l’œuvre,
et comprendre comment celle-ci organise la pensée, c’est tout de même l’enjeu
principal que cette session sondera. Pour ce faire, les communications choisies
s’intéresseront à des thèmes tels que la recherche-création, la poïétique, l’interprétation
créative des œuvres, les paradigmes esthétiques en évolution, et les conditions
pratiques de production des œuvres.
- Luc Bonenfant (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- E. Allyn Smith (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Programme
Penser l'œuvre / L'œuvre pense-t-elle ?
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De Jamais deux sans toi à C.A. : la guerre des sexes mue de l’Audiovision à la CinémAtisationYves Picard (Cégep André-Laurendeau)
La proposition va dans le sens des recherches que je mène sur la télévision. Le projet consiste à avancer une hypothèse innovante : l’objet est-il le lieu d’un changement de paradigme esthétique ? Dans la foulée des travaux de Chion (1990) d’une part, et des recherches de Buxton (2010) d’autre part, je souhaite éclairer le trajet esthétique de la télévision de l’audiovision à la cinématisation. Pour y parvenir, je retiens deux cas exemplaires, l’un du passé et de l'audiovision, l’autre du présent et de la cinématisation, liés en une suite laconique : puisqu’il est difficile de vivre à deux en paroles (Jamais deux sans toi 1977-1980) aussi bien le faire à quatre en images (C.A. 2006-2010). Deux régimes esthétiques émergent. D’un côté, la fiction télévisuelle nationale des années soixante-dix rappelle le cinéma des origines. Les Duval pratiquent le dialogue de sourds, dans le cadre de scènes à l’italienne qui relèvent d’une esthétique monstrative (Gaudreault 1988). De l’autre, la fiction télévisuelle nationale récente évoque le cinéma de la modernité. Dans C.A., les amis narrent des anecdotes de l’intérieur de leurs analepses, s’emmurent dans leurs prolepses et emmêlent le public. Les images dénoncent le mal-être et énoncent un regard. Elles relèvent d’une esthétique énonciative, où, disait Metz (1991), le sens émerge de constructions réflexives. La télévision a mué de la voix au regard.
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L’acteur de dos et ses « inventions figuratives » au cinémaStéphanie Croteau (UdeM - Université de Montréal)
L’Acteur de dos et ses « inventions figuratives » au cinéma
Charlie Chaplin, en se détournant du public dans la dernière scène de son film Modern Times (1936), a lancé le bal du jeu de dos au cinéma, une posture actoriale qui, au fil de l’histoire du 7e art, s’est complexifiée et réinventée en de multiples cas de figure. Dans le cadre de cette communication, il s’agira de nous confronter à trois « inventions figuratives » (Nicole Brenez) de l’acteur de dos, et de cerner les enjeux actoriaux et esthétiques qui en découlent.
Dans un premier temps, nous examinerons le potentiel figuratif du jeu de dos, lorsque celui-ci devient une figure de résistance, ce que nous observerons notamment dans le film Marked Woman (1937) de Lloyd Bacon. Par ailleurs, nous étudierons la figure de « l’ineffable » du jeu de dos, à travers le désir inavoué (et inavouable) représenté dans le film In the mood for Love (2000) de Wong Kar Wai, la folie d'Élisabeth dans Lost Song (2008) de Rodrigue Jean, ou le deuil des personnages du film The Tree of Life (2011) de Terrence Malick. Enfin, il s’agira de cerner la « fonction de litote » (Augustin Fontanier) entraînée par cette nouvelle posture actoriale, voire, du nouveau mode de starification du jeu de dos au cinéma, ce que Michelangelo Antonioni aura fait avec son actrice fétiche, Monica Vitti.
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Sonoriser le silence : composer l’absence dans le cinéma de Gus Van SantAriel Harrod (UdeM - Université de Montréal)
Au cinéma, le son et l’image s’invoquent mutuellement de manière à créer des sensations frôlant la synesthésie. Certaines constructions visuelles peuvent engendrer des expériences auditives tout comme certaines conceptions sonores peuvent altérer notre perception visuelle. Pourtant, l’écran lui-même – et l’image qu’il contient – sont, en essence, muets. C’est donc au spectateur de reconsolider son et image, les situant dans des relations spatiales par rapport au champ (in/hors champ) ou par rapport à la diégèse (off). Quand le son et la source sont synchrones, elles peuvent créer une illusion de concordance totale. Mais quand les sons semblent être produit par rien, par personne, ils commencent à occuper un espace hors de l’image : un espace plus flou et incertain. Dans cette communication, j’explorerai ces relations entre son et image dans le film Gerry (2002) de Gus Van Sant. En référant aux travaux de Michel Chion, je ferai valoir qu’un transfert progressif des sons des registres in/hors champ au registre off permet de construire une absence perçu de son dans l’environnement diégétique du film. Plus précisément, j’analyserai comment, dans la célèbre séquence de levé du soleil, le concepteur sonore Leslie Shatz, en ayant recours à une synchronisation lâche, compose un environnement sonore qui participe activement à dépeupler l’espace acoustique des personnages.
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L’espace du signe : pédagogie de la perception et (auto)poïétiquePierre-Olivier Forest (UdeM - Université de Montréal)
Cette présentation s’inscrit dans le cadre général de nos recherches visant à mesurer l’efficacité pratique et pédagogique d’une approche poïétique du cinéma. À l’intérieur d’un tel cadre, il importe de poser le problème du devenir-artiste : par quels exercices l’apprenti peut parvenir à la conquête des puissances de son art? La poïétique s’entend ici comme l’étude de la faisance d’une œuvre. En fait, ce problème d’apprentissage et de pédagogie, concerne autant l’apprenti (autopoïétique) que l’enseignant (poïétique appliquée) et engage nécessairement une certaine méthode (d’éducation, de dressage, d’entrainement, etc.). Comment devient-on ou se fait-on cinéaste, concepteur sonore, etc.? Quel rôle y joue l’étude critique de son propre faire ou l’expérimentation sensible? Est-ce que le tout relève d’un savoir communicable? Y aurait-il une méthode juste pour conduire celui qui entend penser en images et en sons et composer une Idée cinéma? En fait, les méthodes (variables) sont elles-mêmes toujours inséparables d’une certaine image de la pensée ou de son exercice. Pour Gilles Deleuze, par exemple, apprendre « concerne essentiellement les signes ». Cet apprentissage (temporel) s’opère à partir d’une rencontre empirique contingente avec un émetteur de signes qui nous force à penser. Cette présentation visera à explorer cette théorie de l’apprentissage à la lumière de la question poïétique, et ce, autour du problème de la mise en place d’un «espace de rencontre avec les signes».
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La normalisation de la psychopathie chez Kubrick : comme une « orange mécanique »Magali Ouellet (UdeM - Université de Montréal)
Contrairement aux autres types de folie, la plupart d'entre nous ont une attitude ambivalente envers la psychopathie et les psychopathes. Nous admirons leur détermination et leur capacité de faire abstraction de certains types d’émotions. Nous envions leur attitude sans compromis. Ils possèdent une certaine droiture d’esprit et semblent polis, lisses, sans tare. Mais nous les craignons également, car nous les savons capables des pires atrocités.
Il existe une attitude similaire au cinéma. Les techniques cinématographiques utilisées dans les films où il y a des fous diffèrent selon la nature de la folie. Règle générale, nous reculons devant les folies disons “folles” et sommes attirés par les folies “raisonnées” comme la sociopathie et la psychopathie. Plusieurs oeuvres de Stanley Kubrick présentent des figures psychopathes et des figures tout simplement prises de folie : Dr. Strangelove, The Shining, Full Metal Jacket et, bien sûr, A Clockwork Orange.
En analysant ce film, noussouhaitons démontrer comment, à l’aide dela musique, du travelling arrière et de la voix narratrice,Stanley Kubrick nous place en position d’extrême empathie devant un protagoniste de toute évidence sans morale, normalisant ainsi sa psychopathie à nos yeux afin de rendre plus évidente et ainsi dénoncer une sociopathie systémique beaucoup plus grande et plus violente : celle des institutions (système carcéral et pénal, psychiatrie, réseaux médiatiques).
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Création de l’interprétation d’une œuvre musicale : l’ensemble du processus du point de vue cognitivisteMarie-Soleil FORTIER (UQAM - Université du Québec à Montréal), Isabelle Héroux (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Lorsqu’il interprète des œuvres musicales, le musicien professionnel doit démontrer sa maitrise technique, son expressivité et son originalité. Comprendre comment s’effectue ce travail de création d’une interprétation est essentiel afin de former les futurs musiciens, qu’ils soient enseignants ou interprètes. Les recherches actuelles visent à identifier les stratégies d’apprentissages d’une pièce musicale, et aucune ne s’intéresse à l’aspect créatif de l’interprétation. Ainsi, l’objectif de cette communication est de présenter la méthodologie et les résultats d’un projet pilote visant à décrire la création de l’une interprétation musicale en utilisant la psychologie cognitive comme cadre théorique. L’analyse de pratique par la recherche-création (Bruneau et Burns, 2007) est une avenue non explorée pour expliquer le processus de création d’une interprétation musicale. Ainsi, la chercheure, aussi concertiste, a enregistré et analysé son travail d’une pièce pour guitare afin d’en identifier les différentes étapes. La collecte de données a été réalisée grâce à l’enregistrement des répétitions pendant lesquelles la chercheure commente son travail à haute voix, jumelé avec la réponse à un questionnaire réflexif (Chaffin, 2001, 2003, 2006, 2008). L’analyse qualitative du contenu (Bardin 2006) a révélé la présence d’étapes précises, certaines confirmant des études antérieures de Chaffin (2001) et d’autres présentant des analogies avec la théorie de la créativité de Wallas (1926).
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Les casual games : définition à l’aide du savoir professionnel des designers de jeuxLaureline Chiapello (UdeM - Université de Montréal)
Le casual game fait partie des phénomènes majeurs recensés dans l’industrie actuelle du jeu vidéo, avec un potentiel de plus de deux millions de dollars de marché aux États-Unis (Kuittinen, Kultima, Niemel, & Paavilainen, 2007). Malheureusement, le nombre d’études scientifiques sur le sujet est restreint. En recensant les écrits universitaires et ceux (plus nombreux) émanant de concepteurs de jeux, nous avons pu constater que les définitions du casual game forment une véritable cacophonie (Bogost, 2007;Juul, 2009;Kapalka, 2006;Kuittinen et al., 2007;Kultima, 2009;Sheffield, 2008;Tams, 2006;Trefry, 2010). Aucune définition ne s’appuie véritablement sur une recherche en design de jeu. La dimension du design est implicite, et les auteurs utilisent des paradigmes de recherche qui ne sont pas clairement identifiés (Cross, 2006).
Notre hypothèse est donc qu’une recherche en design, menée avec la rigueur nécessaire et utilisant une méthodologie adaptée (Goodman, Stolterman, & Wakkary, 2011; Stolterman, 2008), doit conduire à une définition pertinente du casual game. En constatant les résultats intéressants (Singh & Hu, 2008; Wood, 2007; Wood, Rust, & Horne, 2009) obtenus en s’appuyant sur l’épistémologie du savoir professionnel de Schön (1983), nous avons choisi de recueillir le savoir professionnel de huit designers de jeu. Nos résultats nous permettent de proposer une nouvelle définition du casual game qui rend compte de la complexité de ce phénomène.
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La réussite artistique dans le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) : le cas des arts visuels contemporainsMarian Misdrahi-Flores (UdeM - Université de Montréal)
Notre texte porte sur les critères d'évaluation pour l’attribution des bourses au sein du programme d’appui à la création en arts visuels contemporains du CALQ dans des concours déroulés en 2005 et 2006. Lors des entrevues réalisées auprès des membres du jury et ayant comme référence conceptuelle l’analyse de Heinich sur l’évaluation des arts dans une commission municipale d’achat en France, nous avons identifié trois considérations clés pour l’attribution de bourses. Il s’agit de l’appartenance à l’art contemporain, le degré d’authenticité, et le degré du mérite où des caractéristiques sociales et professionnelles des candidats jouent un rôle prépondérant.