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Informations générales

Événement : 80e Congrès de l’Acfas

Type : Domaine

Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines

Date :
Responsables :

Programme

Communications orales

Du centre-ville à l'autoroute : arts et espaces

  • Jorge Luis Borges, flâneur de Buenos Aires
    Marina Vargau (UdeM - Université de Montréal)

    Les poèmes des années ’30 publiés dans les volumes Ferveur
    de Buenos Aires, Lune d’en face et Cuaderno San Martin, à
    part le fait qu’ils préfigurent tous les écrits ultérieurs de Borges, font
    émerger une figure singulière et emblématique de la modernité dans la
    ville de Buenos Aires: celle du poète-flâneur. Sur les traces d’Evaristo
    Carriego qui cherchait dans ses pérégrinations l’«âme du faubourg», le jeune Borges parcourt «la
    capitale de son cœur» en tant que flâneur, en cherchant «les soirs, les
    banlieues et le malheur» de sa ville natale. Durant ses flâneries, il collectionne
    des fragments architecturaux de sa ville - des rues, des places, des
    patios, des villas -, et aussi des éléments autres qui font la spécificité de
    la ville, comme le personnage du compadrito
    et la milonga. Ainsi, plutôt que de chanter les signes de la
    modernisation de Buenos Aires dans les premières décennies du XXème siècle, le
    flâneur Borges, nostalgique d’un temps révolu, chante la «déchirante beauté» des
    banlieues pour saisir ou bien inventer les dimensions mythiques et métaphysiques
    de sa ville tant aimée.

  • Wenders et la photographie de la route
    Jenny Brasebin (UdeM - Université de Montréal)

    À l’occasion d’une rétrospective Robert Frank organisée à Paris en 2009, des journalistes ont parlé de « road-movie photographique ». Cette expression d’apparence absurde, puisqu’elle pose une relation d’égalité entre cinéma et photographie, a le mérite de révéler l’existence d’une forme artistique qui serait en photographie l’équivalent du road movie. Ce genre spécifique et encore peu étudié, que Danièle Méaux nomme “Voyage de photographe”, pose la question du rapport entre mobilité et fixité de l’image. Si Wenders s’est illustré dans la réalisation de road movies, il mène en parallèle une activité de photographe qui a donné lieu à la publication d'un recueil de photos de la route intitulé Bilder von der Oberfläche der Erde. Cet ouvrage retient notre attention en raison du rapport qu’il instaure entre photographie, errance et cinéma. C’est cette relation intermédiale que nous souhaitons examiner ici. Nous posons que les photos de Wenders sont marquées par un refus de l’illusion du mouvement et qu’elles se distancient de la majorité des œuvres représentatives du genre. Nous établirons ensuite que les photos de Wenders s’inscrivent dans le champ plus vaste de ses productions filmiques, et qu’elles constituent un parcours à la fois rétrospectif et contrapunctique de son œuvre. Enfin, nous verrons que la photographie devient la matière même de ses films, notamment dans Alice in den Städten qui se présente comme une œuvre double, à la fois road movie et Voyage de photographe.

  • Regards sur le territoire industriel : partage de photographies et nouvelle sensibilité
    Michelle Bélanger (Université Laval)

    Depuis ces dernières années, on observe un engouement grandissant pour les paysages industriels et leur représentation photographique. Étant au départ l’apanage des artistes, les territoires issus de l'industrialisation obtiennent maintenant de plus en plus d’intérêt de la part des photographes amateurs. On semble ainsi porter un nouveau regard sur des territoires que l’on a longtemps refusé de considérer comme esthétiques. Curiosité nouvelle que l’on pourrait croire un phénomène isolé, la photographie de paysages industriels abonde sur les sites web de partage de photographies (tel Flickr). Cette présentation vise une meilleure compréhension de la façon dont s’est effectué le changement de regard sur le paysage industriel et du rôle que peut avoir eu le partage de photographies en ligne dans la naissance de cette nouvelle sensibilité. Il faudra tout d’abord tenter de voir ce qui, dans le contexte postindustriel présent, permet que l’on perçoive différemment le territoire industriel. Une brève étude d’images en circulation représentant le paysage industriel servira à illustrer ce passage de territoire à paysage. Le phénomène social de partage de photographies sera ensuite analysé afin de voir de quelle façon il a pu participer à l’attribution de nouvelles valeurs et significations aux paysages de l’industrie. L'étude de ce nouveau regard porté sur le paysage industriel permettra de mieux comprendre la qualité des rapports sociaux et culturels se développant envers lui.

  • Le sublime technoscientifique : les imaginaires technique et industriel dans la fiction française contemporaine
    Stéphanie Chifflet (Université Laval)

    L’imaginaire occidental semble empreint d’un « sublime technoscientifique » qui à la fois modèle notre rapport au monde et en est le produit. Le développement accéléré des sciences et des techniques (et leur convergence, ce qu’on appelle désormais les « technosciences ») et les mutations industrielles entretiennent cette image du sublime. Bien plus, les acteurs majeurs de ce « sublime technoscientifique » (l'ingénieur notamment) sont devenues des héros, les figures tutélaires du contemporain .Par le sublime technoscientifique, l'homme moderne exprime ses fantasmes et ses aspirations. L’analyse de textes littéraires nous permettra d’identifier les ressorts de ce sublime technoscientifique qui nous apparaît comme l’un des aspects majeurs et moteurs de l’imaginaire contemporain. En effet, la production littéraire contemporaine y recourt fréquemment, en particulier dans la littérature française où l’ingénierie et l’industrie apparaissent de façon récurrente. Pour étayer notre propos, nous nous concentrerons sur l’étude de récits et de romans : Paysage fer de François Bon (Verdier, 2000), Les Forges de Syam de Pierre Bergounioux (Verdier, 2007), Atelier 62 de Martine Sonnet (Le Temps qu’il fait, 1968), La Centrale d’Elisabeth Filhol (POL, 2010) et La Naissance d’un pont de Maylis de Kerangal (Verticales, 2010).

  • Réception sensible et efficacité politique : vers une conception de l’expérience esthétique spécifique au billboard art
    Benoit Jodoin (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Lorsque l’art s’affiche dans des espaces publicitaires (L. Levine, B. Kruger, J. Holzer), les œuvres sont soumises à la contingence de la réception. Celles qui portent en plus un message politique dépendent d’une disponibilité et d’une sensibilité soutenue de la part des spectateurs pour engendrer un effet. Pour Jacques Rancière, l’efficacité politique de l’art contemporain ne s’envisage qu’à partir d’une expérience esthétique qui, par la distance qu’elle instaure avec « l’expérience ordinaire du sensible », actualiserait ce qu’il appelle le pouvoir dissensuel de l’art. L’étude de l’efficacité politique du billboard art repose donc, en premier lieu, sur une expérience esthétique comme un état de réception optimal des oeuvres. Si la proposition de Rancière semble convenir au corpus, sa définition du concept est trop prescriptive pour véritablement cerner les possibilités de leur réception. De ce fait, à travers la synthèse de différentes approches en esthétique continentale (Y. Michaud), analytique (M. Beardsley), pragmatique (R. Shusterman) et en psychologie de la réception (M. Csikszentmihalyi) et, se basant sur les dimensions constitutionnelles décrites du concept, une conception de l’expérience esthétique adaptée au billboard art politique sera proposée. Elle sera composée de quatre dimensions (perceptuelle, communicationnelle, émotionnelle, intellectuelle) qui serviront de cadre analytique à l’évaluation de l’efficacité politique du corpus.

  • La production de l’œuvre murale publique à Montréal dans les années 1950 : le discours du monde de l’art public et ses représentations
    Danielle Doucet (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Nous étudions le discours tenu sur la production de l'oeuvre murale publique montréalaise des années 1950, une forte période constructive encore exempte de politique d'art public. L'analyse des écrits de 1950 à mai 1961 réalisée au doctorat en histoire de l'art met au jour les représentations des réseaux de collaboration et des rapports modernes murale-édifice ayant régi sa production. Elle montre que la murale décorant ou s'intégrant à l'édifice moderne est issue d'un processus collectif de commande publique, qui a émergé des interactions des acteurs de réseaux de collaboration - l'artiste, l'architecte et le commanditaire - formant un monde de l'art public; une adaptation à l'art public du concept de monde de l'art du sociologue Howard Becker. Ces acteurs ont défini les conditions de sa production par des conventions dirait Becker - un horizon d'attente social dirait le littéraire H. R. Jauss - concernant la procédure de sa commande et des conventions esthétiques, techniques, langagières et symboliques partagées ou transformées. Les énoncés révèlent une pratique muraliste plus importante que l'histoire de l'art ne le croit, ayant participé pleinement à définir la modernité artistique au Québec. L'exemple des murales abstraites géométriques de 1955 contredit l'idée reçue à l'effet que cette esthétique n'est alors survenue qu'en peinture, n'ayant pu s'exprimer en art public sous l'ère duplessiste, et atteste d'une pratique d'art public en phase avec celles internationales.

  • La marche des khatchkars en France : entre affirmation et mise en image du génocide arménien
    Analays Alvarez Hernandez (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Depuis la commémoration du 50e anniversaire du génocide arménien de 1915, une cinquantaine de monuments dédiés aux victimes de cette tragédie ont vu le jour en France. Plus d’un tiers sont des khatchkars – des stèles arméniennes associées au culte des morts et au religieux. Le nombre croissant de ceux-ci ainsi que la variété d’endroits qu’ils habitent dans l’Hexagone depuis les années 1970 – en se déplaçant progressivement des espaces privés et semi-privés vers des espaces publics – enjoignent à les penser comme s’ils exécutaient une sorte de marche. Ce constat permet de formuler l’hypothèse suivante : la marche des khatchkars en France s’inscrit dans le cadre des stratégies déployées par la communauté arménienne afin de mettre en image leur génocide dans l’espace public et d’agir pour sa reconnaissance universelle[i] et pour la condamnation du négationnisme. Dans le but d’échafauder un appareil conceptuel sensible de vérifier ce postulat, nous retenons les idées de Georges Didi-Huberman (1990) sur la prise en compte du contexte de vie des œuvres d’art et celles de Williams J. Thomas Mitchell (2004) concernant les désirs des images. Nous serons à l’écoute des khatchkars dans leur nouveau contexte de vie. Il révèleront de la sorte non pas ce qu’ils souhaitaient autrefois dans l’Arménie historique, mais ce qu’ils veulent, leur désir (ici et maintenant) en France.

    [i]Le génocide arménien a été officiellement reconnu par la France en 2001.


Communications orales

Regards croisés sur le féminin

  • Le supplice de Brunehaut dans les manuscrits peints : fragmentation, représentation, rédemption
    Lorène Guerre (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Cette recherche propose une réflexion historique sur le traitement de la figure de la reine Brunehaut dans l'hagiographie française en conduisant une analyse du motif du supplice dans des manuscrits peints (XIVe-XVe siècles). Elle interroge la pratique ancienne de la torture au Moyen-Âge en la situant dans l'espace contemporain de discussion et de confrontation des études féministes. La torture est ici fragmentation du corps et de l'identité. La souffrance est utilisée comme un mode de contrôle et de destruction des individus. Or la représentation de cette pratique de domination et de destruction porte en elle une ambiguïté, voire une antinomie, qui permet la redéfinition du sujet féminin. L'image est à la fois le théâtre du spectacle sadique de la torture dans lequel la femme est la proie du « male gaze », et un lieux de performance où les identités se déconstruisent et se reconstruisent ou encore se subvertissent et se déstabilisent. La femme suppliciée est châtiée. Elle est Ève, sorcière, pécheresse. Mais elle apparaît également comme martyre, sainte, Marie. Le motif de torture n'est plus seulement punition ; il est rédemption et salut divin. Si la figure de Brunehaut suppliciée sert dans un premier temps la propagande de Clotaire II en punissant symboliquement l'hybris de la reine noire, elle apparaît, dès le XIIIe siècle, comme l'outil de sa réhabilitation dans les manuscrits du De Casibus Virorum de Boccace et dans ses traductions.

  • Questionnement sur le progrès de la condition féminine et la libération artistique en Turquie : comparaison des autoportraits de Mihri Rasim (1886-1954) et d’Hale Asaf (1903-1937)
    Özlem Gülin Dagoglu (UdeM - Université de Montréal)

    Figure d’exception, Mihri Rasim (1886-1954) est la première plasticienne turque à vivre de son art. C’est elle qui, en 1914 à Istanbul, fonde l’École de beaux-arts pour femmes. Ce faisant, elle défie les conventions qui sont imposées aux femmes par la société et qui limitent la place de celles-ci dans la sphère publique en les reléguant à l’espace privé. Mais, est-ce que les changements structuraux de la société, à savoir les réformes du système d’éducation qui désormais offre la possibilité aux femmes de choisir le milieu des arts plastiques comme métier, ont vraiment eu un impact sur leur propre conception au sein de la société?

    Autrement dit, malgré sa vie d’avant-garde, dans Autoportrait avec la tasse de café, Mihri Rasim succombe-t-elle sous la pression de conformisme exercée par la société? Et au contraire, sa nièce, Hale Asaf (1903-1937) dans Autoportrait avec la palette dépasse-t-elle cette pression? L’analyse comparative de ces deux œuvres permet de contraster le rapport dialogique de Rasim et d’Asaf à leur identité et à leur identification comme femme et peintre. Ces toiles décrivent leur relation avec la société turque à deux moments différents et leur place dans celle-ci. Dans cette perspective, j’examinerai la place sociale de la femme actuelle turque pour souligner que, sous une modernité apparente, elle est encore soumise aux conventions ancrées dans les rapports interpersonnels.

  • Rajaa Al-Sanea : une Carrie Bradshaw saoudienne ou une La Malinche à son insu ?
    Sanaa Benmessaoud (UdeM - Université de Montréal)

    Banat Al-Riyyad (2005) de Rajaa Al-Sanea a connu un grand succèss international. Traduit en plusieurs langues, il a suscité une importante couverture dans les médias internationaux, comme The New York Observer, The Observer, et Paris Match. Les critiques éditoriales du roman racontent une autre histoire. Elles lamentent presque unanimement la médiocrité littéraire du roman, mais applaudissent l’écrivaine pour avoir ouvert une fenêtre sur la société saoudienne. Le roman fut aussi le sujet de plusieurs articles par la traductrice, Marilyn Booth, dont la traduction anglaise fut considérablement révisée par l’écrivaine et les éditeurs. Ces articles se sont ajoutés au paratexte du roman et, en tant que tel, jouent un rôle dans la médiation du texte au lecteur cible. La traduction et la réception de Banat Al-Riyyad en Occident soulèvent des questions : quels sont les paradigmes qui sous-tendent la réception de la littérature féminine arabe en Occident ? Comment l’écrivaine arabe est-elle appropriée et reconstruite à travers ses écrits dans un contexte transnational déjà saturé de stéréotypes ? Et l’écriture comme geste de résistance peut-elle transformer la femme arabe d’un objet du regard masculin occidental à un sujet agissant ? S’inspirant d’une interprétation féministe de l’orientalisme, et utilisant l’analyse critique du discours, l’article examine ces questions en analysant les traductions anglaise et française du roman de Sanea ainsi que son paratexte.

  • De la syncope volontaire : crises et chorégraphies de corps fous au cinéma
    Anne-Marie Auger (UdeM - Université de Montréal)

    Depuis le tout début, le cinéma semble avoir développé une relation toute particulière avec les images de femmes dérangées. Plus que tout, on remarque une certaine « spécificité visuelle » dans la folie telle qu’on la met en scène au cinéma. Quel médium pourrait mieux rendre l’aliénation du féminin et le désordre des sens? La folie, au cinéma, est visuelle, intense et spectaculaire. Elle se construit à travers le jeu et la performance des corps, le rythme étudié des cassures, de la syncope ou des «falling movements» (Carney, 1994). Si le corps semble obéir à une chorégraphie archiétudiée, il apparaît également grandement instable : Brenez (1998) dira que c’est un corps qui en fait trop, qui se situe toujours à la limite.

    L’objectif de cette communication est de questionner la mécanique propre à la mise en scène de corps fous au cinéma. En analysant des images tirées des films A Woman Under the Influence, (Cassavetes, 1974) et Repulsion (Polanski, 1965), nous verrons de quelle manière le cinéma recueille les symptômes de la folie : l'hyper-expessivité du corps, le mouvement fragmenté, la litanie de paroles, le tic, la convulsion, la contorsion, le tremblement. Finalement, en partant du présupposé d’Emmanuelle André dans Le choc du sujet (2011), nous verrons comment il est possible de se tenir à distance de la pathologie pour penser l’aliénation féminine essentiellement à partir du geste et de sa décomposition.

  • Le rire du pornographe. Les détours comiques dans trois romans pornographiques du 17e siècle
    Alex Bellemare (UdeM - Université de Montréal)

    Clandestine, dangereuse, coupée de l’espace littéraire officiel, la littérature pornographique de l’âge classique exerce sur le lectorat une fascination constante, tout en allant de pair avec le discrédit dans lequel on tient généralement l’illicite et l’obscène. Immoral et corrupteur, le roman pornographique du XVIIe siècle, qui puise à la source de l’imaginaire carnavalesque, procède d’une esthétique et d’une rhétorique fondées sur la séduction, le détournement et l’équivoque. Or, cette écriture érotique, associée volontiers au double-entendre et à la dissimulation du sérieux sous le léger, adopte, en marge du classicisme, une énonciation oblique et retorse. Le roman pornographique du XVIIe siècle, s’il fait bien du licencieux son thème privilégié, se propose pourtant plus de divertir le lecteur que d’exciter ses désirs. Ces textes, que les doctes qualifient de grossiers, de libertins ou d’infâmes, sont ainsi, plutôt curieusement, travaillés par un rire ayant une fonction transgressive et parodique. L’École des filles (1655) d’un auteur anonyme, Vénus dans le cloître (1672) de l’abbé du Prat et Le Rut ou la pudeur éteinte (1676) de Corneille Blessebois participent de cette veine romanesque. Dans une approche à la fois poétique et herméneutique, notre communication a pour objectif de dégager de ces trois textes représentatifs les enjeux esthétiques, philosophiques et anthropologiques que les romanciers pornographes mettent en œuvre par le biais du comique.

  • L’expérience esthétique dans Madame Bovary, roman utilitariste
    Julie Racine (UQAC - Université du Québec à Chicoutimi)

    Quels comportements identifiables produisent le plus de bonheur? Pouvons-nous considérer tous les plaisirs comme
    qualitativement égaux? Je propose une lecture philosophique contemporaine du roman de Flaubert, découlant de
    l’absence de réponse à ces questions qui y sont posées. À la lumière de sa conception du bonheur, élucidée à partir de la philosophie de John Stuart Mill, il s’agit de comprendre la quête de Mme Bovary comme une quête de vérité en tant qu’expérience d’elle-même, dans le sens entendu par Hans Georg Gadamer, dans Vérité et méthode. Emma, en effet, met en place les conditions matérielles de sa vie idéale, comme si elle se mettait en scène, comme si elle se préparait à une représentation. Et si le bonheur convoité relevait de l’être? Car le héros, nous dit Gadamer, se présente, parvient à la représentation à travers son image. Le contenu est indissociable de sa représentation : la représentation est la chose, la
    reconnaître c’est la faire exister. Par ailleurs, le roman de Flaubert obéit à une mécanique utilitariste profondément incompatible avec cette dimension spirituelle qu’Emma Bovary attache au bonheur, qui sera déterminante dans son inaptitude à l’atteindre. En somme, l’œuvre Madame Bovary porte sur l’expérience esthétique altérée, qui empêche la Vérité de
    l’Être de se manifester à travers sa représentation; elle questionne la dimension transcendante du bonheur, tout en démontrant son inaccessibilité dans la stricte matérialité de l’existence.

  • Écrire la mère qui meurt. Le rire angoissé de Marcel Proust
    Clara Dupuis-Morency (UdeM - Université de Montréal)

    Pour Marcel Proust, écrire la mère implique de penser la mère sous les différentes formes par lesquelles elle est perçue, à la fois dans la vie, la présence, la beauté, et dans le malgracieux, l'étrange et le grotesque de la maladie, mais aussi dans l'inconnu de la mort, la violence de la perte et l'ingratitude de l'oubli. Pour écrire cet autre versant de la mère, Proust a besoin d'une autre figure, d'une autre mère, pour écrire le maternel tel que perçu par la sensibilité propre à son narrateur ; il doit créer une statue qui pourra porter la trace de la « main impie » de l'écrivain. Sur la statue que façonne le narrateur, c'est-à-dire la fixation dans l'écriture de ce spectacle de la mort, on peut déceler la trace d'un rire, un rire angoissé devant l'horreur. Je propose, dans cette communication, d'interroger ce rire, que la critique proustienne a souvent soit laissé dans le silence ou expliqué par une filiation philosophique. Pour ma part, je veux présenter en quoi ce rire est non seulement un trait tout à fait singulier de l'« art vivant » proustien, mais aussi une étape essentielle dans l'écriture de la Recherche.


Communications orales

Arts et expositions à l'ère numérique 

  • Perceptions des visites muséales virtuelles par les adolescents et les adultes
    Benny Rigaux-Bricmont (Université Laval)

    En 2003, Joy et Sherry soulignaient le rôle de l’incarnation corporelle dans la visite
    d’un musée. Depuis, plus de deux milliards d’internautes explorent la toile, parfois
    représentés par leur(s) avatar(s). Quel est l’impact sur les musées et les
    effets de l’avatar sur l’expérience muséale virtuelle? Le matériel empirique
    sur lequel repose la présente étude, comprend les transcriptions de vingt-trois
    entrevues avec de jeunes adolescents (treize filles et dix garçons) ainsi que
    celles de deux entretiens de groupe (six femmes visitant régulièrement les
    musées et cinq hommes provenant du milieu culturel ou technologique),
    rencontres qui avaient pour thème principal la fréquentation des musées tant
    réels que virtuels. Si les adolescents expérimentaient la visite de musées
    virtuels avec un avatar, les adultes, eux, prenaient connaissance des offres
    disponibles à l’aide d’un support vidéo (musée sur internet et dans Second Life) afin de les affranchir des
    contraintes techniques liées aux interfaces de la toile. En appliquant le
    logiciel TROPES aux transcriptions, on examine les structures sémantiques de
    constellations ayant pour centres divers mots tels que musée, art ou visite.
    Une analyse comparative de ces constellations des différents groupes conduit à
    une meilleure compréhension du concept de visite chez les jeunes et chez les
    adultes, révélant aussi le potentiel des visites virtuelles. Une attention
    particulière est portée aux notions d’immersion et d’authenticité.

  • Le corps techno-biomédical : modalités de l’expérience immersive
    Marianne Cloutier (UdeM - Université de Montréal)

    Dans le contexte des arts visuels, le détournement des dispositifs hypermédiatiques propres à l’univers biomédical sont de plus en plus fréquents. Par certaines stratégies, le spectateur sera invité à vivre une expérience immersive grâce à un univers multisensoriel construit à partir de données issues d’autres corps, qui auront préalablement été sondés et scrutés par diverses technologies (endoscopie, microscopie électronique à balayage,etc). En transformant nos rapports communs à la notion d’échelle, ainsi qu’aux notions d’intérieur/extérieur, le spectateur sera transporté de la fascination pour le corps sublimé en paysage fantastique, au désenchantement, voire la répulsion, face au corps trivial et imparfait qui est pourtant notre seul moyen d’être au monde, comme l’a si bien décrit Foucault dans son essai Le corps utopique, les hétérotopies. Chez d’autres artistes, le corps sera représenté comme écosystème peuplé de bactéries et de micro-organismes, pourtant essentiels à son bon fonctionnement et à sa survie. Ces conceptions mèneront à la reformulation de notre définition même de l’identité (Carosella & Pradeu), qui devra être pensée comme pluralité soumise au changement perpétuel. Par les œuvres de Domingues/Artecno Group, Mona Atoum, Justine Cooper, Athena Tacha et Phillip Warnell nous verrons comment ces dispositifs immersifs deviennent des hétérotopies, intimités projetées à même l’espace public, renouvelant nos rapports au corps.

  • L’image de l’exposition muséale dans la publicité télévisuelle
    Caroline Buffoni (Université d'Avignon et des pays de Vaucluse)

    Dans le but de découvrir les stéréotypes relatifs à l'exposition muséale, une analyse sémiotique et communicationnelle a été menée sur un corpus de spots publicitaires télévisés européens et nord-américains, réalisés entre 1975 à 2011. L'originalité de la recherche réside dans le choix de ce corpus permettant de saisir les représentations socialement associées à l'exposition non pas in situ via des entretiens avec les visiteurs et/ou l'observation de leurs pratiques de visite mais dans l'image publicitaire. Il ressort que l'image publicitaire s'appuie majoritairement sur le stéréotype du musée-temple c'est-à-dire une institution à l'architecture néo-classique dont l'exposition sert principalement à la présentation sacralisante et à la protection d'oeuvres d'art - précisément de chefs-d'œuvre. Cela dit, il n'en demeure pas moins que des indices liés au stéréotype du musée-forum sont également présents en filigrane via l'intégration au sein du décor d'éléments de médiation et surtout par la mise-en-scène donnant à voir des expositions fréquentées par des visiteurs qui échangent à propos de ce qui leur est montré. Moins vraisemblable mais tout aussi intéressante, l'image de l'exposition muséale dans la publicité véhicule la figure d'un visiteur-anti-héros qui transgresse plus ou moins violemment mais systématiquement les conventions muséales socialement admises.

  • L’impact d’Internet dans le développement de la controverse autour de l’exposition Hide/Seek: Difference and Desire in American Portraiture
    Julia Roberge Van Der Donckt (UdeM - Université de Montréal)

    Amorcées à la fin des années 1980, les guerres culturelles américaines ont opéré sur de multiples terrains, la sphère muséale ne faisant pas exception. Certaines institutions américaines sont ainsi devenues le théâtre de luttes idéologiques largement médiatisées opposant progressistes et conservateurs. Après une dizaine d’années de relative quiétude, le monde muséal a été secoué récemment par une polémique de grande envergure . Cette fois, les interactions entre les acteurs impliqués étaient d’un ordre différent, les nouvelles technologies ayant changé la donne quant à la naissance et le développement des controverses. Le vaste débat engendré par l’exposition Hide/Seek : Difference and Desire in American Portraiture, présentée à la National Portrait Gallery de Washington D.C. entre octobre 2010 et février 2011, est en partie attribuable à un emploi intensif des médias sociaux, pôle de médiation aux possibilités virtuellement illimitées. Une temporalité nouvelle s’introduit, le conflit se développant désormais en temps réel. Il s’amorce également un changement dans le degré de publicité de la controverse muséale, le terrain de cette dernière semble s’être élargi, internet ayant créé un nouvel espace public. Il s’agira d’examiner la nature des interactions induites par ce changement de paradigme en analysant plus particulièrement le début de la controverse, moment particulièrement révélateur en ce qui concerne le rôle exercé par les médias sociaux dans cette polémique.

  • La websérie : un problème de définition
    Audrey Bélanger (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    L’Internet est un média qui diffuse toutes sortes de formats se déclinant en plusieurs genres (des textes, des images, de l’audio, des images animés) ayant diverses origines. Parfois certains documents sont conçus pour d’autres médias, par exemple la télévision, et s’importent sur le web, et d’autres sont conçus pour être diffusés et consommés sur le web et rayonnent ensuite dans un autre média. Certaines œuvres tentent même d’être interactives, par exemple une forme hybride entre l’image en mouvement et le jeu vidéo. Cette multitude d’objets audiovisuels se trouvant sur Internet évoque le problème de leur définition et de leurs caractéristiques. Comment les différencier les uns des autres? De nombreux vidéos forment une série, mais sont-ils tous des webséries? Le terme websérie est présentement utilisé pour englober plusieurs types d’oeuvres qui sont un peu fictionnelles, un peu documentaires et un peu d’autres choses. Il est important de relever les caractéristiques de la websérie et de tenter une première définition d’un nouveau genre. En comparant différentes webséries québécoises avec des genres établis au cinéma (saga, feuilleton) et à la télévision (sitcom, série lourde), il est possible de faire ressortir certaines caractéristiques de la websérie. Cette analyse s’appuie sur les travaux de Barrette (2010), de Jost (2011) et d’Arsenault (2011).

  • Du papier au numérique : nouvelles potentialités de la bande dessinée
    Anthony Charbonneau Grenier (Université Laval)

    À la toute fin du XXe siècle et à l’orée du XXIe siècle, le développement et la démocratisation rapide d’Internet ouvrent un nouvel espace créatif aux artistes et, parmi eux, aux auteurs de bande dessinée. Les premières œuvres qui sont alors diffusées sur la Toile exportent en bloc toutes les conventions formelles et narratives de la bande dessinée sur papier. Toutefois, à mesure que les bédéistes deviennent plus aguerris et que le support lui-même devient plus malléable, commencent à apparaître des œuvres qui tirent profit des nouvelles possibilités offertes par le support numérique. Espace virtuellement illimité et lieu de confluence de tous les médias, Internet se révèle en effet un laboratoire privilégié de l’exploration formelle.

    La visée de cette communication sera de démontrer les nouvelles possibilités exclusives au support web dont profitent les bandes dessinées numériques et d’analyser leur potentiel narratif. Il sera notamment question de l’intégration du son et du mouvement au sein de créations en ligne, des usages possibles de l’hypertexte, des voies inédites empruntées par l’interactivité dans la construction du récit et des diverses propriétés de la page infinie. Ce dernier point sera traité plus en détails puisque c’est sans doute par l’usage qu’elles font de l’espace que les bandes dessinées numériques se démarquent le plus manifestement des autres littératures disponibles en ligne mais aussi des bandes dessinées sur papier.


Communications orales

Réécritures, reprises et traductions

  • Chimène amoureuse : enjeux et conséquences de l’innovation de Guillén de Castro dans Las mocedades del Cid (1618) pour la postérité du personnage de Chimène
    Eloïse Lanouette (UdeM - Université de Montréal)

    Le couple de Chimène et de Rodrigue, chevalier espagnol connu comme le « Cid Campeador », est associé à jamais dans l’imaginaire culturel occidental. Notre thèse doctorale (en rédaction) compare le personnage de Chimène dans deux pièces-phare de la littérature espagnole, d’abord « Las mocedades del Cid » de Guillén de Castro (1618) puis « Anillos para una dama » d’Antonio Gala (1973), créées dans deux périodes d’intense activité intellectuelle, le Siècle d’Or et la fin du franquisme.

    L’objectif de la communication est de brosser un bref panorama de la représentation de Chimène en partant de l’œuvre-charnière qu’est la pièce de Castro. Les œuvres du Moyen-Age (comme la chanson de geste du « Poema de Mio Cid » ou les poésies populaires du « Romancero ») nous présentent une Chimène qui, si elle fait preuve de tendresse envers son mari, ne l’aimait pas forcément avant de l’épouser. Pour enrichir la portée dramatique de sa pièce, articulée entre les thèmes de l’honneur et de l’amour, Castro imagine, en 1618, une inclination mutuelle entre les deux jeunes gens. Cette innovation immédiatement reprise par Corneille dans « Le Cid » (1637) pose un jalon capital pour la postérité du personnage. La thématique romantique reprise, entre autres, par Massenet pour son opéra « Le Cid » (1884) et Anthony Mann pour son film « El Cid » (1961), sera plus tard démystifiée par Antonio Gala qui remettra en question le portrait d’une Chimène amoureuse.

  • La critique au second degré : Improvisations sur Balzac de Michel Butor
    Pierre-Olivier Bouchard (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Les Improvisations sont des essais critiques où Michel Butor réfléchit sur les œuvres d’auteurs avec lesquels il estime partager certaines idées, certaines préoccupations. Il est dès lors étonnant de constater que la plus volumineuse de ces études soit consacrée à Balzac, dont l’esthétique semble très éloignée de celle de Butor. Ma communication démontrera que dans les Improvisations sur Balzac, Butor pose les jalons de sa propre esthétique en plaçant à l’avant-plan certaines de ses propres préoccupations littéraires. Il existerait donc deux niveaux de lecture à cet ouvrage, l’un traitant de Balzac, l’autre de Butor. Ce chevauchement invite à des rapprochements inédits et à des interprétations nouvelles de chacune des deux œuvres. En me basant sur les travaux critiques de Mireille Calle-Gruber et de Jean Starobinski, j’expliquerai d’abord les modalités de ce discours à deux niveaux, qui n’a été jusqu’à maintenant que très peu étudié. Je fournirai ensuite un exemple démontrant comment l’analyse d’un texte de Balzac (La peau de chagrin) par Butor repose sur des principes esthétiques propres à certains de ses textes (L’emploi du temps, Mobile). Cette analyse sera centrée sur le thème de la géographie, qui revêt une grande importance chez les deux auteurs. Ma communication s’engagera dans une voie originale puisqu’elle rapprochera d’une manière inédite deux auteurs en apparence opposés en plus de contribuer à mettre en valeur les travaux critiques de Butor.

  • La citation visuelle contemporaine : la série photographique et vidéographique Le Radeau de la Méduse (100 Mile House) de l’artiste Adad Hannah
    Lynn Bannon (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Suite à la rédaction d’un article à paraître sous peu (RS-SI (janvier 2012)) intitulé La citation visuelle contemporaine. Le cas du changement de médium dans l’œuvre Le Radeau de la Méduse (100 Mile House) 1 d’Adad Hannah, je me propose de présenter et de prolonger le travail de recherche à l’origine de cette publication en abordant les effets consécutifs des transformations matérielles dans les images citantes. L’hypothèse à vérifier sera donc celle du changement de médium et examiner en quoi le transfert médiumnique dans les œuvres citationnelles constitue une stratégie permettant au citateur de se représenter lui-même comme « relanceur » des arts.

    Pour ce faire, je pendrai à témoin l’ensemble images (photos et vidéos) qui composent la série de Hannah et qui reproduisent différemment la toile source de Géricault. Le choix du corpus d’analyse repose sur l’aspect formel inédit des œuvres de cette série qui combinent le tableau vivant, la photographie et la vidéo (Still), forme d’expression inédite qui interroge et réinterprète les paramètres et les axiomes esthétiques traditionnels. Et c’est là que réside la portée critique du changement de médium, puisque chaque mode d’expression devient un vecteur permettant la réinterprétation et la rénovation de motifs anciens reproduits dans l’image de citation. D’ailleurs, le but avoué de cette étude est de mettre au jour le fait que l’acte de citer ne signifie pas restituer à l’identique un déjà-là mais réaliser à nouveau.

  • Les textes de la drogue : une entreprise de réécriture
    Annie Monette (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    L’écriture et la consommation d’une drogue peuvent paraître deux activités difficilement conciliables. La drogue jette le sujet dans des bouleversements perceptifs et psychiques qui se révèlent souvent revêches à l’expression — s’ils ne sont pas carrément indicibles (de Certeau, 1982). Le psychotrope absorbé mine (parfois irrémédiablement) ses capacités de remémoration et de reconstitution. Le simple fait de tenir un crayon et de tracer des signes relève, dans certains cas, de l’exploit. Malgré ces écueils, plusieurs auteurs ont consigné par écrit leur expérience de la drogue. Leurs textes présentent en ce sens une volonté de re-tracer l’expérience, de re-trouver, à travers les réminiscences ou les quelques notes prises en cours d’expérimentation, le chemin des mots (Arslan, 2000; Fintz, 1997) : l’écriture de la drogue s’effectue à rebours. Dans le cadre de cette communication, nous proposons d’envisager ce mouvement particulier de l’écriture de la drogue en examinant les textes de différents auteurs (Michaux, Huxley, Duits, Benjamin). Il s’agit de montrer comment l’écrit se déploie dans cette entreprise de re-mise en mots de l’expérience. Nous considérons que l’écriture de la drogue est avant tout « ré-écriture » : il est question de re-composer, de re-construire l’expérience, mais aussi (et même surtout) de la re-vivre, la re-faire — cette fois au moyen du langage. La drogue semble dès lors un pré-texte à l’écriture et le texte lui-même, un nouvel espace expérientiel.

  • Les surtitres au théâtre
    Jean-François Boisvenue (UdeM - Université de Montréal)

    Le sujet qui nous intéresse trouve sa source dans les surtitres à l’opéra qui existent depuis la propagation de ce genre lyrique hors de son pays d’origine, l’Italie. Seulement, grâce au développement des technologies pour la scène, ces surtitres sont maintenant de plus en plus utilisés au théâtre, et ce, spécialement lors de festivals internationaux qui diffusent des spectacles en langue étrangère. Cette communication exposera les limites des surtitres qui transforment nécessairement l’expérience théâtrale. Cette réalité entraîne deux principaux problèmes. Le premier est celui de la traduction. Il est évident qu’une perte de sens s’opère dans la transposition d’une langue à une autre ; et de ce fait, le spectateur ne comprend assurément pas l’œuvre comme elle a été pensée et créée par le ou les artistes qui l’ont produite. L’autre problème s’articule autour de la performativité. Le spectateur, souvent occupé à lire les surtitres, perd inévitablement une bonne partie de l’œuvre vivante pour se concentrer sur ces images scripturales figées. Par contre, après avoir identifié les défauts des surtitres, nous avancerons que ceux-ci répondent logiquement à un besoin, et qu’ils sont en mesure d’assurer une expérience artistique améliorée. Les surtitres entraînent naturellement une perte de sens, mais ils permettent également de transmettre une énorme quantité de sens qui serait perdue en raison du problème de la langue étrangère qui est mal ou non comprise.


Communications par affiches

Session d'affiches

  • Production imaginaire et enrichissement du traitement donné à des objets d’art
    Isabelle BOISVERT (UdeM - Université de Montréal), Colette Dufresne-Tassé (UdeM - Université de Montréal), Dominique MARIN (UdeM - Université de Montréal), Annie VARVARICOS (UdeM - Université de Montréal)

    Une production imaginaire abondante aide-t-elle davantage qu'une production limitée à enrichir le sens donné à une peinture ou à une sculpture présentée dans une exposition?
    Nous avons tenté de répondre à cette question à partir des "discours" produits par 30 adultes tirés d'un échantillon stratifié de 90 qui "pensaient tout haut" durant leur parcours d'une collection de peintures et de sculptures présentées dans un musée de beaux arts. Quinze de ces visiteurs sont ceux des 90 qui ont eu la production imaginaire la plus élevée, alors que les 15 autres sont ceux qui ont eu la production la plus basse.
    Les données obtenues indiquent que la production imaginaire de ces visiteurs donne lieu à quatre cas de figure employés différemment par les visiteurs qui emploient le plus et le moins leur fonctionnement imaginaire.

    Présentation et interprétation des données obtenues


Communications orales

Arts et engagement politique

  • Les intellectuels de l’Union sacrée : un seul discours ? Le cas du Mercure de France, 1915
    Claudia Berthiaume (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    Dans les rapports tumultueux entre textes et contextes, les guerres furent des moments marquants, changeant les débats. Le plus souvent, l’état d’esprit était univoque : impossible d’écrire sur autre chose que le conflit en cours. À l’aube de la Grande Guerre, le Mercure de France est toutefois reconnu pour être une revue favorisant l’autonomie de la littérature, décriant le patriotisme et la militarisation. Il a pourtant suivi le courant de « mobilisation des esprits ».

    Je souhaite analyser ce tournant de plus près, à partir d’articles parus lors de la reprise du Mercure de France (1915), afin de vérifier si mon corpus agit comme une cristallisation collective ou s’il diffère des idées véhiculées par les intellectuels de l’Union Sacrée. Est-ce que tous les articles liés à la « culture de guerre » publiés dans la revue forment un seul discours réécrit par différentes mains ? Le Mercure a-t-il son lot de dissidents ?

    En me basant sur la théorie du discours social d’Angenot, des travaux faits sur la « culture de guerre », ainsi que des recherches sur l’histoire des revues j’exposerai les éléments du discours de l’Union Sacrée, cette « mobilisation générale » qui ne s’était encore jamais vue chez les intellectuels français. Puis, j’expliquerai en quoi cette génération est liée à la précédente, qui a vécu la défaite de 1870. J’analyserai ensuite des articles du Mercure pour démontrer comment les acteurs de la revue s’inscrivent dans le modèle patriotique qui prévalait à l’époque.

  • La « résistance culturelle » de Liberté : éthos et héritage dans le manifeste « Assoiffés de sens »
    Rachel Nadon (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Publié en 2006 sous le thème «La résistance culturelle», le numéro 273 de la revue Liberté marque l'arrivée d'un nouveau groupe d'intellectuels au sein du comité de rédaction. Je me propose d'analyser la mise en place, par le manifeste «Assoiffés de sens», d'un discours de la résistance. Celui-ci se fonde sur une double stratégie discursive: le comité de rédaction construit d'abord un ethos de la lutte; il s'inscrit parallèlement dans la filiation des intellectuels engagés d'ici et d'ailleurs. En m'appuyant sur les travaux de Ruth Amossy, je retracerai les subjectivèmes et les désignations collectives afin de définir le «nous» de Liberté. La rhétorique du manifeste étant en lien étroit avec l'ethos de la lutte, je plongerai au cœur du discours afin d'en dégager la structure ainsi que les couples axiologiques (Marc Angenot, La parole pamphlétaire). Avec «Assoiffés de sens», les membres de Liberté dépassent le projet des fondateurs de la revue pour effectuer une prise de position politique et esthétique. À l'instar des écrivains existentialistes des Temps modernes, des signataires du Refus global et des intellectuels des années soixante, ils arriment l'art au politique. Je conclurai en démontrant que la valorisation de ces filiations participe d'un refus de l'ère du désenchantement; combinée à l'ethos de la lutte, elle permet l'écriture au présent d'un nouveau Grand Récit, celui d'une communauté d'«assoiffés de sens».

  • Analyse de la relation intersubjective initiée par le journaliste en contexte d’entretien médiatique politique : le cas de l’émission Pencum Sénégal de Keurgoumak
    Dalla Malé Fofana (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Au lendemain des élections présidentielles de 2000, le Sénégal tourne la page sur 40 ans de régime socialiste, et traverse pacifiquement les élections les plus redoutées de son histoire politique. La presse privée, nouveau contre-pouvoir, «élit» son candidat. Une fois aux commandes, cet homme « idéal » est loin de faire l’unanimité selon les médias indépendants, qui, du coup, constituent un obstacle pour lui. Il s’instaure alors un bras de fer entre les ex-alliés. À deux ans de la fin de ce mandat, une webradio créée par un émigrant sénégalais, voit le jour (Keurgoumak). Le concepteur décide, à travers des interviews (Pencum Sénégal) de personnalités politiques, de poser un regard neutre et objectif sur le septennat finissant. Mais une radio au dispositif technique presque assimilable à du « journalisme citoyen », née dans des conditions sociopolitiques si particulières, peut-elle être neutre? Peut-elle échapper à la subjectivité, avec des interviews si politiquement colorées? Nous allons observer et analyser, à travers la conduite des entretiens médiatiques par le journaliste, des éléments axiologiques qui pourraient mettre à jour une forme de subjectivité biaisée et partisane. Notre approche a une orientation énonciative et interactionnelle.

    Mots clefs : entretien médiatique, discours médiatique, énonciation, subjectivité, approche conversationnelle-interactionniste, argumentation, wolof, Sénégal.

  • Patriotisme ardent et patriotisme modéré dans l’œuvre de Marie-Claire Daveluy
    Joël Lagrandeur (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Depuis les Rébellions de 1837-1838, de nombreuses oeuvres ont présenté le patriotisme canadien-français de l'époque, parfois en en faisant l'éloge, parfois en en faisant la critique, et en le décrivant tantôt comme rassemblant ou diviseant le peuple canadien-français. À travers ces nombreuses oeuvres, deux romans jeunesse de Marie-Claire Daveluy, Le Richelieu héroïque et sa suite, Michel et Josephte dans la tourmente, publiés d'abord dana L'oiseau bleu à la fin des années 1930, puis en volumes en 1940, viennent dresser un portrait intéressant du patriotisme canadien. Jusqu'ici peu étudiées, ces oeuvres dressent, dans le contexte des Rébellions de 1837-1838, un portrait de deux "factions patriotes", celle des patriotes "ardents", prêts à prendre les armes pour combattre l'oppresseur britannique, et celle des patriotes "modérés", qui privilégient plutôt la voie de la patience et de la conciliation afin d'obtenir des concessions des autorités britanniques afin d'améliorer le sort des Canadiens français. Or, loin de simplement dresser ces deux portraits, on remarque bien rapidement que, si Daveluy, fait tout de même l'éloge de l'une et l'autre de ces deux formes de patriotisme, elle leur prête toutefois des résultats bien différents et laisse même-sous entendre que l'une de ces formes sert beaucoup plus efficacement la cause des Canadiens français que l'autre. C'est ce phénomène que nous nous proposons de présenter.

  • Le genre cinématographique « péplum », une médiation de l’Antiquité pour l’exposition d’archéologie ?
    Camille Moulinier (Université d'Avignon et des pays de Vaucluse)

    La contemplation des vestiges n’est plus l’unique forme de médiation privilégiée dans le musée d’archéologie antique. Celle-ci exige la possession d’une réelle culture concernant l’histoire de l’Antiquité. Aussi, a-t-on davantage recours à toute une panoplie de dispositifs, dits de reconstitution. La notion de fiction attachée à la reconstitution suggère une mise en scène, et par là une narration, dans l’exposition des objets archéologiques. La reconstitution permet de transporter le visiteur dans le passé « comme s’il y était » et de lui montrer les choses mieux qu’il n’aurait jamais pu les voir. Elle fait adhérer le visiteur à des simulacres. C’est l’illusion de la réalité ; une illusion consciente et consentie par le visiteur. En quoi le péplum, un genre cinématographique par nature populaire, concerne t-il la médiation de l'Antiquité et plus largement de l'archéologie ? Le péplum n’est pas destiné à informer le spectateur sur l’Antiquité mais ne peut-il pas avoir une valeur cognitive ? L’analyse de dispositifs de reconstitution du musée d'archéologie permet d’établir une contiguïté avec le genre péplum. De plus, l'étude des représentations sociales de l'Antiquité véhiculées par le film péplum permet de s'interroger sur le processus d'appropriation de l'imagerie de l'Antiquité du péplum chez le spectateur, une imagerie stéréotypée de cette période historique.



  • Les limites et les enjeux de la reconstitution historique dans le récit cinématographique
    Bruno Maltais (UdeM - Université de Montréal)

    Que ce soit à l’écrit ou dans un film, la reconstitution authentique d’un événement historique relève de l’impossibilité. Cette communication cherchera à cerner les limites de la reconstitution historique dans le récit cinématographique de fiction dans le but d’en comprendre les véritables enjeux. La démonstration des limites et des enjeux du film historique se fera en étudiant l’approche spécifique de deux réalisateurs, à savoir Pierre Falardeau et Michel Brault. L’objectif est d’analyser la façon dont les deux réalisateurs conceptualisent et rédigent leur scénario à partir de documents historiques (journaux personnels, livres d’histoire, etc.), la façon dont ils mettent en images le passé et quelles sont leurs véritables intentions dans cette entreprise. Ainsi, ce sera plus particulièrement la reconstitution historique au sein du cinéma québécois dont il sera question ici – le film historique québécois demeurant un champ de recherche peu exploré. Nous croyons donc être en mesure de démontrer que la mise à jour de l’approche des réalisateurs va révéler les limites de la reconstitution (impossibilité de tout savoir, évolution de la langue et des mentalités, restrictions budgétaires, etc.) en même temps que ses tenants et aboutissants (recherche d’authenticité, nécessité de la fiction, regard sur le présent par le passé, etc.). Cette nouvelle approche ne se réduit pas à identifier les anachronismes comme le fait si souvent la critique cinématographique.

  • L’exposition d’un symbole de la guerre civile espagnole, Guernica : un outil de travail pour les mémoires individuelles et collectives
    Jessica Cendoya (Université d'Avignon et des pays de Vaucluse)

    En Espagne, il est difficile d’aborder le thème de la guerre civile (1936-1939) et de la mémoire de ses victimes sans que cela ne génère des clivages. En décembre 2007, la loi votée sur le devoir de mémoire a divisé et divise encore l’Espagne (Bennassar, 2009). Il est donc complexe pour l’Etat de construire un musée dédié à la guerre civile. Cependant, au Musée National Centre d’Art Reina Sofia une unité d’exposition est consacrée à la contextualisation historique et artistique de Guernica réalisé à Paris par Pablo Picasso en 1937 durant la guerre civile espagnole.

    C’est dans ce contexte politique et social que cette communication vise à savoir si l’on peut considérer l’exposition et les expôts comme des outils nécessaires à une nation - ayant vécu un évènement traumatique - pour entreprendre un travail des mémoires individuelles et collectives ?

    Nous présenterons les résultats d’une étude des publics effectuée au MNCARS. Quarante espagnols de 20 à 80 ans ont été interrogés dans les salles et après leur visite. L’objectif est de montrer comment la réception des moyens scénographiques mis en œuvre par un musée national, à travers un symbole international, peut non pas corroborer un devoir de mémoire mais amorcer - suivant la génération ou le contexte politique et social dans lequel a grandi le visiteur - un travail des mémoires individuelles et collectives (Ricœur, 2000) auprès des publics originaires de cette nation.

  • Inspirante vie d’artiste. Quand le chef d’orchestre devient modèle de leadership pour la société québécoise
    Danick Trottier (UdeM - Université de Montréal)

    À deux reprises au cours de la dernière année la revue Affaires Plus s’est intéressée aux chefs d’orchestre les plus charismatiques de la scène québécoise : Yannick Nézet-Séguin a fait partie de ses « hyperactifs [qui] multiplient les projets » (décembre 2010-janvier 2011), puis Kent Nagano a fait la première page sous le titre « Dirigez comme Nagano » (féevrier-mars 2011). Si le chef d’orchestre est un cas limite dans la réalité professionnelle du musicien de par le star-système dans lequel il évolue, son statut n’en demeure pas moins révélateur des forces socioéconomiques qui affectent le monde des arts à l’heure actuelle : la nécessité d’une image qui vend et qui inspire la communauté pour l'artiste ou le musicien qui y gravite. Les deux numéros de Affaires Plus nous permettront de comprendre comment le statut de chef d’orchestre est représenté chez une élite de la finance qui cherche à en faire le modèle de ses propres valeurs : inspiration, vision, direction, réussite, leadership, etc. Si bien qu’à la fin cette représentation de la vie de chef a plus à voir avec l’image que se fait le milieu des affaires de l’artiste adulé, conquérant et autoritaire. Mais cela en dit aussi beaucoup sur les attentes sociales qui sont projetées du côté des chefs d’orchestre, qui sont vus comme des piliers inestimables de la communauté sociale à laquelle ils appartiennent. C'est ainsi que Nagano et Nézet-Séguin sont devenus des modèles d’accomplissement pour la société québécoise actuelle.

  • Tension entre philosophie et politique : le visage à trois faces de Jean-Jacques Rousseau
    Etienne Bolduc (Université Laval)

    Il existe un conflit irréductible entre les deux sphères hétérogènes que sont la philosophie et la politique, ce qui amène le philosophe à se questionner sur la manière de se comporter dans une communauté sociale. En fait, trois postures s’offrent à lui. Le philosophe trouve une place dans le monde politique soit 1) en forçant ses interlocuteurs à remettre en question le donné (incitation à la conversion philosophique) ; soit 2) en faisant passer sa philosophie pour une opinion (participation au jeu des apparences pour parvenir à ses fins) ; soit 3) en prenant ses distances (philosophie en retrait). La pensée de Jean-Jacques Rousseau est le chantier idéal pour illustrer et mettre à l’épreuve ces postures intellectuelles. Cet auteur du XVIIIe siècle pratique à la fois la philosophie engagée en dénonçant les absurdités de l’ordre politique (Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes), la philosophie rusée en employant la ruse et les subtilités afin de parvenir à ses fins (Contrat social, Émile, La Nouvelle Héloïse) et la philosophie en retrait en choisissant parfois de se tourner vers lui-même comme pour éviter de s’attirer les foudres publiques (Rêveries du promeneur solitaire et Confessions). Plutôt que de voir Rousseau comme un auteur peu cohérent qui semble souffrir d’un dédoublement, voire d’un détriplement, de personnalité, il convient de l’aborder comme un penseur qui possède la souplesse d’adopter le ton philosophique qui convient.


Communications orales

Particularismes et universalismes

  • Comment peut-on être Amérindien ? Le De regione et moribus canadensium seu barbarorum Novae Franciae (1710) au miroir des Relations des jésuites
    Fannie Dionne (UdeM - Université de Montréal)

    Le père jésuite Joseph de Jouvency n'a jamais été en Nouvelle-France, ce qui ne l'a pas empêché d'écrire en 1710 De regione et moribus canadensium seu barbarorum Novae Franciae, texte basé en grande partie sur les Relations des jésuites qui décrit la faune, la flore et les mœurs des "Sauvages" de Nouvelle-France. Mais comment l'auteur décrit-il les Amérindiens qu'il n'a jamais vus? Pourquoi avoir publié un tel texte plus de trente ans après la fin de la publication des Relations?

    Pour répondre à ces questions, je vais d'abord faire un bref survol du but des Relations et de la description des Amérindiens y étant faite. Ensuite, je traiterai de la vision des "Sauvages" dans le texte de Jouvency. Enfin, grâce au contexte historique et à l'analyse de la fin du De regione, je poserai quelques hypothèses pour expliquer pourquoi Jouvency a publié son texte.

    Selon mes premiers résultats, il semble que Jouvency soit, à l'instar de plusieurs missionnaires, assez ouvert aux Amérindiens pour leur trouver non seulement des défauts, mais aussi plusieurs qualités. Le jésuite a probablement écrit De regione à la fois pour répondre à la demande d'un public intéressé aux mœurs étrangères, mais aussi pour faire de la propagande à la Compagnie de Jésus.

    À la suite de travaux comme ceux d'H.J. Westra, mon projet va contribuer à faire avancer la recherche à propos de ce texte peu étudié jusqu'à récemment.

  • La collection d’art inuit Brousseau : dialogue entre art inuit et art québécois au Musée national des beaux-arts du Québec
    Angèle Richer (UdeM - Université de Montréal)

    En 2005, le Musée national des beaux-arts du Québec (désormais le MNBAQ) acquiert la collection d’art inuit Brousseau, qualifiée de «pôle identitaire au même titre que Jean-Paul Riopelle, Jean Paul Lemieux et Alfred Pellan ». Au MNBAQ, essentiellement tout espace est consacré en tout temps à l’art québécois. En effet, le mandat étant de promouvoir et conserver l’art québécois, le récit se caractérise par l’homogénéité culturelle de la collection. Or, l'inscription de l'acquisition dans la mise en scène permanente s’avère problématique en raison de sa particularité marchande et canadienne. Aussi, le transfert en 1983 de la collection ethnographique d’objets amérindiens au Musée de la civilisation du Québec avait permit au MNBAQ de se consacrer entièrement à l’art. Après presque trente ans d’absence, on peut se demander où le Musée se positionne maintenant à l’égard de la nouvelle présence autochtone. Il s’agit donc d’un changement récent et important dans l’histoire et dans l’orientation de la collection du Musée. La situation suscite une pondération autour d’un nouveau dialogue, établit entre art inuit et québécois. Nous nous fions surtout sur des entrevues, des observations sur le terrain et de la recherche archivistique. L’insertion de cette collection substantielle développée a priori sans rapport à la celle du MNBAQ invite à repenser le récit global muséal, surtout en ce qui a trait à la transition discursive en cours autour du nouveau complexe muséal.

  • La démocratisation dans les musées de beaux-arts en France et au Québec. Quelle évolution pour quels publics ?
    Alice Chatzimanassis (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    En 1958, avec la création du Ministère de la Culture, Malraux inaugure une politique de démocratisation culturelle. Celle-ci influencera les musées à plusieurs égards ; on entend rendre accessible au plus grand nombre les chefs-d’œuvre de l’art. La démocratisation se comprend alors comme la volonté d’ouvrir symboliquement le musée aux publics qui n’en sont pas familiers. Les moyens de médiation se déploient dans et autour de l’exposition parallèlement au développement des services aux visiteurs.

    Qu’en est-il aujourd’hui de la démocratisation dans les musées d’art ?

    En 2006, Jean Caune affirme que la politique instituée par Malraux est un échec partiel. Les travaux de Bourdieu dénonçant l’inégalité des visiteurs face aux œuvres d’art font encore écho. Malgré de nombreux progrès, pourquoi les musées d’art, particulièrement, semblent-ils résister à ce mouvement ?

    Pour répondre à ces questions, nous tâcherons tout d’abord de redéfinir le concept même de démocratisation. Il paraît ensuite intéressant de mettre en perspective les situations française et québécoise car, bien qu’il y ait des similitudes dans l’apparence actuelle des institutions, il s’agit véritablement de deux traditions ou cultures muséales différentes. La mise en œuvre du projet de démocratisation culturelle, de part et d’autre de l’Atlantique, a probablement pris des tournures divergentes. Cette analyse comparative nous amènera peut-être à identifier les obstacles à sa réalisation.

  • Analyse des pratiques d’enseignement au regard de l’exposition d’art au secondaire
    Véronique PROULX (École Villa Ste-Marcelleine), Laurence Sylvestre (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Dans le cadre d’une recherche exploratoire visant à mieux connaître le rôle de l’élève dans le travail de l’exposition d’art en milieu scolaire primaire et secondaire, une étude de cas multiples portant sur la compréhension des pratiques d’enseignement a été réalisée auprès de quatre enseignants spécialisés en arts plastiques. Au regard des perspectives de l’éducation préconisées au Québec ainsi que dans un grand nombre de pays occidentaux dont les fondements reposent sur l’implication de l’élève dans l’acquisition de ses connaissances, nous avons tenté de comprendre comment les enseignants procèdent pour impliquer l’élève dans le travail de l’exposition. Dans cette communication, nous présentons plus précisément le projet intitulé Se vêtir d’art réalisé auprès d’un groupe d’élèves du 1er cycle du secondaire.Les résultats mettent en relief les approches et les stratégies mises en application pour favoriser la participation active de l’élève. Ils apportent une meilleure compréhension des pratiques quant au rôle de l’élève dans le travail de l’exposition et contribuent à augmenter les connaissances en enseignement des arts plastiques.

  • Les trois rôles de l’artiste de théâtre dans l’éducation artistique et culturelle des adolescents franco-ontariens
    Laurence Valérie Thibault (CREDP - Centre de recherche et d’enseignement sur les droits de la personne)

    En Ontario français, l'école s'est donné le mandat de promouvoir la langue et la culture françaises et reconnaît que l'art peut y contribuer (Ministère de l'éducation de l'Ontario, 1999, 2000, 2004). Les recherches ont principalement porté sur l’expérience des élèves et des enseignants, (Théberge, 2006a, 2006b, 2006c, 2007a, 2007b), plus rarement sur celle des professionnels (Théberge, 2008 et 2009). La présente recherche examine comment des artistes du théâtre franco-ontarien créent pour le public adolescent et comment ils pensent contribuer à son éducation artistique et culturelle. Le cadre conceptuel s'inspire du modèle systémique de créativité (Csikzentmihalyi, 1999, 2006) qui permet d'identifier la relation entre artiste et public dans le processus de création. Les données présentées sont issues d'une recherche doctorale de nature ethnométhodologique incluant seize artistes en période de création. La communication présente trois concepts émergents: l'artiste conteur, l'artiste formateur et l'artiste passeur (Thibault, 2010). Cette recherche fait connaître le travail des artistes, leurs initiatives et les besoins qu'ils identifient en matière de formation du public adolescent et des adultes qui l'accompagnent. Les résultats peuvent contribuer à approfondir l'intégration de la création professionnelle à l'éducation artistique et culturelle en Ontario français.

  • Interculturalisme et métissage artistiques
    Florence Leyssieux (UdeM - Université de Montréal)

    L'interculturalisme est une des clés de voûte des politiques d'intégration développées au Québec. Axées sur une notion d'échange et de réciprocité, les relations interculturelles prennent des formes variées plus ou moins marquées. Un des domaines privilégiés de ces relations est le domaine artistique, plus particulièrement le domaine musical. Les moyens mis en oeuvre pour valoriser la diversité culturelle et artistique montréalaise favorisent les partenariats entre artistes locaux et artistes immigrants ainsi que le métissage entre musique occidentale et musiques du monde.

    La musique, souvent qualifiée de langage universel, favorise-t-elle la bidirectionnalité relationnelle propre à l'interculturalisme ? Les rapprochements de différentes cultures musicales encouragent-ils une ouverture vers l'Autre?

    Les propos d'interprètes et de compositeurs recueillis lors d'enquêtes de terrain permettront d'identifier la nature des influences et des relations qui s'instaurent lors d'un métissage musical. Des exemples de parcours et de réalisations d'interprètes immigrants et québécois viendront illustrer cette notion d'interculturalisme appliquée à la musique.

    Dans le cadre d'une recherche sociomusicologique sur la place et le rôle des musiciens immigrants au Québec, cette communication tentera de démontrer que l'interculturalisme musical est un outil pertinent pour affronter et apprivoiser l'altérité et qu'il influence les pratiques artistiques et les valeurs culturelles du public québécois.

  • La posture d’un écrivain migrant : l’éthos aporétique de Jean Jonassaint dans la revue interculturelle Dérives (1975-1987)
    Élyse Guay (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Dans cette communication, je me propose d'examiner la revue Dérives, Tiers-Monde/Québec, une nouvelle conjoncture culturelle (1975-1987) à l’aune de ses conditions sociales d’énonciation. En m'appuyant sur les recherches récentes de Ruth Amossy et de Jérôme Meizoz, j'étudierai par quels procédés discursifs sont construits l'éthos et la posture de Jean Jonassaint, le cofondateur de Dérives. Je m'appliquerai à montrer comment cet auteur haïtien remet en question les représentations collectives de l’être écrivain grâce à une double stratégie rhétorique. Pour ce faire, j'analyserai d'abord les espaces de recherche-création, « Notes pour une recherche » (n° 12) et « La déchirure du corpstexte » (n° 29-30, no° 36) où Jonassaint projette une image auctoriale à la limite de la spectralité. L'analyse se concentrera davantage sur les textes de présentation marquants : « Des cultures, du Québec » (n° 29-30), « Et puis écrire et puis » (n° 50) et « Prospectives/Perspectives » (n° 51). Deux procédés discursifs ressortent de ces textes liminaires : d'une part, l'énonciation in absentia opère un effacement de la subjectivité; de l'autre, les marques de l'énonciation diffusent l'image d'un locuteur engagé qui effectue une prise de position forte. Je conclurai en montrant que cette posture marginale et aporétique participe aux relations dynamiques entre les revues interculturelles et, plus spécifiquement, à un processus de légitimation constitutif du sous-champ de l'écriture migrante.

  • L’universel dans L’Idiot du Vieil-Âge de Jean-Pierre Verheggen : stratégies francophones d’ouverture
    Andrée-Anne Fréchette (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    Les poètes francophones du Nord sont plus souvent qu’autrement confinés au statut de poète régional, d’où leur difficulté à percer le marché parisien et à atteindre son vaste bassin de lecteurs. Pour Lise Gauvin et Jean-Marie Klinkenberg, la circulation du livre est justement liée à des phénomènes de représentation et, de ce fait, la communauté de langue n’est pas garante d’une compréhension réciproque entre l’écrivain et le lecteur, condition nécessaire à la fortune d’une œuvre littéraire. Face à cette réalité, l’écrivain doit faire un choix : soit il s’intègre à la littérature française, soit il s’attache à son périphérisme, allant même parfois jusqu’à se réclamer d’une littérature nationale. Entre l’assimilation et la marginalisation, il y a toutefois une quantité de postures intermédiaires. L’exemple de Jean-Pierre Verheggen, qui représente dans ses textes la culture wallone tout en recevant les prix littéraires français, donne l’espoir d’en finir avec l’impasse institutionnelle. Je m’attacherai donc à relever, dans L’Idiot du Vieil-Âge de Verheggen, les stratégies textuelles favorisant l’ouverture des poésies francophones, notamment l’ironie, l’humour noir, l’oralité et le poème-récit.


Communications orales

Questionner la discipline artistique, redéfinir le genre

  • Poétique et fictionalisation du reportage de guerre sous le Second Empire
    Veronique Juneau (Université Laval)

    Nous souhaitons investiguer un objet d'étude méconnu, le reportage de guerre des premiers temps, en France, sous le Second Empire, en appréhendant ce genre journalistique dans une nouvelle perspective ouverte sur un croisement fertile entre littérature et presse écrite. Notre communication s'efforcera de mettre à jour un des "maillons de transition" jusqu'à maintenant manquant de l'histoire du journal en remontant aux origines d'une pratique échappant toujours à un protocole d'écriture rigide, et dont l'ancrage référentiel n'empêche nullement les emprunts à la fiction. Puisque presse et littérature étaient, au XIXe siècle, fortement en corrélation, nous jugeons pertinent d'interroger le reportage de guerre, ce récit d'expérience du monde, à la fois dans ses dimensions médiatiques spécifiques et dans ses traits fictionnels. À l'instar d'autres genres du journal, le reportage de guerre applique aux évènements un traitement subjectivé dont les enjeux se situent tant du côté de la réalité que de la fiction. Aussi, comptons-nous identifier les traits constitutifs d'une poétique spécifique du reportage de guerre tel qu'il apparait dans sa forme émergeante en France et ce, à travers les figures de cinq reporters (Edmond About, Amédée Achard, Jules Claretie, Ernest Dréolle et Albert Wolff), qui, durant les guerres franco-italienne, austro-prussienne et franco-prussienne, ont contribué à l'essor extraordinaire que connaitra le grand reportage au cours de la Belle-Époque.

  • La reconnaissance du cinéma comme art : l’impact du discours
    Lénaïg Le Faou (Université Rennes 2)

    À l'époque des premières projections les bandes cinématographiques, envisagées comme divertissement ou innovations scientifiques, ne sont pas conçues pour donner naissance à un art. Cependant, à mesure que les années passent, les films évoluent et les discours que l'on porte sur eux changent : le cinéma est progressivement institué comme art. Ce processus a fait l'objet de nombreuses études, mais la relation entre la légitimation du cinéma et les textes qui lui sont consacrés est peu interrogée. Je me propose d'aborder cette question en croisant certains des discours tenus sur le cinématographe au cours de ses premières années d'existence avec des écrits portant sur le cinéma des origines rédigés dans les années 1940 et 1950, décennies marquées par un retour historiographique sur les « pionniers » du cinéma. Si les premiers écrits consacrés au cinématographe visent avant tout à produire une définition de l'« objet cinéma », les historiens des années 1940 et 1950 semblent proposer une reconfiguration de cette définition, en envisageant le cinéma des premiers temps comme les prémices de l'art cinématographique. En analysant les similitudes et les écarts entre ces différents textes replacés dans leur contexte de production, je tenterai d'étudier comment les discours portés sur le cinéma ont contribué à sa reconnaissance comme art et pourquoi ces actes de langage, entre évaluation et réévaluation, contribuent à agir sur la définition même du médium.

  • Les structures métriques et hypermétriques dans le 4e mouvement d’Ambient V d’Ana Sokolovic
    Roxane Prevost (Université d’Ottawa)

    L’analyse du rythme dans la musique post-tonale peut être très complexe, surtout si l’on considère la possibilité d’analyser ce répertoire sous l’angle de structure métrique. Certains chercheurs, tels que Morris (1987), Hyde (1984), Forte (1980) et Babbitt (1972), analysent le rythme comme un objet fixe dans la musique post-tonale, alors que Roeder (1994) nous propose un modèle basé sur des accents afin de confirmer un réseau de « pulse streams » dans la musique de Schoenberg. Même si ces études nous offrent d’excellents outils pour analyser un répertoire post-tonal, il est également possible de considérer des structures métriques et hypermétriques dans le contexte de ce répertoire si l’on est flexible avec le concept du temps de mesure. Hasty (1997) argumente que les structures métriques ne sont pas nécessairement des structures fixes et qu’elles peuvent être aussi flexibles que le rythme d’une œuvre. Lorsque le temps de mesure n’arrive pas au temps attendu, soit trop tôt ou trop tard, il interprète ce phénomène comme une accélération ou un ralentissement dans le contexte du temps de mesure. « Ambiant V » de la compositrice québécoise Ana Sokolovic peut être analysé non seulement dans le contexte d’une structure métrique, mais aussi une structure hypermétrique, en adoptant cette flexibilité. Ceci nous permet d’interpréter le rythme de l’œuvre, ainsi que d’apprécier la richesse que nous offre la compositrice par sa musique.

  • Application de la théorie du recueil à la revue littéraire : le cas des premiers numéros de la revue de poésie Exit
    Marie-Pier Laforge-Bourret (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    La revue en général, principalement la revue littéraire, est souvent décrite comme « une œuvre collective » dans laquelle « se déploie une écriture plurielle » (Pluet-Despatin : 1992), ce que l’on constate par la présence de plusieurs auteurs et types d'écriture différents dans un même numéro. Cette définition permet de relier ce médium au recueil : un « mode de publication soumis au régime de polytextualité », qui « se présente […] comme la réunion de textes complets et indépendants » (Audet : 2000) et qui « transforme les textes qu’il rassemble » (Dumont : 2010). Ainsi les poèmes publiés dans une revue seraient transformés par leur cohabitation avec d’autres poèmes écrits par différents auteurs et par l’idéologie véhiculée dans l’éditorial. Chaque publication pourrait donc être lue comme un recueil de textes qui se situerait lui-même dans une série de recueils, constituée par tous les numéros de la revue au fil des années.

    C’est à partir de la théorie du recueil, développée par René Audet, François Dumont et Irène Langlet, que nous proposons une ébauche de la théorie du recueil revuiste, ce qui n’a pas été réalisé jusqu’à ce jour. Nous souhaitons la mettre en pratique à l’aide des trois premiers numéros de la revue Exit, une revue québécoise publiant de la jeune poésie depuis 1995. Nous questionnerons principalement l’idée de transformation et de mouvement perpétuel que subit la revue, observables entre autres à travers son paratexte (visuel de la revue, éditoriaux).

  • Pour une approche énonciative de la jaquette péritextuelle : l’exemple d’Autoportrait d’Édouard Levé
    Stephane Girard (Université de Hearst)

    Cette présentation se propose d’interroger une dimension bien précise du paratexte éditorial pouvant sembler périphérique à prime abord : la jaquette (qui se veut, à la base, simple outil de marketing, sa fonction étant « d’attirer l’attention par des moyens plus spectaculaires qu’une couverture ne peut ou ne souhaite s’en permettre » aux dires de G. Genette dans Seuils). Cela dit, plutôt que de considérer la jaquette de strict point de vue de la mise en marché du livre, je pose l’hypothèse qu’elle peut également être investie par l’ethos de l’écrivain et du coup participer à la construction de son identité auctoriale : elle pourrait donc aussi avoir une fonction énonciative.

    À partir de l’outillage somme toute récent que mettent à notre disposition l’analyse du discours, la pragmatique littéraire et les théories de l’énonciation, je ferai l’analyse de la jaquette de couverture du livre intitulé Autoportrait (2005, P.O.L) de l’écrivain français Édouard Levé. Comme son titre l’indique, cet ouvrage entreprend de dresser un portrait de la personnalité de son auteur, s’inscrivant par le fait même dans le registre de l’autonarration. Dans cette optique, je postule que l’entreprise d’« individualisation » de Levé sort du cadre strictement scriptural pour en investir également l’espace péritextuel, qui participe, dès lors, à la mise en forme de cet autoportrait au même titre que les énoncés qui le composent.

  • Entre iconoclasme et efficacité symbolique : l’œuvre Faction d’Anne-Marie Ouellet
    Karine Delage (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Œuvre iconoclaste, sur le mode de l’efficacité symbolique, le dernier projet d’Anne-Marie Ouellet, artiste québécoise émergente dans le milieu des arts visuels, éprouve jusqu’à leurs limites les médiums les plus empruntés par les artistes contemporains. Dans une perspective sociocritique multidimensionnelle, l’art conceptuel, l’art relationnel, l’art déambulatoire, l’installation et le cyberart sont notamment réunis de manière subtile dans FACTION pour confronter les codes formels attendus d’une œuvre d’art. Si d’un côté, les marches en formation groupée s’imposent à la vue d’un « faux public », de l’autre, ces « actions » créées par Ouellet sont, pour les « spectateurs initiés », essentiellement à lire, voire à faire. Cette communication questionne la tension introduite par l’artiste entre voir, lire et faire ; nous montrerons comment l’iconoclasme moderne (Gamboni, 1983) sert ici une œuvre qui explore les rouages de la performativité (Austin, 1962), spécialement des actes écrits, et le pouvoir de la représentation dans le sens dialectique de W.J.T Mitchell — soit entre mots et images. Encore largement ouvertes dans le champ de l’anthropologie, les réflexions sur l’image en termes d’efficacité symbolique (Mauss, 1950) sont à peine abordées dans celui de l’histoire de l’art, alors que la notion d’iconoclasme y est connexe.

  • Les matières de l’art inuit : enquête sur 27 sculptures de la collection de la Galerie de l’UQAM à l’ère biotechnologique
    Anne-Marie Belley (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    J’oriente l’étude des sculptures inuites de la collection de la Galerie de l’UQAM vers les spécificités organiques des matières qui les composent : principalement les pierres mais aussi les peaux, os, dents, bois, ivoire et pigments. La provenance de ces sculptures demeure inconnue, la moitié de celles-ci sont non-signées et seule l’identification à quelques artistes permet d’émettre l’hypothèse qu’elles ont été produites au Nunavik dans la décennie 1950. Devant ces lacunes méthodologiques, je propose d’analyser celles-ci au plus près de leur contexte de production, soit à partir de la pierre extraite du territoire où vivent les artistes. Au moyen des données géologiques/biologiques/géographiques et des rencontres in situ avec des artistes au sujet des conditions particulières d’approvisionnement et du travail de la pierre, je détourne les obstacles récurrents de la recherche sur l’art autochtone canadien et québécois. À l'heure où des chercheurs ont découvert de la «serpentinite qui pourrait jouer un rôle majeur dans l’apparition des premières biomolécules propice à l’émergence de la vie primitive terrestre» (CNRS, Communiqué de presse, 19/10/2011) ; où le gouvernement québécois élabore le «Plan Nord» pour exploiter les matières premières ; et où les biotechnologies défient nos conceptions historiques et artistiques du passé, de nouveaux axes de recherche transdisciplinaires sur l’art inuit pourraient être déterminants dans la constitution de notre mémoire collective.